2008-06-28
Le nouvel héros mâle
De trois films récents (et purs produits de la machine hollywoodienne) se dégage la même trajectoire du héros masculin. Dans le film The Incredible Hulk, nous retrouvons Bruce Banner dans une favela brésilienne, en train de mener une vie des plus ordinaires. Et les choses ne font que s'aggraver quand il se transforme en monstre vert qui casse tout sur son passage, le rappelant à son sort de proscrit poursuivi de tous. Dans le nouveau film, il est réhabilité (aux yeux de quelques-uns, au moins) quand il risque sa vie pour affronter un monstre encore plus destructif.
Dans Get Smart, le héros est un simple employé d'une agence du renseignement étatsunien, qui rêve de quitter son poste dans un bureau pour opérer sur le terrain comme les vrais agents. Mais quand les événements réalisent son rêve, il se révèle d'une maladresse alarmante pour sa partenaire qui le soupçonnera même d'avoir menti à ses supérieurs pour se faire bien voir. Afin de se disculper, il risquera sa vie pour sauver Los Angeles et le président. Un instant, on le croira mort, mais il aura d'ores et déjà gagné l'affection de sa belle...
Quant à Wall·E, le robot éponyme est une machine vieillissante, purement utilitaire mais vaillante, affectée à une tâche entièrement prosaïque — le nettoyage de la Terre abandonnée par l'humanité. En essayant de suivre le robot qu'il aime, il a le don de se mettre dans des situations impossibles, qui exaspèrent l'objet de son affection. Mais quand il se sacrifie pour sauver l'humanité, Wall·E se mérite amour et reconnaissance.
Ainsi, le nouvel héros masculin, qu'il soit mutant, mécanique ou maladroit, conquiert celle qu'il aime en faisant oublier ses travers, ses gaucheries, son irresponsabilité, à force de dévouement. Si c'est ce qu'il faut pour sceller un lien d'affection, on comprend mieux... l'attrait de Jésus pour les croyantes. Ben oui, le personnage de Jésus dans les évangiles a ses côtés casse-tout et un peu délinquant (aux noces de Cana, etc.) mais quand on a besoin de lui pour racheter l'humanité, il est là, cloué sur la croix!
Dans Get Smart, le héros est un simple employé d'une agence du renseignement étatsunien, qui rêve de quitter son poste dans un bureau pour opérer sur le terrain comme les vrais agents. Mais quand les événements réalisent son rêve, il se révèle d'une maladresse alarmante pour sa partenaire qui le soupçonnera même d'avoir menti à ses supérieurs pour se faire bien voir. Afin de se disculper, il risquera sa vie pour sauver Los Angeles et le président. Un instant, on le croira mort, mais il aura d'ores et déjà gagné l'affection de sa belle...
Quant à Wall·E, le robot éponyme est une machine vieillissante, purement utilitaire mais vaillante, affectée à une tâche entièrement prosaïque — le nettoyage de la Terre abandonnée par l'humanité. En essayant de suivre le robot qu'il aime, il a le don de se mettre dans des situations impossibles, qui exaspèrent l'objet de son affection. Mais quand il se sacrifie pour sauver l'humanité, Wall·E se mérite amour et reconnaissance.
Ainsi, le nouvel héros masculin, qu'il soit mutant, mécanique ou maladroit, conquiert celle qu'il aime en faisant oublier ses travers, ses gaucheries, son irresponsabilité, à force de dévouement. Si c'est ce qu'il faut pour sceller un lien d'affection, on comprend mieux... l'attrait de Jésus pour les croyantes. Ben oui, le personnage de Jésus dans les évangiles a ses côtés casse-tout et un peu délinquant (aux noces de Cana, etc.) mais quand on a besoin de lui pour racheter l'humanité, il est là, cloué sur la croix!
Libellés : Films
2008-06-27
Un ancêtre du réseau?
À la suite de la parution d'un article dans The New York Times le 17 juin dernier, j'ai découvert le Mundaneum de Mons, en Belgique. Bien avant que Vannevar Bush signe son essai « As We May Think » dans The Atlantic en juillet 1945, le Belge Paul Otlet (1868-1944) avait imaginé quelque chose comme un réseau de machines permettant d'accéder de loin à l'informaton et il aurait même pressenti le concept de l'hyperlien documenté permettant de relier deux ouvrages. Paul Otlet n'est-il pas d'ailleurs un des fondateurs des standards bibliographiques modernes? En 1935, dans un essai intitulé Monde : essai d'universalisme, il écrivait :
« L'homme n'aurait plus besoin de documentation s'il était assimilé à un être devenu omniscient, à la manière de Dieu même. À un degré moins ultime serait créée une instrumentation agissant à distance qui combinerait à la fois la radio, les rayons Röntgen, le cinéma et la photographie microscopique. Toutes les choses de l'univers, et toutes celles de l'homme seraient enregistrées à distance à mesure qu'elles se produiraient. Ainsi serait établie l'image mouvante du monde, sa mémoire, son véritable double. Chacun à distance pourrait lire le passage lequel, agrandi et limité au sujet désiré, viendrait se projeter sur l'écran individuel. Ainsi, chacun dans son fauteuil pourrait contempler la création, en son entier ou en certaines de ses parties. »
De concert avec Henri La Fontaine (1854-1943, Prix Nobel de la Paix en 1913), Otlet avait mis au point une Classification Décimale Universelle et œuvré pour la fondation du Mundaneum, conçu à l'origine comme un centre de documentation à caractère universel. L'institution avait bénéficié d'un certain soutien belge dans l'espoir que la Belgique finirait par attirer des éléments de la Société des Nations durant l'entre-deux-guerres. Otlet avait fini par imaginer une Cité Mondiale du savoir et de la connaissance pour laquelle Le Corbusier aurait réalisé des plans et maquettes. Il s'agissait pour la Cité de rassembler, à un degré mondial, des grandes institutions consacrées au travail intellectuel : bibliothèques, musées et universités.
On en saura plus en lisant le livre de Françoise Levie, L'Homme qui voulait classer le monde (Prix du Parlement de la Communauté française de Belgique 2007).
Le destin d'Otlet rappelle à point l'Europe s'est sabordée entre 1914 et 1945, sombrant dans une seconde Guerre de Trente Ans qui a anéanti des décennies de capital intellectuel accumulé et d'utopies louables au nom du nationalisme, du militarisme et des traditions. Si les États-Unis ont pris le relais, presque à leur corps défendant, c'est beaucoup par défaut... en attendant de succomber aux mêmes maux, si ce n'est déjà fait.
« L'homme n'aurait plus besoin de documentation s'il était assimilé à un être devenu omniscient, à la manière de Dieu même. À un degré moins ultime serait créée une instrumentation agissant à distance qui combinerait à la fois la radio, les rayons Röntgen, le cinéma et la photographie microscopique. Toutes les choses de l'univers, et toutes celles de l'homme seraient enregistrées à distance à mesure qu'elles se produiraient. Ainsi serait établie l'image mouvante du monde, sa mémoire, son véritable double. Chacun à distance pourrait lire le passage lequel, agrandi et limité au sujet désiré, viendrait se projeter sur l'écran individuel. Ainsi, chacun dans son fauteuil pourrait contempler la création, en son entier ou en certaines de ses parties. »
De concert avec Henri La Fontaine (1854-1943, Prix Nobel de la Paix en 1913), Otlet avait mis au point une Classification Décimale Universelle et œuvré pour la fondation du Mundaneum, conçu à l'origine comme un centre de documentation à caractère universel. L'institution avait bénéficié d'un certain soutien belge dans l'espoir que la Belgique finirait par attirer des éléments de la Société des Nations durant l'entre-deux-guerres. Otlet avait fini par imaginer une Cité Mondiale du savoir et de la connaissance pour laquelle Le Corbusier aurait réalisé des plans et maquettes. Il s'agissait pour la Cité de rassembler, à un degré mondial, des grandes institutions consacrées au travail intellectuel : bibliothèques, musées et universités.
On en saura plus en lisant le livre de Françoise Levie, L'Homme qui voulait classer le monde (Prix du Parlement de la Communauté française de Belgique 2007).
Le destin d'Otlet rappelle à point l'Europe s'est sabordée entre 1914 et 1945, sombrant dans une seconde Guerre de Trente Ans qui a anéanti des décennies de capital intellectuel accumulé et d'utopies louables au nom du nationalisme, du militarisme et des traditions. Si les États-Unis ont pris le relais, presque à leur corps défendant, c'est beaucoup par défaut... en attendant de succomber aux mêmes maux, si ce n'est déjà fait.
Libellés : Histoire, Technologie
2008-06-26
La SF latino-américaine, la suite
Il y a quelques mois, j'avais fait le tour de mes découvertes du monde de la SF latino-américaine en-ligne. Mais je n'avais pas épuisé ses richesses et ses secrets. Par exemple, un grand amateur brésilien de fictions temporelles, Octavio Aragão, a créé le blogue Intempol sur le sujet. On y retrouve des fictions en portugais ainsi qu'une entrevue en anglais avec Harry Turtledove. Toujours en portugais, Roberto de Sousa Causo a signé une nouvelle de politique-fiction en-ligne, « Mi casa, su casa » On peut également lire la SF latino-américaine en italien : Schegge di futuro est une anthologie téléchargeable des meilleurs auteurs fantastiques de l'Amérique latine, dont Yoss (Cuba) et Sergio Gaut vel Hartman (Argentine).
Du Mexique, on peut jeter un coup d'œil aux nouvelles de Ricardo Bernal, dont « Microscopio ».
La dernière fois, j'avais négligé ce qui se faisait au Chili, mais des classiques de la SF chilienne sont offerts par le site de la revue culturelle Tau Zero. Il faut se tourner vers la page sur la science-fiction du site de la Memoria chilena pour comprendre l'inclusion dans ces classiques de L'An 2440 de Louis-Sébastien Mercier, mais c'est parce que ce roman d'anticipation français a été interdit au Chili par un édit du roi d'Espagne dès sa parution au XVIIIe siècle. Un tour d'horizon de la SF chilienne est aussi fourni par cet atlas de la science-fiction du site Puerto de Escape. Au Chili, l'influence francophone semble certaine, voire déterminante, grâce encore à Jules Verne... Selon Carolina Ahumada Caamaño, « La ciencia ficción chilena tiene sus raíces indiscutibles con la obra de Francisco Miralles “Desde Júpiter“, escrita en 1878 bajo el pseudónimo de Saint Paul. Este autor tiene claras influencias en la obra de Julio Verne y trata de un “santiaguino magnetizado” y de su “viaje” a otros mundos. »
Au Pérou, il existe aussi la revue Argonautas, signalée çà et là, ou encore là. Le principal blogue associé à la revue est d'une rare laideur au niveau des mariages de couleurs...
Pour ce qui est de la SF en espagnol, du côté européen de l'Atlantique, j'en profite pour signaler une revue espagnole, Aurora Bitzine, qui opère (depuis douze ans?) sous la forme d'un webzine. Sa page de liens sera particulièrement utile pour ceux qui désirent explorer le monde de la SF castillane. Toujours en Espagne, le Catalan Miquel Barceló a signé (en espagnol) un essai sur les rapports entre science et magie pour un site sceptique. C'est également d'Espagne que nous vient une revue en-ligne, Hélice, sur la critique littéraire qui, à en juger par les numéros les plus récents, s'intéresse beaucoup à la science-fiction et au fantastique... Quant à l'Association espagnole de fantastique, science-fiction et horreur, elle publie un webzine d'information, Espora, qui inclut des nouvelles en anglais sur les actualités de la SF en Espagne.
Du Mexique, on peut jeter un coup d'œil aux nouvelles de Ricardo Bernal, dont « Microscopio ».
La dernière fois, j'avais négligé ce qui se faisait au Chili, mais des classiques de la SF chilienne sont offerts par le site de la revue culturelle Tau Zero. Il faut se tourner vers la page sur la science-fiction du site de la Memoria chilena pour comprendre l'inclusion dans ces classiques de L'An 2440 de Louis-Sébastien Mercier, mais c'est parce que ce roman d'anticipation français a été interdit au Chili par un édit du roi d'Espagne dès sa parution au XVIIIe siècle. Un tour d'horizon de la SF chilienne est aussi fourni par cet atlas de la science-fiction du site Puerto de Escape. Au Chili, l'influence francophone semble certaine, voire déterminante, grâce encore à Jules Verne... Selon Carolina Ahumada Caamaño, « La ciencia ficción chilena tiene sus raíces indiscutibles con la obra de Francisco Miralles “Desde Júpiter“, escrita en 1878 bajo el pseudónimo de Saint Paul. Este autor tiene claras influencias en la obra de Julio Verne y trata de un “santiaguino magnetizado” y de su “viaje” a otros mundos. »
Au Pérou, il existe aussi la revue Argonautas, signalée çà et là, ou encore là. Le principal blogue associé à la revue est d'une rare laideur au niveau des mariages de couleurs...
Pour ce qui est de la SF en espagnol, du côté européen de l'Atlantique, j'en profite pour signaler une revue espagnole, Aurora Bitzine, qui opère (depuis douze ans?) sous la forme d'un webzine. Sa page de liens sera particulièrement utile pour ceux qui désirent explorer le monde de la SF castillane. Toujours en Espagne, le Catalan Miquel Barceló a signé (en espagnol) un essai sur les rapports entre science et magie pour un site sceptique. C'est également d'Espagne que nous vient une revue en-ligne, Hélice, sur la critique littéraire qui, à en juger par les numéros les plus récents, s'intéresse beaucoup à la science-fiction et au fantastique... Quant à l'Association espagnole de fantastique, science-fiction et horreur, elle publie un webzine d'information, Espora, qui inclut des nouvelles en anglais sur les actualités de la SF en Espagne.
Libellés : Espagnol, Fantastique, Fantasy, Science-fiction
2008-06-25
Superstitions spatiales
Un article récent d'Alan Murphy nous renseigne sur les superstitions des astronautes et cosmonautes — mais non sur celles des taïkonautes puisque le contrôle chinois de l'information demeure absolu. Les cosmonautes russes en particulier ont accumulé un nombre impressionnant de rituels, mais Murphy suggère que ces petits rituels superstitieux qui tentent d'établir un lien entre les cosmonautes et leurs prédécesseurs, en particulier Gagarine, ne sont pas nécessairement fondés sur des faits historiques. Ils auraient été imaginés pour rassurer des hommes et des femmes pratiquant une activité hautement dangereuse...
La dimension humaine de l'exploration sera également soulignée ces jours-ci à Washington, dans le cadre du Smithsonian Folklife Festival consacré aux cinquante ans de la NASA.
En parlant de croyances de l'ère spatiale, on peut songer aussi à la conviction durable que Mars abriterait des êtres vivants, intelligents ou non. Cet article (.PDF) de Douglas L. Smith rappelle l'histoire de cette conviction, qui débute réellement (sur le plan scientifique) avec les observations télescopiques de Mars au XIXe siècle. Si les résultats des sondes Viking en ont obligé certains à déchanter, les missions actuelles continuent à débusquer des signes de vie possible, aujourd'hui ou hier.
S'il s'agit d'une superstition, elle s'enracine sans doute en partie, malgré toutes les dénégations des scientifiques, dans les fictions martiennes parues depuis plus d'un siècle... Comme quoi la science-fiction aurait sa place dans l'ethnologie de l'exploration spatiale.
La dimension humaine de l'exploration sera également soulignée ces jours-ci à Washington, dans le cadre du Smithsonian Folklife Festival consacré aux cinquante ans de la NASA.
En parlant de croyances de l'ère spatiale, on peut songer aussi à la conviction durable que Mars abriterait des êtres vivants, intelligents ou non. Cet article (.PDF) de Douglas L. Smith rappelle l'histoire de cette conviction, qui débute réellement (sur le plan scientifique) avec les observations télescopiques de Mars au XIXe siècle. Si les résultats des sondes Viking en ont obligé certains à déchanter, les missions actuelles continuent à débusquer des signes de vie possible, aujourd'hui ou hier.
S'il s'agit d'une superstition, elle s'enracine sans doute en partie, malgré toutes les dénégations des scientifiques, dans les fictions martiennes parues depuis plus d'un siècle... Comme quoi la science-fiction aurait sa place dans l'ethnologie de l'exploration spatiale.
Libellés : Espace
2008-06-24
L'avenir des droits des utilisateurs
J'avais déjà signé un billet sur l'avenir des droits des créateurs et proposé une lettre pour les personnes désirant s'opposer à un projet de loi trop contraignant. J'avais moi-même posté plusieurs exemplaires de cette lettre (à plusieurs destinataires, bien entendu!), mais on ne sera pas surpris d'apprendre que le projet de loi officiel C-61 fait la part belle aux propriétaires et aux dispositifs de gestion des droits numériques (GDN), qu'il sera interdit de contourner, même si la personne les contournant a parfaitement le droit de le faire selon ce même projet de loi!
On lira à ce sujet le blogue de Michael Geist et les commentaires (.PDF) de la Fédération canadienne des sciences humaines, qui s'insurge contre la définition restrictive de l'utilisation équitable (fair dealing) des ressources protégées par les législations sur la propriété intellectuelle. De plus, en punissant non la violation du droit d'auteur mais le contournement d'un verrou numérique, le gouvernement conservateur penche (oh, surprise!) en faveur du choix corporatif de la protection maximale au détriment de tous les autres intérêts publics.
Et le projet de loi ne se prononce pas sur les ouvrages orphelins, dont les ayants droit sont difficilement trouvables, ce qui pourrait s'avérer d'autant plus important que toute prolongation de la validité du droit d'auteur multiplierait le degré de difficulté quand il faut retracer les héritiers d'auteurs morts depuis plus de cinquante ans... Le Canada dispose actuellement d'une procédure pour les cas de ce genre, mais il y aurait peut-être eu moyen de minimiser la bureaucratie requise...
La loi ne se prononce pas non plus sur les droits de la Couronne, qui permettent au gouvernement d'exercer un contrôle que d'aucuns considèrent excessif sur tous les documents créés par le gouvernement. Les historiens en particulier sont concernés par l'absence d'accès aux documents potentiellement essentiels pour comprendre le passé de notre pays.
Bref, quand le gouvernement conservateur saute aussi allègrement dans le lit des grandes compagnies, on se demande vraiment où il espère trouver des gens qui voteront pour lui aux prochaines élections...
On lira à ce sujet le blogue de Michael Geist et les commentaires (.PDF) de la Fédération canadienne des sciences humaines, qui s'insurge contre la définition restrictive de l'utilisation équitable (fair dealing) des ressources protégées par les législations sur la propriété intellectuelle. De plus, en punissant non la violation du droit d'auteur mais le contournement d'un verrou numérique, le gouvernement conservateur penche (oh, surprise!) en faveur du choix corporatif de la protection maximale au détriment de tous les autres intérêts publics.
Et le projet de loi ne se prononce pas sur les ouvrages orphelins, dont les ayants droit sont difficilement trouvables, ce qui pourrait s'avérer d'autant plus important que toute prolongation de la validité du droit d'auteur multiplierait le degré de difficulté quand il faut retracer les héritiers d'auteurs morts depuis plus de cinquante ans... Le Canada dispose actuellement d'une procédure pour les cas de ce genre, mais il y aurait peut-être eu moyen de minimiser la bureaucratie requise...
La loi ne se prononce pas non plus sur les droits de la Couronne, qui permettent au gouvernement d'exercer un contrôle que d'aucuns considèrent excessif sur tous les documents créés par le gouvernement. Les historiens en particulier sont concernés par l'absence d'accès aux documents potentiellement essentiels pour comprendre le passé de notre pays.
Bref, quand le gouvernement conservateur saute aussi allègrement dans le lit des grandes compagnies, on se demande vraiment où il espère trouver des gens qui voteront pour lui aux prochaines élections...
Libellés : Canada, Économie, Politique
2008-06-23
Vers la déchéance anglaise?
La semaine dernière, un article du Independent révélait à quel point les chargés de cours des universités britanniques ressentaient la pression de leurs supérieurs qui tenaient à conserver dans les salles de classe des étudiants payants, parfois venus de l'étranger, ou qui tenaient à voir leur établissement figurer dans les palmarès des universités. Or, comme les palmarès britanniques carburent au rendement des étudiants, il n'était pas question pour ces chargés de cours de décerner des notes trop sévères ou d'exclure des étudiants pour plagiat. (On peut toutefois comprendre les errements de certains étudiants étrangers si on comprend mieux le système dont sortent certains d'entre eux.)
Un anonyme issu des mêmes rangs du côté des États-Unis exprimait récemment un avis semblable sur les étudiants qui aboutissent dans les salles de classe dans ce pays, qui ne sont peut-être pas à leur place, mais que le système empêche d'exclure sous peine de voir tout l'édifice s'effondrer... Un essai également anonyme paru dans The Atlantic aux États-Unis est de la même eau (au point où on se demande si l'auteur est le même). Au Canada, inspirée par le blogue de Marc Bousquet, Anne Galloway de l'Université Carleton s'intéresse pour sa part à la condition des étudiants diplômés, corvéables à merci dans le meilleur des cas... quand ils ne sont pas tout simplement jetables, voire excrétables.
L'anonymité de la plupart de ces interventions souligne la précarité de la condition des chargés de cours qui donnent parfois plus de la moitié des cours dans les universités que je connais, mais qui ne jouissent de pratiquement aucune sécurité d'emploi. Ils sont donc particulièrement exposés aux pressions de la hiérarchie, qui, d'après ce que j'ai vu, sera rarement encline à soutenir un professeur qui tente de faire respecter les standards minimaux en matière de qualité et d'intégrité du travail étudiant. Et encore, comme je suis un homme d'un certain âge, je n'ai senti qu'une seule fois qu'on tentait de m'intimider alors qu'Anne Galloway se plaint de plusieurs cas. (Mais on a déjà essayé de m'acheter.)
Bref, j'ai l'impression que certaines universités canadiennes sont sur une pente glissante, qui pourrait les conduire à la déchéance de leurs semblables aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Certains des facteurs sont les mêmes : afflux d'étudiants étrangers, ouverture à des étudiants que l'aventure universitaire intéresse uniquement du point de vue du diplôme à décrocher, recours à des professeurs à temps partiel sous-payés... Mais s'il doit y avoir redressement, je me demande bien qui seront les redresseurs, car ils se cachent bien pour l'instant. Non, décidément, dans mon coin de pays, il n'y a pas de justiciers à l'horizon.
Un anonyme issu des mêmes rangs du côté des États-Unis exprimait récemment un avis semblable sur les étudiants qui aboutissent dans les salles de classe dans ce pays, qui ne sont peut-être pas à leur place, mais que le système empêche d'exclure sous peine de voir tout l'édifice s'effondrer... Un essai également anonyme paru dans The Atlantic aux États-Unis est de la même eau (au point où on se demande si l'auteur est le même). Au Canada, inspirée par le blogue de Marc Bousquet, Anne Galloway de l'Université Carleton s'intéresse pour sa part à la condition des étudiants diplômés, corvéables à merci dans le meilleur des cas... quand ils ne sont pas tout simplement jetables, voire excrétables.
L'anonymité de la plupart de ces interventions souligne la précarité de la condition des chargés de cours qui donnent parfois plus de la moitié des cours dans les universités que je connais, mais qui ne jouissent de pratiquement aucune sécurité d'emploi. Ils sont donc particulièrement exposés aux pressions de la hiérarchie, qui, d'après ce que j'ai vu, sera rarement encline à soutenir un professeur qui tente de faire respecter les standards minimaux en matière de qualité et d'intégrité du travail étudiant. Et encore, comme je suis un homme d'un certain âge, je n'ai senti qu'une seule fois qu'on tentait de m'intimider alors qu'Anne Galloway se plaint de plusieurs cas. (Mais on a déjà essayé de m'acheter.)
Bref, j'ai l'impression que certaines universités canadiennes sont sur une pente glissante, qui pourrait les conduire à la déchéance de leurs semblables aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Certains des facteurs sont les mêmes : afflux d'étudiants étrangers, ouverture à des étudiants que l'aventure universitaire intéresse uniquement du point de vue du diplôme à décrocher, recours à des professeurs à temps partiel sous-payés... Mais s'il doit y avoir redressement, je me demande bien qui seront les redresseurs, car ils se cachent bien pour l'instant. Non, décidément, dans mon coin de pays, il n'y a pas de justiciers à l'horizon.
Libellés : Université
2008-06-21
Tertres, digues et pilotis
Cette semaine, les inondations du Mississippi ont balayé de nombreuses digues et noyé plusieurs petites villes. Même si les précipitations responsables ont sans doute été gonflées par le réchauffement climatique, ces crues caractérisent depuis longtemps le cours de ce fleuve immense.
Du coup, en regardant à la télévision ces agglomérations englouties, je me prends à repenser aux bourgades de la civilisation mississippienne du début du dernier millénaire. Si ces gens dits de Cahokia ont élevé des tertres et des tumulus, était-ce uniquement pour surélever les temples et esplanades cérémoniales? Ou se pourrait-il que ces monticules aient également eu un rôle plus utilitaire pour rehausser une partie de ces anciennes agglomérations au-dessus des crues du Mississippi? Ils auraient joué le rôle joué par des pilotis ailleurs. Je n'ai pas trouvé d'hypothèses de ce genre, peut-être parce que les sites en cause étaient trop éloignés du fleuve.
Ou peut-être parce que les archéologues n'ont pas réfléchi que des inondations majeures tous les quinze ou vingt ans pourraient justifier, pour un peuple établi dans la vallée du Mississippi depuis beaucoup plus longtemps que les habitants actuels, l'effort de construction. Il faudrait examiner la topographie de chaque site pour savoir s'ils étaient exposés aux crues afin de savoir si cette hypothèse a ce qu'il faut pour... surnager.
Du coup, en regardant à la télévision ces agglomérations englouties, je me prends à repenser aux bourgades de la civilisation mississippienne du début du dernier millénaire. Si ces gens dits de Cahokia ont élevé des tertres et des tumulus, était-ce uniquement pour surélever les temples et esplanades cérémoniales? Ou se pourrait-il que ces monticules aient également eu un rôle plus utilitaire pour rehausser une partie de ces anciennes agglomérations au-dessus des crues du Mississippi? Ils auraient joué le rôle joué par des pilotis ailleurs. Je n'ai pas trouvé d'hypothèses de ce genre, peut-être parce que les sites en cause étaient trop éloignés du fleuve.
Ou peut-être parce que les archéologues n'ont pas réfléchi que des inondations majeures tous les quinze ou vingt ans pourraient justifier, pour un peuple établi dans la vallée du Mississippi depuis beaucoup plus longtemps que les habitants actuels, l'effort de construction. Il faudrait examiner la topographie de chaque site pour savoir s'ils étaient exposés aux crues afin de savoir si cette hypothèse a ce qu'il faut pour... surnager.
Libellés : Histoire
2008-06-20
Une carte interactive du Paris économique
Un nouvel outil de cartographie parisienne, Econovista, permet de générer des cartes adaptées aux besoins de l'utiliseur, en partant de celle-ci (dont je n'ai pas réussi à sauvegarder une version modifiée). Néanmoins, la présentation de l'outil souligne sa souplesse et ses applications pour les personnes qui voudraient saisir d'un coup d'œil la géographie économique de la région francilienne. A priori, j'imagine que les politiciens, les fonctionnaires et les entrepreneurs pourraient en retirer des impressions utiles sur l'existence de pôles et de concentrations existantes d'établissements de recherche ou d'institutions du savoir.
Pour prospecter avant d'aller voir sur le terrain si on veut ou non louer des bureaux, cela peut servir, mais sur mon écran d'ordinateur, toute vue d'ensemble disparaît sous la profusion des icônes. Il y aurait peut-être moyen de travailler avec une plus grande image, mais, sinon, l'utilité de la chose me semble limitée, car il faudrait passer trop de temps à enchaîner les grossissements pour bien saisir l'architecture de toute la région. Néanmoins, l'idée reste intéressante et sans doute que Google cherchera un de ces jours à intégrer la chose à ses cartes...
Si ce n'est déjà fait dans ses officines secrètes, bien sûr!
Pour prospecter avant d'aller voir sur le terrain si on veut ou non louer des bureaux, cela peut servir, mais sur mon écran d'ordinateur, toute vue d'ensemble disparaît sous la profusion des icônes. Il y aurait peut-être moyen de travailler avec une plus grande image, mais, sinon, l'utilité de la chose me semble limitée, car il faudrait passer trop de temps à enchaîner les grossissements pour bien saisir l'architecture de toute la région. Néanmoins, l'idée reste intéressante et sans doute que Google cherchera un de ces jours à intégrer la chose à ses cartes...
Si ce n'est déjà fait dans ses officines secrètes, bien sûr!
Libellés : Économie, Informatique
2008-06-19
Le dopage indétectable
Selon plusieurs reportages, une étude australienne aurait révélé que l'effet placebo peut améliorer les performances des athlètes qui croient prendre des produits dopants. L'expérience n'a été menée qu'avec de l'hormone de croissance, dont les effets concrets sur la performance sont loin d'être prouvés, mais l'effet général est connu des experts. Quelques articles ont imaginé qu'à l'avenir, les entraîneurs sportifs pourraient pratiquer un dopage sans produit dopant, rien qu'en fournissant des placebos à leurs athlètes. Les tests standards seraient inopérants puisque le sang et les tissus de l'athlète ne contiendraient pas la moindre trace de produits dopants. Pour démasquer un tricheur, il faudrait alors le soumettre à un détecteur de mensonges — mais il faudrait répondre d'abord à la question de savoir si un athlète a triché s'il est seulement convaincu d'avoir triché!
L'autre question que je me pose, c'est dans quelle mesure certains entraîneurs et médecins auraient déjà exploité l'effet placebo pour obtenir de meilleures performances de leurs athlètes... On se plaint souvent de l'incapacité des tests actuels à détecter la plupart des tricheurs. Serait-ce parce que les sportifs qui laissent parfois filtrer qu'ils se dopent ne sont pas vraiment dopés?
L'autre question que je me pose, c'est dans quelle mesure certains entraîneurs et médecins auraient déjà exploité l'effet placebo pour obtenir de meilleures performances de leurs athlètes... On se plaint souvent de l'incapacité des tests actuels à détecter la plupart des tricheurs. Serait-ce parce que les sportifs qui laissent parfois filtrer qu'ils se dopent ne sont pas vraiment dopés?
Libellés : Futurisme, Science-fiction
2008-06-18
Jeunes auteurs d'hier et aujourd'hui
Avoir parlé du métier d'écrivain ce soir à l'Alliance Française d'Ottawa m'a un peu ramené à mes débuts en écriture, longtemps avant le début de ma carrière en 1984 dans imagine.... Et puis, je suis aussi incité à revenir sur le passé par cette plaquette de 65 pages dont René Beaulieu m'a fait don récemment et qui correspond à un roman signé en 1998 par un jeune de douze ans, François Tremblay-Vaillancourt, de la région de Québec. (L'écrivain se présente en quatrième de couverture, avec photo, comme on le voit à droite.) Le titre du livre? Voyage au fond de la mer. Contrairement à des produits de l'auto-édition de SFCF comme Une Aventure périlleuse (1980) de la jeune Sophie Bourque, âgée de treize ou quatorze ans, ce court roman est paru chez ce qui semble être un éditeur à compte d'auteur, les Éditions Sans âge de Saint-Romuald. Au fil des pages, Tremblay-Vaillancourt décrit les démêlés de l'humanité avec des monstres marins dirigés par un spécimen plus évolué et plus intelligent; au cœur de l'action, il y a le narrateur qui se confond plus ou moins avec l'auteur, qui trahit clairement sa projection dans la peau du héros. Il s'agit ici d'une œuvre qui est littéralement de jeunesse et qu'il serait inutile de chercher à critiquer. À cet âge, on apprend encore et tout ce qu'on peut faire comme adulte, c'est encourager le jeune à poursuivre. Comme beaucoup de jeunes auteurs, Tremblay-Vaillancourt dessine aussi et son livre s'orne d'illustrations de sa main, comme celle que j'inclus ci-contre et que l'on peut comparer à l'échantillon de l'art de Sophie Bourque que j'avais reproduit. Encore une fois, c'est à peu près du niveau que l'on peut attendre d'un jeune garçon de douze ans. L'épilogue de l'ouvrage nous prévient : « Poursuivant mes lectures, j'ai prévu un deuxième roman et plutôt que le fond de la mer, j'envisage la voûte céleste. Je choisirai une planète et élaborerai un voyage dans l'espace. » Toutefois, le catalogue de la Bibliothèque nationale du Québec n'indique aucune autre parution sous ce nom. Si François Tremblay-Vaillancourt refait surface un jour comme écrivain, il aura sûrement changé de patte. Bref, ce ne sont pas tous les très jeunes auteurs qui connaissent le succès d'Alexandra Larochelle (ou de Marie-Pier Côté), voire de Christopher Paolini (nettement plus âgé à ses débuts), mais il ne faut pas non plus conclure que c'est toujours sans suite.
Dans mon propre cas, il y a plus de trente ans, je soumettais mon premier texte à l'attention d'un public autre que le cercle familial. Je croyais d'ailleurs me souvenir que c'était en 1978 que j'avais soumis un premier texte et remporté un concours d'écriture... C'est ce que j'avais souvent affirmé, mais quelques fouilles dans les tiroirs m'ont révélé que j'avais soumis un texte l'année précédente sans gagner, et peut-être l'année avant aussi!
Le plus ancien de ces vestiges est intitulé Un Tour du monde et signé « Jean-Louis Trudel, 9 ans, 4e année ». Le revers de la couverture porte une dédicace autographe de Claude Aubry (1914-1984), directeur de la Bibliothèque publique d'Ottawa de 1953 à 1979. (Un prix littéraire récompensant les auteurs pour la jeunesse a été créé en son nom.) Écrivain pour jeunes lui-même, Aubry parrainait sans doute, de 1976 à 1979, les concours d'écritures pour jeunes francophones de la région d'Ottawa. De ce cahier de 14 pages (et 12 chapitres!), je ne citerai que la préface, in extenso : « Ce livre rassemble les aventures périlleuses de Lindberg [sic], Guillaumet, Mermoz et St-Exupéry. Mais purement imaginaire il raconte l'histoire d'un homme à la ténacité indomptable, il s'appellait [re-sic] Jean Camos. » L'année suivante, j'avais terminé l'écriture d'un ouvrage plus ambitieux de 22 pages (le 16 septembre 1977 à 18h!) et j'avais aussi récolté une dédicace de Claude Aubry, cette fois datée du 21 octobre 1977. Je reproduis ci-contre l'aquarelle servant de couverture à ce court roman intitulé Les Robinsons de la chaloupe!. Tout comme pour le précédent, il ne s'agissait pas de science-fiction, mais d'un voyage extraordinaire. Après le tour du monde en avion par un aviateur héroïque, c'était la traversée de l'Atlantique en chaloupe par trois garçons lancés dans cette aventure plus ou moins par accident. Si l'illustration n'est pas trop mal pour un artiste de dix ans, je préfère ne pas livrer d'échantillon de la prose.
En 1978, l'ouvrage qui a remporté, je crois, le concours de cette année-là marque un tournant. À première vue, avec Le mystère de la maison de Stavisky, on reste dans la fiction mimétique. Il s'agissait d'une seconde enquête pseudo-policière menée par de jeunes détectives dans la veine des Trois Jeunes Détectives de Hitchcock. Plus modeste, je n'avais que deux enquêteurs, qui représentaient sans doute une moyenne entre le trio de Hitchcock et le héros solitaire des aventures de Ric Hochet et de Jacques Rogy. Toutefois, dans cet ouvrage, j'employais pour la première fois des lieux que je connaissais puisque les jeunes héros quittaient la banlieue d'Ottawa, prenaient l'avion pour Neuilly-sur-Seine en France, passaient par Nogent-le-Rotrou (alias Nigelle) et aboutissaient en Bretagne. La couverture illustre d'ailleurs la maison de Stavisky, en utilisant cette fois non de la peinture à l'eau mais des crayons de couleur. Ainsi, les premiers chapitres sont un récit de voyage en France plus ou moins romancé, mais les choses se corsent à Nogent-le-Rotrou. Et l'action verse carrément dans la science-fiction avec la rencontre en Bretagne d'un extraterrestre associé à un cercle de menhirs... Les allusions littéraires fourmillent. La revue Tintin est mentionnée, ainsi qu'Arsène Lupin. Et cet extraterrestre caché dans un cromlech doit sûrement quelque chose au Magicien de la Grande Ourse (1974) dans la série du Scrameustache. Mais les casques de télépathie étaient sans doute pris aux appareils vinéens de Yoko Tsuno, sinon aux gadgets de Perry Rhodan, ou aux deux...
Le roman comptait 66 pages écrites à la main à double interligne et le dernier chapitre se terminait sur la présentation de l'extraterrestre : « Jacques entendit une voix mâle adoucie par l'âge : "Bonjour Jacques, je suis l'ordinateur aux souvenirs humains Stallorkze 1, je t'attendais et maintenant je suis à ton service..." Jacques pensa alors : "Qu'importe l'usage que je ferais [sic] de ce savoir, le monde ne pourra jamais plus être pareil..." »
À défaut du monde, disons que ma fiction n'a plus jamais été pareille... L'année suivante, j'ai dû participer une nouvelle fois au même concours d'écriture, car je retrouve encore une dédicace écrite sur la première page du manuscrit : « Avec mes meilleurs souhaits pour ton avenir d'écrivain / Claude Aubry / 20-10-79 ». Cette fois, la couverture révèle d'emblée qu'on baigne dans la science-fiction. Si le duel aérien entre un avion à réaction et une soucoupe volante ne suffisait pas, il y aurait aussi la case en bas à droite qui illustre l'avatar lumineux et immatériel de Stallorkze 1 (si je me souviens bien)... Le roman comptait 70 pages en incluant la table des matières. J'avoue que je ne sais plus s'il a gagné un prix. J'avais alors douze ans (comme François Tremblay-Vaillancourt), mais je ne retrouverais pas de débouché semblable à ce concours d'écriture annuel avant plusieurs années. Pas avant que des profs prennent la relève pour m'encourager... Mais je continuerais à écrire, remplissant des cahiers écrits à la main puis me convertissant à l'emploi de la machine à écrire... On dit parfois qu'il faut avoir consacré dix mille heures de travail à un art pour commencer à le maîtriser. Si j'ai pu signer des textes potables à dix-sept ans, c'est sans doute parce que j'avais commencé des années plus tôt. Mais il faut aussi persévérer...
J'ai aussi continué à dessiner et suivi quelques cours, histoire de faire mieux que les illustrations comme celle que j'inclus ci-dessous, à la page 34 de La Fin de l'année. Mais je crois avoir saisi très tôt qu'il faudrait que je choisisse de me spécialiser, que je ne pourrais pas courir deux lièvres éternellement. À l'école secondaire, même si j'ai suivi des cours de dessin industriel, j'ai choisi de laisser tomber l'art et de ne pas m'inscrire dans les cours d'arts plastiques. Dès lors, j'avais choisi l'écriture et je ne crois pas, au vu de mes efforts de jeunesse, que le monde ait perdu un grand artiste!
Dans mon propre cas, il y a plus de trente ans, je soumettais mon premier texte à l'attention d'un public autre que le cercle familial. Je croyais d'ailleurs me souvenir que c'était en 1978 que j'avais soumis un premier texte et remporté un concours d'écriture... C'est ce que j'avais souvent affirmé, mais quelques fouilles dans les tiroirs m'ont révélé que j'avais soumis un texte l'année précédente sans gagner, et peut-être l'année avant aussi!
Le plus ancien de ces vestiges est intitulé Un Tour du monde et signé « Jean-Louis Trudel, 9 ans, 4e année ». Le revers de la couverture porte une dédicace autographe de Claude Aubry (1914-1984), directeur de la Bibliothèque publique d'Ottawa de 1953 à 1979. (Un prix littéraire récompensant les auteurs pour la jeunesse a été créé en son nom.) Écrivain pour jeunes lui-même, Aubry parrainait sans doute, de 1976 à 1979, les concours d'écritures pour jeunes francophones de la région d'Ottawa. De ce cahier de 14 pages (et 12 chapitres!), je ne citerai que la préface, in extenso : « Ce livre rassemble les aventures périlleuses de Lindberg [sic], Guillaumet, Mermoz et St-Exupéry. Mais purement imaginaire il raconte l'histoire d'un homme à la ténacité indomptable, il s'appellait [re-sic] Jean Camos. » L'année suivante, j'avais terminé l'écriture d'un ouvrage plus ambitieux de 22 pages (le 16 septembre 1977 à 18h!) et j'avais aussi récolté une dédicace de Claude Aubry, cette fois datée du 21 octobre 1977. Je reproduis ci-contre l'aquarelle servant de couverture à ce court roman intitulé Les Robinsons de la chaloupe!. Tout comme pour le précédent, il ne s'agissait pas de science-fiction, mais d'un voyage extraordinaire. Après le tour du monde en avion par un aviateur héroïque, c'était la traversée de l'Atlantique en chaloupe par trois garçons lancés dans cette aventure plus ou moins par accident. Si l'illustration n'est pas trop mal pour un artiste de dix ans, je préfère ne pas livrer d'échantillon de la prose.
En 1978, l'ouvrage qui a remporté, je crois, le concours de cette année-là marque un tournant. À première vue, avec Le mystère de la maison de Stavisky, on reste dans la fiction mimétique. Il s'agissait d'une seconde enquête pseudo-policière menée par de jeunes détectives dans la veine des Trois Jeunes Détectives de Hitchcock. Plus modeste, je n'avais que deux enquêteurs, qui représentaient sans doute une moyenne entre le trio de Hitchcock et le héros solitaire des aventures de Ric Hochet et de Jacques Rogy. Toutefois, dans cet ouvrage, j'employais pour la première fois des lieux que je connaissais puisque les jeunes héros quittaient la banlieue d'Ottawa, prenaient l'avion pour Neuilly-sur-Seine en France, passaient par Nogent-le-Rotrou (alias Nigelle) et aboutissaient en Bretagne. La couverture illustre d'ailleurs la maison de Stavisky, en utilisant cette fois non de la peinture à l'eau mais des crayons de couleur. Ainsi, les premiers chapitres sont un récit de voyage en France plus ou moins romancé, mais les choses se corsent à Nogent-le-Rotrou. Et l'action verse carrément dans la science-fiction avec la rencontre en Bretagne d'un extraterrestre associé à un cercle de menhirs... Les allusions littéraires fourmillent. La revue Tintin est mentionnée, ainsi qu'Arsène Lupin. Et cet extraterrestre caché dans un cromlech doit sûrement quelque chose au Magicien de la Grande Ourse (1974) dans la série du Scrameustache. Mais les casques de télépathie étaient sans doute pris aux appareils vinéens de Yoko Tsuno, sinon aux gadgets de Perry Rhodan, ou aux deux...
Le roman comptait 66 pages écrites à la main à double interligne et le dernier chapitre se terminait sur la présentation de l'extraterrestre : « Jacques entendit une voix mâle adoucie par l'âge : "Bonjour Jacques, je suis l'ordinateur aux souvenirs humains Stallorkze 1, je t'attendais et maintenant je suis à ton service..." Jacques pensa alors : "Qu'importe l'usage que je ferais [sic] de ce savoir, le monde ne pourra jamais plus être pareil..." »
À défaut du monde, disons que ma fiction n'a plus jamais été pareille... L'année suivante, j'ai dû participer une nouvelle fois au même concours d'écriture, car je retrouve encore une dédicace écrite sur la première page du manuscrit : « Avec mes meilleurs souhaits pour ton avenir d'écrivain / Claude Aubry / 20-10-79 ». Cette fois, la couverture révèle d'emblée qu'on baigne dans la science-fiction. Si le duel aérien entre un avion à réaction et une soucoupe volante ne suffisait pas, il y aurait aussi la case en bas à droite qui illustre l'avatar lumineux et immatériel de Stallorkze 1 (si je me souviens bien)... Le roman comptait 70 pages en incluant la table des matières. J'avoue que je ne sais plus s'il a gagné un prix. J'avais alors douze ans (comme François Tremblay-Vaillancourt), mais je ne retrouverais pas de débouché semblable à ce concours d'écriture annuel avant plusieurs années. Pas avant que des profs prennent la relève pour m'encourager... Mais je continuerais à écrire, remplissant des cahiers écrits à la main puis me convertissant à l'emploi de la machine à écrire... On dit parfois qu'il faut avoir consacré dix mille heures de travail à un art pour commencer à le maîtriser. Si j'ai pu signer des textes potables à dix-sept ans, c'est sans doute parce que j'avais commencé des années plus tôt. Mais il faut aussi persévérer...
J'ai aussi continué à dessiner et suivi quelques cours, histoire de faire mieux que les illustrations comme celle que j'inclus ci-dessous, à la page 34 de La Fin de l'année. Mais je crois avoir saisi très tôt qu'il faudrait que je choisisse de me spécialiser, que je ne pourrais pas courir deux lièvres éternellement. À l'école secondaire, même si j'ai suivi des cours de dessin industriel, j'ai choisi de laisser tomber l'art et de ne pas m'inscrire dans les cours d'arts plastiques. Dès lors, j'avais choisi l'écriture et je ne crois pas, au vu de mes efforts de jeunesse, que le monde ait perdu un grand artiste!
Libellés : Livres
2008-06-17
Somain et Trudel à l'Alliance française d'Ottawa
Demain, je retourne à l'Alliance française d'Ottawa pour une rencontre avec le public en compagnie de Jean-François Somain. Ce sera à 18h au 352 MacLaren, à Ottawa.
Je parle d'un retour puisqu'en novembre 2006, j'avais parlé de Jules Verne au Canada dans le salon de l'Alliance française et j'avais participé ensuite à une table ronde sur la science-fiction en compagnie de Caroline-Isabelle Caron, Michèle Laframboise et Christian Sauvé.
Cette fois, je suppose que Jean-François Somain et moi-même parlerons de la vie d'écrivain en Ontario français (même si ni l'un ni l'autre n'avons été entièrement fidèle à l'Ontario...). De notre intérêt commun pour la science-fiction. Ou des hasards de la vie qui ont fait qu'il habite maintenant l'ancien chalet (grandement refait) d'une grand-tante où j'ai passé plusieurs étés et congés de mon enfance.
Si je résiste au tropisme qui me pousse parfois à revenir à Ottawa, c'est en me rappelant à quel point c'est petit l'Outaouais...
Je parle d'un retour puisqu'en novembre 2006, j'avais parlé de Jules Verne au Canada dans le salon de l'Alliance française et j'avais participé ensuite à une table ronde sur la science-fiction en compagnie de Caroline-Isabelle Caron, Michèle Laframboise et Christian Sauvé.
Cette fois, je suppose que Jean-François Somain et moi-même parlerons de la vie d'écrivain en Ontario français (même si ni l'un ni l'autre n'avons été entièrement fidèle à l'Ontario...). De notre intérêt commun pour la science-fiction. Ou des hasards de la vie qui ont fait qu'il habite maintenant l'ancien chalet (grandement refait) d'une grand-tante où j'ai passé plusieurs étés et congés de mon enfance.
Si je résiste au tropisme qui me pousse parfois à revenir à Ottawa, c'est en me rappelant à quel point c'est petit l'Outaouais...
Libellés : Livres
2008-06-16
D'une commission l'autre
Parlons du futur du pays. Et parlons donc encore de la commission Bouchard-Taylor.
Le refus de voir la réalité en face a caractérisé plusieurs des réactions au rapport final. D'ailleurs, durant la tournée des commissaires, les inquiétudes exprimées par les membres de certaines minorités avaient suscité des réactions de rejet emphatiques par des Canadiens-français du Québec. Lors du passage à St-Jérôme, par exemple, Le Devoir rapportait ainsi le 25 septembre 2007 une partie du forum des citoyens : « Trois personnes ont condamné la préparation industrielle de nourriture rituelle pour les juifs (ou les musulmans) orthodoxes, se désolant des suppléments de coûts imposés à tous les consommateurs. «Pourquoi avoir peur d'un petit ghetto juif ou autre?», a demandé ensuite un monsieur à longue barbe grise, chahuté par la salle. »
L'ironie, c'est que cela peut rappeler les réactions à une autre commission, quarante ans plus tôt. La commission Laurendeau-Dunton, c'est-à-dire la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme.
Dans Sorry I don't speak French, Graham Fraser rappelait la gamme des commentaires émis devant les commissaires : « En Alberta, Laurendeau a rencontré un homme âgé qui lui a demandé ceci : « Je sais que vous employez le français à l'école, à l'église et en cour au Québec, mais vous parlez anglais à la maison, n'est-ce pas?
« [Les commissaires] ont entendu des Vancouvérois déplorer que le Québec fût « cinquante ans en retard sur le reste du monde », puis un inspecteur d'école régionale affirmer joyeusement que les familles francophones vivant à l'extérieur du Québec n'avaient aucun problème puisque leurs enfants s'assimilaient en quelques mois à peine. » Et, plus loin : « À Saskatoon, après une longue soirée de commentaires sur le Québec et le Canada français, Laurendeau a posé une question : « Mettons que les Canadiens français du Québec ont tort. Qu'allez-vous faire d'eux? Les tuer? » À quoi une personne d'origine doukhobor a répondu : « On devrait peut-être les disperser à travers le Canada. » Laurendeau a indiqué dans son journal que cette réponse avait provoqué une stupéfaction générale » (2006, pp. 69-70)
Bref, les réactions allaient « de l'ignorance naïve à l'hostilité ouverte ». Ce qui décrit assez bien l'esprit de Zéroville que je stigmatise dans ce blogue depuis un moment.
Cela dit, en dépit de l'hostilité de certains anglophones aux intentions manifestes de Laurendeau et Dunton, le Canada a bel et bien adopté de nombreuses recommandations de leurs rapports. Le Québec donnera-t-il suite, lui, aux recommandations de Bouchard et Taylor?
Le refus de voir la réalité en face a caractérisé plusieurs des réactions au rapport final. D'ailleurs, durant la tournée des commissaires, les inquiétudes exprimées par les membres de certaines minorités avaient suscité des réactions de rejet emphatiques par des Canadiens-français du Québec. Lors du passage à St-Jérôme, par exemple, Le Devoir rapportait ainsi le 25 septembre 2007 une partie du forum des citoyens : « Trois personnes ont condamné la préparation industrielle de nourriture rituelle pour les juifs (ou les musulmans) orthodoxes, se désolant des suppléments de coûts imposés à tous les consommateurs. «Pourquoi avoir peur d'un petit ghetto juif ou autre?», a demandé ensuite un monsieur à longue barbe grise, chahuté par la salle. »
L'ironie, c'est que cela peut rappeler les réactions à une autre commission, quarante ans plus tôt. La commission Laurendeau-Dunton, c'est-à-dire la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme.
Dans Sorry I don't speak French, Graham Fraser rappelait la gamme des commentaires émis devant les commissaires : « En Alberta, Laurendeau a rencontré un homme âgé qui lui a demandé ceci : « Je sais que vous employez le français à l'école, à l'église et en cour au Québec, mais vous parlez anglais à la maison, n'est-ce pas?
« [Les commissaires] ont entendu des Vancouvérois déplorer que le Québec fût « cinquante ans en retard sur le reste du monde », puis un inspecteur d'école régionale affirmer joyeusement que les familles francophones vivant à l'extérieur du Québec n'avaient aucun problème puisque leurs enfants s'assimilaient en quelques mois à peine. » Et, plus loin : « À Saskatoon, après une longue soirée de commentaires sur le Québec et le Canada français, Laurendeau a posé une question : « Mettons que les Canadiens français du Québec ont tort. Qu'allez-vous faire d'eux? Les tuer? » À quoi une personne d'origine doukhobor a répondu : « On devrait peut-être les disperser à travers le Canada. » Laurendeau a indiqué dans son journal que cette réponse avait provoqué une stupéfaction générale » (2006, pp. 69-70)
Bref, les réactions allaient « de l'ignorance naïve à l'hostilité ouverte ». Ce qui décrit assez bien l'esprit de Zéroville que je stigmatise dans ce blogue depuis un moment.
Cela dit, en dépit de l'hostilité de certains anglophones aux intentions manifestes de Laurendeau et Dunton, le Canada a bel et bien adopté de nombreuses recommandations de leurs rapports. Le Québec donnera-t-il suite, lui, aux recommandations de Bouchard et Taylor?
Libellés : Canada, Politique, Québec
2008-06-14
La Terre se lève aussi
L'humanité reste nombriliste encore aujourd'hui, des siècles après la révolution copernicienne. Quelles sont les photos qui nous fascinent le plus? Celles de la Terre... Grâce à la politique fort libérale en la matière de la NASA, je peux reproduire ici (comme d'autres blogues) cette photo prise depuis l'orbite de Mars qui nous montre la Terre et la Lune apparaissant toutes deux sous la forme de croissants. C'est la sonde Mars Reconnaissance Orbiter qui a pris la photo au moyen de sa caméra HiRISE. On notera que la distance apparente entre les deux corps est trompeuse en raison de l'angle projeté : la Lune est séparée de la Terre par une distance correspondant à trente fois environ le diamètre de la Terre, alors que la photo nous montre un éloignement totalisant tout au plus sept ou huit diamètres.
(Mars Reconnaissance Orbiter; NASA/JPL-Caltech/University of Arizona )Mais il ne faudrait pas non plus passer à côté de ce superbe photo-montage japonais qui nous fait découvrir un lever de Terre — une illusion produite en partie par les mouvements respectifs de la Lune, de la Terre et de la sonde Kaguya/Selene. (On remarquera au milieu de la plaine lunaire le grand cratère un peu à droite qui s'est beaucoup rapproché entre les première et dernière photo.) Plus fort encore, on admirera le même lever de terre en vidéo accélérée sur cette page. Un coucher de terre à peine moins impressionnant (et peut-être même un peu plus émouvant dans la mesure où on voit d'abord la Terre s'éloigner au loin) est disponible sur cette page. Les deux ont été pris par la même sonde.
Libellés : Photographie, Sciences
2008-06-13
Un superhéros intraduisible
En général, les noms des superhéros américains sont difficilement traduisibles en français. Mais l'Incredible Hulk l'est tout particulièrement...
Quand j'étais petit, je ne manquais pas un épisode de la série télé. (Par contre, je n'ai jamais suivi les comics consacré au monstre vert.) Je n'avais pas retrouvé les charmes de la série dans le film d'Ang Lee, dont j'avais cependant apprécié l'esthétisme (contrairement à beaucoup d'autres). Le nouveau film que je suis allé voir ce soir est plus fidèle à l'esprit de la série (même si j'ai raté sur le coup les apparitions des anciens acteurs et créateurs).
Le concept d'origine a quelque chose de profondément archétypal qui a échappé à Ang Lee. « The Incredible Hulk », c'est la colère des humbles. Dans la série télé, le héros vivait en itinérant, au ras des pâquerettes, jusqu'à l'explosion de rage (révolutionnaire?) qui rétablissait la situation. La série puisait sa force d'évocation dans le contraste entre la vie de l'errant solitaire, fugitif et sans le sou, et ce qu'il cachait à l'intérieur de lui, comme savant et comme mutant.
Cette fois, même si on peut reprocher au film de manquer d'originalité, je trouve qu'il a bien capté cette dichotomie. Pour le reste, un peu comme dans le cas de Prince Caspian, cela rejoint des souvenirs trop anciens et trop formateurs pour que je sois réellement critique comme je le serais de quelque chose de neuf et d'original...
Quand j'étais petit, je ne manquais pas un épisode de la série télé. (Par contre, je n'ai jamais suivi les comics consacré au monstre vert.) Je n'avais pas retrouvé les charmes de la série dans le film d'Ang Lee, dont j'avais cependant apprécié l'esthétisme (contrairement à beaucoup d'autres). Le nouveau film que je suis allé voir ce soir est plus fidèle à l'esprit de la série (même si j'ai raté sur le coup les apparitions des anciens acteurs et créateurs).
Le concept d'origine a quelque chose de profondément archétypal qui a échappé à Ang Lee. « The Incredible Hulk », c'est la colère des humbles. Dans la série télé, le héros vivait en itinérant, au ras des pâquerettes, jusqu'à l'explosion de rage (révolutionnaire?) qui rétablissait la situation. La série puisait sa force d'évocation dans le contraste entre la vie de l'errant solitaire, fugitif et sans le sou, et ce qu'il cachait à l'intérieur de lui, comme savant et comme mutant.
Cette fois, même si on peut reprocher au film de manquer d'originalité, je trouve qu'il a bien capté cette dichotomie. Pour le reste, un peu comme dans le cas de Prince Caspian, cela rejoint des souvenirs trop anciens et trop formateurs pour que je sois réellement critique comme je le serais de quelque chose de neuf et d'original...
Libellés : Fantastique, Films
2008-06-12
Refonder le Canada
Depuis leur élection, les Conservateurs de Stephen Harper tentent d'imposer un Sénat élu, mais par la porte d'en arrière — et sans trop se préoccuper de l'égalité et de l'efficience que la Chambre haute devait également acquérir dans les anciens projets réformistes. La solution retenue? Refuser de nommer de nouveaux sénateurs pour combler des vacances de plus en plus longues tant que les provinces en cause n'auront pas permis l'élection de nouveaux sénateurs, comme en Alberta. Ce faisant, Harper flatte sa base albertaine, qui a toujours rêvé d'avoir une délégation sénatoriale égale en nombre à celles de l'Ontario et du Québec.
Mais les excuses offertes hier par les partis à la Chambre basse m'encourage à imaginer une réforme beaucoup plus en prise sur le Canada actuel, afin de faire entrer une fois pour toutes les autochtones dans le giron canadien. Dans le système actuel, la population est représentée à la Chambre des Communes et les provinces sont représentées au Sénat. Mais les provinces existent déjà légalement dans le cadre fédéral — ont-elles vraiment besoin de représentants additionnels à Ottawa? En revanche, les autochtones et les Premières Nations ne sont pas représentées comme entités constituantes du Canada. Pourtant, la population d'origine autochtone a dépassé le million, de sorte qu'elle est plus populeuse que toutes les provinces du Canada sauf quatre.
Par conséquent, faisons du Sénat une Chambre des Nations canadiennes. Le Québec y serait représenté, ce qui satisferait les aspirations nationalistes, mais les centaines de nations autochtones le seraient également. Et pour ne pas faire de jaloux, les autres provinces conserveraient des sièges. Pour aboutir à un nombre réaliste de sièges, il faudrait sans doute regrouper certaines bandes et réserves autochtones selon des critères linguistiques et territoriaux. Si on accordait cinq sénateurs à chaque province et trois à chaque territoire, un peu comme aux États-Unis, on pourrait envisager d'accorder un nombre égal de sénateurs (59) aux premières nations, ce qui nous donnerait une Chambre haute de 118 membres, à peine plus qu'aujourd'hui.
Les conséquences seraient multiples, mais l'effet principal serait sûrement d'associer enfin les autochtones au gouvernement du Canada, de sorte qu'ils auraient intérêt à son succès. Quant au reste... bien des scénarios deviendraient possibles!
Mais les excuses offertes hier par les partis à la Chambre basse m'encourage à imaginer une réforme beaucoup plus en prise sur le Canada actuel, afin de faire entrer une fois pour toutes les autochtones dans le giron canadien. Dans le système actuel, la population est représentée à la Chambre des Communes et les provinces sont représentées au Sénat. Mais les provinces existent déjà légalement dans le cadre fédéral — ont-elles vraiment besoin de représentants additionnels à Ottawa? En revanche, les autochtones et les Premières Nations ne sont pas représentées comme entités constituantes du Canada. Pourtant, la population d'origine autochtone a dépassé le million, de sorte qu'elle est plus populeuse que toutes les provinces du Canada sauf quatre.
Par conséquent, faisons du Sénat une Chambre des Nations canadiennes. Le Québec y serait représenté, ce qui satisferait les aspirations nationalistes, mais les centaines de nations autochtones le seraient également. Et pour ne pas faire de jaloux, les autres provinces conserveraient des sièges. Pour aboutir à un nombre réaliste de sièges, il faudrait sans doute regrouper certaines bandes et réserves autochtones selon des critères linguistiques et territoriaux. Si on accordait cinq sénateurs à chaque province et trois à chaque territoire, un peu comme aux États-Unis, on pourrait envisager d'accorder un nombre égal de sénateurs (59) aux premières nations, ce qui nous donnerait une Chambre haute de 118 membres, à peine plus qu'aujourd'hui.
Les conséquences seraient multiples, mais l'effet principal serait sûrement d'associer enfin les autochtones au gouvernement du Canada, de sorte qu'ils auraient intérêt à son succès. Quant au reste... bien des scénarios deviendraient possibles!
2008-06-11
Excuses nationales
Aujourd'hui, le premier ministre du Canada offre ses excuses aux autochtones pour le soutien passé du gouvernement des écoles résidentielles, ces pensionnats par où sont passés des milliers d'enfants métis, inuit et des Premières Nations, de 1892 à 1996. Dans bien des cas, il s'agissait d'arracher des enfants à leurs familles pour leur apprendre les langues et les mœurs des Blancs. Je dis bien « les langues », car il y eut des pensionnats au Québec, même si certains Québécois préfèrent sans doute croire que cela ne concerne que les autres provinces, ou l'ouest du pays. Des Innus, des Algonquins, etc. passèrent par ces pensionnats et apprirent le français, de gré ou de force.
Ces pensionnats étaient l'expression d'une politique d'assimilation qui se rapprochait du génocide culturel. Les témoignages s'accordent sur l'interdiction de parler sa langue dans l'enceinte du pensionnat et sur le dénigrement des cultures autochtones. L'entassement, le manque de nourriture, des mauvais traitements et des abus sexuels sont aussi signalés, dans le cadre d'un sous-financement généralisé (hier et aujourd'hui encore — on peut signer une lettre aux politiciens concernés ici) de l'éducation des Premières Nations. L'adaptation a été la plus douloureuse pour les enfants de familles encore nomades, habituées à la liberté et à l'affection du cercle familial. Quelques-uns ont profité de leur découverte du monde scolaire et ont fait ensuite des carrières brillantes, mais ils semblent bien peu nombreux.
Cette politique n'était pas exceptionnelle en Occident à l'époque, comme peuvent en témoigner les francophones du Manitoba et de l'Ontario, obligés d'apprendre l'anglais dans des écoles provinciales, ou les minorités de la France, obligées d'oublier l'occitan ou le breton dans les écoles de la IIIe République. Mais le sous-financement entraînait l'embauche de personnel enseignant peu qualifié dans ces pensionnats, et tant l'isolement que le pouvoir conféré par le statut de Blanc permettaient d'aller beaucoup plus loin. Les cas d'abus et de mauvais traitements sont d'ailleurs souvent signalés au ministère par ses propres fonctionnaires, mais les sanctions sont rares, sinon inexistantes, peut-être parce que l'embauche de nouveaux enseignants serait difficile... Dans ces conditions, la porte était ouverte à bien des dérapages.
Dans la photo ci-dessous, prise vers 1922 dans les Territoires du Nord-Ouest, les enfants d'un pensionnat de Fort Simpson épellent le mot « Good bye ». Aujourd'hui, si les excuses du premier ministre sont sincères, espérons qu'il deviendra possible pour les survivants des écoles résidentielles de dire adieu aux souvenirs douloureux dans la mesure où ils sauront que plus personne ne nie la réalité de leurs souffrances.
(J.F. Moran / Bibliothèque et Archives Canada / PA-102575)
Ces pensionnats étaient l'expression d'une politique d'assimilation qui se rapprochait du génocide culturel. Les témoignages s'accordent sur l'interdiction de parler sa langue dans l'enceinte du pensionnat et sur le dénigrement des cultures autochtones. L'entassement, le manque de nourriture, des mauvais traitements et des abus sexuels sont aussi signalés, dans le cadre d'un sous-financement généralisé (hier et aujourd'hui encore — on peut signer une lettre aux politiciens concernés ici) de l'éducation des Premières Nations. L'adaptation a été la plus douloureuse pour les enfants de familles encore nomades, habituées à la liberté et à l'affection du cercle familial. Quelques-uns ont profité de leur découverte du monde scolaire et ont fait ensuite des carrières brillantes, mais ils semblent bien peu nombreux.
Cette politique n'était pas exceptionnelle en Occident à l'époque, comme peuvent en témoigner les francophones du Manitoba et de l'Ontario, obligés d'apprendre l'anglais dans des écoles provinciales, ou les minorités de la France, obligées d'oublier l'occitan ou le breton dans les écoles de la IIIe République. Mais le sous-financement entraînait l'embauche de personnel enseignant peu qualifié dans ces pensionnats, et tant l'isolement que le pouvoir conféré par le statut de Blanc permettaient d'aller beaucoup plus loin. Les cas d'abus et de mauvais traitements sont d'ailleurs souvent signalés au ministère par ses propres fonctionnaires, mais les sanctions sont rares, sinon inexistantes, peut-être parce que l'embauche de nouveaux enseignants serait difficile... Dans ces conditions, la porte était ouverte à bien des dérapages.
Dans la photo ci-dessous, prise vers 1922 dans les Territoires du Nord-Ouest, les enfants d'un pensionnat de Fort Simpson épellent le mot « Good bye ». Aujourd'hui, si les excuses du premier ministre sont sincères, espérons qu'il deviendra possible pour les survivants des écoles résidentielles de dire adieu aux souvenirs douloureux dans la mesure où ils sauront que plus personne ne nie la réalité de leurs souffrances.
(J.F. Moran / Bibliothèque et Archives Canada / PA-102575)
2008-06-10
Le clan des encensés
Difficile d'imaginer la traduction en français du titre du nouveau roman de Lee Danielle Hubbard, The Clan of the Dung-Sniffers... « Le Clan des sniffeurs de bouse? » À la rigueur, mais ce n'est pas vraiment l'important, de toute façon. La jeune écrivaine de Victoria a choisi un titre opaque, qui ne révèle rien de majeur au sujet de son roman même s'il désigne le cercle des personnages principaux, réunis par le hasard et unis par l'amitié dans un monde fantastique vaguement médiéval ou orientalisant. La légende raconte que le troisième soleil s'y est abîmé dans l'océan et a donné naissance à des mers acides où les Bédouins immergent leurs morts pour en assurer la dissolution. Les personnages principaux habitent une Cité qui serait l'une des rares agglomérations survivantes. Ils ne forment pas un clan au sens ethnologique du terme, toutefois, et ils ne s'intoxiquent pas en humant des relents de bouse. Ils brûlent un peu d'encens pestilentiel quand ils se rencontrent, mais il s'agit d'un détail, et le lecteur aura presque l'impression que l'autrice l'a inclus pour justifier son titre... En traduisant le titre par « Le Clan des encensés », on obtiendrait d'ailleurs un double sens éclairant, puisque ce serait facile de lire « Le Clan des insensés » et que ce dernier terme décrirait assez bien plusieurs des personnages principaux...
Non qu'ils soient fous au sens clinique du terme, mais plusieurs sont fort excentriques, disons, en particulier le narrateur, Ksar, qui adopte un déguisement différent par jour et qui est devenu l'ami d'un fils d'alchimiste qui élève des cobras miniatures. Quand des plumes commencent à pousser à son ami, Glane, le jeune Ksar ne sait trop comment réagir, en particulier quand Glane est à l'hôpital, craint de mourir et s'en prend à Ksar. Leurs craintes à tous sont sûrement aiguisées par leur culpabilité, car le clan en question est né d'un accident devenu un crime dont ils gardent le secret. Quand ils se croient poursuivis par des abeilles capables de transformer ceux qu'elles piquent en oiseaux, les membres du clan se dispersent. Les aventures du Bédouin Yaryk et de son jeune protégé, Blade, composent la seconde narration principale du livre. Avant de revenir dans la Cité qu'ils ont quitté, tant l'adulte que l'adolescent auront appris au contact d'un monde moins magnanime à modérer leurs attentes et leurs ambitions.
En fait, il s'agit d'un roman sur le romanesque, les aléas de l'amitié et la pénible obligation d'accéder à la condition adulte en sacrifiant quelques illusions. L'autrice crée une atmosphère onirique, pas aussi marquée que dans The Arabian Nightmare de Robert Irwin dont j'ai déjà parlé, mais qui va beaucoup plus loin que la plupart des romans actuels de fantasy en anglais. Elle conclut le roman en livrant quelques éclaircissements qui suggèrent que les peurs des amis du petit clan ont grossi les périls et aussi l'étrangeté de ceux-ci, mais j'ai presque l'impression qu'il s'agit d'une obligation de clarté à laquelle son éditeur l'a astreinte pour rassurer un peu les lecteurs qu'il existait une cohérence à cette plongée dans l'altérité. Est-ce un roman réussi? Peut-être pas tout à fait, tellement il se disperse en même temps que les personnages, mais il est certainement original et fascinant. J'achèterai sans doute le prochain roman de Lee Danielle Hubbard, pour voir.
Non qu'ils soient fous au sens clinique du terme, mais plusieurs sont fort excentriques, disons, en particulier le narrateur, Ksar, qui adopte un déguisement différent par jour et qui est devenu l'ami d'un fils d'alchimiste qui élève des cobras miniatures. Quand des plumes commencent à pousser à son ami, Glane, le jeune Ksar ne sait trop comment réagir, en particulier quand Glane est à l'hôpital, craint de mourir et s'en prend à Ksar. Leurs craintes à tous sont sûrement aiguisées par leur culpabilité, car le clan en question est né d'un accident devenu un crime dont ils gardent le secret. Quand ils se croient poursuivis par des abeilles capables de transformer ceux qu'elles piquent en oiseaux, les membres du clan se dispersent. Les aventures du Bédouin Yaryk et de son jeune protégé, Blade, composent la seconde narration principale du livre. Avant de revenir dans la Cité qu'ils ont quitté, tant l'adulte que l'adolescent auront appris au contact d'un monde moins magnanime à modérer leurs attentes et leurs ambitions.
En fait, il s'agit d'un roman sur le romanesque, les aléas de l'amitié et la pénible obligation d'accéder à la condition adulte en sacrifiant quelques illusions. L'autrice crée une atmosphère onirique, pas aussi marquée que dans The Arabian Nightmare de Robert Irwin dont j'ai déjà parlé, mais qui va beaucoup plus loin que la plupart des romans actuels de fantasy en anglais. Elle conclut le roman en livrant quelques éclaircissements qui suggèrent que les peurs des amis du petit clan ont grossi les périls et aussi l'étrangeté de ceux-ci, mais j'ai presque l'impression qu'il s'agit d'une obligation de clarté à laquelle son éditeur l'a astreinte pour rassurer un peu les lecteurs qu'il existait une cohérence à cette plongée dans l'altérité. Est-ce un roman réussi? Peut-être pas tout à fait, tellement il se disperse en même temps que les personnages, mais il est certainement original et fascinant. J'achèterai sans doute le prochain roman de Lee Danielle Hubbard, pour voir.
Libellés : Fantastique, Livres
2008-06-09
Notre Galaxie, révisée
J'avais déjà illustré en 2005 le nouveau plan de la Galaxie tel que les recherches de Robert Benjamin (Université du Wisconsin) l'avaient conduit à la repenser. La poursuite de ses travaux lui a permis de raffiner ce plan, selon ce communiqué de la NASA. Du coup, certains des bras principaux sont réduits à de simples moignons, ou disons plutôt des tronçons ou des éperons. (En français, une version de cette annonce parle de bras mineurs.) La Voie lactée ne garde plus que deux grands bras spiraux, soit ceux de Persée et de l'Écu-Centaure. Mais est-ce le dernier mot en la matière? C'est ce que montrera la suite des recherches...
(Image : NASA / JPL-Caltech / R. Hurt, SSC-Caltech)
(Image : NASA / JPL-Caltech / R. Hurt, SSC-Caltech)
Libellés : Sciences
2008-06-07
S'asseoir sur la poésie à Québec
En sortant de la gare à Québec, je me suis arrêté pour examiner une œuvre d'art en construction de Michel Goulet qu'il a intitulée « Rêver le nouveau monde ». Il s'agit du cadeau de la ville de Montréal à Québec pour son quatre centième anniversaire. Quarante-quatre chaises métalliques occupent une allée, dont quarante qui portent des inscriptions, pour la plupart des extraits de poèmes. Certaines paires de chaises se font face, ou sont disposées côte à côte, ou l'une derrière l'autre. J'ai particulièrement aimé la paire ci-contre qui combine une citation en inuktitut à droite (j'ai aussi relevé une citation de Leonard Cohen en anglais) et une citation d'Alfred Desrochers (1901-1978) à gauche : « Je n'ai pas appris de Poucet / Le secret de marquer la route / Qui reconduise où l'on passait ». Par contre, pour immortaliser de nouveau les pérégrinations de mon sac bleu, j'ai choisi une chaise consacrée à Dany Laferrière qui exprime une pensée également douce-amère : « Je dois tout dire dans une langue / qui n'est pas celle de ma mère. / C'est ça le voyage. » Mais si j'étais de passage à Québec, c'était pour en ramener des livres pour mes collections et pour souhaiter bon anniversaire à René B. comme l'an dernier. Mes hôtes du Pays Perdu étaient venus, ainsi que Benoit G., Mario G. et plusieurs autres membres des anciens et nouveaux cercles de la sf à Québec. (J'ai revu Jean A. pour la première fois depuis longtemps, tandis que d'autres avaient assisté au dernier Boréal, dont Alain J. et Pascale R.) La soirée a d'ailleurs laissé de bons souvenirs à Lyriell. Je n'ai pas réussi à m'aventurer dans l'antre aux livres sans faire s'écrouler une pile, mais j'en suis quand même revenu avec une photo. Sinon, je me suis rendu jusqu'à Beauport pour m'aventurer dans un autre repaire bourré de livres, sauf que ceux-ci étaient en général plus anciens. (Le bouquiniste m'a sorti un exemplaire des Notions élémentaires de physique rédigées en 1841 par Joseph Cauchon.) La maison de mon fournisseur se dressait dans un cadre verdoyant, à deux pas d'un ruisseau coulant au fond d'un ravin, et à deux minutes à pied du monumental Centre hospitalier Robert-Giffard, le plus ancien établissement psychiatrique du Québec, héritier de l'asile de Beauport dont Joseph Cauchon avait été propriétaire, justement... Je suis d'ailleurs revenu à pied jusqu'au centre-ville, ce qui m'a pris moins d'une heure et m'a permis de localiser le Campus de Québec du CEGEP Limoilou, qui accueillera peut-être le congrès Boréal en 2010. Du pont Joseph-Samson, j'ai pris une photo du vieux pont ferroviaire qui enjambe en partie l'estuaire de la rivière Saint-Charles.
2008-06-06
Pour des universités bilingues?
Dans son livre Sorry, I don't speak French paru avant qu'il devienne commissaire aux Langues officielles, Graham Fraser notait que les universités canadiennes n'exigent presque plus une connaissance des deux langues officielles, à l'entrée ou à la sortie. Selon cet article, il serait même allé jusqu'à proposer de lier le financement des universités à leur bilinguisme : « Avant qu’il ne fasse fonction de commissaire, un article avait rapporté ses propos selon lesquels le financement universitaire fédéral devrait tenir compte du bilinguisme des diplômés, propos qu’il a par la suite rectifiés dans une lettre au rédacteur en chef du journal, précisant qu’il ne croyait pas que le financement devrait être lié au bilinguisme des étudiants, mais bien que des mesures incitatives devraient être prévues afin de donner aux étudiants l’occasion de faire des études universitaires dans l’autre langue officielle. »
C'est dommage qu'il ait reculé. La préservation de la dualité linguistique du Canada demeure précaire. Si Stéphane Dion voulait montrer qu'il a des couilles, il pourrait reprendre l'idée à son compte. Le financement fédéral des universités pourrait être lié à une exigence de connaissance du français des diplômés.
Attention! je ne dis pas une exigence de bilinguisme. Ce serait effectivement utopique d'exiger que tous les étudiants, au terme d'un programme universitaire, puisse lire, parler et écrire les deux langues. Cependant, il me semble que ce ne serait pas trop tuant d'apprendre suffisamment de français (ou d'anglais) pour lire et comprendre un article de journal dans l'autre langue. Exiger que tous les diplômés universitaires (à l'exception peut-être des étudiants autochtones et étrangers) en soient capables ne ferait que rehausser la valeur d'un diplôme universitaire (que l'application élargie du terme « université » à des institutions moins ambitieuses ne fait que galvauder). Au Canada, on ne devrait pas pouvoir se prétendre éduqué (au sens universitaire du terme) sans connaître minimalement l'autre langue officielle.
Une telle exigence provoquerait sans doute un tollé au Québec comme dans le reste du Canada. Mais les étudiants universitaires québécois doivent déjà acquérir une connaissance pratique de l'anglais dans de nombreux domaines (en particulier les domaines scientifiques). Ce ne serait donc pas trop contraignant pour eux. Du côté anglophone, il faudrait rappeler que cette exigence assez peu onéreuse ne ferait que tester une connaissance du français supposée acquise dès l'école primaire ou intermédiaire dans plusieurs provinces. (Là où des écoles auraient cessé d'enseigner le français, cette exigence les forcerait à revenir en arrière.) Ce serait l'occasion pour Stéphane Dion de se tenir debout — au besoin, en se donnant en exemple de quelqu'un qui souffre de ne pas avoir appris l'autre langue officielle quand il aurait pu le faire.
Certes, cette mesure exonérerait les trois quarts de la population qui ne passent pas par l'université, mais ce serait un argument en sa faveur d'un point de vue politique, puisqu'on ne rallumerait pas la hantise de ceux qui croient encore que le bilinguisme officiel a pour but de forcer tout le monde à parler deux langues. Et elle semblera insupportablement modeste aux tenants du bilinguisme fonctionnel, mais ma fréquentation des anglophones du Canada m'incite à penser que cette exigence représenterait au minimum une remise à niveau des acquis, voire un nouvel acquis, pour une fraction de la population universitaire du pays.
C'est dommage qu'il ait reculé. La préservation de la dualité linguistique du Canada demeure précaire. Si Stéphane Dion voulait montrer qu'il a des couilles, il pourrait reprendre l'idée à son compte. Le financement fédéral des universités pourrait être lié à une exigence de connaissance du français des diplômés.
Attention! je ne dis pas une exigence de bilinguisme. Ce serait effectivement utopique d'exiger que tous les étudiants, au terme d'un programme universitaire, puisse lire, parler et écrire les deux langues. Cependant, il me semble que ce ne serait pas trop tuant d'apprendre suffisamment de français (ou d'anglais) pour lire et comprendre un article de journal dans l'autre langue. Exiger que tous les diplômés universitaires (à l'exception peut-être des étudiants autochtones et étrangers) en soient capables ne ferait que rehausser la valeur d'un diplôme universitaire (que l'application élargie du terme « université » à des institutions moins ambitieuses ne fait que galvauder). Au Canada, on ne devrait pas pouvoir se prétendre éduqué (au sens universitaire du terme) sans connaître minimalement l'autre langue officielle.
Une telle exigence provoquerait sans doute un tollé au Québec comme dans le reste du Canada. Mais les étudiants universitaires québécois doivent déjà acquérir une connaissance pratique de l'anglais dans de nombreux domaines (en particulier les domaines scientifiques). Ce ne serait donc pas trop contraignant pour eux. Du côté anglophone, il faudrait rappeler que cette exigence assez peu onéreuse ne ferait que tester une connaissance du français supposée acquise dès l'école primaire ou intermédiaire dans plusieurs provinces. (Là où des écoles auraient cessé d'enseigner le français, cette exigence les forcerait à revenir en arrière.) Ce serait l'occasion pour Stéphane Dion de se tenir debout — au besoin, en se donnant en exemple de quelqu'un qui souffre de ne pas avoir appris l'autre langue officielle quand il aurait pu le faire.
Certes, cette mesure exonérerait les trois quarts de la population qui ne passent pas par l'université, mais ce serait un argument en sa faveur d'un point de vue politique, puisqu'on ne rallumerait pas la hantise de ceux qui croient encore que le bilinguisme officiel a pour but de forcer tout le monde à parler deux langues. Et elle semblera insupportablement modeste aux tenants du bilinguisme fonctionnel, mais ma fréquentation des anglophones du Canada m'incite à penser que cette exigence représenterait au minimum une remise à niveau des acquis, voire un nouvel acquis, pour une fraction de la population universitaire du pays.
2008-06-05
Obama, donc
La victoire semble donc acquise à Barack Obama dans la course à l'investiture démocrate pour l'élection présidentielle aux États-Unis.
Le plus difficile reste à faire. Entretenir la flamme des ardents, l'allumer chez les sceptiques... et la mettre sous le boisseau pour ne pas échauder les tièdes.
Pour aller au-delà, j'ai l'impression qu'il devra proposer quelque chose de plus. Selon cet article de Mark Schmitt, Hillary Clinton avait trouvé le moyen de rejoindre les électeurs des classes ouvrières et moyennes dans plusieurs États qui ont voté durant la fin de la campagne. J'ai déjà confessé mon scepticisme face au phénomène Obama, et je reste sur mon quant-à-soi, car son programme semble flou et il demeure un homme d'appareil presque autant que Clinton. On a du mal à croire (si ce n'est qu'en raison de ses déclarations récentes au sujet de l'Iran) qu'il infléchira si radicalement que ça la trajectoire du colosse américain. Cela dit, Gorbatchev aussi était un apparatchik...
Si j'ai (un peu) changé d'avis depuis, c'est grâce à son discours sur la question raciale aux États-Unis, qui était à la fois habile et intelligent. Par contre, si j'avais un préjugé favorable pour Hillary Clinton, il s'est dissipé. Déjà que son vote pour l'invasion de l'Irak me semblait à la fois répréhensible du point de vue de la politique et bassement électoraliste, parce qu'il était permis de croire (malgré le blocus irakien continué sous la présidence de Bill Clinton) qu'il n'était pas sincère. Qu'y a-t-il de pire qu'une Marguerite Thatcher va-t'en-guerre? Une politicienne qui vote pour la guerre uniquement pour se faire bien voir des bellicistes... Ses divagations au sujet de son atterrissage à Tuzla, sous le feu des canardeurs, ont confirmé le soupçon qu'elle cherchait à se donner une identité plus vendeuse et ont conforté tous ceux qui ont mis en doute sa sincérité dans la suite de la campagne.
Néanmoins, si Hillary a réussi à parler aux perdants et aux frustrés des États-Unis, une avenue est ouverte pour Obama. S'il existe véritablement une soif d'équité aux États-Unis, Obama pourrait tenter d'y répondre par un « Fair Deal », ce qui nous ramènerait à Truman...
Le plus difficile reste à faire. Entretenir la flamme des ardents, l'allumer chez les sceptiques... et la mettre sous le boisseau pour ne pas échauder les tièdes.
Pour aller au-delà, j'ai l'impression qu'il devra proposer quelque chose de plus. Selon cet article de Mark Schmitt, Hillary Clinton avait trouvé le moyen de rejoindre les électeurs des classes ouvrières et moyennes dans plusieurs États qui ont voté durant la fin de la campagne. J'ai déjà confessé mon scepticisme face au phénomène Obama, et je reste sur mon quant-à-soi, car son programme semble flou et il demeure un homme d'appareil presque autant que Clinton. On a du mal à croire (si ce n'est qu'en raison de ses déclarations récentes au sujet de l'Iran) qu'il infléchira si radicalement que ça la trajectoire du colosse américain. Cela dit, Gorbatchev aussi était un apparatchik...
Si j'ai (un peu) changé d'avis depuis, c'est grâce à son discours sur la question raciale aux États-Unis, qui était à la fois habile et intelligent. Par contre, si j'avais un préjugé favorable pour Hillary Clinton, il s'est dissipé. Déjà que son vote pour l'invasion de l'Irak me semblait à la fois répréhensible du point de vue de la politique et bassement électoraliste, parce qu'il était permis de croire (malgré le blocus irakien continué sous la présidence de Bill Clinton) qu'il n'était pas sincère. Qu'y a-t-il de pire qu'une Marguerite Thatcher va-t'en-guerre? Une politicienne qui vote pour la guerre uniquement pour se faire bien voir des bellicistes... Ses divagations au sujet de son atterrissage à Tuzla, sous le feu des canardeurs, ont confirmé le soupçon qu'elle cherchait à se donner une identité plus vendeuse et ont conforté tous ceux qui ont mis en doute sa sincérité dans la suite de la campagne.
Néanmoins, si Hillary a réussi à parler aux perdants et aux frustrés des États-Unis, une avenue est ouverte pour Obama. S'il existe véritablement une soif d'équité aux États-Unis, Obama pourrait tenter d'y répondre par un « Fair Deal », ce qui nous ramènerait à Truman...
Libellés : États-Unis, Politique
2008-06-04
Retour sur la situation de l'UQÀM
Le second rapport du Vérificateur général du Québec sur les dépassements financiers à l'UQÀM est maintenant disponible en deux parties : une présentation (.PDF) et le rapport (.PDF) proprement dit. Le premier rapport (.PDF) à ce sujet, déposé en novembre 2007, est également disponible. Il s'intéressait plus particulièrement à l'impact des pertes immobilières sur la situation financière de l'université; le second rapport se penche plutôt sur les principaux facteurs responsables de ces pertes.
Selon la présentation sommaire, il faut blâmer certainement et principalement le recteur, le vice-recteur et le directeur aux investissements. Mais, comme il le fallait et comme je m'y attendais, le conseil d'administration est également blâmable et il est blâmé :
« Le CA de l’UQAM n’a pas joué adéquatement son rôle:
— N’a pas obtenu les garanties nécessaires relativement au financement espéré avant d’approuver les projets;
— N’a pas analysé la qualité des hypothèses de coûts et de rentabilité présentées dans les documents en appui aux projets;
— N’a pas fait de suivi approprié des budgets ni évalué l’impact des projets si le financement et la rentabilité ne se matérialisaient pas »
Aux paliers supérieurs, ni l'Université du Québec ni le ministère de l'Éducation n'en sortent indemnes, non plus, car ils ne sont pas non plus intervenus pour poser les questions qui s'imposaient. Et le ministère se serait montré inconstant dans ses pratiques de subvention des universités.
Dans le rapport comme dans la présentation, je note que le vérificateur classe systématiquement les résidences étudiantes comme une composante commerciale des projets immobiliers, ce qui lui permet d'évaluer à la baisse la part proprement universitaire en la limitant aux seuls locaux d'enseignements et bureaux du personnel. Pourtant, que ces résidences soient gérées ou non dans le but de faire des affaires, elles ont avant tout une finalité au service de l'université. J'ai l'impression qu'encore une fois, les Uquamiens pourront se plaindre qu'on noircit le tableau indûment... mais c'est que le ministère lui-même refuse de reconnaître les résidences étudiantes comme étant liées à l'enseignement ou dignes de subvention.
Comme les deux projets immobiliers incorporaient de nombreuses résidences, on ne s'étonnera pas que la part du ministère dans leur financement ait été relativement faible. De plus, le ministère n'a rien versé pour financer le déménagement de la Télé-Université dans les locaux de l'UQÀM puisque celle-ci bénéficiait déjà de locaux ailleurs, que le ministère continuerait à payer(!).
Le reste du rapport est consternant. Hypothèses trop optimistes, informations trompeuses ou carrément erronées, manque de curiosité des gestionnaires... Par exemple, dans le cas de l'approbation du projet de l'Îlot Voyageur (d'environ 300 millions de dollars), l'assemblée des gouverneurs de l'Université du Québec traite la chose en deux temps trois mouvements :
« L’assemblée approuve le projet le 21 mars 2005 lors d’une conférence téléphonique de 15 minutes à laquelle 14 de ses 24 membres participent. Mentionnons qu’un seul membre est présent à la séance d’information technique qui a précédé cette réunion. L’assemblée des gouverneurs ne demande aucun suivi malgré les événements, les dates critiques à venir (dates afférentes au bail avec le locataire du terminus, dates de retrait pour la phase II des résidences et l’immeuble de bureaux) et l’ampleur des sommes en cause. » (p. 49)
Mais le budget va gonfler, passant de 332,8 millions de dollars en mars 2005 à 528,9 millions en janvier 2008, ce que le Vérificateur général impute :
• à la sous-évaluation du budget de départ (concept proposé, relocalisation d’équipements publics, lien piétonnier avec accès au métro, certification du bâtiment aux normes LEED, aménagement paysager, frais financiers, mobilier, téléphonie et infrastructure informatique);
• aux ajouts (changements dans la structure de l’immeuble pour satisfaire aux demandes de la ville, salle hémicycle, éléments visuels et architecturaux, centre de la petite enfance, vélostation, salle polyvalente, salle d’archives);
• à la mauvaise estimation des coûts;
• à l'augmentation des honoraires du promoteur et de ceux des professionnels.
Soupir! En fin de compte, malgré de nombreux facteurs atténuants (on a carrément menti aux membres du CA à l'occasion), le rapport conclut que les « administrateurs de l’UQAM sont en partie responsables des déboires financiers associés aux projets immobiliers de l’université, entre autres pour les raisons suivantes », qui incluent l'absence de mise en place d'un cadre de gestion des projets immobiliers, l'approbation sans examen sérieux des augmentations de la marge de crédit et d'une émission obligataire, l'absence de suivi des projets et l'acceptation répétée d'être mis devant des faits accomplis par le recteur, et de les enregistrer. Mais ces lacunes n'exonèrent aucunement les autres acteurs.
La conclusion impute la responsabilité de fiasco à la mauvaise gestion du recteur et de sa garde rapprochée, au manque de franchise de ceux-ci à l'égard du CA et des paliers supérieurs et aux déficiences de la gouvernance de ces mêmes instances dirigeantes. Bref, comme dans tous les grands fiascos, personne n'en sort grandi et tout le monde a droit à sa part de blâme...
Selon la présentation sommaire, il faut blâmer certainement et principalement le recteur, le vice-recteur et le directeur aux investissements. Mais, comme il le fallait et comme je m'y attendais, le conseil d'administration est également blâmable et il est blâmé :
« Le CA de l’UQAM n’a pas joué adéquatement son rôle:
— N’a pas obtenu les garanties nécessaires relativement au financement espéré avant d’approuver les projets;
— N’a pas analysé la qualité des hypothèses de coûts et de rentabilité présentées dans les documents en appui aux projets;
— N’a pas fait de suivi approprié des budgets ni évalué l’impact des projets si le financement et la rentabilité ne se matérialisaient pas »
Aux paliers supérieurs, ni l'Université du Québec ni le ministère de l'Éducation n'en sortent indemnes, non plus, car ils ne sont pas non plus intervenus pour poser les questions qui s'imposaient. Et le ministère se serait montré inconstant dans ses pratiques de subvention des universités.
Dans le rapport comme dans la présentation, je note que le vérificateur classe systématiquement les résidences étudiantes comme une composante commerciale des projets immobiliers, ce qui lui permet d'évaluer à la baisse la part proprement universitaire en la limitant aux seuls locaux d'enseignements et bureaux du personnel. Pourtant, que ces résidences soient gérées ou non dans le but de faire des affaires, elles ont avant tout une finalité au service de l'université. J'ai l'impression qu'encore une fois, les Uquamiens pourront se plaindre qu'on noircit le tableau indûment... mais c'est que le ministère lui-même refuse de reconnaître les résidences étudiantes comme étant liées à l'enseignement ou dignes de subvention.
Comme les deux projets immobiliers incorporaient de nombreuses résidences, on ne s'étonnera pas que la part du ministère dans leur financement ait été relativement faible. De plus, le ministère n'a rien versé pour financer le déménagement de la Télé-Université dans les locaux de l'UQÀM puisque celle-ci bénéficiait déjà de locaux ailleurs, que le ministère continuerait à payer(!).
Le reste du rapport est consternant. Hypothèses trop optimistes, informations trompeuses ou carrément erronées, manque de curiosité des gestionnaires... Par exemple, dans le cas de l'approbation du projet de l'Îlot Voyageur (d'environ 300 millions de dollars), l'assemblée des gouverneurs de l'Université du Québec traite la chose en deux temps trois mouvements :
« L’assemblée approuve le projet le 21 mars 2005 lors d’une conférence téléphonique de 15 minutes à laquelle 14 de ses 24 membres participent. Mentionnons qu’un seul membre est présent à la séance d’information technique qui a précédé cette réunion. L’assemblée des gouverneurs ne demande aucun suivi malgré les événements, les dates critiques à venir (dates afférentes au bail avec le locataire du terminus, dates de retrait pour la phase II des résidences et l’immeuble de bureaux) et l’ampleur des sommes en cause. » (p. 49)
Mais le budget va gonfler, passant de 332,8 millions de dollars en mars 2005 à 528,9 millions en janvier 2008, ce que le Vérificateur général impute :
• à la sous-évaluation du budget de départ (concept proposé, relocalisation d’équipements publics, lien piétonnier avec accès au métro, certification du bâtiment aux normes LEED, aménagement paysager, frais financiers, mobilier, téléphonie et infrastructure informatique);
• aux ajouts (changements dans la structure de l’immeuble pour satisfaire aux demandes de la ville, salle hémicycle, éléments visuels et architecturaux, centre de la petite enfance, vélostation, salle polyvalente, salle d’archives);
• à la mauvaise estimation des coûts;
• à l'augmentation des honoraires du promoteur et de ceux des professionnels.
Soupir! En fin de compte, malgré de nombreux facteurs atténuants (on a carrément menti aux membres du CA à l'occasion), le rapport conclut que les « administrateurs de l’UQAM sont en partie responsables des déboires financiers associés aux projets immobiliers de l’université, entre autres pour les raisons suivantes », qui incluent l'absence de mise en place d'un cadre de gestion des projets immobiliers, l'approbation sans examen sérieux des augmentations de la marge de crédit et d'une émission obligataire, l'absence de suivi des projets et l'acceptation répétée d'être mis devant des faits accomplis par le recteur, et de les enregistrer. Mais ces lacunes n'exonèrent aucunement les autres acteurs.
La conclusion impute la responsabilité de fiasco à la mauvaise gestion du recteur et de sa garde rapprochée, au manque de franchise de ceux-ci à l'égard du CA et des paliers supérieurs et aux déficiences de la gouvernance de ces mêmes instances dirigeantes. Bref, comme dans tous les grands fiascos, personne n'en sort grandi et tout le monde a droit à sa part de blâme...
Libellés : Université
2008-06-03
Un pont à Bruges
Il y a deux semaines, Hugo conviait ses lecteurs à Bruges sur le chemin des Pays-Bas en leur offrant des photos toujours aussi superbes, et en privilégiant les jeux de reflets dans l'eau des canaux. Ceci m'a inévitablement rappelé mon seul et unique passage à Bruges, le 27 août 1990, après la Convention mondiale de science-fiction de La Haye. Je n'avais pas pris énormément de photos. C'était l'époque de l'argentique, les pellicules coûtaient cher et j'avais presque épuisé mes réserves financières puisque l'été s'achevait en même temps que mon grand tour européen. Par conséquent, je choisissais soigneusement mes photos. Néanmoins, après avoir mangé à la nuit tombée dans un restau sur la grand-place, je m'étais promené une dernière fois dans les rues enténébrées de la ville et j'avais pris la photo ci-dessus d'un pont se mirant dans l'eau d'un canal. N'est-ce pas splendide?
Évidemment, si on a l'œil, on aura tout de suite compris que cette photo est inversée. La photo véritable est celle-ci, toujours à droite. La comparaison permet tout de suite de voir que c'est dans ce sens que les édifices se voient le plus nettement au lieu de se perdre dans l'étrange brume de la photo renversée ci-dessus. (Cela dit, la photo à l'envers confère à la scène une belle ambiance fantastique.) Avec une pellicule faite pour prendre des photos en plein jour, prendre une photo la nuit exigeait un temps d'exposition assez long, et j'avais sans doute été obligé d'appuyer l'appareil sur la margelle d'un autre pont de pierre afin d'obtenir la stabilité requise pendant la seconde ou deux d'exposition. (Je ne me trimballais certainement pas avec un trépied!) Néanmoins, l'effet obtenu me ravit encore, deux décennies plus tard, à l'envers comme à l'endroit, et sans doute que les aventures de Pétrel à Zodiaque, dans les romans de Laurent McAllister, doivent autant à ma visite de Bruges qu'à ma visite de Venise...Les photos prises de jour à Bruges sont plus ordinaires, en un sens. C'est le mobilier urbain qui était extraordinaire, comme dans le cas du banc public ci-dessus dont les appuis avaient pris la forme de petits dragons. Ou bien, de ces fauteuils de pierre sculptée, dans une cour quelconque, qui semblaient inviter les passants à chevaucher un hippogriffe... (On notera les pattes griffues et les flancs emplumés dans la photo à gauche.) J'en ai profité pour déposer au centre le sac qui me servait pour mes expéditions d'une journée, histoire d'immortaliser un fidèle compagnon, qu'il m'arrive encore d'emporter à l'occasion pour une courte balade. Après tout, j'ai un ami qui emporte dans ses voyages un ourson qu'il introduit dans les photos de ses découvertes au Japon ou ailleurs. (Ce qui peut aussi rappeler le gnome voyageur dans Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain, mais sans le report des envies de dépaysement du propriétaire sur l'objet qui lui appartient. Encore que!) Mettons que je n'ai pas pris le pli d'inclure ce sac dans toutes mes photos de voyage, mais je crois qu'il a refait surface une fois ou deux par la suite. Surtout que je l'ai encore...
Sinon, j'ai aussi ramené de Bruges une photo de la statue de Simon Stevin, grand physicien et mathématicien de son temps, né à Bruges, qui avait répandu l'usage des décimales, prouvé l'impossibilité d'un type de mouvement perpétuel, tenté avant Galilée l'expérience de la chute comparée de corps de masses inégales et construit un char à voiles filant sur le sable des dunes hollandaises plus vite qu'un cheval au trot, voire au galop...
Évidemment, si on a l'œil, on aura tout de suite compris que cette photo est inversée. La photo véritable est celle-ci, toujours à droite. La comparaison permet tout de suite de voir que c'est dans ce sens que les édifices se voient le plus nettement au lieu de se perdre dans l'étrange brume de la photo renversée ci-dessus. (Cela dit, la photo à l'envers confère à la scène une belle ambiance fantastique.) Avec une pellicule faite pour prendre des photos en plein jour, prendre une photo la nuit exigeait un temps d'exposition assez long, et j'avais sans doute été obligé d'appuyer l'appareil sur la margelle d'un autre pont de pierre afin d'obtenir la stabilité requise pendant la seconde ou deux d'exposition. (Je ne me trimballais certainement pas avec un trépied!) Néanmoins, l'effet obtenu me ravit encore, deux décennies plus tard, à l'envers comme à l'endroit, et sans doute que les aventures de Pétrel à Zodiaque, dans les romans de Laurent McAllister, doivent autant à ma visite de Bruges qu'à ma visite de Venise...Les photos prises de jour à Bruges sont plus ordinaires, en un sens. C'est le mobilier urbain qui était extraordinaire, comme dans le cas du banc public ci-dessus dont les appuis avaient pris la forme de petits dragons. Ou bien, de ces fauteuils de pierre sculptée, dans une cour quelconque, qui semblaient inviter les passants à chevaucher un hippogriffe... (On notera les pattes griffues et les flancs emplumés dans la photo à gauche.) J'en ai profité pour déposer au centre le sac qui me servait pour mes expéditions d'une journée, histoire d'immortaliser un fidèle compagnon, qu'il m'arrive encore d'emporter à l'occasion pour une courte balade. Après tout, j'ai un ami qui emporte dans ses voyages un ourson qu'il introduit dans les photos de ses découvertes au Japon ou ailleurs. (Ce qui peut aussi rappeler le gnome voyageur dans Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain, mais sans le report des envies de dépaysement du propriétaire sur l'objet qui lui appartient. Encore que!) Mettons que je n'ai pas pris le pli d'inclure ce sac dans toutes mes photos de voyage, mais je crois qu'il a refait surface une fois ou deux par la suite. Surtout que je l'ai encore...
Sinon, j'ai aussi ramené de Bruges une photo de la statue de Simon Stevin, grand physicien et mathématicien de son temps, né à Bruges, qui avait répandu l'usage des décimales, prouvé l'impossibilité d'un type de mouvement perpétuel, tenté avant Galilée l'expérience de la chute comparée de corps de masses inégales et construit un char à voiles filant sur le sable des dunes hollandaises plus vite qu'un cheval au trot, voire au galop...
Libellés : Photographie, Voyages
2008-06-02
L'Afrique en Europe
Je ne suis jamais allé en Afrique.
Et pourtant, l'an dernier à Nice, contemplant les bras asséchés de l'oued du Paillon, je n'avais pas l'impression que la côte nord de la Méditerranée soit si différente de la côte sud, et que Nice soit si éloignée d'Alger la Blanche. Et le New York Times vient de faire paraître un article en date de demain qui décrit le développement insensé du littoral près de Murcie en Espagne, le réchauffement du climat et le dessèchement du paysage. Le titre de l'article? « Warming Leads to Water Shortage and ‘Africanization’ of Spain »... En juillet 1984, j'étais d'ailleurs en voyage avec la famille dans la région immédiatement au nord de Murcie. Nous séjournions à Gandia, au sud de Valence, mais nous avions aussi visité Elche et Alicante. Pour un jeune Canadien, les paysages étaient formidablement exotiques — et pas seulement parce qu'ils avaient été le théâtre des exploits du Cid! Le soleil ardent, la rocaille, la terre desséchée, la culture en terrasses, les arbres plantés avec précision pour maximiser l'emploi des ressources... tous les éléments du paysage trahissaient un souci de l'eau que l'on ne retrouve pas au Canada et qu'on associe plutôt aux étendues désertiques de l'Afrique ou de certains autres continents. En fait, je dirais que j'ai même du mal à imaginer que le climat ait pu s'assécher davantage et que les fermiers s'inquiètent dorénavant de manquer d'eau, car, en plein juillet, l'aridité dépassait déjà tout ce que je connaissais...Mais si les pluies se raréfient et les puits se tarissent, il est également clair que la folie humaine a sa part de responsabilité. En 1984, déjà, j'avais été frappé par les villas opulentes édifiées au bord de la Méditerranée, à proximité de Benidorm ou ailleurs. (Dans un roman resté inédit, j'avais même logé quelque méchant rescapé du régime nazi dans une villa de la région.) L'article du New York Times illumine les échecs des tentatives de réglementer l'accès à l'eau dans une région aussi aride. Comme dans le sud-ouest des États-Unis, ceux qui veulent jouer au golf trouvent toujours le moyen d'obtenir l'eau nécessaire pour que leurs pelouses soient aussi vertes qu'en Écosse...
Je ne suis jamais allé en Afrique, mais j'ai peut-être vu l'Afrique du futur.
Et pourtant, l'an dernier à Nice, contemplant les bras asséchés de l'oued du Paillon, je n'avais pas l'impression que la côte nord de la Méditerranée soit si différente de la côte sud, et que Nice soit si éloignée d'Alger la Blanche. Et le New York Times vient de faire paraître un article en date de demain qui décrit le développement insensé du littoral près de Murcie en Espagne, le réchauffement du climat et le dessèchement du paysage. Le titre de l'article? « Warming Leads to Water Shortage and ‘Africanization’ of Spain »... En juillet 1984, j'étais d'ailleurs en voyage avec la famille dans la région immédiatement au nord de Murcie. Nous séjournions à Gandia, au sud de Valence, mais nous avions aussi visité Elche et Alicante. Pour un jeune Canadien, les paysages étaient formidablement exotiques — et pas seulement parce qu'ils avaient été le théâtre des exploits du Cid! Le soleil ardent, la rocaille, la terre desséchée, la culture en terrasses, les arbres plantés avec précision pour maximiser l'emploi des ressources... tous les éléments du paysage trahissaient un souci de l'eau que l'on ne retrouve pas au Canada et qu'on associe plutôt aux étendues désertiques de l'Afrique ou de certains autres continents. En fait, je dirais que j'ai même du mal à imaginer que le climat ait pu s'assécher davantage et que les fermiers s'inquiètent dorénavant de manquer d'eau, car, en plein juillet, l'aridité dépassait déjà tout ce que je connaissais...Mais si les pluies se raréfient et les puits se tarissent, il est également clair que la folie humaine a sa part de responsabilité. En 1984, déjà, j'avais été frappé par les villas opulentes édifiées au bord de la Méditerranée, à proximité de Benidorm ou ailleurs. (Dans un roman resté inédit, j'avais même logé quelque méchant rescapé du régime nazi dans une villa de la région.) L'article du New York Times illumine les échecs des tentatives de réglementer l'accès à l'eau dans une région aussi aride. Comme dans le sud-ouest des États-Unis, ceux qui veulent jouer au golf trouvent toujours le moyen d'obtenir l'eau nécessaire pour que leurs pelouses soient aussi vertes qu'en Écosse...
Je ne suis jamais allé en Afrique, mais j'ai peut-être vu l'Afrique du futur.
Libellés : Effet de serre, Environnement, Futurisme