2008-06-06

 

Pour des universités bilingues?

Dans son livre Sorry, I don't speak French paru avant qu'il devienne commissaire aux Langues officielles, Graham Fraser notait que les universités canadiennes n'exigent presque plus une connaissance des deux langues officielles, à l'entrée ou à la sortie. Selon cet article, il serait même allé jusqu'à proposer de lier le financement des universités à leur bilinguisme : « Avant qu’il ne fasse fonction de commissaire, un article avait rapporté ses propos selon lesquels le financement universitaire fédéral devrait tenir compte du bilinguisme des diplômés, propos qu’il a par la suite rectifiés dans une lettre au rédacteur en chef du journal, précisant qu’il ne croyait pas que le financement devrait être lié au bilinguisme des étudiants, mais bien que des mesures incitatives devraient être prévues afin de donner aux étudiants l’occasion de faire des études universitaires dans l’autre langue officielle. »

C'est dommage qu'il ait reculé. La préservation de la dualité linguistique du Canada demeure précaire. Si Stéphane Dion voulait montrer qu'il a des couilles, il pourrait reprendre l'idée à son compte. Le financement fédéral des universités pourrait être lié à une exigence de connaissance du français des diplômés.

Attention! je ne dis pas une exigence de bilinguisme. Ce serait effectivement utopique d'exiger que tous les étudiants, au terme d'un programme universitaire, puisse lire, parler et écrire les deux langues. Cependant, il me semble que ce ne serait pas trop tuant d'apprendre suffisamment de français (ou d'anglais) pour lire et comprendre un article de journal dans l'autre langue. Exiger que tous les diplômés universitaires (à l'exception peut-être des étudiants autochtones et étrangers) en soient capables ne ferait que rehausser la valeur d'un diplôme universitaire (que l'application élargie du terme « université » à des institutions moins ambitieuses ne fait que galvauder). Au Canada, on ne devrait pas pouvoir se prétendre éduqué (au sens universitaire du terme) sans connaître minimalement l'autre langue officielle.

Une telle exigence provoquerait sans doute un tollé au Québec comme dans le reste du Canada. Mais les étudiants universitaires québécois doivent déjà acquérir une connaissance pratique de l'anglais dans de nombreux domaines (en particulier les domaines scientifiques). Ce ne serait donc pas trop contraignant pour eux. Du côté anglophone, il faudrait rappeler que cette exigence assez peu onéreuse ne ferait que tester une connaissance du français supposée acquise dès l'école primaire ou intermédiaire dans plusieurs provinces. (Là où des écoles auraient cessé d'enseigner le français, cette exigence les forcerait à revenir en arrière.) Ce serait l'occasion pour Stéphane Dion de se tenir debout — au besoin, en se donnant en exemple de quelqu'un qui souffre de ne pas avoir appris l'autre langue officielle quand il aurait pu le faire.

Certes, cette mesure exonérerait les trois quarts de la population qui ne passent pas par l'université, mais ce serait un argument en sa faveur d'un point de vue politique, puisqu'on ne rallumerait pas la hantise de ceux qui croient encore que le bilinguisme officiel a pour but de forcer tout le monde à parler deux langues. Et elle semblera insupportablement modeste aux tenants du bilinguisme fonctionnel, mais ma fréquentation des anglophones du Canada m'incite à penser que cette exigence représenterait au minimum une remise à niveau des acquis, voire un nouvel acquis, pour une fraction de la population universitaire du pays.

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