2008-08-30

 

Sonnets albriens (5)

Ah, béni soit le fer qui me fendit la panse
comme on ouvre le cerf encore pantelant!
À l'ennemi d'hier, je dois l'heureux élan
qui me donna l'hiver pour qu'à la vie je pense.

Et bénie de Dieu soit la main qui me panse
pour que j'aille mieux et, de nouveau vaillant,
voie ses tendres yeux m'oublier défaillant!
Quand le cœur est vieux, l'espoir paie la dépense

Il arme un amour neuf, trop fort pour son berceau
trop pressé de courir et de tenter le saut,
même si le mépris, ah, doit mon cœur crever!

Mais bénis soient les mois de la morte saison
et les longues soirées quand le soldat navré
guérit ses blessures et sourit sans raison

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2008-08-29

 

Un complexe d'infériorité gros comme une montagne

Aux États-Unis, les Démocrates s'entêtent à présenter des candidats intelligents à la présidence. À première vue, le programme (.PDF) de Barack Obama est plutôt soporifique. Les premières pages sont consacrées à l'éthique et à un changement des pratiques et des mœurs politiques à Washington. Encadrement du lobbying, fin des contrats de gré à gré, augmentation de la transparence... Quoi de plus ennuyeux? Mais si Obama est sincère, c'est que ces choix sont informés par l'échec du Congrès issu des élections de 2006, qui a prouvé qu'une simple majorité de Démocrates ne suffit pas à imposer les orientations souhaitées par leurs électeurs. Le diagnostic posé par Obama, c'est que le problème est à la fois culturel et structurel, et qu'il faut donc modifier les structures des institutions pour modifier la culture des institutions et permettre aux choix populaires de s'exercer. Autrement dit, la transparence doit précéder tout changement de cap, sinon celui-ci sera impossible.

A-t-il raison? Eh bien, on n'a pas souvent fait remarquer les ressemblances entre cette partie du programme d'Obama et les réformes de Gorbatchev, pour qui la glasnost était un élément essentiel de la perestroïka. Ce n'était pas le but de Gorbatchev, mais ces réformes ont conduit à la chute de l'empire soviétique. Je ne dis pas que l'aboutissement sera le même aux États-Unis, mais on aurait tort de sous-estimer l'importance potentielle de cet élément du programme d'Obama.

Le reste du programme ne surprendrait guère de la part d'un parti de centre-gauche (ou même de centre-droite) dans la plupart des autres pays occidentaux. Un système de santé pour tous, une plus grande protection des droits des travailleurs, un déplacement du fardeau fiscal, des mesures en faveur de l'égalité de tous et de la réduction des inégalités collectives, la défense du droit à l'avortement... Des aides ponctuelles pour certains secteurs — l'éducation, l'armée et les vétérans, l'économie rurale, les aînés — complètent le tableau. L'environnement n'apparaît que dans le cadre de promesses sur la réorientation de la consommation d'énergie aux États-Unis, ce qui n'est pas encourageant.

J'ai écouté plusieurs des discours démocrates prononcés dans le stade de Denver. Ce qui était frappant, c'était la détermination éperdue, et même un brin désespérée, des orateurs. Al Gore a livré un vibrant plaidoyer en faveur de l'environnement et de l'importance de ne pas céder à l'illusion que tous les candidats se valent. Même Obama a réagi aux critiques qu'on lui adressait en prononçant un discours plus terre-à-terre, qui recyclait au moins une critique utilisée par un des orateurs précédents ainsi qu'une suggestion d'un commentateur du New York Times (Brooks?), et qui combinait les promesses électorales et les critiques de John McCain.

Un des orateurs a tenté de soulever la foule en invoquant la Bible et en l'appelant à faire preuve de la foi grosse comme un grain de moutarde citée par les Évangiles. La foi qui déplace les montagnes. (Comme les Rocheuses visibles de Denver.) Ce qui laisse croire qu'aux yeux des Démocrates, l'obstacle qui les sépare de la Maison blanche est gros comme une montagne. Ou sinon c'est la taille de leur complexe d'infériorité face au parti qui a remporté la plupart des élections depuis Nixon...

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2008-08-28

 

Quelques visages de Québec

Si je recommande sans hésiter les photos inédites de Paris prises par l'Esprit Vagabond, j'ose quand même offrir quelques photos de Québec en fin de semaine. Dans les rues, les rappels du quatre centième anniversaire de la ville ne manquaient pas. Des enseignes faites d'ampoules énonçaient le chiffre qui dit tout, sur la Grande Allée et ailleurs. Çà et là, c'étaient aussi les façades qui proclamaient l'événement, comme dans le cas de cette tour visible du quartier Saint-Roch. (À force de venir à Québec, je vais finir par connaître un peu, quand même!) Ce qu'on ne distingue pas dans la photo, ce sont les changements de couleur de l'affichage. Cela dit, je me demande si c'était une bonne idée d'attirer l'attention du passant ou du voyageur sur une tour de béton qui entame l'horizon comme une dent grise, et qui s'entoure d'un assemblage aussi hétéroclite que représentatif des architectures de la capitale loin de la vieille ville (plus ou moins) amoureusement conservée. Y a-t-il une unité à trouver dans cette juxtaposition d'une tour à bureaux au style brutaliste, un immeuble aux appartements avec balcons, une maison ouvrière en briques, un maison au pignon plus chic de la même époque et un garage du vingt-et-unième siècle décoré de quelques pelures de métal (au premier plan, à gauche) ?

Eh oui, contrairement à ce qu'on croit parfois, Québec est aussi une ville laide — et elle fait des efforts pour le rester! Malgré les tentatives des artistes urbains de sauver ses paysages les plus tristes... En avril 2007, j'avais pris en photo les deux côtés de l'unique vestige de l'église Saint-Vincent-de-Paul, saccagée par un promoteur immobilier qui l'a démolie sans permission. La façade a été sauvée de justesse et la seule punition du promoteur sera d'avoir à incorporer la façade dans le futur édifice... Depuis avril 2007, quelqu'un a fait du revers de la façade une ruine habitée. (J'ai déjà fait remarquer qu'un graffiti à base d'yeux, voire de visage, peut faire merveille dans le cadre le moins accueillant pour humaniser un décor urbain.) Ces deux visages bleus encastrés tout en haut de l'ancienne façade ont quelque chose de troublant. Une recherche rapide avec Google ne m'a pas permis de retrouver la trace de l'artiste responsable, ce qui est dommage, en un sens. Même si les responsables se sont aventurés sur une propriété privée (celle d'un promoteur plus que véreux!), ils ont été au moins aussi créatifs que les étudiants en génie de Vancouver... Petit zoom sur les deux visages pour mieux juger...En un sens, c'est une création collective puisque le cadrage est tout à la fois l'œuvre de l'architecte et des bâtisseurs d'origine, et celle du promoteur et de ses démolisseurs. Les visages ajoutés ensuite profitent beaucoup de ce cadrage improvisé puisque les deux cavités sombres et les trois embrasures sous l'arche centrale évoquent aussi un visage. Les visages complètent géométriquement la succession et soulignent la ressemblance du motif architectural. En même temps, ces deux visages prennent un air accusateur quand ils sont vus du quartier Saint-Roch en contrebas, comme dans cette photo qui parle d'elle-même, je crois (quoique la perspective rapproche indûment l'église et l'autoroute).Heureusement, il n'y a pas que des désastres d'urbanisme à Québec. Le Château Frontenac a été photographié sous tous les angles depuis le temps, mais j'ai ajouté à ma propre collection quelques clichés nocturnes, dont celui-ci.

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2008-08-27

 

Le carnavalesque et l'intimité

Depuis quelques semaines, on fait grand bruit autour du comportement des touristes britanniques à l'étranger. Après les journaux britanniques, c'est au tour du New York Times. Les touristes britanniques dérangent, font du tapage, provoquent des accidents, se battent, violent, s'enivrent, se droguent, blessent et tuent — et pas nécessairement dans cet ordre.

Pourquoi? Les données semblent indiquer que les touristes britanniques, en particulier les jeunes, sont de plus grands trublions que les touristes des autres pays industrialisés. Un commentaire d'un observateur britannique sur place, David Familton, cité par le New York Times, dit tout, peut-être : « It’s because of British culture — no one can relax, so they become inebriated to be the people they want to be ».

Mais est-ce vraiment propre à la culture britannique? Ou cette incapacité de se détendre aurait-elle une source plus concrète? Le nouveau numéro du Scientific American traite de l'érosion de la vie privée par les nouvelles technologies. Or, s'il y a quelque chose de propre à la société britannique, c'est l'omniprésence des caméras de surveillance, dans les magasins et dans les rues, bref, dans les lieux privés et les lieux publics. (Elles se multiplient également au Canada, mais elles restent heureusement confinées aux établissements commerciaux et aux lieux fermés comme les aéroports, les gares, etc.) Les chiffres varient pour la Grande-Bretagne. En 1997, on dénombrait 300 000 caméras. Dix ans plus tard, on parle d'un nombre qui se situerait entre un million et quatre millions de caméras braquées sur les sujets de la Reine. (Et elles s'ajoutent aux caméras qui sont de plus en plus souvent potentiellement présentes sous la forme de caméras numériques, incorporées aux téléphones ou non.)

D'où l'idée qui se présente d'elle-même : cette perte d'intimité au pays entraîne-t-elle un défoulement particulièrement prononcé des Britanniques quand ils se sentent enfin libres? Profite-t-on plus vigoureusement d'un espace de liberté quand il est de plus en plus restreint? En Grande-Bretagne même, les beuveries et saouleries des Britanniques le soir après le travail ou en fin de semaine sont aussi devenues légendaires. Pourtant, les statistiques de l'Organisation mondiale de la Santé ne plaçaient les Britanniques qu'en huitième place au monde en 2003 pour ce qui est de la consommation d'alcool (mesurée en litres d'éthanol par année, par personne de 15 ans et plus) — encore que la consommation serait toujours en augmentation au Royaume-Uni.Personnellement, mon impression anecdotique, ce n'est pas tant que les Britanniques boivent beaucoup, mais c'est qu'ils deviennent particulièrement odieux quand ils boivent. C'est ici que la culture intervient véritablement, car, depuis bientôt quarante ans, de nombreux chercheurs postulent que le comportement des personnes qui s'enivrent dépend en grande partie des attentes face à l'ivresse. Si on croit que l'ivresse rend violent et irresponsable, la personne ivre sera d'autant plus violente qu'elle ne se croit pas responsable de ses actes. (Ceci ne nie pas les effets réels de l'alcool sur la motricité à dose modérée et sur les états de conscience à dose élevée.)

Bref, on pourrait comprendre la situation ainsi. Les Britanniques qui se sentent surveillés et contrôlés en permanence dans une société éminemment quadrillée conçoivent l'ivresse comme un espace de liberté qui est une permission implicite de céder à toutes leurs impulsions. Le résultat est donc la somme de deux facteurs : la pression de la surveillance et les convictions socio-personnelles au sujet des effets de l'ivresse.

En même temps, on peut se poser des questions sur certains phénomènes historiques. En général, on interprète le carnaval médiéval comme une période de défoulement par réaction à une existence oppressante en raison des conditions de vie difficiles et de la domination des seigneurs. Mais la vie dans un village laisse également peu de place à l'intimité. Le villageois n'est pas surveillé par des caméras, mais il est surveillé par les autres villageois et, pis encore, ceux-ci le connaissent. La tradition du carnaval et des débordements carnavalesques représentait-elle un défouloir par excellence pour les gens du Moyen Âge qui vivaient entassés les uns sur les autres, dans une promiscuité forcée, en raison de l'exiguïté des demeures et des bourgs fortifiés? Après tout, le déguisement n'est-il souvent pas le propre du carnaval?

J'ai déjà évoqué ici l'épidémie de saoulerie au gin associée à l'urbanisation de la Grande-Bretagne au dix-huitième siècle. Même si la ville assure une certaine anonymité, les anciens paysans montés en ville ne l'auraient pas compris tout de suite et ils auraient réagi à ce qu'ils percevaient comme une multiplication des regards et une perte d'intimité correspondante en cherchant l'abrutissement par l'alcool...

En somme, si la vie privée et l'intimité étaient traités comme un droit humain fondamental, on pourrait peut-être éliminer des fléaux sociaux inattendus!

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2008-08-26

 

Les vrais bilans olympiques

Comme d'habitude, j'ai suivi les Jeux olympiques, mais de façon de plus en plus lointaine. Peut-être en raison du décalage horaire ou de l'absence de télé chez moi. Mais plus probablement parce qu'il est de plus en plus évident que les Jeux olympiques confirment que l'économie et la loi des grands nombres priment sur le reste.

Les pays les plus peuplés qui consacrent le plus de moyens (financiers ou autres) à leurs programmes sportifs (en favorisant l'élite) remportent le plus de médailles. Ce n'est franchement pas plus compliqué que ça. Même si, de temps en temps, un petit pays peut surprendre, comme dans le cas de la Jamaïque, portée cette année par un athlète exceptionnel, Usain Bolt (un peu l'équivalent du Mulet chez Asimov), la loi des moyennes les rattrapent tôt ou tard. Et même la Jamaïque comptait au total moins de médailles que le Canada, tout en ayant deux fois plus de médailles d'or que le Canada.

Comme on l'a souvent fait remarquer, toutefois, la performance canadienne (une dix-neuvième place cette année) a meilleur air si on inclut les résultats des Jeux d'hiver. Pour voir, j'ai donc additionné les médailles des Jeux de Turin en 2006 et des Jeux de Pékin en 2008. Le classement final selon la somme des médailles pour les deux, en tenant compte de la couleur des médailles, hisse le Canada en neuvième place. Le tableau des vingt premiers a l'air de ceci :
Les quatre pays au sommet du tableau sont les grandes puissances du monde; il ne manque vraiment que l'Inde et le Japon. Viennent ensuite les pays industrialisés qui comptent de 15 à 60 millions d'habitants environ — à la fois riches et peuplés, donc. Ceux-ci sont sans doute départagés en partie par les moyens consacrés aux sports amateurs. Si on se réfère aux chiffres du Globe and Mail, qui ne précise pas toujours s'ils s'appliquent aux sports d'été et d'hiver, on apprend que les Australiens dépenseraient 250 millions de dollars par année sur les sports olympiques, les Britanniques 195 millions de dollars et les Canadiens 166 millions de dollars en 2008-2009. Si la Grande-Bretagne surpasse l'Australie avec un budget plus mince (mais une population plus grande), le Canada traîne derrière, comme on s'y attendrait — moins peuplé que la Grande-Bretagne et moins généreux que l'Australie.

En revanche, les performances surprenantes de petits pays (8-9 millions d'habitants) comme l'Autriche, la Suède et la Suisse s'expliquent probablement par une culture sportive particulièrement développée dans le cas des sports d'hiver. La performance de pays encore moins peuplés, comme la Jamaïque et la Norvège, est exceptionnelle, mais elle s'explique aussi par une excellence sportive très ciblée, soit en patinage soit sur la piste. La présence du Kenya, de loin le plus pauvre de tous ces pays, témoigne également de ce phénomène.

Conclusion? Si on veut savoir où le Canada finira, on n'a qu'à comparer sa population, ses revenus par habitant et son budget sportif aux chiffres correspondants des autres prix. Ce qui ôte un certain suspense au spectacle...

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2008-08-25

 

L'été des chaises pliantes

(Les silos de la compagnie Bunge sur le bassin Louise avant...)

J'aurai fait ma part pour le quatre centième anniversaire de Québec. Non, je ne suis pas allé célébrer Québec avec un Anglais (Paul McCartney), une petite fille de Charlemagne/Las Vegas (Céline Dion) ou des Français (le spectacle Paris-Québec). J'ai préféré passer quelques heures à Québec pour assister au spectacle de Robert Lepage. Son Moulin à images fera peut-être des petits l'an prochain maintenant que le potentiel des silos du bassin Louise est démontré, mais c'est pour l'instant un événement unique, propre à Québec, qui évoque son art, son histoire et sa société... et qu'on ne peut pas voir ailleurs. On ne peut pas en dire autant des grands concerts sur les plaines d'Abraham. Dion et McCartney en ont fait d'autres ailleurs et ils pourraient faire presque exactement le même ailleurs, à quelques mots de français près.(Le début du spectaculaire Moulin à Images de Lepage...)

Quelle ironie pourtant que ce plus québecquois des spectacles du 400e soit muet! Ceux qui se sont plaint de l'absence de dimension historique au programme des festivités n'avaient pas entièrement raison : Lepage rend hommage aux fondateurs, aux voyageurs, aux personnages politiques, aux architectes, aux artistes, aux industries, aux bâtisseurs, aux moyens de transport, aux sports, aux divertissements, aux nouvelles technologies, à la vie nocturne... et j'en passe sûrement. Mais il le fait sans les nommer, sans rien dire que ce soit. Au minimum, il faudrait un petit guide abrégé pour le spectateur afin de tout éclairer, tout expliquer. Je sais qui est Charles Baillairgé et ce qu'il a fait, de sorte que j'ai essayé de prendre en photo les images illustrant ses travaux municipaux à Québec, ci-dessous. Mais combien d'autres dans la foule? (Un des escaliers de fer forgé de Charles Baillairgé)

Si Lepage et les siens ont choisi des séquences audiovisuelles représentatives, il n'y en avait pas beaucoup de vraiment connues. Ni clichés iconiques, ni airs familiers, ni paroles historiques, ni extraits de reportages maintes fois ressassés, ni voix célèbres... Pour sortir des sentiers battus? Sans doute. Mais je résiste difficilement à un soupçon ignoble : et si c'était un choix délibéré pour épargner sur les frais de rediffusion qui auraient pu devenir onéreux à raison d'une représentation par soir pendant deux mois et plus. Ainsi, les chutes successives du pont de Québec sont uniquement évoquées au moyen de dessins et d'effets sonores...(Le tristement célèbre pont de Québec, seconde version...)

En tout cas, je saisis maintenant à quel point le choix de l'œuvre de Michel Goulet que j'avais découverte en juin était perspicace : toutes ces chaises en plein trottoir étaient authentiquement prémonitoires! On se souviendra peut-être de l'été 2008 à Québec pour ses spectacles, ses événements spéciaux, son afflux de touristes... Mais les témoins de 2008 retiendront peut-être aussi que ce fut l'été des chaises pliantes. Avant, pendant et après, on aura vu ces chaises parader dans les rues de Québec, tenues sous le bras, suspendues en bandoulière ou accrochées dans le dos des spectateurs en uniforme (tee-shirt et bermudas) qui avançaient sagement à la queue leu leu. Il y avait des chaises pliantes à l'ancienne, un peu rouillées par les ans, mais il y avait surtout le nouveau modèle tout confort, le vrai fauteuil en toile avec des accoudoirs et des petites pochettes dans les accoudoirs pour un amuse-gueules, un verre ou une bouteille de bière.

Bref, je garderai un bon souvenir du Moulin à Images, si ce n'est que pour les images, la trame sonore ou la virtuosité technique de l'exploit. Mais, en incurable prof d'histoire, je regrette l'occasion ratée de dire quelque chose sur la ville de Québec, son histoire ou son destin.

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2008-08-23

 

De la fantasy anglo-saxonne

Dans In a Time of Treason (Tor, 2008), David Keck joue à fond la carte de la fantasy nordique. Il a mis en place un monde mi-anglo-saxon, mi-scandinave, un peu comme Guy Gavriel Kay dans The Last Light of the Sun. Mais Kay s'inspirait beaucoup plus ouvertement d'un contexte géographique et historique très spécifique, celui de l'Angleterre du roi Alfred. Et la magie restait confinée à des enclaves et des manifestations dont elle ne pouvait pas vraiment déborder. Ce monde n'était pas encore désenchanté, mais il en prenait le chemin.

Par contre, Durand, le héros de Keck dans ce livre et dans le précédent, In The Eye of Heaven, évolue dans un monde où la magie et les êtres surnaturels du passé menacent toujours de briser leurs chaînes et de régner de nouveau sur les mortels. Au besoin en se nourrissant des âmes des morts...

Originaire de Winnipeg, Keck signe un roman très sombre et pas très joyeux. Durand est un chevalier de la suite de Lamoric, le fils cadet d'un duc qui, au terme d'un hiver éprouvant dans une place forte mineure, est sommé de se rendre auprès du roi. Durand a juré allégeance à Lamoric, mais ce qui le retient auprès de ce jeune noble sans fortune, c'est aussi son attirance pour Deorwen, la femme de Lamoric. Le sentiment d'être traître et félon le pousse en même temps à se battre comme un fou furieux pour Lamoric.

Si le roman débute un peu lentement, les choses se corsent vite. Le roi n'a convoqué ses grands vassaux que pour les retenir comme otages. Lamoric et sa suite échappent de peu au piège, mais ils se retrouvent à la cour de son père le duc. Le duc Radomor est en visite et il défie l'héritier, qui refuse le combat. Il meurt quand même, gelé dans son propre lit par un acte de sorcellerie, et Lamoric relève le défi. Mais ce n'était que le prélude du plan de Radomor et de ses nécromanciens pour conquérir le duché. Sièges et batailles s'ensuivent, et Durand enchaîne les exploits, souvent pour sauver ou protéger Deorwen.

Tout ce qu'il faut pour composer une épopée de fantasy est là, mais je dirais que Keck ne réussit pas à en faire un tout. Il a soigné la création de monde, témoignant d'une connaissance approfondie du monde scandinave et anglo-saxon du Haut Moyen Âge. Il a soigné la langue, privilégiant les mots anglais d'origine anglo-saxonne et non grecque, latine ou française, ce qui confère une atmosphère aussi fruste qu'authentique au roman. Il a décrit des sièges et des batailles d'une rare intensité. Il a imaginé des monstres, des coutumes et des stratagèmes ingénieux.

Et pourtant... La fureur des sagas est bien présente, mais le roman manque de personnages sympathiques — ou tout simplement compréhensibles. Quand le fils aîné du duc d'Acconel est tué de manière surnaturelle, il n'y a pas de conséquence. Les personnages réagissent comme s'il était mort de mort naturelle, et que le duc Radomor n'était pas un suspect. Et quand Deorwen se déguise pour rejoindre l'armée de son mari, ou bien Durand, on se pose des questions qui ne recevront jamais de vraies réponses. Le roman nous invite à plonger en apnée, mais on aimerait ressentir au moins un peu l'ivresse des profondeurs.

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2008-08-22

 

Les forêts d'aujourd'hui sauvées par les forêts d'hier

En 149 (soyons précis!), les Romains ont coupé une petite forêt quelque part en Provence pour construire le cirque d'Arles. En visitant Arles, il y a quelques années, j'ai retenu ce que le musée décrivait de la construction de ce cirque, fondé sur des milliers de pieux enfoncés dans un sol meuble en pleine zone inondable. Et Arles n'était qu'une des nombreuses villes de l'empire romain.

Ces derniers jours, un billet d'un blogue du New York Times m'a rappelé les effets du déboisement en Sicile, que je me souviens d'avoir étudiés à l'école primaire ou intermédiaire en Ontario. En fait, c'est déprimant de constater à quel point l'érosion des sols est connue et depuis combien de temps alors qu'on continue à défricher et cultiver.

Dans un passage souvent cité du Critias sur la région de l'Attique, Platon pressent, sans tout à fait l'énoncer, le lien entre l'agriculture, l'érosion et le déboisement :

« Une forte preuve de la qualité de notre terre, c’est que ce qui en reste à présent peut rivaliser avec n’importe laquelle pour la diversité et la beauté de ses fruits et sa richesse en pâturages propres à toute espèce de bétail. Mais, en ce temps-là, à la qualité de ses produits se joignait une prodigieuse abondance. Quelle preuve en avons-nous et qu’est-ce qui reste du sol quelle qui justifie notre dire ? Le pays tout entier s’avance loin du continent dans la mer et s’y étend comme un promontoire, et il se trouve que le bassin de la mer qui l’enveloppe est d’une grande profondeur. Aussi, pendant les nombreuses et grandes inondations qui ont eu lieu pendant les neuf mille ans, car c’est là le nombre des ans qui se sont écoulés depuis ce temps-là jusqu’à nos jours, le sol qui s’écoule des hauteurs en ces temps de désastre ne dépose pas, comme dans les autres pays, de sédiment notable et, s’écoulant toujours sur le pourtour du pays, disparaît dans la profondeur des flots. Aussi comme il est arrivé dans les petites îles, ce qui reste à présent, comparé à ce qui existait alors, ressemble à un corps décharné par la maladie. Tout ce qu’il y avait de terre grasse et molle s’est écoulé et il ne reste plus que la carcasse nue du pays. Mais, en ce temps-là, le pays encore intact avait, au lieu de montagnes, de hautes collines ; les plaines qui portent aujourd’hui le nom de Phelleus étaient remplies de terre grasse ; il y avait sur les montagnes de grandes forêts, dont il reste encore aujourd’hui des témoignages visibles. Si, en effet, parmi les montagnes, il en est qui ne nourrissent plus que des abeilles, il n’y a pas bien longtemps qu’on y coupait des arbres propres à couvrir les plus vastes constructions, dont les poutres existent encore. Il y avait aussi beaucoup de grands arbres à fruits et le sol produisait du fourrage à l’infini pour le bétail. Il recueillait aussi les pluies annuelles de Zeus et ne perdait pas comme aujourd’hui l’eau qui s’écoule de la terre dénudée dans la mer, et, comme la terre était alors épaisse et recevait l’eau dans son sein et la tenait en réserve dans l’argile imperméable, elle laissait échapper dans les creux l’eau des hauteurs qu’elle avait absorbée et alimentait en tous lieux d’abondantes sources et de grosses rivières. Les sanctuaires qui subsistent encore aujourd’hui près des sources qui existaient autrefois portent témoignage de ce que j’avance à présent. Telle était la condition naturelle du pays. Il avait été mis en culture, comme on pouvait s’y attendre, par de vrais laboureurs, uniquement occupés à leur métier, amis du beau et doués d’un heureux naturel, disposant d’une terre excellente et d’une eau très abondante, et favorisés dans leur culture du sol par des saisons le plus heureusement tempérées. »

Notons bien ces « vastes constructions » pour lesquelles on coupait les plus grands arbres... En fait, le déboisement du bassin méditerranéen dans l'Antiquité résulte à la fois de l'abattage pour la construction tant sur terre (comme à Arles) que sur mer (architecture navale), du défrichement et de l'utilisation du bois comme combustible pour le chauffage domestique, le raffinage du métal, la cuisson de la céramique et la fabrication du ciment artificiel abondamment utilisé dans les constructions romaines en béton. Mais les nouvelles friches étaient aussi livrées à l'élevage du bétail — cochons, moutons et chèvres empêchant la repousse des arbres. Dès le troisième siècle de notre ère, les crues des rivières gonflées par les eaux de ruissellement entraînent d'ailleurs des inondations dévastatrices. Le cirque d'Arles a fini par disparaître sous les alluvions apportés par le Rhône, tout comme Glanum, à quelques kilomètres d'Arles, a été ensevelie par d'autres alluvions.

Dans le cadre d'une réflexion sur le dépassement des limites naturelles (si on n'arrive pas à virtualiser l'économie), on se demande dans quelle mesure la civilisation antique a décliné quand elle a commencé à manquer de bois... Le bois était à la fois une matière première et un combustible, de sorte qu'il était au moins aussi essentiel que le pétrole peut l'être pour nous. D'ailleurs, nos économies modernes ont uniquement réussi à s'affranchir de l'approvisionnement en bois en lui substituant d'abord le charbon, puis le pétrole. Si des forêts ont pu repousser dans certaines régions de l'Occident (Nouvelle-Angleterre, France), c'est parce que nous nous chauffons maintenant avec du mazout ou du gaz naturel, que nous roulons en brûlant du pétrole et que les édifices bâtis avec de l'acier et du béton reposent également sur les montagnes de charbon et les mers de pétrole brûlées dans les raffineries et les cimenteries... Mais si ces combustibles fossiles venaient à manquer, il ne resterait pas assez de bois à la surface de la planète pour les remplacer, même en rasant toutes les forêts de demain.

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2008-08-21

 

Une culture, un pays?

On ne pourra pas accuser Stephen Harper de chercher à acheter les votes qui lui manquent dans les métropoles du pays. En coupant des programmes culturels qui coûtaient en tout et pour tout l'équivalent de quelques jours de présence en Afghanistant de l'armée canadienne, il a sans doute maximisé le nombre de votes perdus par dollar coupé, établissant un nouveau record dans le genre...

Mais il n'y a pas que les Conservateurs pour saboter les entreprises culturelles. En revenant d'un bon repas dans le vieux Montréal, j'ai remonté la rue Saint-Denis et découvert un plateau de tournage. Au pied d'une façade en partie voilée par de la fumée, plusieurs véhicules étaient attroupés sous les feux des projecteurs : camion de pompiers, voitures de police, ambulance... Mais je n'ai pas souvent vu à Montréal d'ambulance comme celle que l'on voit dans le cliché ci-contre! D'ailleurs, en poursuivant mon chemin, j'ai pris une dernière photo en me retournant. Cette fois, on voit l'avant de l'ambulance et la plaque d'immatriculation n'est certainement pas québécoise puisqu'elle n'est pas obligatoire ici à l'avant des véhicules, ce qui suggère qu'il ne s'agit pas d'une production locale... Cette photo montre aussi, à gauche, la caméra montée sur rails pour filmer la scène. Mais je n'ai pas aperçu d'acteurs, et encore moins de vedettes... Selon les enseignes, le film s'intitulerait « XMas », mais on sait bien que des faux noms figurent souvent sur ces panneaux.À Montréal, l'industrie des tournages s'inquiète d'ailleurs du petit nombre de grandes productions hollywoodiennes qui viennent en ville. De nombreux facteurs entrent en ligne de compte, dont les menaces de grève des acteurs hollywoodiens et la hausse du dollar canadien. Mais en attendant que Harper trouve quelque chose à couper dans ce secteur, on peut aussi blâmer l'affrontement de deux syndicats de techniciens de cinéma, sur le dos de l'industrie. Heureusement qu'il restera toujours les beaux décors de Montréal, comme dans la photo ci-dessous du vieux Montréal, pour attirer au moins quelques réalisateurs...

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2008-08-20

 

Une autre traversée de Montréal

Une nouvelle balade à pied pour me rendre à l'UQÀM m'a fait découvrir le sentier qui longe le chemin de fer du Canadien Pacifique au nord du Mont Royal. Évidemment, on ne peut pas confondre Montréal et les Prairies : cette photo ci-dessus de la voie ferrée illustre un chemin de fer qui ne s'allonge pas en ligne droite à perte de vue, contrairement à ce que j'avais photographié à Winnipeg. Un édifice bloque d'ailleurs l'horizon...

Qu'ai-je rencontré sur mon chemin? Une cycliste qui cherchait un parc doté d'une piscine dont elle ne connaissait pas le nom et dont je ne connaissais pas l'emplacement. Un groupe d'enfants à bicyclette escortés par deux adultes (tous Juifs hassidiques à en juger par leur mise) et attendant je ne sais quel signal pour démarrer. Un graffiti emprunté à une chanson hostile au rappeur montréalais, le Roi Heenok... Dans la photo ci-contre, on voit cette proclamation sans doute d'origine française : « Chez nous, les rois, on leur coupe la tête, compris ? ». Un poste électrique. L'ancien incinérateur des Carrières. Un nombre impressionnant d'ouvertures découpées dans le grillage censé défendre l'accès aux voies, mais qui gêne surtout les piétons et riverains qui souhaiteraient pouvoir traverser sans avoir à faire un long détour par les quelques rues qui passent sous la voie. J'ai fini par traverser moi-même à la hauteur de Saint-Denis, en suivant l'exemple donnée par une Montréalaise aussi jolie que bien habillée, qui portait sous le bras un long paquet cylindrique. Et il y avait aussi l'arrière d'un édifice industriel aux fenêtres grillagées, mais dont le grillage était muni des curieuses excroissances que l'on voit dans la photo ci-dessous et qui permettent d'ouvrir des carreaux pour aérer...C'est quand même une curieuse façon de réconcilier le besoin d'air frais et les exigences de la sécurité d'un lieu de travail. Tellement que je me suis arrêté pour prendre plusieurs photos; j'inclus un autre cadrage ci-contre... Plus loin, j'ai retrouvé l'artère commerciale de Saint-Denis. J'étais désormais en terrain connu, mais encore loin du centre-ville. D'ailleurs, je suis tout de suite tombé sur une boutique que je ne connaissais pas et que j'ai trouvé digne d'une photo (ci-dessous). Tout d'abord, il y a l'édifice, avec sa façade de pierre grise typique, son balcon d'angle et son escalier qui permet d'accéder aux appartements à l'étage (que l'on voit en partie à gauche). Ensuite, il y a la boutique elle-même, qui vend des « Objets Tintin » comme l'annonce une petite enseigne. Mais l'enseigne principale combine une belle image lunaire qui inclut un profil d'extraterrestre et un jeu de mots « lunaire » pour désigner la boutique. Ce nom, « Lunivers et cie », n'est pas dénuée d'un certain sens des grandeurs : non content de nous promettre l'univers tout entier, le magasin affirme avoir encore plus! Après, j'ai arrêté de flâner et j'ai accéléré pour descendre au centre-ville. Il était temps de travailler et de gagner ma croûte... mais il n'y a rien de tel qu'une bonne promenade à pied pour ouvrir l'appétit et oxygéner le cerveau.

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2008-08-19

 

La Renaissance nordique

Quand on examine les cartes polaires de l'Arctique, telles que fournies par The Cryosphere Today, par exemple, on se prend à rêver sur les retombées d'un océan Arctique libre de glaces, au moins l'été.

Pour l'instant, on a surtout évoqué l'ouverture des passages du Nord-Est et du Nord-Ouest, la possibilité d'exploiter des gisements de gaz naturel et de pétrole au fond des mers et la fortune promise aux ports de la baie d'Hudson, en particulier Churchill. Mais que se passera-t-il quand il sera possible de naviguer d'Eurasie en Amérique par le chemin le plus court?

Pas grand-chose, peut-être. Les glaces risquent de fondre longtemps avant que les régions habitées se déplacent vers le nord. Pour l'instant, les côtes de l'océan Arctique comptent relativement peu de grands ports et ces ports sont rarement reliés par des liaisons rapides aux grands réseaux commerciaux. Il y a bien le port canadien d'Inuvik sur la mer de Beaufort, rattaché par route et par le fleuve Mackenzie aux localités du sud, mais les distances sont grandes et les infrastructures sans doute peu adaptées à une multiplication du fret. D'Inuvik, il faut se rendre jusqu'à Hay River (une des villes les plus francophones du Grand Nord) pour trouver une tête de ligne ferroviaire et il est loin d'être clair à quel point la navigation sur le fleuve Mackenzie serait possible pour des navires de haute mer. (C'est pourquoi certains proposent non seulement d'améliorer les infrastructures portuaires d'Inuvik, mais de construire de nouvelles routes.) Ni l'Alaska isolée ni la Sibérie sous-peuplée ne font mieux en ce qui concerne la proximité des grands centres; de ce point de vue, l'océan Arctique serait plus commode comme raccourci entre l'Atlantique et le Pacifique.

Mais il reste l'exception de la baie d'Hudson, qui permet de naviguer jusqu'à quelques centaines de kilomètres du centre géographique de l'Amérique du Nord. Au Manitoba, Churchill est relié par rail aux grands carrefours ferroviaires de l'Ouest, dont Saskatoon, Regina et Winnipeg. En Ontario, le port de Moosonee sur la baie James est également relié par rail au sud du pays, mais il ne semble pas attirer les navires de haute mer.

Au Québec, on voulait construire un chemin de fer jusqu'à la baie James dès la fin du dix-neuvième siècle, mais il ne s'est jamais rendu plus loin que Matagami, à plus de deux cents kilomètres au sud de la baie James. La rivière Nottaway relie le lac Matagami à la baie James, mais elle compte de nombreux rapides et une dénivellation marquée, qui explique d'ailleurs pourquoi on avait envisagé de l'endiguer pour exploiter son potentiel hydro-élecrique. Elle n'est donc pas navigable par les navires.

Par contre, les relevés bathymétriques de cette source (.PDF) indiquent que la baie James a plus de 20 mètres de profondeur jusqu'à quelques kilomètres de Moosonee et de l'embouchure de la Nottaway. Au besoin, il serait sans doute possible de creuser un chenal sur les derniers kilomètres pour ménager aux cargos la profondeur minimale de 10 mètres environ qu'il leur faudrait.

Nos descendants verront-ils une nouvelle course à la baie James, pour concurrencer l'attrait de Churchill? La question pourrait se poser et les Québécois regretteront peut-être de n'avoir pas construit en fin de compte la ligne de la baie James dont on rêvait il y a plus d'un siècle...

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2008-08-18

 

Le prix de la liberté

Passionnant!

Que le prix de la liberté soit une éternelle vigilance est un lieu commun du discours politique aux États-Unis. On dirait que l'auteur canadien James Alan Gardner s'en est inspiré dans son roman Vigilant (Avon Eos, 1999), une sorte de suite au roman Expendable, qui nous avait fait découvrir le personnage de Festina Ramos. Sur la planète Demoth, colonisée par les Ooloms ailés depuis neuf siècles, une petite population humaine s'est installée pour travailler dans des secteurs de l'économie que ne goûtent pas les Ooloms. (Les lecteurs canadiens noteront avec amusement que Gardner parsème le roman de noms empruntés à la culture de Terre-Neuve et des Maritimes en général.) La jeune Faye Smallwood est aux premières loges quand une épidémie dévaste soudainement les Ooloms, lui fait rencontrer un membre de la Vigile (quelque part entre un ombudsman suédois et un vérificateur-général canadien) et finit par la convaincre de se joindre à la Vigile, cet ordre chargé de surveiller le fonctionnement du gouvernement planétaire pour empêcher les dérapages.

Mais c'est la nouvelle carrière de Faye qui dérape vite quand elle échappe de peu à une tentative d'assassinat. Bientôt, Festina Ramos surgit pour lui sauver la mise. Dès lors, l'action ne cesse pas. C'est le principal atout du roman, même si, comme dans certains polars, l'enchaînement de péripéties cache mal des coïncidences cousues de fil blanc. En fin de compte, la tentative d'assassinat à l'origine de l'aventure est le fait d'une déséquilibrée, et les deux agents secrets qui talonnent Faye pour l'interroger sont d'une imbécillité crasse que Faye souligne à plusieurs reprises, au point de porter le lecteur à se douter qu'ils font uniqument partie de l'histoire pour relancer l'action de temps en temps. C'est un peu trop transparent... Néanmoins, on ne s'ennuie pas et j'ai lu le roman d'une traite (si la vigilance est le prix de la liberté, le prix de Vigilant a été une presque nuit blanche).

L'autre atout du roman, c'est le génie de Gardner pour brasser des idées vraisemblables et pourtant surprenantes. Le concept de la Vigile, le remède en apparence plausible à l'épidémie qui afflige les Ooloms, l'arme ultime d'une ancienne espèce extraterrestre... Les trouvailles d'Expendable étaient un peu meilleures, si je me souviens bien, mais Gardner demeure toujours rigoureux dans ses extrapolations. Toutefois, quand l'action démarre, les nouvelles idées se font plus rares. Bref, je ne sais pas encore si je chercherai à me procurer les romans suivants de Gardner dans le même univers, mais il signe de la science-fiction bien carrée, bien classique, plus qu'un peu humoristique et un brin sardonique. Bref, Vigilant a plusieurs des qualités de la science-fiction à l'ancienne, mais sans en avoir tous les défauts.

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2008-08-16

 

Les Gaulois sont dans La Plaine

Plusieurs Gaulois vivant en terre canadienne sont venus à La Plaine (mais peut-être pas au son de la Marche lorraine), ainsi que des natifs du pays, pour la rencontre annuelle des Nidicoles. À l'ombre des splendides fruits rouges d'un grand sorbier, le jeune héros de la fête (ci-contre) a été pris en tenaille dans un duel de photographes entre son père et un certain blogueur de passage. Pendant ce temps, la gang de Québec était là pour placoter, y compris l'Ours et Lily (ci-dessous), Marion, Denis et les Bens, en attendant de se retrouver au bord de la rivière des Envies, au pays de Zéroville, pendant le Festival Western de St-Tite... Mais il y avait aussi la parenté, les amis et les voisins. Le philosophe a sorti sa guitare pour nous faire chanter les grands succès d'hier et avant-hier. Après tout, on avait longuement évoqué les exploits des uns et des autres pour assister au concert de Paul McCartney sur les plaines d'Abraham à Québec, qui aura décidément un point tournant de l'été pour plusieurs de mes amis. Un rite de passage pour une génération? Peut-être... pour une génération de trentenaires et quadragénaires qui ont grandi avec la musique des Beatles et qui succombent à ce qui est devenu l'attrait un peu morbide de ce qui pourrait toujours être la «dernière fois »... En attendant, la vie mérite d'être vécue. Dans le jardin de La Plaine, tout le monde a profité de la version locale de l'ancien barbacoa des Antilles et les dernières nouvelles ont été échangées. Entre bibliophiles fous, on a évoqué les dangers du poids des livres pour les planchers des immeubles. Entre amateurs d'espace, on a comparé des logiciels de navigation spatiale (comme Celestia) et le (plus si) jeune Thomas a reçu un exemplaire de L'Univers chiffonné de Jean-Pierre Luminet, dont les idées avaient inspiré en partie le roman d'Ayerdunyach, Étoiles mourantes. Entre Boréaliens, on a bossé en comité restreint pour réviser la réglementation des Prix Boréal pendant que les plus jeunes profitaient des increvables aventures d'Indiana Jones. Tandis que certains restaient sur place, je rentrais enfin à Montréal parce que le travail n'attend pas.

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2008-08-15

 

La croissance virtuelle

Je notais récemment ma lecture de Limits to Growth: The 30-Year Update, qui exposait les scénarios fondés sur des modèles informatiques qui prédisent encore et toujours des dépassements de la croissance exponentielle de la population humaine et de l'économie mondiale par rapport aux ressources disponibles. Si on ne veut pas que le scénario des Cowboys Fringants dans la chanson « Plus rien » se réalise, il faudra trouver des moyens de juguler la croissance, ou d'y répondre, ou les deux...

Il se peut que les responsables de ces scénarios sous-estiment la rapidité du progrès technologique dans le cadre de la révolution des communications informatiques et des développements à venir de la nanotechnologie. (Un article de Jonathan D. Linton et Steven T. Walsh dans Technological Forecasting and Social Change en juin suggère d'ailleurs que la compréhension actuelle de l'innovation intègre imparfaitement les effets d'une nouvelle technologie capable de multiplier les capacités des technologies existantes. Personnellement, j'aime donner en exemple les nouveaux procédés de production de la fonte au XVIIIe siècle qui ont commencé par permettre aux architectes de reproduire en fer des ponts de charpente ou de lianes, mais en beaucoup plus grand, plus long et plus solide.) Mais ce serait dangereux d'y compter.

Un article de Lenore Newman et Ann Dale paru dans Futures en avril (« Limits to growth rates in an ethereal economy ») envisage la possibilité de contourner l'épuisement des ressources disponibles en virtualisant une partie de l'économie. Après tout, imaginons qu'une partie de plus en plus grande de l'économie se transporte dans Second Life, où l'achat de biens est presque entièrement dématérialisé. Acheter une nouvelle maison ou de nouveaux vêtements dans cet univers virtuel n'exige pas de matériaux qu'il faut cultiver, synthétiser ou extraire du sol; cela n'exige pas non plus de combustibles fossiles pour les déplacements et les transports; et cela n'a pas non plus d'impact sur l'écosystème... sauf dans la mesure où les membres de Second Life ont besoin de matériel électronique et d'électricité pour se brancher sur leur univers virtuel. Néanmoins, une économie virtualisée permettrait d'épargner de nombreuses ressources matérielles. Mais serait-ce suffisant pour éviter un effondrement?

Newman et Dale (qui sont canadiennes, d'ailleurs, comme Linton) ne tentent pas de calculer rigoureusement les effets d'une virtualisation de l'économie, mais elles expliquent pourquoi une croissance exponentielle d'une économie dématérialisée leur semble improbable. Elles admettent en revanche qu'une croissance ponctuée et irrégulière d'une telle économie ne serait pas impossible. L'argument est qualitatif, mais pas déraisonnable. Une croissance logistique (ce qui nous ramène à Marchetti, comme dans mon autre billet) et ponctuée serait globalement linéaire à long terme; pour que l'humanité s'en satisfasse, il faudrait qu'elle contrôle sa propre croissance exponentielle...

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2008-08-14

 

Statistiques du blogue

Je ne me fatigue pas à conserver des statistiques de visite de ce blogue. Je le fais en partie pour mes propres besoins. S'il y a d'autres internautes qui en profitent, tant mieux. Sinon, ils ne savent pas ce qu'ils manquent...

Mais j'ai finalement complété l'indexage (via les libellés) des quelque 900 billets rédigés depuis les débuts. Ce n'est pas un indexage systématique. Dans certains cas, j'ai commencé à employer un mot-clé à mi-chemin dans mon dépouillement, mais comme le but, c'est d'offrir aux visiteurs un nouveau moyen de trouver des billets apparentés à un billet qu'ils ont appréciés, les libellés les plus généraux suffiront à jouer ce rôle, j'espère.

Sous forme de figure, cela donne ce qui suit.Les chiffres pour certaines catégories sont en-dessous de la vérité. Par exemple, je n'ai pas indexé les billets des séries « Iconographie de la SFCF » ou « Teatro Universale » puisque chaque billet inclut une table des matières et puisque les billets sont faciles à retrouver au moyen du moteur de recherche standard. Sans surprise, la science-fiction occupe quand même la première place, suivie de peu par la catégorie « Livres », qui inclut tout ce qui est littéraire. La politique vient ensuite, dominée par les sujets québécois. L'histoire (familiale, littéraire ou autres) est en bonne place, ainsi que les voyages. Les films et les sciences sont presque à égalité. Le futurisme (qui est pourtant dans l'intitulé du blogue) n'apparaît qu'ensuite, précédant de peu les sujets économiques, les poèmes et les congrès. Quant aux réflexions appelées par l'adjectif « philosophique » dans le sous-titre du blogue, elles ne sont qu'en dix-septième place, juste avant la fantasy, les statistiques, les sujets universitaires et l'effet de serre comme thèmes de billets.

Il y a quelques dizaines de libellés supplémentaires, mais qui ne sont appliqués qu'à une poignée de billets, et parfois un seul. Pour l'instant...

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2008-08-13

 

Communiquer la science (1)

Une baladodiffusion du Gardian soulève le sujet des rapports tendus entre la science et les médias, du moins en Grande-Bretagne. C'est d'ailleurs un auteur britannique, C. P. Snow, qui avait formulé la thèse de l'existence de deux cultures dont l'une ignorait superbement l'autre... C'est peut-être parce que la science britannique est restée le fait d'amateurs jusqu'à la seconde moitié du dix-neuvième siècle — que l'on songe à Darwin ou à l'observateur des nébuleuses, William Parsons — que l'on se préoccupe plus rapidement en Grande-Bretagne qu'ailleurs des défaillances de la vulgarisation.

Le professeur Steve Miller (de l'University College à Londres) est un des auteurs d'une étude (.PDF) publiée par Science le 11 juillet sur les rapports entre scientifiques et journalistes. L'équipe responsable s'est concentrée sur un seul domaine, celui de l'épidémiologie et des cellules souches, mais elle a sondé de nombreux scientifiques (40% avaient eu des contacts antérieurs avec les médias) et dépouillé l'essentiel des publications pertinentes. Étonnamment, peut-être, plus de la moitié des scientifiques qui avaient eu des contacts avec les médias s'avouaient satisfaits.

Pour ce qui est des mauvais exemples de traitements de la science par les médias, Miller cite la controverse créée par le Daily Mail autour de certaines vaccins en Grande-Bretagne. En revanche, les médias britanniques auraient bien couvert l'observation des fluctuations du rayonnement fossile, à l'exception du Daily Express qui aurait fait remonter le Big Bang à seulement trois cent mille ans dans le passé...

Miller signale un autre cas de couverture médiatique déficiente qu'il a connu personnellement, en tant que chercheur : un grand reportage de la BBC sur la science des planètes avait surtout fait appel à des chercheurs et scientifiques des États-Unis, en ignorant presque complètement le milieu des chercheurs britanniques. Les savants britanniques avaient été obligés de se plaindre pour obtenir de la BBC la promesse d'accorder plus d'attention aux chercheurs de la Grande-Bretagne à l'avenir.

Dans le cadre de l'étude, les chercheurs dans le champ des cellules souches rapportaient des expériences médiatiques moins positives que celles des épidémiologistes. Les chiffres n'étaient pourtant pas si différents, ce qui suggère qu'un domaine aussi controversé que celui des cellules souches ne suscite pas nécessairement le sensationnalisme que l'on redoute parfois. Clairement, les paniques en santé publique laissent des traces...

Miller conclut en réfléchissant sur l'évolution des rapports entre les scientifiques et les médias. Il cite des personnages du milieu du siècle dernier, comme Oppenheimer, Hoyle et Bernal, qui se souciaient déjà de communiquer la science en Grande-Bretagne. Le respect acquis après la Seconde Guerre mondiale et les espoirs futuristes suscités par les progrès techniques étaient indéniables. De nos jours, cependant, l'ambivalence (ainsi qu'un certain désintérêt) a succédé à l'enthousiasme d'alors. Les gens se soucient moins des sciences que de leurs applications (en médecine, tout particulièrement) et l'optimisme béat a fait place au scepticisme. Les débats portent souvent sur des choix.

Si les scientifiques sont en faveur de communiquer avec les médias, c'est parce qu'ils pensent, ou espèrent, que si la science obtient plus de visibilité, elle jouira d'une meilleure image de marque. Ce qui n'est pas toujours vrai, comme le suggèrent certaines études. Mais Miller souligne que la formation des chercheurs ne les prépare pas, ou très mal, pour ce qui est de communiquer avec les médias...

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2008-08-12

 

Montréal brûle-t-il?

Je pourrais me croire revenu à Toronto...

Les lundi et mardi 4 et 5 mai 1992, les émeutes provoquées à Los Angeles par l'acquittement de policiers accusés d'avoir rossé un chauffard noir, Rodney King, avaient eu un prolongement à Toronto. La rue Yonge avait été saccagée et vandalisée, en partie par des jeunes sans emploi issus de minorités visibles, dans une région métropolitaine où des policiers (blancs) avaient tiré sur des jeunes (noirs) huit fois en quatre ans, tuant Wade Lawson en 1988... En avril 1992, les deux policiers impliqués dans la mort de Lawson avaient été acquittés. Deux autres victimes de ces tirs étaient mortes sans qu'un seul policier ait été condamné. Puis, dans la nuit du vendredi au samedi, un policier venait d'abattre un jeune Jamaïcain, Raymond Constantine Lawrence, prétextant avoir été menacé par un couteau.

Ces émeutes de mai 1992 (que j'ai déjà évoquées) devaient sans doute quelque chose au retour des gens dans la rue à la faveur du printemps et à la passivité des policiers, comme le 21 avril dernier à Montréal. Elles avaient en commun avec celles du 21 avril de se dérouler au centre-ville et non dans les quartiers d'origine des émeutiers, mais elles devaient beaucoup plus au contexte.

À Montréal comme en France après l'incident de Clichy-sous-Bois, l'hostilité va croissante depuis longtemps entre policiers et jeunes issus de minorités souffrant souvent de la pauvreté et de l'exclusion. Je n'ai qu'à citer ce que je disais en avril dernier : « c'est une dynamique mauvaise qui est enclenchée entre la police et des éléments de la jeunesse montréalaise. Comme toutes les dynamiques alimentées par des chocs en retour successifs, il est à chaque fois difficile d'assigner tous les torts d'un seul côté. Le délit de faciès est sans doute devenu une réalité dans certaines parties de l'île, mais le harcèlement policier passé ne justifie pas le vandalisme des biens collectifs — et celui-ci garantit une réaction musclée des policiers à la prochaine occasion. Réaction potentiellement mobilisatrice, évidemment... »

Bref, les émeutes de Montréal-Nord dans la nuit de dimanche à lundi étaient prévisibles et prévues. Quant aux remèdes...

Il faudrait sûrement moins de pétage de bretelles quant à l'ouverture du Québec aux autres... J'avais espéré en mars dernier que l'élection provinciale ébranlerait quelques certitudes, en particulier en ce qui concerne le racisme au Québec et la discrimination révélée par l'Enquête sur la diversité ethnique (.PDF) en 2003. Mais l'enterrement rapide du rapport Bouchard-Taylor trahit une société québécoise qui refuse majoritairement de se remettre en question et qui veut continuer à croire qu'être Canadien-français blanc et catholique, c'est être « Québécois » par définition. Tant que la majorité s'entêtera à le croire, elle sera en mesure de blâmer toutes les violences urbaines sur des marginaux qui ne méritent pas qu'on s'intéresse à eux.

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2008-08-11

 

Le cas McAllister

MYSTÉRIEUX AGISSEMENTS — RENCONTRES CLANDESTINES — SURPRENANTES RÉVÉLATIONS — UNE DEUCHE APPELÉE HORTENSE — UN CONTRAT AVEC L'ÉTRANGER ? — TOUTES LES INFOS EN EXCLUSIVITÉ SUR CE BLOGUE

Une enquête approfondie a mis au jour, en exclusivité pour ce blogue, les mystérieux agissements d'un personnage qui se fait appeler Laurent McAllister. Il est toutefois loin d'être démontré qu'il a droit à ce nom et que cette identité qu'il endosse ne cache pas quelque chose de beaucoup plus grave qu'une ascendance écossaise. En fin de semaine, une filature hardie jusqu'au cœur de la région de Lanaudière au nord de Montréal a permis de le retracer dans un chalet que nous ne localiserons pas, par égard pour les voisins, mais dont voici la photo. On notera la blancheur suspecte des façades, qui clament leur innocence de manière beaucoup trop insistante pour être honnête. La région de Lanaudière est bien connue pour ses plantations de cannabis et les liens de son monde interlope avec la mafia montréalaise. Que venait donc faire McAllister dans cette galère?

Des sources bien placées pour nous dire tout ce que nous voulons entendre ont révélé que des discussions animées auraient eu lieu durant cette fin de semaine. Une photo obtenue dans le cadre de l'enquête montre clairement deux chaises prêtes à accueillir les acteurs de cette rencontre clandestine. Si on peut se fier à une source anonyme proche de l'épicerie du village voisin, plusieurs caisses de bière Corona Extra auraient été livrées pour arroser les délibérations. Ceci ne fait que souligner l'importance des sujets abordés. Pour éclaircir le mystère, l'investigation a été obligée de remonter dans le passé du personnage connu, à tort ou à raisons, sous le nom de Laurent McAllister. Il est signalé pour la première fois à Ottawa en 1987, mais il est ensuite repéré dans de si nombreuses villes — dont Longueuil, Boston, Toronto, Vancouver, Edmonton, Clermont-Ferrand, Baltimore, Montréal et Saratoga Springs — qu'on a du mal à croire qu'une seule personne ait pu compléter tous ces déplacements. La source des revenus de McAllister est un mystère et on ne lui connaît aucune occupation suivie.

Toutefois, une voiture remarquée à proximité d'un lieu de résidence occasionnel de McAllister a mis l'enquête sur la piste d'une filière française. Cette Citroën 2 CV bleue appelée Hortense ne serait-elle pas le véhicule de prédilection des émissaires d'une organisation uniquement désignée par un nom de code improbable inspirée d'un roman d'Alexandre Dumas, Bragelonne? Cette trouvaille a orienté l'enquête dans une nouvelle direction et des sources bien informées dans le petit monde de la Main à Montréal ont confirmé que la casa Bragelonne de Paris aurait confié un gros contrat à Laurent McAllister. Comme par hasard, c'est donc dans un bar de la Main — plus communément appelée le boulevard Saint-Laurent... — que l'affaire a été conclue. Mais quelle affaire? Les uns parlent d'un opéra à conclure, ce qui pourrait renvoyer à mots couverts aux opérations les plus meurtrières de la mafia italienne, comme on le voit dans les films de Coppola. Les autres parlent d'un livre explosif, en gestation depuis près de vingt ans et qui fera date en 2009... Pour tout savoir, il faudra continuer à lire ce blogue, mais la photo ci-dessous surprend les deux complices du mystérieux McAllister en train de signer le contrat en question le 27 juin dernier...

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2008-08-09

 

Dans la maison de la science-fiction, il y a plusieurs demeures

Lire Mathematicians in Love de Rudy Rucker après avoir lu The Burning Girl de Holly Phillips, c'est changer complètement d'univers sans quitter celui de la science-fiction, ou même le thème des univers voisins. Et pourtant...

N'ayons pas peur de le dire : chacun de ces romans correspond à un extrême dans son genre. La prose de Phillips est allusive, poétique, recherchée, riche de couleurs et d'émotions... La prose de Rucker est efficace, bourrée d'explications et assaisonnée de plaisanteries parfois douteuses. Le cadre de Phillips est aux confins de la science-fiction et de la fantasy, sans qu'on puisse assigner son ouvrage à une catégorie précise : même si tout s'explique dans le contexte de la métaphysique du roman, l'écriture de Phillips entretient un flou qui suggère l'existence de zones d'ombres. Le roman de Rucker est de la science-fiction de bout en bout, pas toujours sérieuse, mais excluant vigoureusement l'ineffable. Le récit de Phillips débute in medias res et s'arrête plus qu'il ne conclut. Le récit de Rucker est relaté par le protagoniste, qui choisit le début de l'action et la mène jusqu'à son aboutissement. Bref, modernisme d'une part, classicisme de l'autre...

À chacun aussi sa façon de passer d'un univers parallèle à l'autre. Chez Phillips, il faut du sexe, beaucoup de sang et un bel étranger ténébreux — on patauge au plus profond des mystères de l'éternel féminin, quoi! Chez Rucker, ce sont des mathématiciens qui carburent aux algorithmes et aux théorèmes, des fanas de surf et de bière dont le petit côté sex, drugs and rock'n roll fait merveille pour brancher un univers sur l'autre, avec l'aide de quelques extraterrestres plus ou moins gluants. Les deux héros ne sont pas tout à fait des ingénieurs armés de règles à calcul comme dans la sf traditionnelle, mais on n'en est pas loin...

L'héroïne de Phillips tente de comprendre qui elle est et si elle aime ou non un ex-policier appelé Dan Bardo (nom mystique s'il en est). Les deux héros de Rucker essaient de comprendre ce qu'ils font et de se faire aimer de la volage Alma, quand ce n'est pas de l'excitante Cammy...

Bref, si les stéréotypes ont la vie dure, c'est parce qu'on imagine difficilement un homme écrivant le roman de Phillips et une femme signant celui de Rucker. C'en est presque caricatural, et je dois avouer que j'ai préféré le roman de Rucker qui enchaîne au pas de course les péripéties et les rebondissements, sans jamais négliger la lisibilité. C'est un peu frénétique, mais on ne s'ennuie pas. La narration de Phillips retarde les révélations et refuse d'énoncer clairement les enjeux de l'action, ou même de décrire ce qui se passe ou s'est passé : la brume ne se dissipe jamais entièrement.

J'avais eu le roman de Rucker en primeur, étant de passage dans les bureaux de Tor à New York en novembre 2006. Mais il a longuement traîné dans ma pile de livres à livre, et assez injustement. Le plaisir que j'en retire est sans doute magnifié par la déception qu'a constitué pour moi le roman de Phillips, dont j'avais pourtant beaucoup aimé le recueil. Dans un autre contexte, l'approche un peu primaire de Rucker aurait pu m'horripiler. Mais voilà la recette : lire Rucker après Phillips... À moins de tenter le contraire, pour voir, et de lire Phillips après Rucker!

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2008-08-08

 

Les banquises de l'Arctique

L'an dernier, j'avais signalé, non sans une certaine prescience, les ressources disponibles pour suivre l'évolution des glaces, glaciers, banquises et autres calottes glaciaires de la planète. Je parle de prescience puisque c'était en mai et que l'été 2007 allait s'avérer unique dans les annales du point de vue de la fonte de la banquise.

Qu'en est-il cette année? On a fait beaucoup de bruit au sujet d'un article britannique qui faisait dire à un scientifique qu'il y avait plus qu'une chance sur deux de trouver cette année le pôle Nord libre de toute trace de glace. C'était en juin. Depuis, je suis de temps en temps l'évolution de la situation grâce au site The Cryosphere Today de l'équipe de recherche sur le climat de l'Arctique à l'Université de l'Illinois. En juillet, la fonte de la banquise avait près d'un million de kilomètres carrés de retard sur la fonte en 2007. Plus récemment, le retard a été réduit à un demi-million de kilomètres, mais il reste probablement moins d'un mois de températures propices à une fonte des glaces...

Il semble donc que le minimum record de 2007 ne sera pas battu, mais si la tendance se maintient jusqu'en septembre, j'ai l'impression que le minimum pourrait être le second en importance de l'histoire récente. Pour juger du changement, on peut comparer l'état des mers polaires le 6 août 1980 et le 6 août de cette année dans la paire d'images ci-dessous :On remarque tout de suite que la mer de Beaufort est libre de glaces sur une vaste étendue cette année. La mer de Kara à l'est de la Nouvelle-Zemble est également beaucoup plus dégagée qu'en 1980. Il est plus difficile de comparer les zones où la concentration de glaces flottantes est maximale, car elles sont plus irrégulières, mais il semble évident qu'en 2008, on observe une discontinuité curieuse entre la région dominée par une banquise tout d'une pièce et les zones rouges où la concentration des glaces est de l'ordre de 60%. En 1980, il existait de vastes zones d'un beau violet pontifical, mais celles-ci ne forment plus qu'une mince frange autour des banquises principales. Si on compare maintenant la situation du 6 août 2008 à celle du 6 août 2007, on voit à l'œil nu que la fonte de cet été est moins prononcée que l'an dernier à la même date.Par exemple, la mer de Sibérie orientale était en 2007 à ce point dégagée et pleinement reliée à la mer de Beaufort qu'on ne savait plus où l'une finissait et l'autre commençait. C'est véritablement l'Océan Arctique qui apparaissait, se défaisant d'une gangue gelée vieille de centaines de milliers d'années. Cette année, toutefois, l'extrémité orientale de la mer de Beaufort est plus dégagée qu'en 2007; ceci compense en partie pour cela. L'état actuel des glaces flottantes de l'Arctique est illustrée dans la figure suivante.On notera que la superficie glacée atteinte cette semaine est d'ores et déjà inférieure aux minima de toutes les années avant 1991. Certes, les données fournies par les satellites ne remontent pas beaucoup plus loin, mais il faut bien se mettre en tête qu'il reste au moins trois semaines de fonte. Si le décalage actuel se maintient, on aura assisté à une autre fonte sans précédent (autre qu'en 2007). Les données accumuléees depuis 1953, grâce à la multiplication de la présence humaine dans l'Arctique, sont jugées relativement fiables, même avant l'apport des satellites. Un diagramme de l'évolution de la superficie estivale moyenne des glaces maritimes dans l'hémisphère nord montre une baisse lente mais continue... jusqu'à l'an dernier, lorsqu'on assiste à un déclin dramatique.Sommes-nous entrés depuis dans une période de transition, voire d'accélération? C'est ce que nous saurons en septembre 2009...

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2008-08-07

 

Vestiges d'hier et de demain

J'ai fini par lire au complet le livre d'Alan Weisman, The World Without Us. J'avais lu son article sur le sujet dans Discover il y a déjà plusieurs années. Ce printemps, Laurine Spehner en signait une critique détaillée sur Fractale Framboise.

Weisman a rattaché à son thème principal — à quoi ressemblerait le monde sans nous? — à un tour du monde des environnements menacés et des sanctuaires préservés par miracle, des urgences écologiques et des pires scénarios en cas de disparition brutale de l'humanité. L'ensemble est donc un peu décousu et tient un peu trop du récit de voyage par endroits... Néanmoins, Weisman révèle des endroits magiques — ce qui risque de leur attirer maintenant une affluence touristique dévastatrice... Et il souligne à juste titre avec quelle légèreté nous introduisons actuellement dans l'environnement des substances dont nous ignorons la longévité réelle, les modes de dégradation et les effets sur la biosphère.

Comme d'autres l'ont dit, c'est un livre absolument fascinant. En mode prof, j'ai regretté l'absence de notes (mais la bibliographie est copieuse) et je crois avoir relevé deux ou trois erreurs ou approximations dans les domaines que je connais — ce qui m'inspire toujours une certaine méfiance quand il traite de sujets que je connais moins... Mais j'en sais suffisamment pour dire qu'il n'y a pas d'erreur grossière et que Weisman a l'honnêteté de faire état des controverses et des débats dans certains domaines. (Depuis la publication du livre, il y a déjà eu une nouvelle théorie expliquant par la faute d'un impact cométaire la disparition, il y a onze mille ans, de plusieurs espèces animales nord-américaines — je me demande si le refroidissement aurait surtout eu pour effet de stimuler la chasse des plus grosses proies par les survivants humains?)

À la base, l'ouvrage est une uchronie et je crois que c'est pour cette raison qu'il fascine. Weisman nous décrit une réalité à portée de main, mais qu'il nous serait impossible de connaître en personne à moins d'être le dernier humain sur Terre. En même temps, les ruines fascinent aussi depuis longtemps. Alexandre le Grand aurait visité les ruines de Troie pour se recueillir devant le tombeau d'Achille et Napoléon avait admiré les pyramides. Les ruines de Pompéi ont passionné les hommes et femmes du dix-neuvième siècle, tout comme les ruines des Mayas ont retenu l'attention au siècle dernier... Et que de ruines Weisman ne laisse-t-il pas entrevoir? Des plus grandioses, comme à New York, aux plus humbles, comme les dépotoirs remplis d'objets dont certains plastiques mettront des millénaires à se détériorer...

L'ouvrage de Weisman m'a rappelé à mon propre goût pour les ruines, sans doute développé à Nigelle, mais confirmé à Pompéi et Herculanum, ces sites qui permettent mieux qu'ailleurs de se faire une idée de la vie des Romains. Par contre, j'ai aussi eu la chance de visiter, seul dans la nature, les ruines d'un village médiéval reconquis par la végétation. Il s'agissait des ruines de Puybresson (ou Pibresson), entre Tourrettes et Callian en Provence, que j'ai connues sous le nom de ruines de Velnasque... Les photos disponibles en-ligne donnent une certaine idée du site au milieu des bois, qui se dresse sur une butte dominant une étroite plaine à ses pieds, assez loin du littoral méditerranéen.

Ce village fortifié autour de son château semble avoir disparu entre 1315-1316 et 1352-1353. Il est vrai qu'entre ces dates, il y avait eu la grande peste de 1347-1350... Tout au plus pouvait-il rester une famille ou deux sur les lieux quand on déclarait alors un village inhabité, mais il leur aurait fallu de puissantes raisons pour ne pas laisser l'isolement les pousser à rejoindre un des villages voisins. Quand j'ai visité ces ruines à la fin des années quatre-vingt, cela faisait donc six siècles qu'il était abandonné. Comme on peut le voir sur les photos, Puybresson a de beaux restes encore aujourd'hui.

Weisman souligne toutefois que nos constructions modernes sont plus fragiles que la maçonnerie d'antan. Dans six siècles, si Montréal retournait à l'état de nature demain, de vastes quartiers réduits à des monceaux de briques ou de moellons empilés dans les restes de sous-sols disparaîtraient rapidement sous les arbres. Mais plusieurs de nos basiliques et cathédrales survivraient assez longtemps, même à l'état de ruines...

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2008-08-06

 

Europe 1990 (3)

En 1990, j'ai visité Venise parce que c'était une ville incontournable, mais j'ignorais presque tout de la place qu'elle occupe dans la culture occidentale, et tout spécialement la littérature. Ai-je ensuite lu avec une attention particulière les ouvrages qui se passaient à Venise? Sans doute que oui, et c'était sans doute l'utilité du Grand Tour européen que d'établir un lien concret entre les décors des grands textes et le vécu du lecteur. Ainsi, c'est après mon propre passage à Venise que j'ai lu Proust et Mann...

Death in Venice

J'ai lu la traduction anglaise de Thomas Mann par H. T. Lowe-Porter à Toronto, quelques années plus tard. Puis, j'ai lu « Maure à Venise » de Daniel Sernine, qui faisait se rencontrer, dans un tourbillon d'allusions et d'évocations, tant un Maure à Venise renvoyant à Shakespeare, l'acteur qui jouait le Tadzio de Mann dans le film de Visconti en 1971 et des personnages plus récents, hantés par le spectre du SIDA. Cette année, j'ai finalement vu le célèbre film de Visconti, qui se montre d'une rare fidélité au roman de Mann.

Avec Dirk Bogarde et Bjorn Andresen, le film ressuscite une Europe que Visconti est presque assez vieux pour se rappeler, celle de la première mondialisation d'avant la chute du Rideau de Fer. Après tout, Mann et Visconti nous montrent un Autrichien à Venise, côtoyant une famille venue de l'Europe de l'Est dans le cadre d'un palace opéré à la française et fréquentant une agence de voyage britannique. D'ailleurs, la famille (polonaise) de Tadzio semble avoir une gouvernante qui parle français...

Un des seuls changements apportés par Visconti au récit de Mann fait de Gustav Aschenbach un musicien, et non un écrivain. Comme l'artiste du roman est inspiré par Gustav Mahler et que Visconti emploie en connaissance de cause la musique de Mahler dans le film, cela se défend. Et comme le nom de Mahler renvoie au métier de peintre, Aschenbach réunit en un seul personnage trois grandes traditions artistiques, c'est-à-dire celle du plasticien (peintre ou sculpteur), celle du musicien et celle du poète. Comme symbole de l'Art, Aschenbach est d'autant plus emblématique de la recherche du Beau (incarné par Tadzio) qui lui fera prendre conscience de la laideur du monde, le dilemme ne pouvant se résoudre que dans la mort...

Un touriste à Venise

Le 6 août 1990, j'étais moi-même un touriste à Venise, pour quelques heures entre l'arrivée du train à l'aube et le retour à la gare pour essayer d'aller coucher à Vérone. Cette arrivée matinale m'avait offert le spectacle magique d'une traversée de la lagune couverte de brumes que le soleil allait dissiper. (Rien de commun avec l'arrivée en vaporetto que filme Visconti, touchant terre au Lido après une traversée en plein soleil.) Et j'avais vu Venise émerger de cette gangue de brouillard...

Ce n'était pas le bon bout de Venise, évidemment. Une fois débarqué du train, il me resterait à traverser toute la ville à pied pour atteindre la piazza San Marco. Mais s'il manquait églises et palazzi aux abords de la gare, je suis tombé sous le charme de Venise en marchant dans ses rues, en assistant au lent réveil de la ville, en découvrant au détour d'une ruelle une façade sculptée datant de la Renaissance ou un canalicule servant de stationnement à une vedette. Ce qui, dans une autre ville, aurait mérité une mention dans tous les guides de voyage n'était à Venise qu'un détail parmi d'autres. Plus je m'approchais de la place Saint-Marc, plus je croisais des édifices dignes de figurer dans une peinture — et dont certains avaient sans doute servi de modèle à plus d'un peintre, comme Canaletto. Et, une fois devant Saint-Marc, je ne savais plus où regarder. Église, palais, tour, arcade, façades...
J'ai visité le palais des Doges, bien sûr. J'ai vu le pont des Soupirs, bien sû. J'ai visité la basilique Saint-Marc, bien sûr. Après avoir trouvé un coin discret où enfiler un pantalon par-dessus mes shorts puisqu'à l'époque, on ne laissait pas entrer dans les lieux de culte les touristes trop peu habillés et que des gardiens étaient postés à l'extérieur pour s'assurer de la correction de la tenue. Une fois à l'intérieur, j'ai retiré le pantalon sous le regard des chevaux de Saint-Marc, afin qu'en sortant de l'église, mes genoux dénudés fassent la nique aux gardiens de la décence italienne... Heureusement, les chevaux en avaient vu d'autres. Il me restait à admirer la Pala d'Oro et à visiter le Musée Correr, dont je retiendrais la statue de Marco Polo représenté sous les traits d'une idole chinoise. Mon temps s'écoulait, de plus en plus vite.Je suis aussi monté dans le campanile en face du palais des Doges et j'ai pris quelques photos soulignant la nature essentiellement maritime de la ville. Ainsi, cette photo de la pointe de la Douane montre un édifice du dix-septième siècle surmonté d'une tour coiffée de la Palla d'Oro qu'il ne faut pas confondre avec l'autre...Quant à la photo ci-dessous de l'île de San Giorgio Maggiore, elle est un peu trompeuse, car on pourrait croire qu'elle se dresse toute seule au milieu de la lagune, mais elle n'est séparée de la Giudecca que par un étroit chenal.Et puis, je suis revenu à la gare. Le train pour Vérone s'est vite rempli, mais j'ai débarqué à Vérone en croyant pouvoir trouver un lit à l'auberge de jeunesse, voire dans un petit hôtel s'il le fallait. Mais j'ignorais qu'un grand festival débutait le soir même. Les hôtels étaient pleins et j'ai fini par reprendre le train pour Vienne, résigné à passer ce qui serait la troisième nuit d'affilée dans un moyen de transport. Car j'avais passé la nuit sur le plancher du traversier de la Grèce à l'Italie, puis une nuit en train de Bari à Venise, en compagnie de deux voyageurs écossais avec qui j'avais parlé de notre passion commune pour Iain Banks.

Jamais deux sans trois, donc... sauf que ce serait la pire de toutes. Le train pour Vienne était bondé. Je ne sais plus comment, mais j'ai réussi à me faufiler dans un compartiment de première classe pour m'emparer d'une place assise avant que le train se remplisse encore plus à l'arrêt suivant, où monteraient les voyageurs en provenance de Venise. J'étais prêt à payer le supplément pour la première classe, mais soit le contrôleur ne s'est jamais pointé soit il n'a pas réclamé... J'ai donc eu la chance de passer la nuit assis dans un compartiment avec cinq autres personnes pendant que des voyageurs passaient la nuit debout dans le couloir. Je crois me souvenir que les douaniers autrichiens nous ont fait la bonne surprise de nous réveiller en pleine nuit pour voir nos passeports — c'était avant les accords de Schengen... Et j'ai noté dans mon journal de bord qu'il pleuvait quand la lumière du jour nous a révélé les paysages verdoyants de l'Autriche. Depuis le 25 juillet, je n'avais connu que des pays ensoleillés.

Ainsi, j'étais crevé quand j'ai débarqué à Vienne pour la première fois. Tenter de trouver une chambre par téléphone, puis traverser la ville jusqu'aux bureaux d'Ökista, puis repartir occuper la chambre en pension que ces bonnes gens m'avaient trouvée sur la Skodagasse... Tout cela m'a achevé et la journée du 7, je l'ai terminée dans mon lit, sans avoir vu Vienne autrement qu'en cherchant un logement. Mais, au moins, j'étais enfin couché dans un lit!

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2008-08-05

 

De nouveau à pied

Quand je suis à Montréal, je n'ai l'usage d'une voiture que deux ou trois semaines par année, et parfois moins. Pourtant, cela me suffit pour faire les quelques courses qui, chaque année, sont plus faciles à compléter sur quatre roues. En fin de semaine, j'étais motorisé, mais je suis de nouveau un piéton à Montréal. En descendant de Rosemont au centre-ville à pied, histoire de profiter du temps sec, j'ai pris hier quelques photos au passage. Tout d'abord, cette photo ci-contre d'un dépanneur typique dont la façade arbore toujours l'ancien écusson à la gloire de Coca-Cola. L'entrée défendue par une sorte de sas est également typique. Ai-je raison de croire que cette antichambre a surtout pour but de retenir plus facilement la fraîcheur à l'intérieur, l'hiver? Et la chaleur, l'été? Après tout, on voit bien sur la photo le boîtier grillagé d'un climatiseur au-dessus de la porte... De moins en moins répandue de nos jours, mais non moins utile, la cabine téléphonique qui flanque l'entrée témoigne sans doute de l'existence d'une clientèle qui se promène encore sans téléphone portable. La photo nous montre aussi des affiches faisant la réclame de bière (Molson ou Boréale) dans la vitrine. Et cette photo illustre aussi l'insertion du dépanneur dans un petit édifice résidentiel. Est-ce le propriétaire qui loge à l'étage dans cet appartement avec balcon? Pas sûr... Mais ce genre de dépanneur n'a plus autant la cote dans les banlieues de Montréal où les dépanneurs louent désormais un espace dans de petits centres commerciaux que l'on peut visiter en voiture...

C'est peut-être révélateur, mais je suis tombé quelques rues plus loin sur un vaste lot abandonné qui appartenait autrefois à un concessionnaire... automobile! Il faut croire qu'on ne fait plus fortune dans les quartiers centraux de Montréal en vendant des voitures. C'est presque une bonne nouvelle. Néanmoins, cela fait tache dans un quartier plutôt propret et bien entretenu, malgré la modestie du tissu immobilier. On s'attendrait plutôt à tomber sur ce genre de propriété abandonnée dans une friche industrielle quelconque... Au centre de l'ancien terrain de stationnement, il y avait un petit pavillon aux fenêtres fracassées, de l'herbe folle poussant au pied des murs, la peinture de son toit bleu s'écaillant... Ce n'est pas l'envie qui m'a manqué d'aller prendre une photo de l'intérieur, mais j'ai trouvé que l'asphalte craquelée et jonchée de déchets soulignait mieux l'abandon du petit édifice.

Heureusement, il y avait plus rose que ça dans les rues de Montréal. Par exemple, cette fourgonnette de l'entreprise Rose Nanane, qui m'a rappelé que le milieu de la SFCF avait eu autrefois un fanzine appelé Rose Nanane, produit par un collectif féminin basé chez JPN et Ann(e) M.Et dans le genre plus cute à mort que psychédélique, il y avait cette maisonnette de la rue Lartigue, à deux pas de l'UQÀM, dans le Village, me semble-t-il. Fort bien retapée, et gardée par un vieux grognard...

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