2005-12-05
Le futur de la science-fiction (1)
Voici un titre aussi sujet à interprétation que le nom du blog. S'agit-il du futur tel qu'il est décrit dans la science-fiction? S'agit-il de l'avenir de cette catégorie littéraire?
Cette nuit, c'est l'avenir de la science-fiction comme moyen d'expression qui m'intéresse, mais j'ai soin d'ajouter un numéro puisqu'il serait impossible d'épuiser le sujet en un coup.
En ce moment, la fantasy occupe le haut du pavé du point de vue de la popularité ou du succès commercial, voire du retentissement médiatique. La science-fiction est de plus en plus cantonnée à des niches et créneaux spécifiques : les jeux vidéo, le dessin animé, des séries télévisées de plus en plus rares et quelques films qui s'inspirent des uns ou des autres. Et encore, il faut inclure des œuvres qui, dans le sillage de Star Wars, mâtinent la science-fiction d'éléments fantastiques ou carrément fantaisistes.
Pourtant, cette impopularité relative de la science-fiction pourrait être une chance. Je viens de compléter un grand survol de la nouvelle fantasy québécoise et je suis frappé par l'influence marquée des grands modèles — dont fait maintenant partie Guy Gavriel Kay. Le cinéma est aussi au nombre de ces influences qui façonnent jusqu'à l'arsenal narratif des auteurs.
Je me considère comme un auteur visuel, mais la lecture d'un roman dont les descriptions me font d'emblée penser à tel ou tel élément du vocabulaire visuel des cinéastes fantastiques est assez dérangeante. Lorsque de jeunes amateurs de fantasy se mettent à écrire quand ils sont encore jeunes, il leur est difficile de se détacher de leurs modèles. Le résultat commence à ressembler à la photocopie d'une photocopie d'une... Et reconnaissons qu'à cet âge tendre, ils troquent souvent la compréhension de la complexité des choses pour la passion. Sauf lorsque la passion est absente. Il n'y a rien de mal à tout ça, mais cela pourrait fixer un horizon indépassable aux jeunes générations d'écrivains de fantasy qui n'ont jamais eu l'occasion de se pencher sur leur écriture et sur leur création d'univers parce qu'il est tout simplement trop facile de se laisser porter par le courant puissant d'un fleuve déjà majestueux et qui n'ira qu'en se renforçant.
La science-fiction a sans doute déjà atteint les limites de cet enchaînement de calques répétés. Et elle a l'avantage de moins se prêter aux enthousiasmes juvéniles. Une Alexandra Larochelle peut être une jeune vedette de la littérature jeunesse en écrivant ce qu'Yves Meynard appelle le n'importe-quoi. Mais il est plus difficile de faire illusion en signant de la science-fiction. Ou peut-être que ce n'est tout simplement pas un genre qui passionne le tout-venant des lecteurs. On ne s'y met comme lecteur qu'à un certain âge, et on ne peut souvent s'y mettre comme auteur qu'après avoir investi un minimum de temps dans l'apprentissage des codes.
En revanche, j'ai l'impression qu'il est plus facile de renouveler la science-fiction. La fantasy n'est qu'un avatar de la littérature épique; elle peut exploiter de nouveaux filons mythologiques, mais les recettes de l'aventure dans un cadre pseudo-médiéval ou grosso modo pré-moderne sont toujours les mêmes depuis l'époque d'Artamène ou le Grand Cyrus. En revanche, la science-fiction peut intégrer le policier, le roman familial, la saga historique, l'histoire militaire ou le récit d'exploration sans trahir sa démarche. Et comme nous vivons dans un monde de progrès scientifiques ou technologiques, l'auteur n'a pas besoin de faire d'efforts immenses pour se renouveler. Des centaines de chercheurs et d'inventeurs lui servent sur un plateau d'argent de nouvelles réalités ou de nouvelles possibilités. Tiens, notre Galaxie est une spirale barrée? Tiens, il existe des galaxies fantômes qui ne contiennent que des gaz? (Qu'arriverait-il si un système solaire errant était capturé par cette galaxie invisible et que la vie prenait naissance sur une planète? Ce n'est pas tout à fait le scénario du roman Against A Dark Background d'Iain Banks, car les conséquences seraient différentes.) Découvertes et inventions nous font vivre dans un monde en constante évolution; rien de plus facile pour la science-fiction que de changer en se nourrissant de ces nouveautés.
Ci-dessus : Conception d'artiste du nouveau plan de notre Galaxie, selon Robert Benjamin de l'Université du Wisconsin à Whitewater. Courtesy NASA/JPL-Caltech/R. Hurt (SSC).
Cette nuit, c'est l'avenir de la science-fiction comme moyen d'expression qui m'intéresse, mais j'ai soin d'ajouter un numéro puisqu'il serait impossible d'épuiser le sujet en un coup.
En ce moment, la fantasy occupe le haut du pavé du point de vue de la popularité ou du succès commercial, voire du retentissement médiatique. La science-fiction est de plus en plus cantonnée à des niches et créneaux spécifiques : les jeux vidéo, le dessin animé, des séries télévisées de plus en plus rares et quelques films qui s'inspirent des uns ou des autres. Et encore, il faut inclure des œuvres qui, dans le sillage de Star Wars, mâtinent la science-fiction d'éléments fantastiques ou carrément fantaisistes.
Pourtant, cette impopularité relative de la science-fiction pourrait être une chance. Je viens de compléter un grand survol de la nouvelle fantasy québécoise et je suis frappé par l'influence marquée des grands modèles — dont fait maintenant partie Guy Gavriel Kay. Le cinéma est aussi au nombre de ces influences qui façonnent jusqu'à l'arsenal narratif des auteurs.
Je me considère comme un auteur visuel, mais la lecture d'un roman dont les descriptions me font d'emblée penser à tel ou tel élément du vocabulaire visuel des cinéastes fantastiques est assez dérangeante. Lorsque de jeunes amateurs de fantasy se mettent à écrire quand ils sont encore jeunes, il leur est difficile de se détacher de leurs modèles. Le résultat commence à ressembler à la photocopie d'une photocopie d'une... Et reconnaissons qu'à cet âge tendre, ils troquent souvent la compréhension de la complexité des choses pour la passion. Sauf lorsque la passion est absente. Il n'y a rien de mal à tout ça, mais cela pourrait fixer un horizon indépassable aux jeunes générations d'écrivains de fantasy qui n'ont jamais eu l'occasion de se pencher sur leur écriture et sur leur création d'univers parce qu'il est tout simplement trop facile de se laisser porter par le courant puissant d'un fleuve déjà majestueux et qui n'ira qu'en se renforçant.
La science-fiction a sans doute déjà atteint les limites de cet enchaînement de calques répétés. Et elle a l'avantage de moins se prêter aux enthousiasmes juvéniles. Une Alexandra Larochelle peut être une jeune vedette de la littérature jeunesse en écrivant ce qu'Yves Meynard appelle le n'importe-quoi. Mais il est plus difficile de faire illusion en signant de la science-fiction. Ou peut-être que ce n'est tout simplement pas un genre qui passionne le tout-venant des lecteurs. On ne s'y met comme lecteur qu'à un certain âge, et on ne peut souvent s'y mettre comme auteur qu'après avoir investi un minimum de temps dans l'apprentissage des codes.
En revanche, j'ai l'impression qu'il est plus facile de renouveler la science-fiction. La fantasy n'est qu'un avatar de la littérature épique; elle peut exploiter de nouveaux filons mythologiques, mais les recettes de l'aventure dans un cadre pseudo-médiéval ou grosso modo pré-moderne sont toujours les mêmes depuis l'époque d'Artamène ou le Grand Cyrus. En revanche, la science-fiction peut intégrer le policier, le roman familial, la saga historique, l'histoire militaire ou le récit d'exploration sans trahir sa démarche. Et comme nous vivons dans un monde de progrès scientifiques ou technologiques, l'auteur n'a pas besoin de faire d'efforts immenses pour se renouveler. Des centaines de chercheurs et d'inventeurs lui servent sur un plateau d'argent de nouvelles réalités ou de nouvelles possibilités. Tiens, notre Galaxie est une spirale barrée? Tiens, il existe des galaxies fantômes qui ne contiennent que des gaz? (Qu'arriverait-il si un système solaire errant était capturé par cette galaxie invisible et que la vie prenait naissance sur une planète? Ce n'est pas tout à fait le scénario du roman Against A Dark Background d'Iain Banks, car les conséquences seraient différentes.) Découvertes et inventions nous font vivre dans un monde en constante évolution; rien de plus facile pour la science-fiction que de changer en se nourrissant de ces nouveautés.
Ci-dessus : Conception d'artiste du nouveau plan de notre Galaxie, selon Robert Benjamin de l'Université du Wisconsin à Whitewater. Courtesy NASA/JPL-Caltech/R. Hurt (SSC).
Libellés : Futurisme, Science-fiction