2020-04-08

 

Des avatars d'un néologisme de science-fiction

J'ai été surpris d'apprendre, il y a quelques mois, qu'un néologisme de mon cru avait entrepris un périple inattendu en passant de la science-fiction à la traductologie.

Dans mon roman jeunesse Le Revenant de Fomalhaut (2002), le personnage principal est capturé par des extraterrestres originaires d'une planète géante.  Ceux-ci ont du mal à communiquer avec les humains, et réciproquement.  Le jeune protagoniste est transformé par ces extraterrestres en « biotraducteur ».  Le roman est un peu vague sur les détails techniques, mais il faut sans doute comprendre que les extraterrestres l'ont transformé biologiquement et génétiquement puisqu'il devient dès lors capable de s'exprimer dans une version de la langue des extraterrestres quand il souhaite formuler quelque chose dans sa langue maternelle.

Selon Nicolas Froeliger, les termes de « biotraducteur » et « biotraduction » circulent depuis quelques années dans le milieu des traducteurs, à l'instigation de Caroline Subra-Itsutsuji, pour désigner la traduction qui est le fait non pas de logiciels ou de machines mais de personnes humaines.  Ceci se retrouve dans son essai Les Noces de l'analogique et du numérique : De la traduction pragmatique (Paris, Les Belles Lettres, 2013) et cet article de Rudy Loock le rappelle aussi dans sa première note.  J'inclus ci-dessous une photo de la page pertinente de l'essai de Froeliger :


L'ironie, c'est que le terme de « biotraducteur » désigne dans ces textes un traducteur ou une traductrice qui traduit sans se faire aider de logiciels ou autres outils numériques.  La biotraduction, telle que je la comprends, c'est donc ce que ferait un être humain nu, rien qu'avec son cerveau.  Toutefois, dans Le Revenant de Fomalhaut, le personnage de Pierrick traduit à son insu : son cerveau et son appareil phonatoire ont été modifiés de façon à le faire parler comme un extraterrestre quand il croit parler sa propre langue.  En quelque sorte, sa traduction est le fait d'une machinerie organique qui lui a été implantée et qui traduit à sa place, sans qu'il contrôle grand-chose.  Il est donc un cas intermédiaire qui ne s'identifie ni à l'un ni à l'autre pôle mis de l'avant par les traductologues.  Ici, la science-fiction reste plus étrange que la réalité...

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