2009-12-31

 

La fin du temps serninien

J'ai ressenti un petit pincement en terminant la trilogie de « La Suite du temps » que Daniel Sernine a signé de 2004 à 2008. Les trois volumes — Les Méandres du temps, Les Archipels du temps, Les Écueils du temps — représentent l'aboutissement de 31 années d'écriture si on remonte à la publication de la nouvelle « Exode 5 » dans Requiem (qui deviendrait plus tard la revue Solaris) en 1977.

En ce qui me concerne, cela doit bien faire vingt ans que je lis Daniel Sernine et que je suis la révélation progressive de son histoire du futur centrée sur l'existence d'une société humaine établie dans tout le système solaire au XXe s. à l'insu du reste de l'humanité. Et cette communauté humaine qui a pour capitale Érymède, un astéroïde aménagé pour elle par des extraterrestres appelés les Mentors, est quelque chose comme une université dotée d'une puissante flotte spatiale qui se chargerait de faire tout ce que l'ONU devrait faire mais ne fait pas. Une communauté de chercheurs, de guerriers et d'explorateurs généreux qui vivent dans l'harmonie et l'égalité de tous, jouissant de la vie dans des environnements artificiels grandioses qui font honneur à la nature et aux cultures de la Terre...

L'intellect allié à la vaillance, c'est l'Athéna des Grecs. En fait, cette utopie athénienne moderne est extrêemement séduisante. Elle va me manquer désormais, car le point d'orgue de la trilogie constitue une déconvenue brutale pour les Éryméens promis dorénavant à un labeur long et ingrat, à moins que Daniel Sernine trouve le moyen de ressusciter l'utopie et de la faire revivre de manière à affronter les défis du nouveau siècle.

Mais ce sera peut-être la tâche désormais d'une nouvelle génération d'auteurs de science-fiction, s'il s'en trouve encore...

Libellés : , ,


2009-12-30

 

Avatars d'une culpabilité?

Voir Avatar en trois dimensions sur un écran IMAX, c'est vivre un voyage qui doit se rapprocher un peu de l'immersion totale connue par ces premiers spectateurs des frères Lumière que l'arrivée d'un train en gare de Ciotat aurait effarés de manière plus ou moins prononcée.

Mais il faut parler de l'histoire. Ailleurs, les commentateurs n'hésitent pas à interpréter l'intrigue du film comme une fantaisie post-colonialiste empreinte de culpabilité européenne qui cache imparfaitement un colonialisme mal assumé...

D'une part, j'ai tendance à croire que Cameron (d'origine canadienne) a tout simplement mis en images une histoire qu'il a voulu suffisamment universelle (la plupart des pays et des populations du monde ont eu une certaine expérience du colonialisme, de l'impérialisme, de l'invasion ou de l'occupation, en tant que victimes) pour râtisser si large qu'un film aussi coûteux aurait de bonnes chances de rentrer dans ses frais. Cameron peut en être parfaitement conscient tout en étant lui-même sensible à l'attrait de l'histoire d'un petit village d'irréductible Gaulois tenant tête à l'Empire galactique avec l'aide d'un transfuge de l'armée des États-Unis...

D'autre part, ceci ne fait que transférer les questions soulevées par l'histoire. Le héros (blanc) assimilé qui s'avère un meilleur défenseur de la nature et des indigènes que les indigènes eux-mêmes, est-ce un fantasme colonialiste ou post-colonialiste? On songe à Tarzan, Kim, Mowgli ou Lord Jim dans la fiction d'antan... En même temps, est-ce condescendant ou non de faire des indigènes de nouvelles incarnations du « noble sauvage » de jadis, en leur niant une part de notre commune humanité si celle-ci est supposée foncièrement vile? (Ou est-ce un reniement des valeurs de l'Occident que de célébrer tout ce qui est primitif, si on adopte le point de vue opposé quant à cette supposée noblesse?)

Ce sont des questions distinctes, à mon avis. L'impossibilité même de changer de camp me semblerait nier plus que tout qu'il peut y avoir quelque chose de commun quand la couleur de la peau, les habitus sociaux, les traditions et le mode de vie ne sont pas les mêmes. Mais le transfuge est-il nécessairement un héros? D'un point de vue tactique, il n'est pas niable que si deux adversaires inégalement équipés s'affrontent, ceux qui sont moins bien armés ont intérêt à disposer d'informations privilégiées sur les armes de leurs ennemis. Et il peut arriver qu'un transfuge ou renégat adopte avec plus de vigueur les valeurs de ceux qu'il rejoint que ceux-là mêmes : c'est le zèle du converti, ou l'effet du choix conscient de celui qui opte délibérément pour un mode de vie parce qu'il trouve celui-ci mieux adapté à ses besoins et inclinaisons.

Mettons que le réalisme d'un tel scénario fait défaut quand le transfuge s'en tire avec tous les honneurs et toutes les récompenses matérielles. Mais jusqu'à ce point, c'est défendable. L'entre-deux n'est pas toujours confortable, mais il est souvent profitable à ceux qui occupent une position intermédiaire entre deux cultures ou sociétés.

Quant à l'accusation d'en faire trop en faisant des indigènes de « bons sauvages » aux vertus surabondantes, elle est plus délicate. Oui, il y a sans doute une part de culpabilité. Mais cette culpabilité induit-elle nécessairement une évaluation biaisée des mérites de l'adversaire vaincu, dépouillé, massacré?

L'histoire récente a peut-être des leçons pour nous. Quels ont été les éléments, réels ou supposés, de la supériorité européenne? Au fil du temps, on a mis de l'avant plusieurs facteurs, dont une supériorité innée d'ordre racial, la maîtrise d'une technologie plus performante et des valeurs sociales plus propices à la domination d'autrui. Toutefois, pour expliquer la maîtrise de cette technologie supérieure ou de ces valeurs sociales dominatrices par les habitants de l'Europe/de l'Ancien Monde/du Nord plutôt que par les habitants des Amériques/du Nouveau Monde/du Sud, on risque fort d'être obligé d'invoquer soit une différence d'ordre racial soit des circonstances géographiques et biologiques plus favorables pour les uns que pour les autres.

Si on ne remonte pas aux causes ultimes, toujours difficiles à déterminer avec certitude, il faut s'en tenir aux causes intermédiaires, dont la supériorité technologique et l'organisation sociale. Si on doit choisir entre l'un ou l'autre, on optera soit pour l'idée que la supériorité technologique confère à la volonté de domination présente chez tous la possibilité de s'accomplir uniquement si on dispose des plus gros canons (Dieu est pour les gros bataillons, aurait fait remarquer Bussy-Rabutin) soit pour l'idée qu'il y avait dans la société patriarcale et hiérarchique des Européens quelque chose qui leur était véritablement spécifique et qui était absent chez plusieurs des sociétés qu'ils ont écrasées. Or, si on opte pour le second cas de figure, on peut soutenir que le « bon sauvage » n'est pas un mythe. Il incarne des valeurs différentes (plus égalitaires, disons) qui n'ont pas permis aux sociétés dont il émanait de l'emporter, mais que des jugements a posteriori peuvent réhabiliter pour des raisons propres à des époques postérieures...

Libellés : ,


2009-12-29

 

De la science-fiction pacifiste

C'est officiel! Grâce à Google Alert, j'ai appris que j'ai signé des romans de science-fiction pacifiste. En effet, la Bibliothèque nationale du Canada a proposé un dossier (sans doute en 2005) sur les thèmes de « la guerre, de la résolution des conflits et de la paix ». Ce dossier intitulé « Rêve de paix » et destiné aux écoles suggérait plusieurs ouvrages pour jeunes reliés à ces thèmes.

J'y ai retrouvé deux de mes romans de science-fiction pour jeunes dans la série de « L'Ère du Nouvel Empire », soit Les Transfigurés du Centaure (Médiaspaul, 2001) et Les Insurgés de Tianjin (Médiaspaul, 2004). De fait, ces deux livres font partie d'une suite de romans sur lesquels plane l'ombre d'une guerre que les principaux personnages vont essayer d'éviter, ou du moins de faire avorter. Le contexte de l'époque, après le 11 septembre, quand se dessinait d'abord le spectre d'un affrontement avec le monde musulman et que se précisait ensuite la possibilité d'une invasion étatsunienne de l'Irak, explique sans doute une partie de l'urgence ressentie par les personnages.

En fin de compte, l'affrontement généralisé a été évité (ou remis à plus tard), mais l'invasion de l'Irak a bel et bien eu lieu. Un jour, il faudra que je relise ces livres à la lumière de l'Histoire telle qu'elle a été écrite depuis...

Libellés : ,


2009-12-23

 

Passage au Pays Perdu

La route avait déjà été longue, de Gatineau à Montréal, de Montréal à Québec, du quartier Saint-Sauveur au ruban enneigé du boulevard Charest devenu une autoroute balayée par des bouffées de vent... Une fois l'autoroute quittée, la nuit s'étendait comme une chape éternelle sur le paysage blanchi et les rares maisons brillaient comme des avions isolés en plein ciel, à des kilomètres de la route qui passait au bout de l'allée. La route n'était plus qu'un sillon tracé dans la blancheur étalée. Il fallait avancer au ralenti, en cherchant à discerner les contours du ruban d'asphalte enfouie. Et à traverser les villages en rase campagne sans écraser un passant attardé ou un chien que la poudrerie n'effrayait pas.Les flocons de neige filaient comme les étoiles d'un économiseur d'écran, la neige au sol scintillait comme du cristal broyé, mais il faisait chaud dans la voiture. Et il faisait chaud dans la maison au bord de la rivière des Envies, où nous avons été accueillis aussi chaleureusement que nous l'espérions. Le matin venu, la route était encore blanche, mais il avait cessé de neiger. Tout autour, la maison était assiégée par la neige, mais des sentiers avaient déjà fait leur apparition dans le tapis blanc. Mais avant de reprendre la route, il restait à déblayer la voiture et à la dégager de la neige fraîchement tombée...

Libellés :


2009-12-22

 

Enquêtes festives

Sur un autre blogue, on retrouve une analyse à la X-Files d'une certaine mythologie de Noël... Cela me rappelle mon billet d'il y a deux ans sur le mythe du Père Noël, une des rares croyances qu'il est permis de miner complètement... tout en laissant les fabricants de mythes travailler fort à l'étayer et l'édifier.

Je reste tenté de trouver dans cette mythologie quelque chose de symptomatique de l'état actuel de la civilisation occidentale. Mais quoi? Il ne s'agit pas exactement d'un dialogue entre croyance et incroyance, voire d'une dialectique, même si plusieurs éléments de la culture judéo-chrétienne sont plus ouverts à des paroles différentes : le Nouveau Testament repose sur quatre évangiles distincts, alors que l'Islam a supprimé très tôt les variantes du Coran (tout en conservant, si j'ai bien compris, des sourates abrogées). On peut d'ailleurs se demander si l'incorporation fondamentale de cette pluralité de voix dans la foi chrétienne a prédisposé l'Occident à une plus grande ouverture au débat et à la discussion.

Quoi qu'il en soit, la survie du mythe du Père Noël semble plutôt instituer une dichotomie dans la culture occidentale, figeant deux pôles aux extrêmes de la croyance et de la critique sceptique. Peut-être qu'en fin de compte, le Père Noël est surtout symptomatique de l'impossibilité grandissante de s'entendre, au sein de l'Occident, sur certaines vérités utiles ou valeurs essentielles...

Libellés : ,


2009-12-21

 

Épuration ethnique à l'italienne?

La petite ville de Coccaglio (pop. d'environ 7 000 habitants) en Italie cherche-t-elle à s'assurer un Noël « blanc », oui ou non?

Depuis le mois dernier, plusieurs reportages ont fait état d'une opération de police municipale en cours pour contrôler les papiers de tous les étrangers et immigrants de Coccaglio d'ici le 25 décembre, et pour organiser l'expulsion subséquente de ceux en situation irrégulière. Quelqu'un a trouvé plaisant d'appeler l'opération « White Christmas » (en Bing Crosby dans le texte), mais le sous-entendu n'est guère difficile à déceler si on soupçonne le but d'être une ville débarrassée de ses éléments indésirables afin qu'il devienne possible de célébrer Noël entre « Blancs ».

Toutefois, un article paru hier dans The Guardian rapporte beaucoup de dénégations sur place, le maire imputant à un journaliste l'invention du nom de l'opération aux relents racistes et justifiant les propos d'un édile en expliquant qu'il avait été mal cité. Certes, je suis tout disposé à croire qu'un journaliste a eu tout faux (c'est déjà arrivé dans mon cas), mais il reste la réalité de l'opération elle-même, qui ne témoigne pas d'un grand sens de l'hospitalité. En particulier à la veille de Noêl.

À moins évidemment que les descendants actuels des Romains en Palestine au temps d'Auguste aient voulu rendre hommage aux évangiles en ordonnant un grand recensement qui pourrait mener au déplacement de familles entières, voire de femmes enceintes destinées à donner naissance dans quelque habitation de fortune loin de leurs foyers...

Libellés : , ,


2009-12-20

 

Mauvaise pub pour un TGV canadien

Quelqu'un chez Bombardier doit rigoler doucement (et discrètement puisque Bombardier a des liens avec les parties en cause) en relevant que les trains Eurostar entre Paris, Londres et Bruxelles ne circulent plus en raison du froid... Le froid en question? Il paraît que la température a plongé jusqu'à -9 Celsius dans les hautes terres écossaises. Ailleurs? Il semblerait qu'il a fait juste assez froid pour qu'il neige au lieu de pleuvoir sur une partie de la France et que, dans le pire des cas, en plaine, il a fait aussi froid qu'en Écosse.

J'aimerais beaucoup voir circuler des trains à grande vitesse au Canada, entre Toronto et Québec, par exemple. Mais, jeudi dernier, il a fait -18 Celsius en moyenne à Québec et le refroidissement éolien a atteint -35 Celsius. Vendredi soir, il faisait un peu plus chaud, mais les rafales de vent donnaient l'impression de décaper la peau du visage quand elles s'y mettaient. Bref, on ne construira pas de TGV tant que les Canadiens ne pourront pas faire confiance à des trains aussi coûteux pour ne pas tomber en panne dès que la température tombe sous le point de congélation...

Du coup, s'il y a encore des ingénieurs chez Bombardier qui se souviennent de leur Jet Train, ils doivent fouiller dans leurs cartons et dossiers...

Libellés : ,


2009-12-19

 

L'éducation universitaire des Canadiens

Dans un discours (.PDF) du mois d'octobre, David Naylor, le nouveau président de l'Université de Toronto (le précédent s'étant fait offrir un poste en Californie juste avant les coupures, il a coupé court à son mandat), a sonné l'alarme au sujet des taux de diplomation des jeunes Canadiens, que ce soit au niveau du premier cycle universitaire :

« The number of Canadians who earn bachelor’s degrees is clearly below the OECD average and well behind many other nations. »

ou au niveau des cycles suivants :

« About 1% of the population in the relevant age cohort graduate from university with a PhD or similar advanced degree, again below the OECD average, with many countries running far ahead of us. »

Il s'appuyait sur un rapport de l'OCDE, Education at a Glance 2009: OECD Indicators. C'est ce qui a justifié le débat qui a suivi sur l'opportunité de réorganiser le financement universitaire au Canada en concentrant la recherche au sein d'une poignée d'universités plus compétitives dans ce domaine que les autres.

Mais avait-il raison?

Tout d'abord, notons que le classement historique, si je puis dire, est plus favorable pour le Canada. La proportion de Canadiens adultes (de 25 à 64 ans) qui ont bénéficié d'une forme quelconque d'éducation post-secondaire est très élevée. Et ce sont 87% des Canadiens adultes qui ont au moins une éducation secondaire supérieure (la moyenne de l'OCDE étant de 70%). Ceci reflète en partie l'avance historique du Canada sur plusieurs autres pays en matière d'accessibilité aux études post-secondaires et en partie la diversité plus grande qu'ailleurs des formes disponibles d'éducation post-secondaire au fil des ans au Canada (cégeps québécois, 13e année, DEC). En Europe, on a longtemps contingenté l'accès aux études post-secondaires ou on l'a réservé à des élites sélectionnées. La figure ci-dessous (données de 2007) illustre ces effets pour le Canada comparé à quelques pays de l'OCDE.Le Canada ne démérite pas non plus au niveau de la participation à l'éducation dite tertiaire (essentiellement collégiale et universitaire) : la proportion de 48% des adultes à y avoir accédé est la plus élevée de l'OCDE et la tendance est à la hausse de 1997 à 2007. Par contre, les choses se gâtent au niveau de la diplomation strictement dite et le Canada se place, à première vue, loin derrière l'Australie (49,8%), la Nouvelle-Zélande (47,6%) ou même les États-Unis (36,5%), au chapitre de la diplomation (30,6%) pour tous les programmes du tertiaire (en excluant les doctorats). Toutefois, ce que Naylor et ses recherchistes ont négligé, c'est l'effet de l'apport d'étudiants étrangers. Si on exclut ceux-ci, le taux de diplomation passe à 35,8% pour l'Australie et 37,3% pour la Nouvelle-Zélande. Les statistiques ne sont pas disponibles pour tous les pays dans cette catégorie, mais on peut examiner les données disponibles pour les seconds diplômes universitaires. S'ils n'existent pas de la même façon dans tous les cas, la comparaison des taux bruts et des taux ajustés en éliminant les étudiants étrangers est éclairante. Le Canada n'est plus aussi nettement à la traîne et les différences sont moins accusées...Le phénomène s'observe aussi au niveau du doctorat et le resserrement de l'écart entre les pays est encore plus patent. Bref, il n'est pas aussi évident que le prétend Naylor qu'il faille paniquer. Et la démonstration reste à faire que la solution passerait par les réformes qu'il propose.

Libellés : ,


2009-12-18

 

Un bouquet de liens

Pour les lecteurs de science-fiction : ceux qui ont lu le roman Suprématie de Laurent McAllister trouveront de la matière (étrange) à réflexion dans ce long inventaire des manières de détruire la Terre.

Pour les lecteurs de science-fiction pour jeunes : ceux qui ont lu 13,5 km sous Montréal de ma plume pourront visiter non pas les souterrains d'un futur Montréal mais les catacombes et souterrains du Paris d'aujourd'hui

Pour les auteurs de science-fiction : un nouveau concours d'écriture soutenu par de grandes institutions françaises et doté de prix fort intéressants

Pour les voyageurs du temps temporairement en panne dans le présent : des photos du Japon ancien (fin XIXe, début XXe) en trois dimensions, et en couleurs.

Pour les voyageurs spatiaux en panne cartographique : de l'information nouvelle sur une détection possible de la matière sombre

Et pour les voyageurs spatiaux prochainement en partance : la détection d'une planète aquatique

2009-12-14

 

Des anneaux dans le ciel

Dans son roman Suprématie, Laurent McAllister décrit la planète de Dorada, cerclée d'un anneau lumineux artificiel visible dans le ciel planétaire (ce billet fournit une ébauche schématique de la structure en question).

Dans une veine voisine, cette superbe vidéo sur YouTube offre plusieurs prises de vue de l'apparence du ciel de la Terre si notre planète était dotée d'anneaux sur le modèle des anneaux de Saturne. En pratique, la transposition n'est pas si facile. Comme la Terre est beaucoup plus proche du Soleil que Saturne, les revêtements glacés des débris qui constituent la matière réfléchissante des anneaux de Saturne ne dureraient pas longtemps. Par conséquent, des anneaux similaires placés autour de la Terre seraient nettement moins brillants... à moins d'une intervention humaine pour emballer chaque morceau de roche dans du papier d'aluminium.

Le créateur de cette vidéo en a produit une autre qui nous fait visiter des jardins flottant au-dessus des nuages sur une planète indéterminée : un très beau moment de science-fiction...

Libellés :


2009-12-13

 

Les conséquences d'une déception?

Dans le Guardian, un commentateur britannique se pète les bretelles en faisant remarquer que le terrorisme islamiste d'origine domestique en Occident n'est plus le monopole des nations européennes tant décriées pour leur exclusion des communautés immigrantes et autres facteurs que l'on serait porté à invoquer pour expliquer les attentats de Londres, par exemple... Les cas de terrorisme d'origine domestique se multiplient aux États-Unis et, au Canada, les arrestations d'il y a quelques années donnent lieu désormais à des condamnations en cour même quand les annonces initiales ont pu susciter le scepticisme.

Conviendrait-il d'établir un lien entre cette recrudescence et le fait que l'élection de Barack Obama il y a un peu plus d'un an n'a pas entraîné de virage particulièrement marqué dans la politique des États-Unis? La prison de Guantánamo existe toujours, les troupes des États-Unis sont toujours en Irak, il y a toujours la guerre en Afghanistan, les colonies illégales d'Israël morcèlent toujours le territoire palestinien... Dans quelle mesure les militants, fanatiques et terroristes potentiels aux États-Unis ont-ils attendu de voir si leur pays allait changer de cap avant de donner libre cours à leur rage?

Le problème, c'est qu'on parle toujours d'un si petit nombre de cas qu'il est difficile d'appréhender l'importance relative des mobiles qui les animent. Des circonstances accidentelles ou ponctuelles ont pu orienter ou précipiter leurs gestes, de manière plus importante que le contexte actuel; quand un échantillon est petit, ces facteurs aléatoires pourraient cacher tout effet consécutif à une déception face au comportement des États-Unis de Barack Obama. Mais on ne saurait souhaiter, évidemment, disposer d'un échantillon plus nombreux de terroristes dont on pourrait fouiller les motivations...

Libellés : ,


2009-12-12

 

En pelletant la neige, un poème

Quand l'année expire encore en son linceul blanc,
quand l'automne soupire et sort, élégiaque,
quand le soleil baisse et boucle son Zodiaque,
tous les signes s'allient, c'est le temps des bilans

Mais je ne peux croire que déjà finit l'an,
que la bise s'emporte et que le cœur du bois craque,
que les flocons s'entassent et l'hiver attaque :
je pensais que les beaux jours dureraient mille ans

Mais sous la neige inattendue, lourde et mouillée,
l'herbe est toujours verte et mon cœur jamais rouillé :
Qui a pris le pli du bonheur ne le perd pas.

Et que l'hiver fasse rage, se montre mauvais,
qu'il fasse noir plus tôt ou qu'il souffle un vent froid,
l'été qui nous unit ne finira jamais

Libellés :


2009-12-11

 

Peter Watts et les États-Unis

La nouvelle du jour : mon collègue, l'excellent écrivain canadien de science-fiction Peter Watts, a été arrêté mardi soir aux États-Unis en essayant de quitter le pays. BoingBoing a rapporté l'incident qui en est la cause et Peter lui-même décrit ce qui s'est passé sur son blogue.

Ce qui est clair, c'est qu'en plus d'avoir été malmené, Peter devra se défendre en cour, aux États-Unis, à ses frais. Ceci risque, et c'est une litote, de lui coûter très cher. Même s'il l'emportait, il en sortirait nettement plus pauvre. Et s'il ne réussissait pas à se justifier, il risquerait la prison.

Un fonds de soutien pour financer sa défense sera organisé par ses amis et tous les détails seront communiqués à ceux qui désireraient y contribuer dès qu'ils deviendront disponibles. En attendant, il est possible de contribuer à ses frais initiaux (ce que j'ai fait); voir le billet de Cory Doctorow sur BoingBoing pour la procédure à suivre.

Dans le meilleur des mondes, si on fait assez de bruit, les accusations pourraient être réduites ou carrément abandonnées. Mais il ne faudrait pas compter là-dessus, car je ne crois pas qu'on confondra souvent le monde où nous vivons avec le meilleur des mondes...

Libellés : ,


2009-12-10

 

Le point de vue de l'étranger

Dans La Cathédrale sur l'océan (Prise de Parole, 2009), Vittorio Frigerio signe un polar déconstruit, qui brasse fantaisies et méprises de manière à inspirer la note en quatrième de couverture qui en fait un ouvrage « aux allures philosophiques ». Je n'en suis pas si sûr : on peut y voir un pendant de son roman précédent, Naufragé en terre ferme, si ce n'est qu'au point de vue des titres qui se répondent (une construction terrestre en pleine mer, un marin jeté à la côte), même si j'y retrouve aussi un écho de son premier roman, La dernière ligne droite (1997). D'une manière très littéraire (Frigerio est prof de littérature à l'Université Dalhousie de Halifax), l'auteur nous décrit les errances et errements de Gaspard, un architecte qui aboutit à Halifax dans le but de construire un centre commercial selon une conception plutôt fantaisiste (mieux vaut ne pas s'attarder sur celle-ci) et se retrouve embringué dans une mystérieuse affaire, une secte messianique l'embauchant pour construire la cathédrale de la fin des temps. Las, tout cela n'était que le fruit d'une certaine volonté d'auto-aveuglement de Gaspard, qui a refusé de voir ce qui se cachait sous les apparences qui lui étaient présentées...

La critique a été indulgente pour ce roman qui témoigne d'une indiscutable maîtrise de la langue. Toutefois, je suis plus réservé. Si Naufragé en terre ferme versait dans l'essai philosophique, non sans perspicacité, Frigerio fouille une autre veine dans ce livre. Il privilégie les descriptions physiques, tant des personnages que des décors néo-écossais. C'est peut-être une façon de rendre hommage aux maîtres du polar puisque le film noir (tout comme les auteurs comme Léo Malet) a beaucoup misé sur les atmosphères visuelles et les descriptions croquées en quelques lignes. Toutefois, le talent de Frigerio est trop anarchique et sa langue trop guindée pour avoir la concision et l'âpreté nécessaires. Quoique justes et bien frappés, ses exercices descriptifs ont plutôt tendance à ralentir la lecture et à faire décrocher le lecteur. Surtout qu'il ne nous convainc pas toujours de maîtriser sa matière. En page 111, Gaspard est payé en billets de 500 dollars — le hic, c'est que le Canada n'a pas émis de billets de 500 dollars depuis 1935 et qu'ils ne circulent plus (s'ils ont jamais circulé, la Banque du Canada indiquant qu'ils étaient destinés à des mouvements de devises administratifs et internes). En page 252, le narrateur donne une date erronée (1914) pour l'explosion de Halifax en décembre 1917 : pourtant, le texte souligne justement qu'il s'agit d'une date que tous les habitants de Halifax retiennent dès l'enfance. De telles erreurs pourraient passer pour des signes supplémentaires de l'étrange rapport à la réalité de Gaspard, mais elles signalent surtout l'impossibilité de faire cohabiter dans la même narration des observations insupportablement précises et des délires infiniment vaporeux.

Si j'avais retrouvé la Toronto que je connais dans le roman précédent de Frigerio, je reste dubitatif face à sa description de Halifax. On sent trop le point de vue de l'étranger qui débarque, qui n'arrive pas à se faire comprendre quand son accent se met en travers et qui considère tout ce qui l'entoure avec un regard purement anthropologique, sans arriver à entrer un tant soit peu dans la vie des gens. Certes, le décalage que je perçois est une fonction aussi de la personnalité composite et imaginaire que j'attribue à cette ville parce que je l'ai visitée il y a des années et parce que je connais un peu son histoire. Mais la sympathie, quel qu'en soit le moteur, est parfois le meilleur moyen de s'ouvrir à une ville et d'en faire sentir la réalité à d'autres...

Néanmoins, Frigerio ajoute une brique très travaillée à l'édifice des lettres d'expression française au Canada hors-Québec. On se prend à rêver au roman que ce sujet aurait pu donner dans les mains d'un autre écrivain, plus terre-à-terre mais plus sensible aussi au comique potentiel de la situation. Malheureusement, comme Gaspard s'avère un bien piètre enquêteur, incapable de suivre les pistes qu'on lui fournit sur un plateau d'argent (il n'essaie pas de savoir qui a payé pour l'entreposage des meubles de son client disparu) ou de se rappeler ce qu'on lui dit (un personnage dénommé Tom a visité son client disparu, mais Gaspard n'y pense pas quand il croise un certain Tom quelques pages plus loin), ses aventures potentiellement don-quichottesques restent plus anecdotiques que prenantes. Frigerio a choisi de faire de Gaspard un personnage plutôt brouillon, voire un simple Gribouille (et c'est ce que cet architecte semble faire le mieux). C'est son droit, mais j'ai vraiment l'impression qu'il y a comme une occasion ratée dans tout ça...

Libellés : ,


2009-12-09

 

Effets d'échelle

Un petit (très petit) point tournant dans mon année : une autre itération du cours que j'enseigne à l'Université d'Ottawa se termine tandis que je prépare de nouveaux projets. Je me suis donc retrouvé ce soir dans un des gymnases de l'université où j'ai moi-même écrit je ne sais combien d'examens finaux, il y a vingt ans et plus... Une tempête de neige a mis un peu de piquant dans la journée, mais sinon, je n'ai pas trop eu le temps de souffler. Mes étudiants encore moins sans doute, encore qu'ils ont été nombreux à remettre l'examen après une heure seulement.

Néanmoins, si on a encore besoin de se faire rappeler à sa vraie place dans l'Univers, on m'a signalé quelques belles images qui renouvellent en trois dimensions la comparaison habituelle de la taille des astres du cosmos, des lunes aux étoiles. Le Planétarium Clark de Salt Lake City offre une série d'images des lunes et planètes naines, des planètes naines et telluriques, des planètes telluriques et gazeuses, des planètes et du Soleil, du Soleil et de quelques étoiles voisines, du Soleil et de quelques étoiles géantes, et de quelques étoiles supergéantes... En voici une autre version fournie par un site de l'Université de Californie à Irvine.

Libellés :


2009-12-07

 

Jours d'équilibre

En quittant Montréal un peu après minuit, je me disais justement que les choses allaient trop bien depuis quelques temps et que la loi des moyennes (bien comprise) me condamnait à une déconvenue prochaine ou tuile quelconque, non pas pour atteindre à une hypothétique parité des événements heureux ou malheureux, mais parce qu'il est quasi impossible (même sur une planète comptant plus de six milliards d'habitants) de prolonger indéfiniment une série de bonnes fortunes.

Comme le savaient les Anciens, la roue de Dame Fortune (rota Fortunae) tourne tôt ou tard. De fait, l'autobus que j'avais emprunté pour gagner Ottawa s'est fait percuter par une voiture qui n'avait pas réussi à freiner à temps sur une bretelle de l'autoroute 20 en essayant de se glisser entre l'autobus et deux autres voitures déjà immobilisées par un accident. Le choc a fait trembler l'autobus, tout au plus, et je n'ai vu à notre arrivée à Ottawa aucune trace de l'impact sur la carrosserie de l'autobus. Mais le mal avait été fait. Il a fallu attendre près d'une heure pour que les constats soient complétés et que nous puissions reprendre notre route, ce qui a entraîné un retard correspondant à l'arrivée...

Mais si la loi de moyennes est parfois comminatoire, elle peut aussi être rassurante pour ceux qui veulent espérer qu'une série de mauvaises fortunes ne se prolongera pas indéfiniment et que les pires années peuvent bien se terminer...

Libellés :


2009-12-02

 

D'un musée l'autre

Ce matin, je passais au Musée canadien des Sciences et de la Technologie à Ottawa pour parler travail. J'en ai profité pour errer un peu dans le parc qui s'étend entre le boulevard Saint-Laurent et l'édifice principal du musée. Des échantillons instantanément reconnaissables de notre civilisation technique sont éparpillés dans l'herbe : radar, éolienne, fusée, observatoire astronomique, locomotive... Dans la plupart des cas, ils étaient déjà présents quand j'étais petit et que je venais visiter le musée avec mes parents. J'ai grimpé sur cette locomotive en compagnie d'autres gamins de mon école, ou de garnements de rencontre...Après avoir travaillé pour le musée de la Civilisation à Québec, je vais peut-être faire de même pour le Musée des sciences et de la technologie à Ottawa... Décidément, il ne faut jamais dire non aux rêves d'enfants. Je ne sais plus si j'ai vraiment rêvé de travailler pour ce musée, mais il était un de mes préférés. J'avais déjà accompli mon ambition de jeunesse en devenant auteur de science-fiction; entrer au Musée des sciences et de la technologie, ce serait un cadeau inattendu, mais pas entièrement sans sa propre cohérence...

Mais qu'est-ce que j'apprends en revenant à Montréal? Que le gouvernement français actuel fusionne le Palais de la Découverte et la Cité des Sciences et de l'Industrie de La Villette... J'avais déjà parlé de la mobilisation française pour s'opposer à ce déclassement du Palais de la Découverte, mais elle n'a pas réussi à convaincre le gouvernement de revenir sur sa décision. Dommage.

Libellés : , ,


This page is powered by Blogger. Isn't yours?