2008-06-11

 

Excuses nationales

Aujourd'hui, le premier ministre du Canada offre ses excuses aux autochtones pour le soutien passé du gouvernement des écoles résidentielles, ces pensionnats par où sont passés des milliers d'enfants métis, inuit et des Premières Nations, de 1892 à 1996. Dans bien des cas, il s'agissait d'arracher des enfants à leurs familles pour leur apprendre les langues et les mœurs des Blancs. Je dis bien « les langues », car il y eut des pensionnats au Québec, même si certains Québécois préfèrent sans doute croire que cela ne concerne que les autres provinces, ou l'ouest du pays. Des Innus, des Algonquins, etc. passèrent par ces pensionnats et apprirent le français, de gré ou de force.

Ces pensionnats étaient l'expression d'une politique d'assimilation qui se rapprochait du génocide culturel. Les témoignages s'accordent sur l'interdiction de parler sa langue dans l'enceinte du pensionnat et sur le dénigrement des cultures autochtones. L'entassement, le manque de nourriture, des mauvais traitements et des abus sexuels sont aussi signalés, dans le cadre d'un sous-financement généralisé (hier et aujourd'hui encore — on peut signer une lettre aux politiciens concernés ici) de l'éducation des Premières Nations. L'adaptation a été la plus douloureuse pour les enfants de familles encore nomades, habituées à la liberté et à l'affection du cercle familial. Quelques-uns ont profité de leur découverte du monde scolaire et ont fait ensuite des carrières brillantes, mais ils semblent bien peu nombreux.

Cette politique n'était pas exceptionnelle en Occident à l'époque, comme peuvent en témoigner les francophones du Manitoba et de l'Ontario, obligés d'apprendre l'anglais dans des écoles provinciales, ou les minorités de la France, obligées d'oublier l'occitan ou le breton dans les écoles de la IIIe République. Mais le sous-financement entraînait l'embauche de personnel enseignant peu qualifié dans ces pensionnats, et tant l'isolement que le pouvoir conféré par le statut de Blanc permettaient d'aller beaucoup plus loin. Les cas d'abus et de mauvais traitements sont d'ailleurs souvent signalés au ministère par ses propres fonctionnaires, mais les sanctions sont rares, sinon inexistantes, peut-être parce que l'embauche de nouveaux enseignants serait difficile... Dans ces conditions, la porte était ouverte à bien des dérapages.

Dans la photo ci-dessous, prise vers 1922 dans les Territoires du Nord-Ouest, les enfants d'un pensionnat de Fort Simpson épellent le mot « Good bye ». Aujourd'hui, si les excuses du premier ministre sont sincères, espérons qu'il deviendra possible pour les survivants des écoles résidentielles de dire adieu aux souvenirs douloureux dans la mesure où ils sauront que plus personne ne nie la réalité de leurs souffrances.
(J.F. Moran / Bibliothèque et Archives Canada / PA-102575)

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Comments:
Suite à votre billet, je me permets de vous envoyer deux liens !

Tout d'abord, un premier lien vers le site d'un ex instituteur en banlieue parisienne qui développe avec tendresse un ouvrage sur l'éducation nationale dans cette zone du territoire français :
http://etpourquoidonc.hautetfort.com/

http://www.avenirdufutur.fr/?p=247


L'intégration forcée dont vous parliez dans votre article semble y etre devenue, ici, plutôt un abandon laxiste de nos jours.

Et d'autre part un lien vers un article qui dénonce la fermeture du Palais de la découverte à Paris. Je sais qu'un scientifique comme vous ne sera pas insensible à cet article. Une pétition est lancée :

http://www.les4verites.com/Le-Palais-de-la-Decouverte-face-a-la-contre-culture-1949.html

Amicalement.
 
Merci pour ces liens. Le livre de Vallet est sur ma liste d'ouvrages à découvrir, tout comme des films récents sur le sujet de l'enseignement en France (_Etre et avoir_, et le film qui a eu la palme d'or à Cannes).

Et vous avez bien deviné. J'ai signé la pétition pour sauver le Palais de la Découverte. Je l'avais visité en compagnie de mon grand-père, ingénieur de formation, quand j'étais petit. Et je n'avais pas été déçu. Pas étonnant que j'aie fait des études scientifiques plus tard...

Oui, La Villette, c'est sans doute plus cool. Mais je me souviens d'avoir visité La Villette l'année de son ouverture ou presque, et je me souviens surtout du nombre d'ordinateurs ou d'expositions interactives qui étaient en panne. Les désavantages de la haute technologie...
 
Merci beaucoup à vous pour cette signature !
 
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