2008-09-30

 

Après Turner, Dion?

Qui se souvient de John Turner?

Premier ministre libéral du Canada pendant moins d'un été, il a ensuite été chef de l'Opposition officielle de 1984 à 1990. Dix jours après son arrivée au pouvoir, il déclenchait des élections (qu'il allait perdre de manière catastrophique), de sorte qu'il ne le dispute qu'à Charles Tupper pour ce qui est de la futilité de sa carrière politique comme chef de parti et chef de gouvernement. Comme premier ministre, il a surtout accompli ce qui devait le perdre, la distribution de postes et de récompenses aux anciens collaborateurs de Pierre Trudeau.

Pourquoi rappeler ces carrières avortées, sans parler des chefs de partis fédéraux qui sont restés dans l'opposition sans jamais en sortir, à l'instar de Robert Stanfield? Parce que les grands partis fédéraux qui s'étaient donné comme chefs des Québécois francophones ont en général connu beaucoup plus de succès. Laurier a été premier ministre pendant quinze ans en plus de diriger son parti pendant plus de trente ans. Louis Saint-Laurent pendant près de neuf ans. Pierre Elliott Trudeau pendant quinze ans aussi. Brian Mulroney pendant dix ans.

Peut-être parce qu'il fallait un talent exceptionnel à un francophone pour se distinguer dans l'arène de la politique canadienne, ces Québécois ont nettement mieux réussi que leurs collègues anglophones comme Turner et Tupper.

Mais il y a des exceptions. Jean Charest a hérité du parti Progressiste Conservateur dans des circonstances sans précédent, quand le parti avait cessé d'être une formation majeure dans le Parlement de 1993. Chef intérimaire confirmé en 1995, il fait le saut en politique provinciale en 1998.

Le parcours de Stéphane Dion n'est pas sans rappeler celui de Charest. Comme ce dernier, il a hérité du parti après une amère défaite électorale. Comme lui, il risque de ne pas remporter son premier test électoral. Sera-t-il poussé lui aussi vers la sortie? S'il n'est pas en mesure de forger un gouvernement de coalition, il devra sans doute se retirer.

Dans un sens, c'est la preuve de l'égalité désormais acquise des anglophones et des francophones au Canada : les francophones ont maintenant le droit à l'échec, voire à la médiocrité politique d'un John Turner ou d'une Kim Campbell.

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2008-09-29

 

Le vote utile?

Le parti Conservateur de Stephen Harper accumule les ennemis, qui sont d'autant plus déterminés que le système électoral canadien pénalise leur fragmentation — en plus de pénaliser leur concentration dans les villes... À Terre-Neuve, Danny Williams a lancé la campagne Anything But Conservative, qui met en doute l'honnêteté et la sincérité de Harper en ne formulant qu'une recommandation : ne pas voter pour lui.

Les défenseurs de l'environnement peuvent également organiser leur vote au moyen d'un site bilingue fondé sur le principe de la concentration des voix pour appuyer tel ou tel candidat, l'essentiel étant que ce candidat ne soit pas conservateur... Dans ce cas-ci, on organise le vote stratégique et ce sera extrêmement intéressant de voir si l'utilisation d'internet permettra de faire mieux que les tentatives précédentes au pays d'appeler au vote stratégique.

Quant aux abonnés à Facebook, ils peuvent se joindre au groupe « Anti-Harper Vote Swap Canada » afin de s'entendre entre eux pour que le vote pour leur parti de prédilection — il est entendu que celui-ci ne sera en aucun cas le parti Conservateur — soit exprimé dans la circonscription où il peut s'avérer le plus utile. (Et c'est officiellement légal!) En pratique, c'est une version du vote stratégique, mais avec l'espoir que notre parti préféré obtient quand même un vote de plus ailleurs au pays.

Pour l'instant, les chiffres annoncés par les deux derniers sites ne totalisent pas plus de cent mille personnes. C'est à la fois beaucoup et peu. Au total, cela représente l'équivalent de deux circonscriptions. Mais comme la participation électorale se rapproche des 50%, qu'on parle ici des électeurs de centre et de gauche, et qu'il s'agit d'affecter la marge entre les Conservateurs et leurs principaux concurrents, ce n'est pas si mal...

On verra le 14 octobre si le vote utile aura été... utile.

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2008-09-25

 

Souvenirs de l'observatoire David Dunlap

(L'édifice principal de l'Observatoire David Dunlap en janvier 1992)

Je lisais il y a quelques semaines que l'observatoire David Dunlap de l'Université de Toronto a été vendu, ainsi que tous les terrains environnants, en dépit des nombreuses protestations et d'une opposition grandissante. Le produit de cette vente servira à financer le nouvel Institut Dunlap pour l'Astronomie et l'Astrophysique. La question de la protection des édifices et de la conservation des terrains qui forment une enclave verte au sein d'une banlieue de plus en plus urbanisée est loin d'avoir été résolue, toutefois, même si l'acheteur a dit souhaiter la préservation de l'observatoire, du dôme et de la maison vieille d'un siècle et demi où ont résidé plusieurs directeurs de l'observatoire. Le centre torontois de la Société royale d'astronomie du Canada a soumis un plan pour faire du site un observatoire communautaire.L'observatoire dont je reproduis ci-dessus une photo de l'entrée enneigéee datant de décembre 1992 remonte à l'entre-deux-guerres. L'université avait bénéficié d'un don suffisant pour entamer la construction d'un observatoire à la campagne, loin des limites de la ville de Toronto à l'époque... Aujourd'hui encore, c'est le plus grand télescope au Canada que l'on retrouve dans ce dôme. L'observatoire mériterait d'être classé au nombre des trésors nationaux du pays, à l'égal de l'observatoire de Victoria ou de l'observatoire du Dominion à Ottawa, mais on peut douter que le Canada de Harper lèvera le petit doigt pour sauver ce qui reste des lieux après le déménagement d'une bonne partie du mobilier et de l'équipement au cours des derniers mois.

Et pour tourner le couteau de la plaie, j'apprends qu'un de ces déménagements à la sauvette a eu lieu le jour de mon anniversaire. C'est d'autant plus enrageant que j'ai hanté cet observatoire pendant des semaines au temps de mes études en astronomie. Hanté et habité : j'y ai passé des nuits, soit à travailler quand le ciel était dégagé, soit à dormir sur le canapé de l'antichambre des toilettes des femmes quand le ciel était couvert, soit un peu de chaque quand le temps changeait. Je crois aussi avoir dormi une fois ou deux dans la camionnette du département d'astronomie (mais pourquoi donc?). Au fil des mois, j'ai utilisé tous les principaux télescopes de l'observatoire, étouffé un début d'incendie, donné des conférences sur l'astronomie, observé les mystérieux rendez-vous nocturnes de véhicules venant faire un tour dans le stationnement déserté, joué au guide pour les visiteurs du samedi, admiré des aurores boréales, accidenté la camionnette sur le chemin de l'observatoire, communiqué par radio à ondes courtes avec l'observatoire du Chili... Il y a eu des partys de Noël à l'observatoire et des barbecues l'été — en fait, le département d'astronomie associait ces fêtes aux solstices et aux équinoxes de l'année... Plus tard, j'ai aussi fait le tour des vieux livres conservés par la bibliothèque de l'observatoire; il y avait dans le tas deux anciens ouvrages de science-fiction que j'ai poussé les bibliothécaires à donner à la Collection Merril, mais en vain.

Nécessairement entouré d'arbres et de verdure, l'observatoire accueillait aussi sa part de vie sauvage. Le matin, on apercevait parfois des cerfs en train de brouter l'herbe au-dehors. La nuit, les lucioles dansaient et les renards se promenaient. À l'aube, quand les oiseaux chantaient, je commençais à ranger...

Là-bas à Richmond Hill, les oiseaux chantent-ils pour la dernière fois?

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2008-09-24

 

Le bois des villes

Depuis quelques années, une nouvelle ressource a été découverte dans nos cours et jardins. (Et il ne s'agit pas des truffes de Truffe!)

Vers 1991, par exemple, l'ancienne ville de Montréal comptait environ 432 000 arbres sur son territoire, bordant ses rues et artères (plus du quart du total), plantés dans les parcs grands et petits de l'agglomération, ou poussant sur des propriétés privées. En général, quand on s'inquiète de la coupe des arbres en ville, c'est parce qu'on s'inquiète de la disparition d'arbres et de l'appauvrissement des espaces verts toujours trop rares...

Mais on ne se pose pas toujours la question de savoir ce qui arrive aux arbres coupés. Par exemple, la nouvelle Politique de l'arbre de Montréal (.PDF) cherche à limiter l'abattage sauvage d'arbres urbains mais n'évoque aucunement le sort des arbres abattus.

Parfois, ils sont sans doute malades et irrécupérables, mais des arbres parfaitement sains seraient souvent jetés au dépotoir selon Sam Sherrill et les créateurs du site Harvesting Urban Timber, qui prônent l'utilisation du bois des arbres abattus en territoire urbain. Recyclage bien pensé : au lieu d'aller ratiboiser des forêts lointaines, on fabrique des meubles, etc. avec le bois des arbres qui sont déjà sur place dans les villes nord-américaines. Cela ne sauvera sans doute pas des forêts entières, mais, à tout le moins, on éviterait ainsi de gaspiller une ressource précieuse en l'expédiant à la décharge.

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2008-09-23

 

La science-fiction, l'art du décathlon

Dans le sillage d'un été olympique, j'ai envie d'adopter une nouvelle métaphore pour comprendre l'art de l'auteur de science-fiction.

Celui-ci est un décathlonien.

Contrairement à l'athlète qui excelle dans une seule épreuve ou dans un seul genre d'épreuve (la course de 100 à 1500 mètres, le lancer du disque, du poids ou du javelot, le saut en longueur, en hauteur ou à la perche), le décathlonien ne domine aucune catégorie d'épreuves, mais il a maîtrisé les éléments de plusieurs épreuves. Pour gagner, il doit se montrer plus qu'ordinaire dans les épreuves du décathlon et se montrer à la hauteur des athlètes accomplis dans ces épreuves. Il ne battra jamais un champion dans l'épreuve de prédilection de celui-ci. Par contre, le champion risque d'être à peine plus qu'ordinaire dans les autres épreuves de sa catégorie et plus ou moins médiocre dans les épreuves hors de sa catégorie.

Pareillement, l'auteur de science-fiction doit maîtriser bien plus que l'écriture et la psychologie humaine dans des cadres qu'il connaît personnellement. Pour signer une histoire de science-fiction réussie, il ne peut pas se contenter de déguiser un épisode de sa vie en livrant le fruit de ses observations et de ses réflexions sur les vérités de la condition humaine.


Outre son expérience de la vie, l'auteur de science-fiction doit également avoir développé une théorie du fonctionnement des sociétés dans plus d'un contexte; que cette théorie soit erronée ou incomplète, elle doit convaincre le lecteur. Et quelle que soit cette théorie, il doit se montrer suffisamment documenté pour ne pas commettre d'erreurs grossières en expliquant une société différente à ses lecteurs. En général, la science-fiction inclut aussi des nouveautés que l'auteur extrapole en fonction de sa connaissance des sciences et des techniques. Dans ces domaines, l'auteur doit se montrer au moins aussi bien informé que ceux de ses lecteurs qui les maîtrisent en tant que professionnels. Ainsi, à l'instar du décathlonien qui se distingue dans plusieurs épreuves, il doit être un bon écrivain et un bon psychologue, mais aussi un bon recherchiste, capable d'assimiler et de synthétiser les acquis de domaines allant de l'astronomie et de la criminologie à la physique et à la sociologie.

Du coup, il sera rarement un styliste hors-pair ou un de ces gens capables d'ouvrir une fenêtre sur les tréfonds de l'âme humaine. Mais il en saura beaucoup plus long que le styliste ou le psychologue sur le reste du monde et sur son fonctionnement.

À condition d'avoir relevé le défi de devenir décathlonien, évidemment!

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2008-09-20

 

Pour une écriture franco-ontarienne

L'Association des Auteures et Auteurs de l'Ontario français (AAOF) est née en 1988, dix ans environ après la création de l'UNEQ en 1977. Vingt ans après, elle compte entre cent cinquante et cent soixante-dix membres. La plupart, naturellement, vivent en Ontario, mais plusieurs habitent aussi dans l'Outaouais québécois. Faire vivre une institution culturelle pendant deux décennies est loin d'être facile, mais l'AAOF a survécu à des hauts et des bas. Le milieu littéraire francophone en Ontario compte de nombreux écrivains venus d'ailleurs, souvent employés dans les universités de la province, de sorte que les premiers présidents de l'AAOF auraient tous été originaires de l'extérieur de l'Ontario (France, Allemagne, Québec, Égypte...). De fait, le président sortant n'était nul autre que Jean Mohsen Fahmy (photo à droite), né au Caire, qui a signé des romans historiques sur des périodes et des lieux négligés, dont une biographie romancée d'un grand historien et philosophe arabe, Ibn Khaldoun : L'honneur et la disgrâce. En après-midi, je l'ai entretenu de l'émission consacrée à Ibn Khaldoun par Serge Bouchard et l'irrécupérablement québéco-centrique Radio-Canada le 10 août dernier... Je m'étais arrangé pour écouter l'émission en pensant qu'on allait enfin donner la parole à un auteur franco-ontarien sur les ondes nationales. Du tout! Des recherchistes d'une rare incompétence avaient réussi à éviter de découvrir l'existence de ce qui est sans doute le seul roman canadien consacré à Ibn Khaldoun. J'étais sur le point de leur signaler l'existence du livre quand Fahmy lui-même a contacté l'émission en cours.

Cette année, le nouveau président vit du côté québécois de la rivière des Outaouais, mais il a fait remarquer qu'il est né à L'Orignal, en Ontario. François-Xavier Simard (qu'il ne faudrait pas confondre avec un homonyme souverainiste de la même région) est l'homme en question, que l'on voit de profil dans la photo ci-contre. Il hérite de la charge de l'AAOF au moment où l'administration sortante a rétabli sa situation financière et recruté de nouveaux membres. Pour remplacer les présences organisées par l'AAOF dans les salons du livre et ailleurs, elle a trouvé de nouveaux débouchés pour les membres. Quand j'ai participé avec Jean-François Somain à une rencontre dans les locaux de l'Alliance française d'Ottawa, c'était sous l'égide de l'AAOF. Pour l'année à venir, les suggestions ne manquent pas. J'aimerais voir moi-même les membres se donner plus de visibilité sur internet, soit au moyen de sites personnels soit au moyen de pages sur Wikipedia. En amateur de données concrètes, j'aimerais aussi voir l'AAOF accumuler quelques données supplémentaires sur ses membres et s'ouvrir à d'autres créateurs franco-ontariens, en particulier les scénaristes du monde de la radio ou de la télé.

Ce samedi, l'assemblée générale annuelle de l'AAOF au théâtre de la Nouvelle Scène à Ottawa était aussi jumelée à une célébration des vingt ans d'existence de l'association. Vendredi soir, déjà, un repas avait réuni plusieurs membres au cœur du marché By et j'y avais mangé en compagnie de Paul Savoie, de notre directeur-général et d'Antonio d'Alfonso, entre autres. Le gala du vingtième anniversaire en soirée a donné la parole à Stanley Péan, le président actuel de l'UNEQ (photo ci-contre), qui nous apportait les bons vœux d'une association sœur. Il en a profité pour livrer un discours enflammé afin de dénoncer les coupures fédérales dans le domaine de la culture et de nous encourager, plus ou moins explicitement, à voter pour la culture. Le gala proprement dit donnait la vedette à une performance musico-littéraire qui combinait des extraits de proses et de poésies par des membres de l'association à des accompagnements musicaux orchestrés par les Productions Nénuph'Arts. Je n'ai pu assister qu'à la première partie du spectacle, pourtant fort réussi. Les extraits de Gabrielle Poulin, Murielle Beaulieu, Éric Charlebois, Michel Dallaire, Jacques Poirier, Maurice Henrie, Julie Huard, Hélène Koscielniak, Claude Tatilon, Martine L. Jacquot et Nancy Vickers se mariaient à merveille, brassés et rebrassés pour se répondre les uns aux autres. Il a malheureusement fallu que je parte avant la fin, mais non sans avoir été impressionné par la qualité des textes.

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2008-09-19

 

Le scénario de Weimar

Le plan de sauvetage mis de l'avant aujourd'hui aux États-Unis est gigantesque et il représentera une subvention de plus dans un pays qui ne croit pas aux subventions... La taille de celle-ci (jusqu'à un billion et plus, selon les sources) laisse pantois. Comme il s'agit d'une subvention à crédit, ce qui exigera de nouveaux emprunts des États-Unis auprès de leurs créanciers traditionnels à l'étranger, on se demande si l'idée, évoquée par le New York Times, de renflouer uniquement les investissements domestiques (« He indicated that he wanted to buy securities only from United States financial institutions, a decision that could anger legions of foreign institutions that poured hundreds of billions of dollars into the American mortgage market in the housing boom, and have customers located here. ») est bien réaliste.

Une des différences entre aujourd'hui et 1929, c'est que ce sont les États-Unis qui sont dans le rôle de l'Allemagne de Weimar. Et ce serait plutôt la Chine et les pays asiatiques qui tiendraient le rôle des États-Unis en 1929.

Faut-il rappeler que suite à la Grande Guerre, les États-Unis étaient devenus le créancier des pays européens, en particulier après la mise en place du plan qui avait permis aux États-Unis de prêter à l'Allemagne les crédits nécessaires pour relancer son économie et payer à la France et à la Grande-Bretagne les indemnités requises par le traité de Versailles, ce qui permettait à ces deux pays de rembourser leurs dettes envers les États-Unis — ou, du moins, d'acquitter les intérêts... Après le krach de 1929, les États-Unis avaient fermé le robinet et plus ou moins rapatrié les valeurs investies en Allemagne, d'où une crise économique particulièrement grave dans ce pays, un chômage de masse et le retour à l'avant-scène d'Adolf Hitler...

Si la Chine et les autres créanciers asiatiques des États-Unis décidaient de leur couper les fonds, au moment même où ils ont plus que jamais besoin de capital, les conséquences seraient risquées. Non, je ne m'aventurerai pas à prévoir de catastrophes, même si la xénophobie va croissant aux États-Unis, s'étendant jusqu'au rejet instinctif de toute référence à des jurisprudences étrangères. La dénégation et la déconsidération d'autrui est une réaction parfaitement naturelle quand on a des raisons d'avoir honte face aux autres. L'Allemagne de Weimar refusait de reconnaître sa part de responsabilité dans le déclenchement de la Grande Guerre. Les États-Unis d'aujourd'hui ont dévasté un pays, l'Irak, au nom de motifs obscurs qui se résumaient sans doute au désir d'un étalage de force après l'humiliation du 11 septembre. Mais les résultats ont été tels qu'il est normal pour les États-Unis de ne pas chercher à savoir ce qu'on pense d'eux outre-frontières...

À bien y penser, la mixture est explosive. Espérons que personne ne jouera avec des allumettes.

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2008-09-18

 

Des hordes d'ingénieurs?

De temps en temps, au nom de la compétitivité de nos économies, on se fait dire que les États-Unis ou les pays occidentaux sont menacés par les hordes de nouveaux ingénieurs éduqués en Chine et en Inde. Par exemple, le site du documentaire étatsunien Two Million Minutes affirme que « Compared to the U.S., China now produces eight times more scientists and engineers, while India puts out up to three times as many as the U.S. ». Mais est-ce bien le cas? Et est-ce réellement grave?

Les totaux actuels peuvent s'avérer inquiétants pour l'avenir, mais, dans les deux cas, il est permis de croire qu'ils représentent des chiffres atteints récemment, au terme d'une augmentation rapide de la population et d'une modernisation récente des systèmes d'enseignement. Par conséquent, ils n'affecteraient que modérément le total des ingénieurs en activité dans chacun de ces pays ou la qualité moyenne de la formation de ces ingénieurs.

Cela dit, les chiffres bruts restent impressionnants. En 2006, selon les statistiques chinoises, ce seraient 1 992 426 jeunes Chinois qui auraient entamé des études en génie.

Toutefois, un rapport (.PDF) étatsunien qui s'est penché sur le sujet des taux de diplomation d'ingénieurs en Chine, en Inde et aux États-Unis a souligné qu'il fallait distinguer le nombre d'ingénieurs de plein droit, émoulus d'un programme universitaire de quatre ans, et le nombre d'ingénieurs et de techniciens issus de programmes plus courts. Ainsi, des 644 106 diplômes décernés en Chine en génie en 2004, on ne pouvait retenir que 351 537 diplômes comparables aux diplômes des ingénieurs aux États-Unis. Du coup, les quelque 137 000 ingénieurs diplômés aux États-Unis ne faisaient pas si mauvaise figure (tout en notant qu'un certain nombre étaient sans doute originaires de Chine!).

Une étude de l'OCDE pour 2004 a renseigné un tableau disponible sur un site des États-Unis qui fournit des données sur les diplômés dans plusieurs disciplines pour les pays de l'OCDE. En tenant compte des données du rapport de l'Université Duke, j'ai tiré de ce tableau les statistiques pour quelques pays choisis et j'ai rapporté les totaux approximatifs de diplômés en sciences et génie à la population de chaque pays. Ainsi, dans le diagramme ci-dessous, on trouve le nombre de diplômés par 100 000 personnes dans chacun des pays considérés pour les secteurs indiqués.

Il convient tout d'abord de noter que pour l'Inde et la Chine, les chiffres correspondent aux ingénieurs issus de programmes de quatre ans et ils pourraient comprendre un certain nombre d'informaticiens. Au Japon, les mathématiciens et les informaticiens seraient inclus avec les scientifiques. Les autres données sont-elles comparables? Il faut faire confiance aux enquêteurs et statisticiens de l'OCDE...

Néanmoins, si on admet que ces résultats sont approximativement comparables, on peut se poser des questions sur la valeur du nombre de diplômés en génie comme indicateur de la compétitivité de nos économies du savoir. Relativement à la population, certains pays (la France et le Japon) font nettement mieux que les États-Unis quand il s'agit de former des ingénieurs, mais leur performance économique reflète-t-elle vraiment cet avantage? Inversement, un pays comme l'Allemagne compte nettement moins d'ingénieurs par habitant (quoique autant qu'au Canada ou aux États-Unis), mais il jouit d'une réputation établie pour ses produits de haute technicité. L'entrepreneuriat et le développement de nouvelles industries ne dépend donc pas seulement du nombre d'ingénieurs; le cas de la France suffirait sans doute à le prouver!

La masse des ingénieurs et des scientifiques en Inde et en Chine représente une proportion assez basse de leur population. Dans des pays où l'amélioration des seules infrastructures pourraient absorber de nombreux ingénieurs, il est loin d'être clair que les chiffres bruts soient vraiment inquiétants — à court terme... Si ces ingénieurs travaillent sur les infrastructures de leurs pays, ils ne concurrenceront pas les activités de recherche et de développement dans les pays occidentaux (du moins, tant que ceux-ci n'auront pas entrepris la réfection de leurs propres infrastructures vieillissantes!). Mais s'ils sont embauchés pour la recherche et le développement, ils ne pourrait pas travailler sur les infrastructures de leurs pays, qui resteront handicapés par des carences dans ce domaine...

Néanmoins, si le rattrapage chinois et indien se poursuit, les totaux deviendront si grands qu'il suffirait de distraire un petit pourcentage des ingénieurs disponibles pour rivaliser avec l'ensemble des efforts nord-américains et européens. Le retard nord-américain continue donc d'inquiéter, comme le démontre ce rapport (.PDF) de la société RAND.

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2008-09-17

 

Vers l'intemporalité du numérique

Un film en noir et blanc appartient au passé lointain. Un film en Technicolor aux couleurs saturées relève des divertissements de nos grands-parents. Une vidéo en couleurs aux teintes un peu passées et aux contours un peu estompés appartient à un passé plus récent, qui est de plus en plus celui des parents d'aujourd'hui. Les changements techniques définissent désormais notre datation des documents du passé.

Mais qu'en est-il des jeunes d'ici et maintenant? À la télévision, une vidéo des années quatre-vingt-dix ne diffère guère d'une vidéo réalisée hier. Il faut se fier aux indices fournis par le contenu des images : vêtements démodés, voitures qu'on ne voit plus si souvent, coupes de cheveux qui font vieux-jeu... À première vue, toutefois, on peut se tromper. Les caractéristiques de l'image ne nous aident pas. Le passé est aboli.

Bref, en attendant que la télévision à haute définition fasse de la vidéo numérique actuelle un produit d'une époque donnée, nous vivons dans un présent qui ne peut plus distinguer l'actualité d'aujourd'hui de l'histoire récente d'hier en se fiant uniquement aux caractéristiques visuelles des images à notre disposition. Quelles en sont les conséquences? Est-ce que cette intemporalité deviendrait une force en faveur du conservatisme? Après tout, les grandes et petites révolutions politiques de l'Histoire pouvaient s'appuyer sur le sentiment que les choses changeaient déjà, que de nouvelles terres apparaissaient sur les mappemondes, que de nouvelles inventions remplaçaient les anciennes techniques, que de nouvelles lois scientifiques amendaient les anciennes... Mais quand la vidéo rapproche le passé du présent grâce à l'immédiateté de l'image, hier devient semblable à aujourd'hui. Et l'urgence du changement est estompée par sa disparition de notre vie quotidienne...

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2008-09-16

 

Tests d'intelligence

La ré-élection de George Bush avait déjà fait douter sérieusement du bon jugement de l'électorat des États-Unis. L'élection présidentielle actuelle aux États-Unis rouvre la question... Alors que l'Afghanistan chancelle, que l'incursion irakienne a donné ses meilleurs fruits sans faire oublier les pires, qu'une autre ville des États-Unis se relève à grand-peine d'un ouragan dévastateur presque aussi intense que Katrina, que les valeurs immobilières continuent de décliner et que les bourses titubent, on se demande comment les États-Unis peuvent envisager de redonner le pouvoir au parti qui a maintes fois prouvé son incurie.

Surtout que l'alternative est on ne peut plus tranchée. Obama s'appuie sur un programme modéré plus ou moins en prise sur les problèmes actuels, tandis que ses adversaires campent sur des positions ultra-idéologiques. Le duo constitué de John McCain et de Sarah Palin offre une autre dose de pensée magique, après Reagan et Bush II. Son programme économique? Réduire les impôts et enrichir les riches (afin d'enrichir les pauvres grâce au fameux « ruissellement vers le bas »). Son programme en affaires étrangères? Ne pas cligner des yeux.

Longtemps, les États-Unis ont été assez riches pour se permettre de ne jamais penser au lendemain. On pouvait remettre à plus tard l'entretien des infrastructures, les investissements dans l'éducation ou la santé publique — il resterait toujours assez d'argent pour une réfection en catastrophe, l'embauche de chercheurs étrangers ou le financement de soins hospitaliers de dernier recours. Et si l'environnement menaçait de se détériorer, il serait toujours temps d'agir quand on serait au bord du précipice.

Si les citoyens des États-Unis élisent McCain et Palin en 2008, c'est parce que les électeurs se sentiront assez riches pour ne rien changer à la gestion des affaires de leur pays. On soutient parfois que ce genre de choix n'est pas intellectuel, mais viscéral, bref, que les électeurs votent pour la personne avec laquelle ils se sentent le plus à l'aise. En 2000 et 2004, des sondages plus ou moins sérieux avaient démontré que les électeurs américains étaient plus nombreux à vouloir prendre une bière ou un café avec George Bush qu'avec l'autre candidat... Mais je ne suis pas convaincu. Quand on est malade, on ne refuse pas un médecin parce qu'il est trop sérieux et qu'il ne jase pas comme du monde ben ordinaire! Si la situation l'exige, on préfère un minimum de garanties à un maximum de convivialité. Par conséquent, si les électeurs étatsuniens sont réellement convaincus de la gravité de la conjoncture, leur choix reflètera bel et bien leur jugement et leur intelligence.

Quant au Canada... Depuis le rétablissement des finances publiques canadiennes et le boom pétrolier albertain, les Canadiens se sentent prospères et ont commencé à succomber à la même tentation de la dénégation et de la procrastination qu'aux États-Unis. Un des symptômes les plus évidents de ce refus des réalités déplaisantes, c'est la propension du gouvernement conservateur à ignorer les avis des scientifiques au service de l'État, quand on n'essaie pas de les intimider ou de les bâillonner carrément. Ceci commence à inquiéter la communauté scientifique au pays. Après l'appel au débat de l'Agence Science-Presse, c'est au tour de l'ACFAS d'appeler à un plus grand respect de l'indépendance du travail scientifique. On peut même signer une pétition en appui aux commentaires de Pierre Noreau, le président de l'ACFAS, dans Le Devoir. En attendant le grand forum international « Science et Société » en novembre prochain au cégep Montmorency à Laval... On y dévoilera les résultats de deux enquêtes menées auprès des scientifiques et du public pour en savoir plus sur les relations entre les chercheurs et le public en ce moment au Québec.

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2008-09-15

 

Le parcours de la paramécie

L'allitération survit à la fatigue
quand les mots refusent de chanter ou frapper
quand la nuit laisse le cerveau ensommeillé
et l'envie de dormir la poésie endigue

Midi! Le silence imense de la garrigue
souffle dans le désert de l'esprit épuisé
Ici, le ciel vide par les vents balayé
a perdu les muses que l'auteur fourbu brigue

Las! L'inspiration a fui les cieux gris
et le rimailleur si mal reposé s'écrie :
Quel malheur qu'un sonnet s'écrive avec des mots!

Il saurait composer en alignant les pauses
Le silence il voudrait sculpter de son ciseau
À défaut, qu'il troque les vers pour l'humble prose

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2008-09-13

 

Je vote pour la culture

Après le vote pour la science, le vote pour la culture. Malgré les tentatives de Stephen Harper, servilement relayé par André Pratte, de vanter ses augmentations du financement de la culture, les réductions (.PDF) sont réelles et on oublie trop vite que les augmentations n'ont pas nécessairement suivi l'augmentation de la population canadienne ou la croissance de l'économie.

Prenons le Conseil des Arts du Canada, par exemple. Pratte félicite les Conservateurs d'avoir majoré de trente millions de dollars son financement par le Parlement. En fait, si on retient les chiffres de ce rapport (.PDF) préparé pour la Conférence canadienne des arts, on peut suivre l'évolution du financement du Conseil des Arts depuis l'année fiscale 1992-1993 jusqu'en 2002-2003, les versements annuels étant exprimés en dollars constants de 1992. En posant que le financement pour 2007 était d'environ 180 millions de dollars et en corrigeant pour l'inflation, j'ai produit le diagramme suivant, où le financement parlementaire et la population du Canada sont donnés en millions (de dollars ou d'habitants), tandis que la courbe supérieure nous donne le niveau de financement en dollars par habitant.On notera donc que le financement du Conseil des Arts, en dollars constants par personne, a augmenté de 8% entre 1992 et 2007, passant de 3.82$ à 4.14$. Dans le même temps, le PIB par habitant en dollars constants (selon le Fonds monétaire) est passé de 28 783.11$ à 39 965.14$, soit une augmentation de 39%. La générosité du gouvernement canadien est sans borne!

Par conséquent, une fois écartées les dépenses ponctuelles en culture (pour les fêtes d'anniversaire de Québec, pour la réfection du Centre national des Arts), il reste qu'au cours des deux prochaines années, près de 350 millions de dollars en postes de dépenses culturelles devront être renouvelés (.PDF). L'action du gouvernement Harper cette année laisse présager le pire...

Les artistes du Québec peuvent s'enflammer à juste titre, même s'il est également clair que l'ampleur des coupures n'atteint pas — pour l'instant — la sévérité de la situation en Italie sous Berlusconi. À la limite, je me demande si l'idée que je lançais l'autre jour serait juste : les coupures feraient partie de la stratégie électorale de Harper pour se concilier la frange de l'électorat hostile au financement de la culture. C'est le principe des culture wars aux États-Unis : en se mettant les artistes à dos, Harper mobilise son propre électorat. Si on se veut optimiste, on pourrait supposer qu'advenant une victoire électorale, Harper s'en tiendrait là... puisqu'il lui faudrait encore des budgets à couper au moment de l'élection suivante!

On pourrait donc voter pour la culture en votant pour Harper et en misant sur son machiavélisme. Mais un vote honnête irait sans doute ailleurs.

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2008-09-12

 

Je vote pour la science

Bien entendu, ce n'est pas si simple de savoir pour qui voter si on désire voter pour la science dans l'élection en cours.

Mais on peut voter pour qu'on entende au moins parler de science!

Le blogue Je vote pour la science est une initiative de l'Agence Science-Presse. Il a pour but d'encourager la tenue d'un débat public entre les chefs des grands partis, débat télévisé qui pourrait aborder sept grands enjeux : la dépendance au pétrole, un sujet que j'ai déjà abordé plusieurs fois; la protection de l'environnement, qui devrait être un sujet de honte pour tous les Canadiens tellement elle est déficiente au Canada; l'adaptation aux changements climatiques, qui s'avérera sans doute nécessaire puisque les produits de deux siècles de combustion de carburants fossiles sont pour l'essentiel toujours dans l'atmosphère et affecteront l'écosphère pendant des siècles (le quart environ du bioxyde de carbone pourrait persister dans l'atmosphère pendant 30 000 ans!); l'édition du livre de la vie, qui porterait sur les OGM, les cellules souches et les modifications génétiques humaines, pour le meilleur et pour le pire; la santé de demain, qui traiterait des tests génétiques, de la résistance acquise aux antibiotiques, des choix entre la lutte aux maladies du vieillissement, le traitement des maux psychologiques et la guerre aux maladies des pays pauvres; l'innovation technologique, qui concerne l'avenir de cette partie quand même importante de l'économie canadienne qui ne compte pas sur le pétrole; et la culture scientifique, qui poserait la question des connaissances minimales tant des jeunes que des adultes, car l'importance d'une composante scientifique de la culture est claire.

Le moment est bien choisi. En acceptant d'intégrer Elizabeth May au débat des chefs, la classe politique traditionnelle vient d'admettre implicitement que l'environnement est un sujet trop importante pour que la représentante d'un parti recueillant presque 10% des voix dans les sondages n'ait pas voix au chapitre. Et le Tournant vert de Stéphane Dion s'inscrit d'emblée dans les trois premiers sujets proposés.

Seulement, on voit mal ce que Stephen Harper aurait à gagner d'un tel débat... à moins que la population canadienne ne le réclame — en commençant par signer la pétition.

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2008-09-11

 

L'éclaireur embusqué au bout de la nuit

Comme un spectre aperçu dans la foule joyeuse
entré à mon insu pour hanter ses rondes
et veiller sur l'issue pour les autres mondes,
ce matin, je l'ai vu, armé de sa faucheuse

C'était lui, Orion, entre deux nébuleuses,
surplombant l'horizon que l'aurore inonde,
annonçant la saison des journées immondes,
des pluies et des glaçons chéris de Bételgeuse

Avant l'équinoxe, discret, il clôt les nuits
et aspire au zénith de ses rivaux enfuis,
qu'il gravira enfin pour régner sur l'hiver

Grand chasseur à l'affût, ceinturé de clous d'or,
terreur des proies griffues et prince tutélaire,
il quittera les cieux un soir quand on s'endort

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2008-09-10

 

La hargne de Dion

Que Stéphane Dion passe au Canada anglophone pour un doux gaffeur et un gentil rêveur doit nécessairement démontrer quelque chose... mais quoi?

Garrison Keillor a fait remarquer quelque part que l'on se sent toujours un peu plus stupide et que l'on se montre toujours un peu plus conciliant quand on doit s'exprimer dans une langue étrangère que l'on ne maîtrise pas. On cherche ses mots, on fait des gaffes, on commet des bourdes en parlant. Et plus on se fourvoie, plus on présente d'excuses, plus on dit « Pardon », « S'il vous plaît » et « Merci » à la place des mots qui ne viennent pas.

De fendant en français, Dion deviendrait-il balbutiant et trop coulant en anglais parce qu'il parle mal cette langue? C'est possible, mais il est également possible que la hargne qui l'animait quand il s'agissait de démolir les argumentaires séparatistes lui fait défaut quand il doit prendre les Conservateurs de Harper comme cible.

De ce point de vue, Dion serait plus québécois qu'on le pense, plus motivé par les querelles de famille du Québec que par les débats canadiens, plus soucieux de la bonne stratégie québécoise au sein du Canada que de la bonne conduite des affaires du Canada. Sublimation œdipale parricide ou non, Stéphane Dion a dérangé le ronron nationaliste québécois à un tel point qu'on lui en veut encore dans les chaumières indépendantistes.

Par contre, il n'a pas réussi à trouver la même énergie pour s'en prendre aux Conservateurs et c'est une des plus grandes déceptions pour ses partisans au sein du parti Libéral du Canada. À la télé, Dion tente d'incarner l'indignation et la colère, mais il n'arrive pas à les exprimer (ou à les feindre) de manière convaincante. Il n'a pas l'air sincère. Et il attaque Harper sur un point qui ne mobilise presque personne dans son propre parti, en l'accusant d'être trop à droite.

C'est une accusation qui vaut diabolisation pour l'intelligentsia du Plateau à Montréal, mais Dion devrait se rappeler que la gauche a déjà ses partis de prédilection, le NDP au Canada anglophone et (peut-être) le Bloc Québécois au Québec. Quelle chance a-t-il donc de leur disputer le vote purement idéologique?

L'erreur de Dion, c'est sans doute de comprendre à sa façon (ou à la façon du Québec bien-pensant) la critique canadienne-anglaise de Harper. Si Harper horripile, ce n'est pas seulement parce qu'il suit la ligne de parti des Républicains, c'est surtout parce qu'il inféode la politique du Canada à la politique d'un pays étranger. C'est une question nationaliste, que Dion n'est peut-être pas le mieux placé pour comprendre. D'autres motifs informent aussi l'opposition à Harper. Il y a la brouille culturelle entre le Canada urbain et le Canada rural, dont témoigne l'absence de députés conservateurs dans les métropoles du pays et dont s'ensuivent les principaux désaccords idéologiques (sur l'avortement, les armes à feu, les autochtones, les homosexuels, etc.). Il y a aussi le sentiment larvé, en Ontario comme au Québec, voire dans l'Atlantique, que le gouvernement Harper tranche trop souvent en faveur de l'Alberta (notamment pour tout ce qui concerne les carburants fossiles), mais ce ressentiment restera tacite, par égard pour l'union fédérale, tant qu'on ne revivra pas les années noires d'il y a vingt ans quand l'Est était convaincu d'avoir payé le prix du combat à l'inflation engendrée en Alberta. Par conséquent, Dion devra se montrer beaucoup plus fin pour rallier au moins une partie du vote rural tout en conservant le vote urbain, en misant sur le patriotisme canadien et en offrant un message ouvert sur l'avenir.

Car, c'est sur le sujet du futur que Harper est le plus vulnérable. La critique centriste de Harper tourne autour de son dédain affiché de la culture et de l'éducation, qui est à peine moins prononcé que son manque d'attention aux problèmes posés à longue échéance par la pollution et l'effet de serre. Harper fait campagne sur des réductions d'impôt profitables dans l'immédiat... Si Dion pouvait s'emparer de la problématique du futur et parler avec conviction du Canada de nos enfants, il aurait un message presque aussi fort à opposer aux promesses séduisantes de Harper. Mais aura-t-il l'éloquence — et la hargne — qu'il faudrait pour le faire?

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2008-09-09

 

La machine de la fin du monde

La mise en marche du grand collisionneur de hadrons du CERN ne va sans doute pas mener à la fin du monde, ce dont j'avais discuté précédemment. Mais elle correspond à la fin définitive de mon rôle, aussi infinitésimal qu'il ait été, dans l'évolution de la physique.

En 1989, j'avais été un assistant de recherche pour un professeur de physique de l'Université Carleton à Ottawa qui faisait partie, sauf erreur, de l'équipe internationale associée au détecteur OPAL du LEP à CERN. Travaillait-on déjà à la conception du détecteur ATLAS? Quand je regarde le calorimètre contribué au projet ATLAS par l'équipe actuelle de physiciens à Carleton, j'ai souvenir d'une réunion d'information où il avait été question d'un tel arrangement de tubes avec électrode axiale pour la mesure de l'énergie des particules (mais sans la matrice de tungstène, car il était question de maximiser la densité de tubes, il me semble, puisque je m'étais même demandé si des tubes hexagonaux avec parois mitoyennes fonctionneraient) et où j'avais proposé d'utiliser la fonction de Green pour certains calculs... Simple séance de remue-méninges, évidemment, et qui ne prend un certain relief que par rapport à des occupations plus prosaïques le reste du temps. Mon vrai travail avait surtout consisté à déboguer du code et tester un hygromètre de haute précision — qui servirait au contrôle de l'humidité dans un détecteur de particules? Cela, je ne m'en souviens plus, mais comme OPAL a cessé de fonctionner en 2000, ma propre contribution est maintenant enterrée pour de bon avec l'inauguration du collisionneur et des détecteurs qui remplacent l'ancienne génération d'appareils.

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2008-09-08

 

L'esclavage du manteau

Le Canada n'est pas la Californie.

Il est sans doute possible de vivre sans un manteau ou coupe-vent sous les tropiques, mais le climat canadien n'est pas si clément. Après trois mois durant lesquels je ne me souviens guère d'avoir porté un manteau ou de m'en être soucié, un temps plus frais vient nous rappeler que l'été s'achève, que l'automne menace et que l'hiver n'est plus si loin. Bientôt, il sera impensable de sortir au soleil, le poil des bras ou des jambes à l'air, avec ou sans protection contre les ultraviolets et les maringouins.

Bientôt? Dès maintenant à Ottawa, si je crois aux températures affichées cette nuit par les thermomètres extérieurs! Ou certainement dans le courant de la semaine, si je crois aux prévisions qui annoncent un minimum de 5 degrés la nuit mercredi...

Il faudra donc se résigner à s'embarrasser d'un vêtement supplémentaire. Il a beau protéger du froid, il ajoute quelques secondes de plus au temps qu'il faut pour sortir. Sans parler des hésitations : choisit-on le blouson ou l'imperméable? lui confiera-t-on son porte-monnaie ou gardera-t-on sa trésorerie dans une poche du pantalon? l'enfile-t-on ou peut-on le pendre élégamment à son épaule sans le mettre? Et si on se promène en ville, il faut trouver une patère à laquelle l'accrocher, un dossier sur lequel le draper, un cintre auquel le suspendre, un vestiaire pour l'accepter...

Bref, il faut ressusciter tout un ensemble de minuscules habitudes pour intégrer ce nouveau compagnon à la routine quotidienne. Et tant que ce ne sera pas fait, on risquera toujours de l'oublier quelque part — comme j'ai bien failli le faire hier soir en quittant le café.

Mais le maître ne laisse jamais l'esclave oublier qui il sert...

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2008-09-06

 

Le corral du moulin

Petit crochet par la Mauricie pour se retrouver dans le moulin de Joël et Valérie qui surplombe le flot de la rivière des Envies, dans un pays perdu choisi pour rassembler des fans de la SFCF dans un moulin qui faisait office de corral... J'avais vu le moulin quand il accueillait une imposante bibliothèque constituée (en tout ou en partie) avec les collections de la moitié trifluvienne de Michel Martin. J'avais revu le moulin quand la bibliothèque avait disparu et qu'il était plus ou moins laissé à l'abandon. Cette fois, une quantité impressionnante de travail a permis de le retaper (voir la photo ci-dessus) et de le réaménager pour accueillir un round-up de la SFCF qui coïncidait avec le Festival Western de Saint-Tite. À la place de la bibliothèque d'antan, il y avait une chambre au style très champêtre, comme on le voit dans la photo ci-contre. (Je n'ai pas essayé de voir si les poches de farine déguisaient habilement des oreillers ou coussins pour le dormeur, mais l'hommage à l'ancienne vocation de l'édifice était clair.) Le ciel était gris quand nous sommes arrivés. Bientôt, on a pu voir brûler un feu dans les roches au bord de la rivière, dans l'espoir de faire griller plus tard des saucisses en profitant de la chaleur des braises. Mais le crachin (notre part de l'ouragan Gustav?) a mis fin à ce beau projet. Dans cette photo, Joël et Mehdi discutent pendant que les restes et retailles du travail de réfection de l'ancien moulin se consument dans un creux entre deux roches. On identifie sans peine qui est le rat de ville et qui est le rat des champs... En fin de compte, les saucisses ont été cuites à l'étouffée — et on ne serait pas mort de faim si elles avaient manqué. Les invités étaient venus avec d'abondantes provisions et j'ai cru comprendre qu'il en est resté suffisamment pour que personne ne meurt de faim le jour suivant. Je suis resté assez tard, mais il fallait bien rentrer à Montréal pour préparer le cours de lundi...Sur le pays perdu, la nuit était tombée. Le jardin surplombé par le quartier-général de Solaris n'étalait plus ses cucurbitacées plus ou moins orangées, que l'on voit dans la photo ci-dessus. Nous avions eu le temps de parler, de régler quelques affaires boréaliennes et solariennes, de rencontrer de jeunes fans venus de Québec, de regarder la jeune génération jouer à Guitar Hero... Les nostalgiques ont pu danser sur des airs de leur jeune temps. Les cloisons tremblaient, mais le moulin a été construit pour résister à la trépidation de la machinerie qui servait à moudre le grain, entre autres. Les poutres ont tenu et aucun désastre n'a été signalé. Quand est venu le temps de reprendre la route et le volant, on a pu suivre un sentier lumineux dans l'herbe qui apparaît comme un fantastique ruisselet de feu dans cette photo, même s'il s'agissait tout simplement d'une série de petits lumignons électriques. Les petites routes de la campagne étaient nettement moins bien éclairées!

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2008-09-05

 

Entre deux joints... euh, cours avortés...

La journée d'hier a commencé par un coup de fil. Une charge de cours pour laquelle j'avais été pressenti (au point de récolter des clés et un numéro pour la photocopieuse, de me commander quelques livres à lire et de préparer une présentation PowerPoint) s'envolait du fait de son obtention de dernière minute par un doctorant du département en cause. Certes, quand je dis « dernière minute », j'exagère un peu. Il restait encore quatre heures avant le début de la première classe.

J'ai donc fait ce que je fais habituellement dans ce cas. Ailes d'un ange ou pas, je suis parti pour Québec. (D'habitude, je me paie un voyage à Québec pour célébrer — ma maîtrise en astronomie, par exemple — mais ce qui égaie et détend peut aussi rasséréner.) Il faut dire que j'étais invité à un lancement sur la Place Royale, avec des bouchées par le chef cuisinier Jean Soulard du Château Frontenac. Faute de grives, on mange de la mousse de saumon, quoi! Pour une fois, il ne s'agissait pas du lancement d'un ouvrage de fiction, roman ou recueil, mais d'un guide culturel du Québec, Vues du Québec, produit par les Publications Québec français, mais pas encore annoncé sur leur site. Par contre, on peut écouter le professeur Aurélien Boivin (qui a coordonné le projet de concert avec Steve Laflamme et Chantale Gingras) alors qu'il en parle sur les ondes numériques de Radio-Canada. J'y ai contribué un article sur la science-fiction au Québec, qui est un petit survol rapide mais fort complet à mon goût... Il est malheureusement grevé d'un surprenant contre-sens introduit par une correctrice qui n'a pas eu la sagesse de me soumettre ses révisions, de sorte que la phrase « Élisabeth Vonarburg débute également dans Requiem, mais elle n'écrit presque pas pour les jeunes. » (ce qui faisait allusion à la carrière de Daniel Sernine, que je venais de mentionner) est devenue « Élisabeth Vonarburg débute également dans Requiem, mais elle écrit surtout pour les jeunes. » Bizarre!

Avant de me pointer au lancement, j'ai quand même fait un peu de travail, puis un peu de tourisme. Après avoir vu les silos de la Bunge servir d'écran géant la semaine dernière, je suis allé les voir de plus près. Ils sont effectivement monumentaux ci-dessus et ils bordent presque tout le bassin Louise qui offre des points de vue magnifiques sur la haute-ville, comme dans la photo ci-dessous. (Dommage que l'édifice moderne au premier plan ait un étage de trop, qui empêche d'apprécier à sa juste valeur l'alignement de maisons le long du cap.)Le lancement a rempli toutes ses promesses, à l'ombre des vieilles poutres d'un toit de charpente des plus impressionnants.J'ai eu le rare plaisir de rencontrer ou de revoir de nombreuses personnes que je ne connaissais souvent que par le courriel ou par leurs textes, d'Aurélien Boivin à Gilles Pellerin. Et les lieux étaient plus ou moins historiques. Sauf erreur, nous étions dans le grenier de la maison Dumont (ou Dumont-Le Picart), aussi connue en tant que Maison des Vins. Celle-ci remonte à 1689, mais il ne resterait qu'un pan de mur d'origine. L'édifice a donc été restauré et réaménagé plus d'une fois. Les combles qui accueillaient le lancement abritent aussi les bureaux de l'Association internationale des études québécoises (AIÉQ), avec une vue exceptionnelle sur la Place Royale. Comme à la Maison des écrivains de l'UNÉQ à Montréal, on retrouve des rayonnages remplis d'ouvrages québécois et, ce qui est moins commun, d'ouvrages étrangers sur la littérature et la culture québécoises. (J'y ai retrouvé ainsi un exemplaire de ce numéro de la revue italienne Ponts/Ponti sur le thème des astres et désastres qui inclut un article de ma plume.) Bref, la soirée a été agréable, même si je ne suis revenu à Montréal que pour apprendre qu'une autre charge de cours pour laquelle j'avais postulé me passait sous le nez.

Et si je repartais?(À la sortie du terminus de la Gare du Palais, à Québec...)

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2008-09-04

 

Le mystère des films invisibles

Eh oui, La Presse rapporte, comme s'il s'agissait d'un grand mystère, que les films québécois sont (de nouveau) boudés par le public.

Ben voyons! Examinons un peu quels films on offre à l'infortuné public québécois. Quand ils n'ont pas fait dans la suite d'un authentique phénomène de société comme Cruising Bar, les cinéastes québécois ont proposé depuis la fin 2007, entre autres :

— un film (L'Âge des ténèbres) sur l'effondrement tous azimuts d'une société minée par le chacun pour soi, la recherche d'évasion, la perte des valeurs et le narcissisme de la jeune génération;

— un film (Tout est parfait) sur le suicide chez les jeunes, un pacte égoïste et le silence des survivants;

— un film (Un été sans point ni coup sûr) sur la jeunesse d'un baby-boomer en 1969;

— un film (Le piège américain) avec un scénario par l'inévitable Fabienne Larouche sur un pégriot (Lucien Rivard) d'avant 1963, du temps de la jeunesse des baby-boomers, en se débrouillant pour avoir dans le décor John F. Kennedy, personnage emblématique de la décennie;

— un film (Le cas Roberge) que même les journalistes ont trouvé trop intimiste et trop branché sur le milieu des médias en ciblant les citadins du Plateau (le genre d'in-joke, apparemment, qui obtient des réactions contrastées et qui explique pourquoi le peuple votera pour Harper parce que lui a osé couper les fonds à la culture);

— un film (Truffe) de pure masturbation artistique qui use de la science-fiction comme prétexte pour justifier un mélange de surréalisme et de psychotronique...

Je n'ai vu que le premier et le dernier de ces films. Je n'ai éprouvé aucune envie de me taper un film sur le suicide (j'ai déjà donné), je n'ai pas la nostalgie des années soixante que je n'ai pas connues, je ne suis pas excité par l'idée de découvrir les coulisses du merveilleux monde des médias et je ne crois pas que les jeunes Québécois soient des barbares qui seraient pires que les baby-boomers au même âge... Et quand je veux voir de la science-fiction, j'aimerais qu'on ait assez d'égard pour mon intelligence pour ne pas prédire qu'en 2010 (dans moins de deux ans...), le réchauffement climatique aura fait germer des truffes sous les maisons et cours du centre-ville de Montréal!

Il est vrai qu'en général, je vais au cinéma pour être diverti ou séduit. Si on veut me proposer des belles images et rien de plus, je veux bien réduire à zéro mon sens critique, mais pas excuser le pastiche gratuit ou l'insulte à l'intelligence. Le cinéma québécois n'a pas vraiment les moyens d'être spectaculaire à tous les coups, mais il pourrait tenter d'éviter la nostalgie pour quinquagénaires et sexagénaires ou la tentation d'être déprimant parce que ça fait sérieux... Je ne dis pas que j'irais voir une comédie familiale qui se passe dans le Montréal d'aujourd'hui, mais cela risquerait d'être plus grand public et payant que la plupart des films ci-dessus.

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2008-09-03

 

La novlangue à la Grande Bibliothèque

Il a suffi que la chaleur revienne pendant quelques heures pour que trois autres lamelles de la façade de la Grande Bibliothèque se brisent et tombent. Trois autres tuiles, quoi...

Le plus consternant, ce ne sont pas les défauts d'une bibliothèque construite au rabais, c'est la langue de bois pratiquée par la porte-parole, Claire-Hélène Lengellé. Je cite l'article de La Presse :

« C'est une très bonne nouvelle. Nous sommes très satisfaits puisque nous voyons que notre solution permanente de sécurité fonctionne. »

Le Journal de Montréal rapporte qu'elle aurait aussi dit :

« C'est tout à fait normal que des lamelles éclatent de cette façon. Selon nos fournisseurs, moins d'un demi de 1 % des lamelles devraient éclater ainsi au cours des 10 premières années suivant leur installation. C'est dans la nature du matériau utilisé. »

Franchement, c'est pousser le bouchon un peu loin. Si la chose avait véritablement été prévue, on n'aurait pas eu à construire en catastrophe des marquises, clôtures et plates-bandes d'arbustes au pied des façades pour recevoir les lamelles et leurs débris, au coût de 750 000 $ — coût qui vient s'ajouter à la coquette somme de trois millions de dollars pour ces lamelles de verre trempé...

Un de ces jours, j'espère qu'on nous dira combien auraient coûté ces lamelles si on avait opté pour le cuivre, le matériau prévu à l'origine. Parfois, les fausses économies sont les plus coûteuses...

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2008-09-02

 

Virée en Estrie

Il faisait si beau que je n'ai pas dit non hier à un après-midi sur les routes de l'Estrie. Grâce à πR et Astrodan, j'ai pu me faire voiturer. Premier arrêt : Frelighsburg, au pays de la pomme.Classé parmi les plus beaux villages du Québec, il conserve de son passé loyaliste quelques beaux morceaux — mais nettement moins de son passé abénaqui, à l'exception d'une petite exposition d'art autochtone. L'ancienne école accueille maintenant le bureau de tourisme et un centre d'art actuellement consacré à une exposition de Raôul Duguay. Cette vieille Grammar School qui a perdu ses pignons (mais gardé un petit clocher sans cloche) est visible dans la photo ci-dessus. L'église du village n'est pas trop laide non plus et reste dans le même ton, usage de briques rouges et architecture géorgienne. Néanmoins, Frelighsburg vaut surtout par son cadre de collines boisées; les maisons proprettes et les gîtes peuvent rappeler les villages de la Nouvelle-Angleterre ou même les petites villes loyalistes de l'Ontario, mais leur hétérogénéité empêche l'ensemble d'accéder à ce qui serait un véritable dépaysement et un authentique effet esthétique. J'ai été un peu moins impressionné que je ne m'y attendais, tellement j'ai entendu parler des décors enchanteurs des Cantons de l'Est! Hormis quelques excursions à Orford, Magog et Sherbrooke, je n'avais jamais eu l'occasion de suivre le chemin des écoliers par monts et par vaux... Mais je me souviendrai longtemps d'une nouvelle découverte culinaire à Frelighsburg : la crème glacée molle avec coulis de vrai sirop d'érable. Un délice!Cela dit, quand la route passe devant les vergers de la région et ouvre des perspectives sur les Montagnes Vertes qui ont donné leur nom au Vermont, à quelques kilomètres au sud à peine, on respire mieux qu'à Montréal. La photo ci-dessus, prise de la route à la sortie de Frelighsburg, après un arrêt pour déguster du cidre de glace chez un producteur local, montre ces montagnes au loin. On respire mieux aussi en arrivant au bord du lac Memphrémagog. Au détour d'une petite route est apparu un mouillage de bateaux de plaisance, au bout d'une étroite jetée en béton qui accueillait un pêcheur ou deux. À l'arrière-plan, les collines boisées cachent bien leur secret : la présence de nombreuses résidences secondaires plus ou moins cossues, et la proximité de la ville de Magog. On se croirait en pleine nature et c'est pourtant une banlieue d'Outremont...

L'arrêt suivant du pélerinage, c'était naturellement le monastère de Saint-Benoît-du-Lac. Contrairement aux fondations monastiques des vieux pays, l'abbaye est très récente et ne remonte qu'à 1912. L'architecture (néo-romane?) du lieu et le style (parfois moderne) de l'ornementation l'attestent. Nous sommes loin d'une version canadienne du monastère du Nom de la Rose — même si une rose s'épanouissait non loin d'une chapelle un peu à l'écart... Ironiquement, pour beaucoup de Montréalais, l'abbaye est devenue une destination touristique où on s'arrête autant pour faire quelques emplettes (cidre, chocolat des Trappistes, produits du terroir) à la boutique que pour goûter le silence recueilli des lieux ou assister à la messe! On peut faire la cueillette de pommes dans le verger, pique-niquer sur une pente qui domine le lac Memphrémagog ou tout simplement se promener sur les petits chemins. Même si la foi n'y est plus et même si cela se trouve dans une région autrefois anglophone, c'est un rituel qui s'insère naturellement dans les habitudes des Québécois francophones, et peut-être plus difficilement dans les loisirs des nouveaux immigrants. D'ailleurs, il me semble qu'il y a vingt ans à peine, des groupes de jeunes organisaient encore (entre autres, à l'Université d'Ottawa) des pèlerinages à pied, de Magog à l'abbaye, à l'instar du pèlerinage de Chartres pour la Pentecôte chaque année. Cela s'est-il perdu? Moi qui suis passé par Chartres à pied en 1990, je sais combien la marche donne du prix aux découvertes que l'on fait en chemin, ou à l'arrivée. Un vitrail comme celui qui surmonte l'entrée de la chapelle retient l'attention du pélerin quand il n'attire pas le regard du visiteur de passage en voiture...Nous avons mangé à Magog (du cerf, dans mon cas) avant de revenir à Montréal. Un peu trop tard pour le travail, car le service n'avait pas été rapide au restau...

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2008-09-01

 

D'Edison à l'astérisque

La troisième fête du pite avait lieu en fin de semaine.

La Kifophile avait réuni une belle brochette d'auteurs (dont Robert Charles Wilson) et de directeurs littéraires (David G. Hartwell, Patrick et Theresa Nielsen-Hayden). Le Grand Chloré n'était pas là, mais le Grand Distrait était venu. Le Roquelunien avait fait le voyage d'Ottawa avec Tournevis, tandis que Val était venue de Boston. Sasha était dans la foule, mais Grimmwire était à Burning Man, sans doute au cœur d'une tempête de sable.

Les sujets ont été nombreux. Je suis intervenu sur la programmation d'Anticipation, mais il a aussi été question de la machine d'Anticythère, des poupées parlantes d'Edison, des frasques de Will Shetterley et de satellites linguistiques... Plus sérieusement, je me suis levé pour assister au panel sur l'histoire comme ingrédient secret en sf et j'ai suivi avec intérêt la table ronde sur les œuvres primées en 2008. Dimanche, j'ai surtout fait le congrès dans les couloirs pour discuter du programme d'Anticipation, mais le panel sur l'unicité de la « voix » des auteurs et la table ronde finale ouverte à tous les sujets valaient le détour. Mais le party de fin de journée a sans doute été le meilleur moment de l'événement...

Quant au public, il était fasciné, comme on peut le voir dans la photo ci-dessous.

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