2007-12-31

 

Majestrum et The Painted Drum

Le roman Majestrum de Matthew Hughes a tout pour plaire aux amateurs de Jack Vance, et j'en suis un même si je n'ai pas vendu mon âme au cercle des adorateurs fous dont il est interdit de parler si on n'assiste pas aux réunions... Oupse!

Si j'avais été légèrement déçu par The Commons, qui trahissait un peu trop ses origines dans les pages d'une revue, je ne l'ai pas été par Majestrum (Night Shade Books, 2007), qui mêle habilement le thème de la vie sur une Terre habitée depuis des éons et un retour imminent de la magie dans un monde longtemps dominé par la raison. Le personnage principal est un détective, Hengis Hapthorn, qu'une enquête précédente a doté d'un démon familier tout en scindant sa personnalité en deux moitiés, l'une rationnelle et l'autre intuitive. Chargé d'une nouvelle enquête par un aristocrate de la Terre, il se retrouve plongé, après avoir cru tirer le tout au clair, dans une affaire remarquable qui menace l'équilibre politique et naturel du monde. C'est aussi souvent amusant que passionnant.

Quant au roman The Painted Drum (HarperCollins, 2005) de Louise Erdrich, il est l'œuvre d'une représentante de la nouvelle génération d'écrivains issus des Premières Nations qui a commencé à se faire remarquer il y a une vingtaine d'années (Sherman Alexie, Luci Tapahonso). Ce ne sont pas tous ses livres qui donnent la vedette aux Ojibwés (Anishinaabeg), mais ses romans n'occultent ni la présence ni la réalité des Premières Nations.

The Painted Drum commence en Nouvelle-Angleterre, loin du Minnesota et de ses réserves. Pourtant, Elsie et Faye Travers, mère et fille, sont liées par le sang et par mille autres affinités aux Anishinaabeg du Minnesota, l'État des 10 000 lacs... Ne font-elles pas commerce d'antiquités, en témoignant un intérêt tout particulier aux vestiges de fabrication amérindienne? Un drame qui met aux prises leurs voisins provoque aussi la mort d'un innocent et Faye est chargée de l'inventaire de la maison. Ce faisant, elle découvre une pièce rare, un tambour sacré de très belle facture; sans pouvoir s'expliquer son impulsion, Faye saisit l'occasion et dérobe le tambour. Quand elle rapporte le tambour aux gens de la réserve, elle apprend que le tambour rappelle à certains une période tragique qui a divisé des familles et attisé des haines tenaces.

Enfin, le roman The Princes of the Golden Cage (Night Shade Books, 2007) de Nathalie Mallet est d'une lecture agréable, malgré quelques gallicismes intempestifs. S'inspirant de pratiques ottomanes, elle décrit le confinement de plusieurs princes dans un sérail par leur père et souverain. Mais des forces surnaturelles interviennent à l'intérieur des murs et le prince Amir, qui avait cru s'isoler des querelles de ses frères, devient la proie des soupçons. Mallet combine adroitement un mystère (qui est l'assassin convoitant la succession?), une aventure fantastique (Amir déjouera-t-il les entités qui s'insinuent dans le sérail?) et une histoire d'amour... Il y aura une suite.

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2007-12-30

 

Texture urbaine

Ce qui distingue le tissu urbain d'une ville de l'étalement des banlieues, c'est sa densité.

Truisme, oui, mais il faut voir quelles en sont les conséquences. Dès que la densité d'un quartier atteint un certain point, il devient possible d'envisager toutes sortes d'aménagements à l'intérieur même de ce quartier. Si le relief accidenté d'une ville oblige la ville à occuper des pentes et des plateaux, ce sera la densité de l'occupation qui justifiera la construction de parcs et de services publics, mais aussi de tunnels piétonniers pour relier des rues séparées par des dénivellations.
C'est un de ces tunnels que j'ai découvert en allant chez la Kifophile hier soir, où j'ai retrouvé l'autre moitié de Laurent et sa douce moitié, le jeune Sasha et plusieurs connaissances remontant au dernier Pite Party. Pour descendre sous le chemin de fer et pénétrer dans le quartier, il existait un tunnel décoré de graffiti, ce qui m'a un peu rappelé les tunnels bigarrés de l'Université Carleton... Presque un passage initiatique, mais c'était avant tout une autre composante de la riche texture urbaine de Montréal.

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2007-12-29

 

Le bilan des cartes de Noël

Il paraît que les cartes de souhaits pour Noël et le Nouvel An ne sont plus à la mode. Si les traditions se perdent, elles n'ont pas encore disparu. Les cartes de vœux électroniques ont encore la cote dans certains cas, quand ce n'est pas tout simplement un lien vers un vidéo de YouTube. Néanmoins, je reçois encore ma part de cartes traditionnelles, même si certaines sont un brin moins traditionnelles. Si je faisais le palmarès des cartes les plus originales, cela inclurait :

1) La carte-rétrospective de Christian Sauvé, avec moult photos et dans les deux langues officielles du pays. Comme nous avons assisté à plusieurs congrès de sf en même temps, je reconnais certaines des photos. À Vancouver, par exemple, il est de toute évidence passé aussi par la succursale principale de la bibliothèque municipale (voir ci-dessous), qui a beaucoup plus de gueule que le triste hangar verdâtre de Lise Bissonnette, même sous un ciel plombé par la grisaille. 2) La carte-gadget de Soulières Éditeur, qui consiste cette année en une aquarelle de Noël à colorier soi-même avec de la peinture à l'eau (pinceau inclus)... de quoi rappeler les étés de nos enfances.

3) La carte du Musée de la Civilisation de Québec, que j'ai reçue deux fois. La première, c'était pour me remercier de ma contribution à une expo à venir. La seconde, je ne sais pas trop...

D'autres cartes mériteraient une mention, dont celle que Jean-Pierre Normand illustre lui-même, mais il faut que je me repose pour un party chez la Kifophile...
(L'espace intérieur de la Grande Bibliothèque de Vancouver, que l'on a aussi pu voir dans un film d'Arnold Schwarzenegger, The 6th Day...)

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2007-12-28

 

La pompe de Lindbergh et Carrel

L'ancêtre du cœur artificiel a été inventé par Charles Lindbergh et Alexis Carrel, dont j'avais évoqué précédemment la collaboration, pour maintenir sous perfusion des tissus et des organes animaux. La collaboration de ces deux personnages hors-normes est décrite dans The Immortalists, un nouveau livre qui est franchement passionnant. L'auteur, David M. Friedman, révèle que Carrel et Lindbergh entrevoyaient clairement les possibilités permises par l'extraction d'organes. Leur pompe en Pyrex n'était pas grosse (elle suffisait tout juste à contenir des glandes de petits mammifères), mais elle conservait les échantillons choisis dans des conditions stériles pendant des jours d'affilée tout en faisant circuler un fluide nutritif par les veines et capillaires de l'organe. Toutefois, pour Carrel et Lindbergh, ce n'était qu'un premier pas et ils espéraient réaliser la transplantation systématique d'organes afin de remplacer des organes vieillissants (ou défaillants) par des organes sains et plus jeunes. Le remplacement de tous les organes (sauf le cerveau, évidemment) garantirait la survie indéfinie des individus. Autrement dit, ces techniques procureraient la vie éternelle à l'humanité... Friedman exagère sans doute en essayant de faire de cette quête de l'immortalité un fil conducteur de son livre, car il devient clair en cours de route que Carrel et Lindbergh avaient plus d'un sujet de conversation dans le contexte des années trente et de la montée du nazisme.

Dans ce livre, Carrel apparaît quelque peu comme le mauvais génie de Lindbergh, le médecin français partageant ses idées eugéniques avec l'aviateur étatsunien et le gagnant (sans trop de peine?) à ses propres convictions sur la supériorité des races européennes. Mais Friedman ne cache pas que Carrel se méfiait de tout ce qui était allemand après ses expériences durant la Première Guerre mondiale. Par conséquent, ce sont Charles Lindbergh et sa femme qui sont tombés d'eux-mêmes sous le charme du régime nazi d'Adolf Hitler. Il faut dire qu'ils avaient des raisons de rejeter les valeurs démocratiques des États-Unis... Première vedette médiatique mondiale, peut-être, Lindbergh avait souffert d'être sans cesse traqué par les journalistes et les photographes, et encore plus de l'enlèvement de son premier enfant par un ravisseur appâté par la célébrité de l'aviateur. (Le ravisseur avait obtenu une rançon de plusieurs milliers de dollars, mais on n'avait retrouvé que le cadavre du bébé.) Lindbergh avait d'ailleurs fui avec sa petite famille pour s'installer en Angleterre, ce qui avait coupé court à sa collaboration avec Carrel tout en lui permettant de visiter l'Allemagne nazie et peut-être même de jouer un rôle dans le dénouement de la crise des Sudètes... Carrel est mort en 1944, après avoir accepté de collaborer avec le régime de Vichy afin de réaliser le projet d'un institut tel qu'il l'avait décrit dans L'Homme, cet inconnu, soit la Fondation française pour l'étude des problèmes humains qui est un peu le prédécesseur de l'Institut national d'études démographiques (INED). Mais Lindbergh, qui avait milité contre l'entrée en guerre des États-Unis contre l'Allemagne nazie, a vécu assez longtemps pour se repentir et devenir un militant de l'environnement.

À plusieurs titres, il faut remonter à cette époque pour comprendre comment la science-fiction du siècle dernier a pu concevoir l'immortalité de la chair et aussi l'avènement de cyborgs. L'invention de Lindbergh et Carrel avait été claironnée dans la revue Time et les autres réussites de Carrel à l'Institut Rockefeller (comme le morceau de tissu cardiaque d'un poulet) étaient également connues. Heinlein n'a pas été le seul à tenir compte de ces percées qui n'allaient aboutir à des résultats concrets qu'une génération plus tard...

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2007-12-26

 

Le film que je n'ai pas vu

Il est rare que je laisse une critique influencer complètement mes choix de films, mais c'est le cas en ce qui concerne la nouvelle mouture de I Am Legend. Je lis les critiques, certes, et je me forme une impression du film en question, mais je tiens aussi compte des bande-annonce (celle d'Alvin and the Chipmunks a suffi à me dissuader de jamais songer à voir ce film) et du bouche à oreille. Dans le cas d'I Am Legend, les opinions étaient mitigées, mais le consensus critique suggérait que la mise en scène de New York sans les New Yorkais serait assez réussie pour justifier une seconde moitié remplie de bruit, de fureur et d'explosions.

Puis, je suis tombé sur un article qui révélait le dénouement du film, qui trahissait non seulement la lettre du court roman de Richard Matheson mais tout l'esprit de l'original. L'article en question par Dan Gardner relevait aussi le rejet de la science (malheureusement trop commun dans les films hollywoodiens) et le parti pris en faveur de la foi du cordonnier (que les films de Noël ont déjà trop prêché ce mois-ci, merci). Bref, à la fois comme fan de science-fiction et comme fan du rationalisme, j'ai décidé de laisser tomber pour cette fois. Quand il passera à la télé, peut-être...

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2007-12-25

 

La lumière et les ténèbres

Le nouveau film de Denys Arcand est enfin visible. Après avoir beaucoup voyagé, de la France à l'Alberta, on peut enfin le voir par chez nous (et certains ont déjà pu le voir et en parler). Et si ce n'est que pour le contraste, la fête de la lumière qu'est Noël était peut-être l'occasion la plus appropriée d'assister à un film intitulé L'Âge des ténèbres.

Sachons donc ce que nous célébrons. En gros, ce qu'on fête aujourd'hui, c'est tout ce qui manque au personnage principal du film, Jean-Marc Leblanc, dont le nom symbolise le Québec blanc et francophone dont parle Arcand, dont il vient et auquel il s'adresse.

Chaleur humaine, solidarité, joie de vivre... Alors que Leblanc vit dans le confort de la banlieue et jouit d'un emploi de fonctionnaire syndiqué, il n'a rien de tout cela. Et il paie les conforts de la banlieue de longs trajets quotidiens, tandis que la sécurité de son emploi de fonctionnaire bien rémunéré se paie du tourment de l'impuissance propre au rouage pris au piège d'un mécanisme qui le dépasse.

Un quotidien intolérable pousse Jean-Marc à rêvasser et fantasmer. Faute d'amour ou de désir (mais sa femme se laisse-t-elle désirer?), il rêve de compagnes plus charnelles, plus dociles, plus intéressantes... et plus intéressées par sa propre personne. Tous les journaux ont révélé cette partie de l'histoire, mais le film d'Arcand souligne aussi que Jean-Marc Leblanc n'est pas le seul à rêver. Autour de lui, tout le monde vit ailleurs, tout le monde veut s'échapper. Films de fantasy, jeux vidéos et reconstitutions médiévales, tout est bon pour incarner le désir d'évasion de la population québécoise. Arcand ne se prive pas de rappeler les vulgarités de la vie moderne : sans-gêne des banlieusards qui étalent leur intimité en bavardant par cellulaire dans un wagon bondé, grossièreté des chauffards sur les routes et autoroutes, univers kafkaïen de la bureaucratie, mariages et familles en état de désintégration avancée...

Faut-il prendre au sérieux cette charge d'Arcand? Né en 1941, Arcand est, à l'instar de Gérard Bouchard et Charles Taylor, un pré-baby boomer qui juge le Québec moderne. Homme vieillissant dont la mortalité bouche peut-être l'horizon, Arcand semble assez porté à juger et condamner le Québec actuel. Est-ce parce que la tragédie de la mortalité personnelle le rejoint pour la première fois? Si oui, on s'expliquerait mieux qu'il exprime son nihilisme avec une férocité égale au retard d'une prise de conscience qu'un Michel Houellebecq a opéré beaucoup plus tôt.

La désillusion est-elle aussi à la mesure des idéaux de jeunesse d'Arcand, le cinéaste et documentariste engagé? Sous le couvert d'un film de fiction, on sent ressortir les grands traits d'une thèse sociologique plus intéressante que le destin personnel de Jean-Marc Leblanc. Arcand nous offre son constat d'une situation désespérante, mais, quand vient le temps de réagir, tout ce qu'il montre, c'est la démission, la fuite et la résignation. Et le retour à la terre — comme quoi le fonds paysan québécois reste indécrottable....

Ce qu'Arcand ne conçoit plus, apparemment, c'est l'humble héroïsme journalier célébré tant par les penseurs chrétiens que par les théoriciens marxistes de sa jeunesse. Son Jean-Marc Leblanc ne songe jamais à se porter volontaire dans un hôpital ou un hospice. Il n'essaie pas non plus de donner un coup de main supplémentaire aux malheureux qui viennent le consulter. Leblanc ne rêve que de coups d'éclat, de vedettariat et de réussites flamboyantes. Arcand condamne-t-il le star system qui s'infiltre dans toutes les pensées de la société québécoise ou est-il gagné lui-même par cette culture de la réussite par-dessus tout? Quand la femme de Leblanc lui parle de sa réussite à elle et de ses insuccès à lui, il se regimbe et la menace. Mais est-ce parce qu'il souffre d'être médiocre ou parce qu'il soufre de vivre dans une société qui n'en a que pour la réussite? Le film laisse planer l'ambiguïté.

À la fin du film, quand Leblanc a congédié ses amantes fantasmées, quand il s'est réfugié dans la baraque de son père au bord du Saint-Laurent (ô misère dorée des gens riches et malheureux!), nous le voyons peler des pommes tandis que les fruits encore intacts composent une nature morte. Fruit de la connaissance du bien et du mal, la pomme est-elle maintenant lettre morte parce que la société québécoise a perdu ses repères? Ou y a-t-il un autre sens à cette conclusion? S'il y en a un, je doute qu'il renferme beaucoup plus d'espoir.

Si quelque chose sauve le film de la noirceur totale, ce serait le déphasage subtil qui l'apparente à la science-fiction. Au tout début du film, une maladie contagieuse force le port de masques comme au temps du SRAS à Hong Kong ou Toronto, pour évoquer les nouvelles épidémies (réelles ou appréhendées). La fonction publique québécoise a déménagé une partie de ses pénates dans le Stade olympique et, dans cette nouvelle réalité, il est désormais interdit de fumer à moins d'un kilomètre des bureaux. (Des patrouilles régulières avec chien renifleur débusquent les délinquants...) Et la police de la langue a complètement aboli des mots incorrects comme « nègre ».

Le film d'Arcand a beau être légèrement décalé pour faire du Québec une satire dystopique, il reste trop proche de la réalité pour ne pas traduire une vaste lassitude. Quand sa mère s'éteint, quand il abandonne à sa femme et à ses filles leur grande maison de banlieue, il ne reste plus rien à Jean-Marc Leblanc, seul survivant de sa famille. Après la mort du père dans Les Invasions barbares, c'est la mort de la mère qui est mise en scène dans L'Âge des ténèbres et le deuil est au moins aussi fondamental. Le dernier rempart saute. Il ne restera plus qu'à faire avec la récolte de pommes de la confiture pour qu'elles survivent à l'hiver qui s'annonce.

Un bon film? Ce serait trop facile de dire qu'il vaut bien Bon cop, bad cop. Je crois qu'il restera, au moins pour sa valeur documentaire. Arcand a accompagné une génération. Son regard de grand frère des baby-boomers est sans complaisance, et manque peut-être de compréhension, mais il a l'avantage d'avoir été le témoin de toute la trajectoire de cette génération.

Sommes-nous vraiment au bord du précipice, comme il le suggère et comme le pensent certains de mes amis? Pas dans l'absolu. L'évitement peut également être une forme d'attente et Arcand a eu l'intelligence d'inclure une diatribe d'un prêtre qui prêche la croisade dans le campement de rôlistes médiévaux. Si ce policier déguisé en Pierre l'Ermite reflète sans doute le discours associé à Zéroville, il traduit aussi l'impatience d'en découdre d'une partie du Québec lassé du statu quo et qui a sans doute voté pour l'ADQ aux dernières élections.

Quelque chose aurait frémi, cette année. Était-ce un spasme d'agonie ou la première contraction d'un accouchement difficile? En ce jour de Noël, il est sans doute naturel de croire à la renaissance de la lumière.

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Noël hier

J'ai épuisé le gros du stock de mes cartes de souhaits d'autrefois, mais je peux quand même inclure ici une carte qui remonterait grosso modo à 1907 ou 1908 environ. Cette carte qui transmet des salutations de Noël et des vœux pour le Nouvel An est de fabrication britannique, ayant été produite par la célèbre firme de Raphael Tuck et fils. Envoyée à mon arrière-grand-tante Valérie Mailhot (1864-1950), qui habitait alors à Selkirk au Manitoba, la carte a abouti dans son album de collectionneuse. L'illustration invoque la pureté de la jeune fille en blanc, même si elle est placée dans l'ombre d'un bouquet de fleurs aux teintes variées. La fillette tient aussi une corbeille remplie de fleurs de sa main gauche tandis qu'elle a refermé sa main droite sur un autre petit bouquet. D'autres fleurs encore jonchent les marches de l'escalier. Contrairement aux autres cartes, l'illustration ne sacrifie pas à l'iconographie traditionnelle de Noël. Il n'y a pas de Saint-Nicolas ou de Père Noël, il n'y a pas de neige ou de paysage hivernal, pas de sapin, de gui ou de houx. En fait, la jeune fille est apparemment assise sur un tronçon de colonne antique, ce qui renvoie tout à la fois aux latitudes ensoleillées de la Méditerranée et au paganisme des Anciens... Mais l'enfance et son innocence sont au centre de la composition, et ce sont encore aujourd'hui les deux piliers du Noël populaire. Joyeux Noël !

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2007-12-23

 

Une autre humiliation québécoise?

Eh oui, le Québec est de nouveau humilié! C'est François Legault du Parti québécois (c'est une habitude!) qui l'exprime à demi-mot dans un essai pour La Presse d'aujourd'hui. Après tout, quand il est question de « résignation » mal placée et du tort fait à une « petite nation comme la nôtre », on sent affleurer bien plus qu'un souci des « intérêts supérieurs » du Québec...

Néanmoins, les arguments de Legault méritent l'attention. Ce ne serait pas la première fois que le gouvernement Charest laisse passer une décision hâtive et irréfléchie (on peut penser à Orford...) et on peut penser que la Bourse de Montréal n'était pas condamnée à disparaître.

Les comparaisons sont souvent instructives. En Europe, des entités aussi petites que les pays baltes comptant approximativement de un à trois millions d'habitants chacun ont toutes des bourses, ainsi que la Norvège (4,8 millions d'habitants), la Finlande (5,3 millions), le Danemark (5,5 millions) et la Suède (9,1 millions) — et même l'Islande (312 872 personnes...). Seulement, les bourses de tous ces pays appartiennent en tout ou en partie à un seule compagnie, OMX, une firme suédo-finlandaise basée à Stockholm. Et les opérations des principales bourses sont étroitement intégrées.

Du coup, l'acquisition effective de la Bourse de Montréal par la Bourse de Toronto semble moins choquante. En revanche, l'élimination progressive des activités boursières à Montréal, qui est pourtant la métropole d'une province de 7,7 millions d'habitants dotée d'une économie diversifiée, a de quoi laisser songeur. Les gens d'affaire de Montréal ont-ils cédé trop vite? N'y aurait-il aucun avantage pour les compagnies québécoises à disposer d'une place boursière propre? Pour l'instant, dans la mesure où Legault crie dans le désert, il semblerait que non...

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2007-12-22

 

De la fantasy japonaise

Selon le site de l'éditeur, Vertical, la série intitulée en anglais The Guin Saga est la plus populaire des séries de fantasy publiées au Japon. Ne compte-t-elle pas une centaine de tomes? Le premier volume traduit en anglais, The Leopard Mask, était distribué (gratuitement) aux participants de la Convention mondiale de fantasy à Saratoga Springs. L'ouvrage signé par Kaoru Kurimoto a été traduit par Alexander O. Smith avec Elye J. Alexander. Un encart publicitaire associe le livre à l'heroic-fantasy dans la veine de Conan le Barbare et, somme toute, c'est fort approprié. Le personnage de Guin, un grand guerrier au visage caché par une tête de léopard (sans doute) fixée par magie et au passé mystérieux, rappelle celui de Conan. Ses prouesses guerrières m'ont également rappelé ce que j'avais lu des aventures de Conan (en particulier, celles que L. Sprague de Camp avait composées...). Ce qui est différent, c'est la présence dans le décor de deux jeunes enfants, Rinda et Remus, des jumeaux porteurs d'un lourd destin, mais que la conquête du royaume dont ils étaient les héritiers a transformé en proscrits. Guin devient leur protecteur et il affronte pour eux des dangers qui sont souvent d'origine surnaturelle. L'influence japonaise se fait sentir dans l'accumulation de démons, revenants et autres monstres qui hantent les bois et les forteresses de cette contrée imaginaire (on peut songer ici aux aventures d'InuYasha) et je la sens aussi dans l'importance donnée à la loyauté des chevaliers envers leur maître qui ne la mérite pas (parce qu'il est un imposteur). Le tout est très court, se lit vite et se termine naturellement sur un suspense qui invite à lire le volume suivant!

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2007-12-20

 

Complainte d'un Canadien

Un Canadien errant, chargé de corriger
les deux cents examens de ses étudiants
adressa ces mots implorants à tous les vents :
Attendez, mes chers amis, avant de rager

Passez votre chemin, gardez-vous de neiger,
Retenez vos excès jusqu'au Nouvel An!
Ma tâche est lourde et j'ai pour ennemi le temps
qui ne donnera point congé pour déneiger

À cette prière, les grands vents répondirent :
Ce n'est pas nous, mortel, que tu devrais maudire
si la neige épaisse s'abat sur ton abri

Sache donc que tu n'aurais rien à craindre
des pires tempêtes, blizzards ou poudreries
si tu corrigeais plus, au lieu de te plaindre

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2007-12-19

 

Les régularités d'un rhume

Ce qui est tuant dans un rhume, maintenant que je peux commencer à les compter par dizaines depuis mon enfance, ce n'est pas les désagréments ou les douleurs qu'ils occasionnent, c'est la répétition.

Les rhumes, j'en ai fait le tour. De la gorge râpeuse et douloureuse des débuts aux ultimes quintes de toux, en passant par les heures paroxystiques durant lesquelles la congestion est à son comble, je connais maintenant toutes les étapes. Je les connais si bien que je me lasse moi-même d'inventorier les changements de consistance ou de teinte de mes expectorations, la sensation d'avoir fait le vide dans les cavités intérieures du crâne ou le soulagement passager que procure un peu de lait ou une bonne soupe.

Ces régularités ont été, selon certains, à la base de la science moderne, puisqu'elles informaient les pronostics des médecins hippocratiques dans la Grèce antique et encourageaient les philosophes à rechercher les mêmes régularités ailleurs, sur la terre comme au ciel. Mais j'aimerais que les rhumes soient moins réguliers. On pourrait alors espérer que, parfois, ils finissent plus vite...

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2007-12-18

 

L'avenir de l'effet de serre

Une des méthodes que j'ai toujours préconisées sur ce blogue, c'est le rapprochement de nouvelles apparemment sans rapport.

Ainsi, la Banque mondiale vient de publier un rapport (.PDF) selon lequel la taille de l'économie chinoise, calibrée selon la parité du pouvoir d'achat, serait de 40% inférieure à ce qu'on croyait jusqu'à maintenant. Du coup, le nombre de Chinois dont le revenu oscille autour d'un dollar par jour serait de l'ordre de 300 millions, et non de 100 millions... D'ailleurs, la comparaison du revenu national par habitant en 2005 révèle des différences parfois importantes selon l'adoption du dollar étatsunien comme étalon ou du dollar corrigé selon la parité du pouvoir d'achat. La figure ci-dessous compare ces deux valeurs pour quelques pays de l'OCDE; on voit tout de suite que si le revenu par habitant est révisé en fonction de ce qu'on peut acheter dans tel ou tel pays avec le revenu en question, la valeur résultante est en général inférieure au revenu en dollars étatsuniens. Du coup, un pays comme le Canada qui n'atteint pas les niveaux déclarés en dollars étatsuniens pour des pays comme la Belgique ou le Royaume-Uni se retrouve en bien meilleure posture quand son revenu est mesuré selon la parité du pouvoir d'achat. Ce qui confirmera l'impression du voyageur canadien qui aura visité ces pays : même si tout était plus cher au Canada, comme si la population était plus riche, les gens n'avaient pas l'air de vivre mieux. (Certes, la parité du pouvoir d'achat compare surtout la quantité de biens jugés équivalents, mais sans poser la question de la qualité — ce qui a son importance quand on compare un supermarché canadien et un supermarché français, disons...)Pendant ce temps, la conférence de Bali entamait la longue marche vers une décroissance des émissions de gaz à effet de serre. Le Canada a joué un rôle compliqué, répondant à des impératifs contradictoires.

D'une part, le nouveau gouvernement est plus ou moins revenu de son scepticisme initial et a admis la réalité du réchauffement climatique. Toutefois, l'économie canadienne est étroitement intégrée à celle des États-Unis (on le voit dans la figure ci-dessus, qui montre que le Canada et les États-Unis sont les deux pays dont le revenu par habitant est pratiquement identique qu'on le mesure selon le pouvoir d'achat ou l'unité monétaire); par conséquent, il n'est pas sûr que le Canada puisse se permettre de trop s'éloigner des pratiques étatsuniennes en matière de consommation d'énergie sous peine de voir la compétitivité de ses entreprises souffrir. L'argument est (éminemment) critiquable, mais il est (minimalement) défendable.

D'autre part, le gouvernement fédéral doit composer avec des provinces puissantes dans le cadre d'une fédération extrêmement décentralisée. Or, l'écart des émissions par personne au sein de la fédération canadienne est immense. Le Québec se situe dans la moyenne européenne, par exemple, tandis que l'Alberta et la Saskatchewan, des provinces productrices de pétrole, génèrent jusqu'à six ou sept fois plus par personne. C'est plus que l'écart entre les émissions par habitant des États-Unis et de la Chine! Comme ces émissions sont associées à une industrie qui fait beaucoup pour l'embellie économique et budgétaire du pays, ce n'est pas facile de les juguler. Et c'est aussi difficile de convaincre les Albertains qu'ils doivent assumer une plus grande part des réductions parce qu'ils produisent plus que de convaincre les Québécois de réduire autant que les Albertains parce que tout le monde doit faire sa part également... Comme le gouvernement conservateur de Harper assoit son pouvoir sur ces deux provinces, il a jusqu'à maintenant fait tout sauf tenter de concilier l'inconciliable.

Pour se sortir de son pétrin, le Canada a donc tenté à Bali de reporter à l'échelle internationale son dilemme interne en braquant gros émetteurs par personne contre petits émetteurs par personne au nom de la part que tout le monde doit jouer pour réduire les émissions. (Une telle position, appliquée à l'interne, obligerait le Québec à réduire ses émissions autant que l'Alberta... je continue à ne pas comprendre la popularité des Conservateurs au Québec!)

Dans un sens, il s'agissait sans doute d'une manœuvre dilatoire pour éviter d'engager le Canada dans une ronde de réductions qui, primo, risquerait de nuire à l'industrie pétrolière de l'Alberta et, secundo, risquerait d'accroître les tensions au sein de la fédération. Néanmoins, c'était aussi une manière de donner des gages à ceux qui croient que le réchauffement climatique est un problème réel, mais que la démarche suivie depuis Kyoto a balayé sous le tapis des problèmes gênants.

Or, le Canada est aussi aux prises avec un des éléments les plus gênants du problème. Les cibles fixées par pays ne tiennent pas compte de la croissance démographique. Depuis 1990, la population du Canada a augmenté de presque 20% et il est permis de croire qu'en 2012, elle aura augmenté de 24% environ depuis 1990. Le Canada s'étant fixé à Kyoto l'objectif d'une réduction à 6% en deçà des émissions de 1990, il faudrait réduire de plus de 30% les émissions par habitant en dehors de toute augmentation intrinsèque pour atteindre en 2012 l'objectif de Kyoto. Ceci est techniquement impossible, mais reste un objectif parfaitement réaliste si on a recours (comme l'Europe des quinze devra l'envisager) à des crédits internationaux.

La démographie canadienne est une des plus dynamiques en Occident, à classer avec l'Australie et les États-Unis. En guise de comparaison, la population de la France métropolitaine n'a augmenté que de 8,8% entre 1990 et 2007. (Et la France s'était fixé comme objectif à Kyoto une réduction des émissions au même niveau qu'en 1990.) La France a quand même fait mieux que le Canada pour ce qui est des réductions par tête (les mauvaises langues souligneront que c'est facile quand on maintient la population dans une pauvreté relative, puisque le revenu par habitant en France est de 29 644$ contre 35 078$ au Canada, selon la parité du pouvoir d'achat) et c'est tout à son honneur. Mais le problème demeure et il devra être abordé lors de la prochaine ronde de négociations. Les cibles de réductions ne pourront plus être fixées au petit bonheur la chance; d'un pays à l'autre, elles devront tenir compte de facteurs additionnels si elles se veulent réalistes.

La logique de Kyoto, c'était de commencer par couper dans le gras. On supposait que les économies des pays riches avaient plus de marge et qu'elles pourraient donner l'exemple tout en procédant à des expérimentations grandeur nature pour défricher les meilleures pistes à suivre après 2012. L'étape suivante imposera des réorientations plus radicales encore, mais celles-ci ne pourront plus ignorer les facteurs fondamentaux :

— la croissance de la population (et son vieillissement) : ceteris paribus, une population vieillissante et retraitée sera moins énergivore qu'une population jeune et active; compte tenu de la croissance démographique, il serait injuste d'exiger d'une population plus jeune des sacrifices plus grands (per personne) que d'une population plus âgée qui serait d'ailleurs plus directement responsable de l'augmentation passée des gaz à effet de serre...

— l'existence ou non d'industries pétrolières : leurs pratiques ordinaires génèrent des quantités énormes de gaz à effet de serre; il n'est pas impossible de les réduire, mais ceci est une tâche lourde

— la superficie de terres agricoles et boisées par personne : les pratiques agricoles et forestières sont responsables de changements massifs mais difficiles à quantifier dans la production excédentaire de gaz à effet de serre; ceci complique la gestion des gaz à effet de serre pour les grands pays

— le contexte climatique : les pays septentrionaux connaissent souvent des écarts météorologiques plus grands qu'ailleurs et qui imposent un mode de vie plus énergivore pour la simple survie; on peut penser que la consommation énergétique par personne sera toujours un peu plus élevée au Québec qu'en France rien que pour cela

Et le rapport avec la Chine? Les nouveaux chiffres de la Banque mondiale suggèrent que les émissions par personne d'une partie de la population chinoise doivent être plus proches qu'on le pensait des niveaux des pays développés, puisqu'il y a 200 millions de personnes de plus qui ne font pas partie de l'économie moderne chinoise. En revanche, il reste donc un potentiel de croissance énorme des émissions chinoises si jamais cette population (plus nombreuse que la population du Japon) commençait à jouir d'un niveau de vie plus confortable... Est-ce une raison de plus pour ménager la Chine ou pour en exiger plus? Voilà le dilemme, qui sera un peu celui de toute l'humanité en ce siècle.

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2007-12-17

 

Le Père Noël, leçon de scepticisme?

Si on regarde, ne serait-ce que d'un œil, les émissions de Noël pour enfants à la télévision nord-américaine, c'est frappant de constater à quel point on prêche la foi.

La foi en Dieu? Non! La foi en un saint devenu Santa Claus aux États-Unis, qui a donné la plupart de ses traits au Père Noël des petits francophones... Mais Santa Claus-Père Noël est de plus en plus éloigné du Saint Nicolas des origines. Une mythologie propre s'est attachée au personnage au fil des ans : traîneau attelé de rennes, village au pôle Nord, une femme qui lui tient maison, des lutins qui fabriquent les jouets... La Légende dorée ne nous en disait pas tellement plus sur l'évêque vénéré au Moyen Âge!

Le plus curieux, c'est que la croyance au Père Noël est bien la seule qu'il soit permis de déboulonner lorsque les enfants sont grands. On pourrait croire que ce serait d'ailleurs une leçon de scepticisme pour tous. Voilà pourtant un personnage surnaturel dont l'existence est attestée par une iconographie abondante, de nombreuses émissions télévisées et des preuves matérielles — des jouets tout ce qu'il y a de plus palpables! Et il n'existe pas.

Si le renversement de cette idole est sans suite aux États-Unis, je me demande s'il pourrait alimenter le scepticisme croissant au Canada. Même si le scepticisme sous toutes ses formes demeure minoritaire, les chiffres suggèrent que l'incroyance est deux fois plus présente au Canada qu'aux États-Unis.

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2007-12-16

 

Tempête en décembre

Qui sait? Comme il est permis de croire que les ententes de Bali ne vont pas ralentir le réchauffement climatique de sitôt, ce sera peut-être une grande tempête de neige en décembre qui restera longtemps dans les annales. C'est un phénomène difficile à photographier, mais la photo ci-dessous peut donner une idée de la chose, au moins en partie. Au premier plan, on distingue les couches de neige accumulées sur le rebord de la fenête, comme autant de strates géologiques miniatures. Derrière, c'est un jardin de banlieue à Ottawa, aux contours estompés par les flocons qui tombent et tournoient...

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2007-12-14

 

Terre des pigeons

C'était par un vendredi après-midi (la semaine dernière ou la semaine d'avant?), en revenant de mon cours à l'UQÀM, que je suis passé devant une façade de maison colonisée par les pigeons, à deux pas d'une boucherie halal et en face d'une caserne de pompiers. J'ai été suffisamment étonné pour m'arrêter et tenter de saisir le phénomène avec mon appareil photo. Montréal est moins envahie par les pigeons qu'une ville comme Paris, mais je ne prétendrais pas que cet attroupement vertical de pigeons soit exceptionnel. Simplement, c'était quelque chose de suffisamment inusité pour que son étrangeté magnifie le nombre et la taille des pigeons en question... tandis que la photo rend à la chose ses justes proportions. Pourtant, même si ce serait nettement exagéré que de comparer ces façades montréalaises aux falaises bondées d'oiseaux de l'île Bonaventure, ces pigeons perchés par dizaines donnent à la façade un air d'habitat parfaitement naturel pour ces volatiles. Des briques, des tuiles, des mansardes et des pigeons, quoi de plus ordinaire? Pourtant, j'ai beau me promener assez souvent en ville et avoir longuement sillonné ce quartier à proximité de Saint-Laurent et de Maisonneuve, je n'ai pas souvenir d'un tel phénomène. Par conséquent, l'objectivité apparente de la photo est un peu mensongère, puisque l'image brute ne souligne pas assez la surprise que j'ai ressentie. Et peut-être ai-je songé à la nouvelle « Terre des pigeons » d'Éric Gauthier, pour achever de me convaincre qu'il y avait là quelque chose de fantastique...

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2007-12-13

 

L'explication des objets perdus

Quand j'étais plus jeune, les caisses toujours remplies des bureaux d'objets perdus me plongeaient dans la perplexité. Qui donc étaient ces gens qui laissaient croupir leurs possessions dans un bureau tout disposé à les leur rendre? Moi, quand j'égarais un objet, je savais d'habitude où je l'avais perdu et j'essayais généralement de visiter le dépôt correspondant d'objets perdus pour vérifier s'il avait hérité du bien en question.

La réponse à cette perplexité, je suis maintenant en mesure de me la fournir à moi-même. Car j'ai oublié une tuque dans un taxi vendredi dernier et je constate que faute de connaître le nom de la compagnie responsable de ce taxi, la tâche de la retrouver sera fort compliquée. Il ne semble pas exister de bureau unifié des objets perdus pour l'industrie des taxis à Montréal. Du moins, quelques minutes de recherches en-ligne ne m'ont pas permis d'en trouver. Et comme j'ai quelques tuques de rechange ainsi qu'un horaire de dingue en cette fin de session, je n'ai pas nécessairement envie de me donner le mal de chercher à la retrouver. Je me contenterai d'espérer qu'elle aboutira sur le crâne d'une personne méritante!

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2007-12-12

 

Le futur de la lecture en France

L'enquête internationale réalisée en 2006 par PISA, un organe de l'OCDE, afin d'évaluer le niveau des élèves âgés de 15 ans dans les écoles d'un échantillon de 57 pays, a donné des résultats (.PDF) troublants pour la France, comme l'avoue un article du journal Le Monde.

En sciences, les élèves français se retrouvent 19e sur les 30 pays de l'OCDE (le Canada est alors 2e), mais Le Monde n'ose pas préciser qu'ils se retrouvent 25e sur les 57 pays de l'échantillon (le Canada est alors 4e). L'enquête livre d'autres résultats intéressants, dont la corrélation entre élèves brillants en sciences et chercheurs de haut niveau dans chaque pays. En raison de sa bonne performance, le Canada est en-dessous de la courbe, car il compte moins de chercheurs par habitant qu'on ne s'y attendrait, tandis que la France est au-dessus de la même courbe, avec nettement plus de chercheurs qu'on ne s'y attendrait sur la base des résultats de ses élèves. Est-ce que ceci annoncerait une évolution à venir? On verra.

Il est vrai que les élèves français ne sont pas toujours les plus motivés. Pour l'enquête PISA en 2003, les élèves français avouaient eux-mêmes avoir consenti un effort assez faible pour réussir les épreuves de PISA (l'effort le plus faible après celui des jeunes Japonais) et un effort sous la moyenne relativement à l'effort pour un test scolaire — le neuvième effort le plus faible dans l'échantillon de 41 pays en 2003...

Certes, la France se situe encore dans la moyenne de l'OCDE, mais elle est à la queue du peloton des médiocres. Encore un (mauvais) effort et elle glissera sous la moyenne, allant rejoindre la Croatie ou... les États-Unis. (La présence des États-Unis sous la moyenne n'est pas nécessairement rassurante; la suprématie en recherche des États-Unis est en partie construite sur l'importation de chercheurs étrangers qui compensent les lacunes du système d'enseignement.)

Pour ce qui est de la compréhension de l'écrit, la situation est un peu plus rose. Les élèves français sont en 17e place dans l'OCDE (les jeunes Canadiens sont en 3e place) et au 23e rang de l'échantillon (les Canadiens sont au 4e rang). En mathématiques, ils sont encore une fois en 17e place dans l'OCDE (cette fois, les jeunes Canadiens ne font pas mieux qu'une 5e place) et au 23e rang de l'échantillon (les Canadiens tombent au 7e rang). Ce qui est impressionnant en mathématiques, c'est la performance des Chinois : les élèves de Taipei, Hong Kong et Macao prennent trois des huit premières places...

Les piètres résultats français en lecture sont confirmés par d'autres études, dont celle du PIRLS en 2006, qui s'intéresse aux élèves plus ou moins en quatrième année du cycle primaire. Le premier chapitre (.PDF) de l'étude du PIRLS révèle un assez bon classement des provinces canadiennes (traitées séparément dans l'échantillon) puisque l'Alberta est 3e, la Colombie-Britannique 5e et l'Ontario 7e. En ce qui concerne les pays et juridictions francophones, le Québec est 23e, la France 27e et la Belgique francophone (Wallonie) 34e. Compte tenu des incertitudes, on peut dire que ces résultats tiennent dans un mouchoir de poche, surtout qu'il existe de légères différences au niveau de l'âge moyen des élèves. Les petits Québécois avaient 10,1 ans en moyenne, les petits Français 10,0 ans et les petits Wallons 9,9 ans.

Mais comme l'échantillon du PIRLS inclut 38 pays, 5 provinces canadiennes et 2 juridictions belges, ces résultats des francophones sont littéralement médiocres, mais sans être catastrophiques. Le Québec et la France sont un peu au-dessus de la moyenne, et la Wallonie légèrement en dessous.

Néanmoins, la tendance lourde classe les élèves français dans la moyenne, que ce soit en lecture, en maths ou en sciences. En général, le Canada ou le Québec font mieux, ce qui devrait évacuer une fois pour toutes l'argument voulant que la diversité des origines dans les écoles françaises soit responsable des mauvais résultats des jeunes Français : le Québec et a fortiori le reste du Canada comptent de nombreux immigrants ou enfants d'immigrants au sein de leur population.

Que reste-t-il comme facteurs déterminants? Les nouveaux médias jouent sans doute un rôle, mais sont-ils plus présents en France qu'ailleurs? Le niveau de développement n'est pas vraiment en cause, car Belgique, France et Québec comptent des populations parmi les plus à l'aise de la planète. Les difficultés propres de la langue française pourraient expliquer une partie de la performance moyenne des francophones, dans la mesure où d'autres langues sont plus simples, et donc plus faciles à maîtriser. (Les Coréens arrivent bons premiers en lecture dans l'étude de PISA et ce n'est sans doute pas un hasard si l'écriture coréenne est d'une suprême simplicité.) Et, bien entendu, il y a l'enseignement qui doit bien jouer un rôle...

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2007-12-11

 

Retour à Serendib

J'ai complété aujourd'hui la numérisation d'une œuvre de jeunesse. Non, pas un roman pour jeunes, mais bien un roman que j'avais rédigé quand j'étais à l'école secondaire, en treizième année, juste avant d'entrer à l'université, donc en 1985-1986. Cela représente environ 370 pages dactylographiées, puisque je ne travaillais pas encore à l'ordinateur, soit plus de 90 000 mots. Le titre? Serendib. Il ne s'agit toutefois pas du plus ancien de mes écrits à prendre pour cadre la planète Serendib. Vers 1984, j'avais commencé à écrire Les Rescapés de Serendib. Dix ans plus tard, après plusieurs remaniements et réécritures, ainsi que la division du manuscrit pour en faire deux tomes, le roman de 1984 est paru sous la forme de deux romans pour jeunes, Les Rescapés de Serendib et Le Prisonnier de Serendib, chez les éditions Médiaspaul (1995). La couverture du premier tome des « Mystères de Serendib » était l'œuvre de Jean-Pierre Normand et, même si je suis certainement biaisé, qu'on me permette de trouver que c'est une illustration superbe... Ainsi, après le roman pour jeunes de 1984, j'ai entamé l'écriture dans le cadre scolaire de Serendib, qui racontait la redécouverte par un empire interstellaire de la planète isolée depuis quatre siècles. Puis, comme si ce n'était pas assez, je suis assez certain d'avoir commencé au printemps 1986 l'écriture de ce qui allait devenir Un Trésor sur Serendib dans la version parue chez Médiaspaul en 1994. Je me souviens assez clairement d'en avoir écrit quelques phrases dans un YMCA de Calgary en juin 1986, alors que je me rendais visiter avec ma sœur Expo 86 à Vancouver... Mais le gros du travail avait été accompli durant l'année scolaire et il avait inclus la production de cartes que je n'ai pas réutilisées par la suite. Ainsi, la mise en-ligne ci-dessous d'une carte de la principale région habitée de Serendib est une véritable primeur...

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2007-12-10

 

Fragments d'histoire familiale (4)

J'évoque régulièrement sur ce blogue le passé de ma famille, au gré des découvertes que je fais dans les vieux albums et dossiers hérités de mon père. Il m'arrive aussi de traquer des lieux, comme la maison habitéee par mon arrière-grand-père, Edmond Trudel (1860-1933), à Ottawa, au 80 de la rue Spruce. La seule photo ancienne que j'ai pour l'instant avait beaucoup pâli, de sorte qu'il est assez difficile de distinguer les détails de la construction dans ce cliché daté de 1906. Si je suppose que c'est mon grand-père Jean-Joseph Trudel (1888-1968) qui prenait la photo, étrennant un nouvel appareil photo à l'âge de dix-huit ans environ, j'en conclus que l'adolescent au centre est forcément Paul-Émile Trudel (1892-1952), alors âgé de quatorze ans environ. L'autre garçon, à l'extrême-gauche, serait nécessairement le jeune Alexandre Antonin Trudel (1893-1970), qui aurait eu treize ans environ. Du côté des filles, Anne-Marie Trudel (1898-1986) se tient à droite de Paul-Émile, et il ne reste plus que Henriette, debout entre les deux garçons. Derrière elle et Alexandre Antonin, c'est l'aïeul Edmond en personne qui se dresse devant le perron. Derrière Anne-Marie, on distingue un couple, dos au mur. Le visage du personnage féminin est complètement brouillé, mais il pourrait s'agir de Jeanne Trudel, âgée de seize ou dix-sept ans, en compagnie d'un galant quelconque — peut-être même son futur mari, Anatole Drouin, qu'elle épouserait en 1913... Toutefois, une indication écrite que j'avais négligée suggère que ce serait en fait Jean-Joseph — mais si la photo a été prise par un photographe professionnel, je ne le félicite pas pour la qualité de l'épreuve!

En décembre dernier, j'ai photographié l'édifice qui se trouve actuellement au 80 de la rue Spruce. À première vue, il s'agit de la même maison, mais le portique du perron a changé de manière plus ou moins subtile, en conservant toutefois son apparence générale. Les fenêtres ont aussi perdu leurs volets d'origine. Certes, les saisons ne sont pas les mêmes et l'angle non plus, mais la ressemblance est frappante, tout compte fait. Si la numérotation des maisons n'a pas été changée dans cette partie de la ville, l'identité ne fait aucun doute. De nos jours, on fait grand état de la mobilité de la population canadienne. Ne déménage-t-on pas souvent, à l'intérieur de la même ville ou d'un océan à l'autre quand une occasion se présente? On déménage pour recommencer à neuf ou pour changer le mal de place. Mais c'était déjà une réalité pour certains au début du siècle dernier. Edmond avait déjà fait l'aller retour entre le Québec et les Territoires du Nord-Ouest avant de s'installer à Ottawa. Quelques années plus tard, la famille s'établirait dans une nouvelle demeure, plus près du centre-ville.

Mon arrière-grand-mère, Marie-Adeline Augustine Trudel, née Raby, a eu au moins neuf enfants. Deux sont morts en bas âge, Édouard (1896-1897) et Rose-Marguerite-Marie-Louise (1905-1906), surnommée « Rosette ». Cette dernière était née à Régina, mais elle n'a pas survécu à un retour dans l'est du pays, succombant à Saint-André-Avellin. De même, la jeune Henriette est née en novembre 1900 à Régina et baptisée à la résidence du lieutenant-gouverneur Amédée-Emmanuel Forget (1847-1923) — elle porte d'ailleurs le même prénom que la femme du lieutenant-gouverneur. Elle aussi succombera dans l'est du pays, mais elle avait neuf ans quand elle s'éteint en juin 1910. Elle aussi est enterrée à Saint-André-Avellin. Était-elle une enfant bien portante? De cette photo prise en 1907 à l'Hôpital général d'Ottawa, on ne peut pas conclure grand-chose. Plus d'une maladie d'enfance pouvait justifier un séjour à l'hôpital. La pauvreté n'est sans doute pas en cause dans la mort de ces trois enfants, puisque le père gagnait bien sa vie, mais la mortalité infantile chez les Canadiens-Français d'Ottawa à cette époque est aussi imputée parfois au sevrage précoce.
Les familles nombreuses étaient encouragées de plusieurs façons. En se normalisant, l'écourtement de l'allaitement permettait des naissances plus rapprochées. Néanmoins, Augustine a survécu à son mari; on la voit ci-dessus dans un cliché daté des années quarante, alors qu'elle approchait des quatre-vingts ans. Était-elle contente d'avoir vécu la vie qu'on attendait d'elle? Neuf enfants. L'aîné devenu un docteur. Une fille qui avait pris le voile. Un autre fils qui était devenu fonctionnaire, comme son père. Des petits-enfants nombreux, quoique éparpillés dans toute l'Amérique du Nord, de l'Outaouais à Détroit au Michigan, de Saint-Boniface au Manitoba à Yellowknife dans les Territoires du Nord-Ouest... C'était en quelque sorte l'idéal qu'on avait fixé à sa génération dans certains milieux obsédés par la survivance. Avait-elle craint pour ses fils quand ils avaient rejoint l'armée durant la Première Guerre mondiale, comme on le voit ci-contre? (Ironiquement, même si Jean-Joseph et Paul-Émile étaient en France dès 1916, ni l'un ni l'autre ne semblent avoir vu le feu de près puisqu'ils faisaient partie de la même unité médicale qui s'occupaient des blessés et des malades, d'abord à Troyes, puis à Joinville-le-Pont. Quant à Alexandre Antonin, il n'aurait jamais quitté Valcartier...) Ou avait-elle craint pour Paul-Émile quand il obtint des postes de plus en plus éloignés dans le Grand Nord, de sorte qu'on le voit dans la photo ci-dessous en août 1934, sur un bateau qui remonte les rapides de la rivière de l'Ours qui relie le Grand Lac de l'Ours au fleuve Mackenzie, par 65 degrés de latitude nord...

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2007-12-09

 

Les pantoufles de Brian

Alors, que m'inspire ce qu'on a coutume d'appeler l'affaire Airbus?

Je commence à trouver suspecte l'insistance des commentateurs et des caricaturistes à faire passer Karlheinz Schreiber et le comité des Communes qui l'interroge pour des clowns se livrant à des pitreries. Quand le National Post annonçait déjà la couleur, on pouvait soupçonner qu'on voulait décrédibiliser à l'avance le témoignage de Schreiber, de peur qu'il éclabousse tant les Conservateurs d'aujourd'hui que ceux d'hier.

Jusqu'à maintenant, j'ai l'impression qu'on ne sortira pas grand-chose de plus d'une enquête que ce qu'on sait d'ores et déjà. Le milieu mis en cause obéit à des règles qui sont loin d'être sottes. Je doute fort que l'on trouvera un document qui expliciterait que la contrepartie d'un paiement à Mulroney par Schreiber, c'était l'obtention par Airbus du contrat recherché. Et je doute également que Schreiber fasse jamais un tel aveu, qui l'exposerait aux mêmes accusations déjà prononcées contre lui en Allemagne.

Mulroney s'est peut-être rendu coupable de parjure dans le cadre de l'enquête précédente sur l'affaire Airbus, mais on n'ira sans doute pas plus loin. S'il y a une forme de récompense pour services rendus dans le cas des paiements de Schreiber, elle s'apparenterait au quid pro quo qui se pratique dans les hautes sphères de la finance et qui fait que certains politiciens à la retraite acceptent de faire partie de conseils d'administration de compagnies qui ont pu bénéficier des décisions prises par ces mêmes politiciens... Ainsi, John Manley a longtemps été ministre de l'Industrie (1995-2000) et moins longtemps ministre des Finances (2002-2003); quand il s'est retiré de la vie politique, il a été nommé au conseil d'administration de Nortel (2004) et au conseil d'administration de la CIBC (2005). En France, cela ressemblerait beaucoup à du pantouflage, dont certaines formes sont maintenant proscrites par la loi...

Heureusement pour Brian Mulroney, la loi canadienne ne punit pas le pantouflage, et encore moins la forme officieuse que Schreiber aurait pu tenter d'exercer en offrant à l'ex-premier ministre de l'argent pour un travail plus ou moins réel, voire carrément fictif.

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L'ours blanc et les démons de Socrate

Et maintenant, The Golden Compass est aussi un film. La liste des films de fantasy s'allonge sans cesse, gonflée par le succès des adaptations du Seigneur des Anneaux et des aventures de Harry Potter. Pourtant, le club des films de fantasy réussis à tous les points de vue reste petit. Le roman de Pullman séduisait parce que le personnage de Lyra séduisait. Garçon manqué, menteuse habile et fidèle à ses amis quels que soient les risques... Ce dernier trait se retrouvait chez Harry Potter et il est sans doute propre aux orphelins, ou du moins aux enfants qui se considèrent comme tels et qui tiennent d'autant plus à leurs amis.

Comme film, The Golden Compass est trop riche en événements pour que le personnage de Lyra nous charme. Elle n'a que le temps parfois de faire quelques mines et grimaces pendant que les événements se précipitent, puis nous amènent ailleurs. Pourtant, l'adaptation du roman a beaucoup sacrifié pour tout faire tenir en moins de deux heures. Sans doute aurait-il fallu qu'on ait le courage de ses convictions chez New Line : si la trilogie valait la peine d'être filmée, son premier volet (le meilleur, à mon avis) méritait d'avoir le temps de bien camper l'action et les personnages.

Sans cela, le film fait figure de livre illustré, et il en a parfois tout le relief. Et ce qui manque à Pullman, et plus cruellement encore au film, c'est l'humour qui sauve parfois Harry Potter ou qui sauvait Stardust, cet été. Ou encore, il manque à Lyra de ressembler à l'héroïne du Labyrinthe de Pan, à la fois plus ordinaire, plus malheureuse et plus émotive. Bref, même à titre rétrospectif, on rajuste la cote de Stardust à la hausse...

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2007-12-08

 

La lauréate et les blogues

Dans son discours d'acceptation du Prix Nobel 2007 de littérature, Doris Lessing évoque le Zimbabwe moderne, le pays martyrisé par Mugabe qui est aussi le pays où elle a grandi. Ses habitants frappés de la plus haute atroce pauvreté désirent souvent, selon elle, mettre la main sur des livres. Du coup, Lessing compare ce pays sur lequel on s'apitoie volontiers à la Grande-Bretagne actuelle, où on se laisse griser par les attraits futiles d'internet (dont les blogues) au détriment de la lecture. En Afrique méridionale, on fantasme sur les librairies remplies de livre. En Angleterre, on fait de l'écrivain une célébrité adulée pour une saison avant d'être jetée aux orties...

Lessing décrit avec talent cette pauvre mère africaine qui s'arrête dans une boutique du Zimbabwe, tenue par un Indien au cœur tendre, et qui découvre un tiers du roman Anna Karenina de Tolstoi. Elle s'attarde un moment, malgré les récriminations de ses enfants, et elle déchiffre un paragraphe. Sa maîtresse d'école ne lui disait-elle pas qu'elle était la plus douée? qu'elle méritait un jour d'être institutrice? Maintenant, elle rêve de ce sort pour ses enfants, mais elle ne veut pas oublier qu'elle sait lire. Et ce paragraphe qu'elle lit péniblement, elle l'applique à sa propre vie, pour l'enrichir de quelques aspirations supplémentaires, de quelques humbles espoirs qui l'aideront à rentrer chez elle en foulant la poussière d'un pays oublié de Dieu.

Émouvant, certes. Mais si un autre article du Guardian soutient que les lauréats sont souvent des rebelles qui ont l'audace de traiter de haut les pays qu'ils représentent, je trouve que Lessing prend pour acquis la valeur des livres, ce qui lui permet d'accorder au Zimbabwe une distinction que l'Angleterre a perdu.

Elle a sans doute raison de dire que les grands écrivains grandissent le plus souvent entourés de livres dans la maison de leurs parents. Mais c'était avant internet. Or, la réseau mondial ne se limite pas aux blogues : si on veut lire Anna Karénine en français, ou encore en russe, c'est parfaitement possible. Si l'apparition d'internet a ruiné quelque chose, ce n'est ni la littérature ni l'écrit. Les deux foisonnent en-ligne. Mais c'est peut-être bien le désir de lire qui souffre le plus de la surabondance de l'offre sur internet.

Quand Lessing décrit des habitants du Zimbabwe qui ont faim de livres, qui ont soif de lecture, j'ai presque l'impression que c'est un manque biologique. Et c'est possible : dans la mesure où la lecture est une expérience immersive et un exercice de psychologie naïve, elle répond à des besoins fondamentaux de sociabilité. Avant internet, une maison pleine de livres offrait une sorte de version à basse résolution d'internet. Il n'y avait pas moyen de sortir de chez soi, mais on pouvait se convaincre qu'on s'évadait et qu'on était libre de chercher des liens de livre en livre. Maintenant qu'on a internet, un échantillonnage infinitésimal des ressources d'internet permet de combler nos besoins pour longtemps.

Et c'est ainsi que la lecture périclite dans les pays occidentaux, où elle n'est plus une drogue incontournable que pour les lecteurs les plus malheureux, les marginalisés, les esseulés et les dédaignés qui se consolent avec des romans.

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2007-12-04

 

La rengaine de Charles

Je me demande bien pourquoi les médias s'obstinent à solliciter des entrevues de Charles Castonguay quand sort un nouveau rapport de Statistique Canada sur les communautés linguistiques au pays. Ce serait tellement plus simple de refaire jouer l'enregistrement de ses interventions il y a cinq ans, dix ans, quinze ans, vingt ans...

L'entrevue de ce midi à Radio-Canada était sans doute aussi alarmiste que d'habitude. Il me semble même avoir entendu Castonguay affirmer que la chute de la proportion québécoise de francophones sous la barre des 80%, c'était le début de la fin et que ce chiffre ne pouvait plus se redresser (quand il expliquait que la proportion des Canadiens qui ont l'anglais pour langue maternelle remonterait quand l'assimilation des immigrants ferait son œuvre, mais que la part de ceux qui ont le français pour langue maternelle ne remonterait pas — même au Québec?).

S'il connaît si bien l'avenir, j'espère qu'il n'hésite pas à s'acheter des billets de loterie chaque semaine. J'ai un doute cependant... En 1871, la proportion des francophones au Québec était de 78% environ. Elle a dû remonter depuis, puisqu'on fait grand cas de la baisse qui nous rapproche (sans l'atteindre) du niveau de 1871. À ma connaissance, il n'y a pas de loi naturelle gouvernant l'évolution de ces choses. (La proportion d'anglophones au Québec était fort réduite avant 1759...) Si les circonstances changent, la tendance pourrait changer.

L'assimilation des francophones hors-Québec, qui sert régulièrement d'épouvantail aux souverainistes, devrait commencer à susciter quelques doutes, que le porte-parole de Statistique Canada exprimait d'ailleurs, même si Charles Castonguay est trop intelligent pour admettre des nuances quand il est si sûr de détenir la vérité. En fait, même si l'assimilation existe, l'immigration francophone dans les autres provinces du pays existe aussi. Et la survivance n'a pas toujours dit son dernier mot. Ce serait à Windsor, en 1969, que René Lévesque aurait dit que les francophones hors-Québec étaient des « dead ducks ». Cela n'a jamais été oublié, mais c'est lui qui est mort depuis tandis que le français est toujours parlé, de Victoria à Chéticamp.

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2007-12-03

 

Quand voter, c'est parier

Les résultats officiels du vote pour le poste de maire à Québec donnent Régis Labeaume gagnant. Permettez-moi de sourire dubitativement...

Qui est Labeaume? Un homme d'affaires millionnaire qui a des idées et qui veut bousculer l'administration municipale, mais qui veut favoriser le milieu des affaires et semble vouloir faire avancer les choses contre une partie de la municipalité. Qui est la perdante? Ann Bourget, une femme d'expérience au conseil municipal (depuis 2001) et qui s'intéresse directement à la gestion urbaine depuis sa maîtrise en aménagement du territoire et développement

Que promettait Labeaume? De ne pas augmenter les impôts plus rapidement que le coût de la vie et de faire des économies avec l'administration municipale (en innovant...) afin d'améliorer l'attractivité de la ville, d'améliorer les transports en commun, d'entretenir les infrastructures (sans en construire de nouvelles) et de financer une politique d'intervention sociale.

Que promettait Bourget, ou plutôt son parti? De ne pas augmenter les taxes foncières plus rapidement que le taux d'inflation, de limiter l'augmentation des dépenses et de trouver d'autres sources de revenus que les taxes foncières afin d'améliorer l'attractivité de la ville, d'améliorer les transports en commun, d'entretenir les infrastructures et de financer diverses interventions sociales et environnementales.

Les différences sont donc mineures, sauf que Labeaume sera plus ou moins isolé au sein du conseil, a priori, et qu'il espère non seulement gérer de manière serrée mais dégager de nouveaux fonds en réformant l'administration. Ceci me rappelle inéluctablement la lutte de Larry O'Brien et Alex Munter pour la mairie d'Ottawa, qui avait abouti à la victoire décisive d'O'Brien. O'Brien était le richissime homme d'affaires sans expérience municipale qui promettait un gel des taxes foncières grâce à la réalisation d'économies dans les opérations municipales qu'il réformerait en innovant et en important les recettes du monde des affaires. Munter était plus jeune et plus expérimenté au sein de l'administration municipale. Et il a perdu.

Mais, depuis, je crois qu'on peut dire qu'Ottawa s'en mord les doigts. Larry O'Brien est loin d'avoir rempli ses promesses. Il s'avère qu'il n'est pas si facile de dégager des marges supplémentaires en réformant l'administration municipale. O'Brien commence à comprendre que les gouvernements municipaux doivent composer avec le pelletage de responsabilités des paliers supérieurs, mais sans augmentation concomitante de leurs moyens... Et un maire isolé au sein du conseil a une influence limitée.

On verra bien s'il en ira de même à Québec, mais j'ai quand même l'impression que les électeurs de Québec ont voté pour une chimère, pour l'espoir plutôt que le réalisme, bref, pour le miracle qui leur permettrait d'échapper au prix à payer pour les erreurs du passé...

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2007-12-02

 

Si froid que ça?

L'hiver canadien sera froid, c'est officiel. (Mais est-ce bien une nouvelle?) Le mois de novembre aura sans doute frappé un certain nombre de Montréalais, de Québécois et d'Ontariens comme un avant-goût particulièrement rude... En partie, c'est parce que l'automne a été doux; je n'avais jamais vu, il me semble, autant de feuilles vertes s'accrocher encore aux arbres au moment de la première neige. En partie, c'est parce que les derniers hivers ont été tardifs, quoique parfois rigoureux. Depuis le début du siècle, le mois de novembre a été plus chaud que la moyenne : c'est ce qu'on peut voir dans la figure ci-dessous qui représente l'évolution de la température à Ottawa depuis 1967.J'ai choisi Ottawa parce que les données en-ligne ne sont pas encore complètes pour Montréal. Et puis, comme j'y passe une partie de mon temps... Sur ce diagramme, on voit clairement que le mois de novembre n'a pas été si froid que ça, si on le compare à des années dont la température moyenne a été inférieure au point de congélation. Mais les années précédentes ont été chaudes et la tendance est au réchauffement, comme on le savait...

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2007-12-01

 

Après le pétrole

Je m'interroge parfois sur un monde sans pétrole. Existe-t-il des produits ou des technologies pour lesquels le pétrole (ou le charbon, ou le gaz naturel) est absolument indispensable? Il est clair qu'on peut se passer des carburants fossiles si on désire seulement générer de l'électricité, mais le moteur à combustion interne livre ses meilleures performances avec des carburants dérivés du pétrole, du point de vue à la fois technique et financier. On peut certainement faire fonctionner un tel moteur avec de l'éthanol ou du méthane, c'est démontré depuis longtemps. De même, sans être spécialiste, j'ai l'impression qu'on pourrait, à force d'enchaîner les opérations chimiques, tirer du méthane (produit de manière biologique, au besoin) les plastiques et les substances synthétiques (colorants, engrais, etc.) qui font partie intégrante de notre mode de vie actuel.

Le vrai problème en est sans doute un d'efficacité énergétique. Le pétrole et le gaz naturel, on les tire du sol tout faits. S'il fallait les fabriquer, ce serait plus coûteux — sinon, on le ferait déjà. Or, pour l'instant, il faut toujours subventionner la production d'éthanol (ou il faut des conditions très particulières)... Mais le jour venu, il devient de plus en plus évident qu'on pourra faire rouler la plupart de nos infrastructures individuelles. Ou les faire voler comme on l'a vu récemment avec un avion à réaction brûlant du biodiesel...

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