2007-11-30

 

Le retour d'IXE-13

Jean Layette, grand collectionneur de pulps québécois devant l'Éternel, nous signale le retour d'IXE-13, dont j'ai déjà eu l'occasion de parler pour ses aventures science-fictives en 1960. Sur son blogue, Layette proposera la reproduction progressive des aventures de l'agent secret canadien-français sous forme téléchargeable.

Ce blogue vient s'ajouter au site initial de Layette qui portait sur la littérature québécoise en fascicules, sans exclusive, mais il avait également créé un site entièrement consacré à Jean Thibault, alias IXE-13, le héros créé par Pierre Daigneault.

Parmi les autres ressources disponibles, on peut citer un site généraliste de la Bibliothèque nationale sur les fascicules au Canada. Le film de Jacques Godbout en 1972, IXE-13, a également droit à quelques pages, même s'il est une illustration malheureuse de l'incapacité québécoise à adopter sérieusement les genres populaires. Trop souvent, on verse dans la parodie humoristique, comme dans le cas de la série Dans une galaxie près de chez vous...

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2007-11-29

 

Procrastination 2.0

D'abord, vérifier que « procrastination » est un mot bien français... Je me souvenais vaguement l'avoir trouvé dans Proust et, comme de juste, il est également dans la huitième édition du Dictionnaire de l'Académie française, en page 415 du second volume. En revanche, « procrastiner » s'attirait déjà les foudres des puristes au dix-huitième siècle.

Ainsi rassuré, je lance une nouvelle chronique sur les pertes de temps. Dans le cadre d'un blogue? N'est-ce pas redondant? (Ou rédondant, comme on disait au temps jadis... histoire de montrer que je peux signer des incises qui sont des pertes de temps.) Sans doute, mais si le partage est à la base de l'économie internétique, le partage des moyens de perdre son temps est absolument impératif en-ligne.

Par conséquent, je commence par signaler un blogue pour profs universitaires, Rate Your Students. Il est d'une lecture insupportable, déprimante et malgré tout rassurante. La plupart des blogueurs semblent être de jeunes profs déprimés par la découverte que la plupart des étudiants sont des nullités qui se retrouvent dans les salles de classe parce que (i) ils sont obligés de passer un cours pour obtenir le diplôme qu'ils désirent, ou (ii) ils ne savent pas quoi faire de leur vie et que les études les dispensent d'avoir à choisir. Ce qui a pour corollaire inévitable des étudiants qui s'ennuient, qui ne sont pas plus motivés qu'il le faut et qui commettent, par conséquent, une multitude de solécismes et de fautes d'inattention... On peut le déplorer, mais ces jeunes profs me rappellent certains de mes assistants : des sujets brillants, absorbés par leur sujet de prédilection qui coïncide avec leur cursus universitaire (heureusement pour eux) et tout à fait incapables de comprendre des étudiants qui semblent se foutre de tout. Du coup, leur égoïsme leur faisait prendre personnellement ce qui n'était en fait que la conséquence de l'égoïsme propre aux étudiants.

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2007-11-27

 

Abonnement aux affrontements

Depuis 1976, Jihad est un prénom en France, mais pas très répandu. C'est ce qui explique sans doute ce café dont j'avais photographié la devanture en mai dernier à Nice.Il faut bien sûr comprendre ce nom dans le sens d'« effort personnel », d'effort sur soi-même, de « lutte intérieure », et non dans le sens de « guerre sainte ». Aucun rapport donc avec les affrontements qui font rage actuellement dans le Val d'Oise. Et pourtant, la ville de Nice a aussi eu ses voitures incendiées, que ce soit lors des violences de 2005 ou plus récemment. En visite à Nice en mai dernier, aboutissant dans l'ouest de la ville et remontant une avenue dans un quartier populaire, j'avais trouvé des voitures calcinées, garées parmi les autres, comme la camionnette ci-contre. Avait-elle été victime d'un simple pépin mécanique? D'une surchauffe et d'un embrasement du moteur? L'étendue de l'incendie, qui s'était communiqué à l'ensemble du véhicule, laisse croire à une autre cause. Un cocktail qu'on ne sert pas dans la plupart des bistrots? Mais j'avoue que je ne suis pas spécialiste.

Une autre voiture échouée au bord du trottoir dans le même quartier avait également l'air d'appartenir à une autre ville et un autre monde. Bagdad, disons... Évidemment, un simple passant comme moi n'a aucun moyen de savoir depuis combien de temps ces carcasses traînent dans la rue... Mais si je n'ai pas sorti ces photos plus tôt, c'est que je savais qu'elles resserviraient tôt ou tard. La France est encore loin d'avoir résolu ses problèmes. La « rupture » est-elle la réponse requise à la « fracture » ? Le schisme qui s'est instauré entre la France et une frange de la population est déjà ancien; il n'affecte que rarement la majorité qui vit dans le confort, mais il peut prendre pour cible, comme on le voit à Villiers-le-Bel, les représentants de cette majorité. Toute solution purement policière ne saurait être que temporaire, mais je ne sens pas encore en France la détermination qu'il faudrait pour commencer à abolir ce schisme, même si Sarkozy avait donné quelques signaux encourageants en parlant à la fois de l'intégration nécessaire et du respect du droit, l'un n'allant pas sans l'autre. Qui respectera la loi d'une société qui ne l'intègre pas? Mais quelle société peut intégrer ceux qui ne respectent pas sa loi?

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2007-11-26

 

Honte canadienne

Stephen Harper devrait avoir honte. Le reste du Canada, trop content de se faire raconter n'importe quoi pour continuer à conduire en paix, devrait également avoir honte de gober des fadaises. On peut discuter des mérites et des défauts du protocole de Kyoto; on peut même légitimement soutenir que le Canada a assumé un défi particulièrement difficile en adhérant à l'accord. Atteindre les objectifs de Kyoto auraient exigé des efforts considérables.

En revanche, il est impossible de soutenir que le Canada ait consenti quelque effort que ce soit pour les atteindre. Prenons le prix de l'essence, qui occasionne de telles jérémiades de la part des conducteurs québécois, et regardons les chiffres en face. L'Agence internationale de l'énergie a publié récemment un sommaire (.PDF) des statistiques énergétiques mondiales, qui inclut des prix de vente au détail de l'essence sans plomb pour plusieurs pays industrialisés, en dollars US au litre. Un petit diagramme rapide illustre bien où se situait le Canada, début 2007. J'ai inclus tous les pays où l'essence se vend à moins d'un dollar le litre, et quelques pays européens en prime. Admettons que le Canada est le pays de l'ALÉNA où l'essence se vend le plus cher. Cela dit, le Canada est loin de vendre l'essence aussi cher que dans des pays qui émettent (quel hasard!) nettement moins de gaz carbonique par personne. Un pays producteur de pétrole comme la Norvège vend même l'essence deux fois plus cher que le Canada...

Si le Canada désirait sérieusement encourager un style de vie moins énergivore, il pourrait commencer par augmenter le prix de vente de l'essence, quitte à offrir de meilleurs services de transport en commun ou à financer une ligne de train à grande vitesse avec l'argent recueilli. Ce n'est qu'une idée parmi d'autres. Ce qui est clair, c'est qu'elle n'a jamais été envisagée sérieusement par la population, sinon Harper et ses ministres crouleraient sous le ridicule de leurs dénégations.

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2007-11-25

 

Du rêve à l'imagination

La rêverie était autrefois puissante. Les chasseurs du néolithique ou du paéolithique vivaient dans un monde d'une complexité que nous avons oubliée — leurs sages connaissaient et reconnaissaient des centaines de plantes et d'animaux, une performance qui ne serait plus à la portée de la plupart des citadins actuels — et d'une simplicité circonscrite par les besoins fondamentaux. Chasse, pêche, cueillette, jardinage... Si l'une de ces ressources venait à manquer, la tribu mourrait de faim avant la fin de l'hiver.

Les actions à la portée d'un individu restaient peu nombreuses, leur variété bornée par les combinaisons possibles de l'arsenal technique. Les gestes significatifs étaient encore moins nombreux. S'unir à une compagne ou un compagnon. Abattre l'animal dont la peau ou la chair garantirait la survie. Voir naître un enfant. Prévoir sa mort...

Dans un pays giboyeux, rêver qu'on va tuer un castor, puis le faire, n'a rien de miraculeux si le chasseur a justement choisi ses stratégies de chasse en fonction du rêve. Et comme le rêve ne fixe pas d'échéance, sa réalisation peut attendre un jour ou trois sans nuire à sa valeur. En moyenne, donc, le rêve se réalisera et si les rêves deviennent des réalités plus souvent qu'autrement, il n'existera plus aucune raison objective de distinguer le rêve de la réalité. C'était en partie cela le dreamtime des aborigènes australiens.

L'imagination moderne entretient un rapport plus compliqué avec la réalité. Le rêve doit incorporer une part de travail pour se rapprocher de la réalité. Le monde moderne construit et produit par le travail a éloigné le désir habitant la rêverie de sa réalisation et obligé le travail à infiltrer même le songe. Il ne suffit plus de sortir de chez soi et de se mettre en route. Il faudra planifier, organiser et mobiliser avant d'exécuter, et il sera beaucoup plus probable qu'un obstacle quelconque surgisse pour nous priver de nos désirs. (C'est pourquoi la société de consommation nous offre de réaliser des désirs beaucoup plus simples, dont nous ne rêverions jamais, mais qu'une réclame habile peut nous mettre en tête.) Dans cette optique, les auteurs de science-fiction sont des rêveurs modernes : ils rêvent non seulement d'une réalisation à faire, mais des moyens à mettre en œuvre pour la réaliser...

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2007-11-24

 

Le Sasquatch

Quand l'avion de Steve Fossett a disparu il y a quelques mois, des efforts considérables ont été mobilisés pour le retrouver. Entre autres, de nombreux volontaires en réseau ont examiné des photos prises de haut (par des avions ou des satellites) pour tenter d'identifier l'épave. L'effort était plus ou moins organisé, mais il n'a pas abouti. L'étendue du territoire a eu raison des ressources qui pouvaient être consacrés à cette investigation.

Néanmoins, un tel cas peut conforter ceux qui désirent croire que l'inconnu existe encore et qu'il reste des choses ou des êtres à découvrir... Dans le dernier Scientific American, il est question du Sasquatch dans le contexte d'une entrevue avec Jeffrey Meldrum. (Une version du célèbre film de 1967 est disponible ici.) Sur le site, on a retranscrit un entretien avec Dave Coltman, un généticien canadien qui a analysé l'ADN d'un échantillon qui appartiendrait à cet animal mythique — et qui a déterminé que les poils en question appartenaient à un bison... Ou, qui sait, à un manteau ou costume en fourrure de bison, si on postule un effort délibéré d'abuser certains des investigateurs.

Le sujet de cet « homme sauvage » fascine toujours les cryptozoologues. Il est tentant d'y voir en fait une incarnation moderne de l'homme sauvage qui était censé hanter les forêts de l'Europe médiévale. Mais s'il reste une partie du monde où une telle créature pourrait survivre dans l'ignorance, c'est bien dans les forêts de l'Ouest de l'Amérique du Nord. Peu fréquentées et défendues par un relief accidenté, elles n'ont été parcourues par les trappeurs et visiteurs d'origine européenne que depuis deux siècles à peine.

Certes, on se dit qu'il semble improbable qu'en cette ère d'appareils photographiques et de caméras électroniques de plus en plus portables, il n'y ait pas eu un autre témoignage convainquant ces dernières années. Mais il faudrait savoir s'il y a plus ou moins de personnes à s'écarter aujourd'hui des sentiers battus qu'il y a cinquante ans... Ce n'est pas si sûr.

Resterait la solution magique. Dans certaines légendes amérindiennes, un bison peut apparaître sous des traits humains. Le Sasquatch serait alors un bison qui apparaît parfois sous des traits humanoïdes, ce qui expliquerait tout à la fois pourquoi on le voit parfois mais on ne met jamais la main dessus!

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Soirée littéraire

L'hiver rend visite à Montréal pour quelques jours, mais le passage de Sandra Kasturi et Brett Savory aura été encore plus rapide. Ils étaient en ville pour lancer leurs nouveaux livres à la librairie Paragraphe aux portes de l'Université McGill. Sandra lançait son premier recueil de poèmes par un éditeur professionnel, The Animal Bridegroom, préfacé par Neil Gaiman, rien de moins. (Mais elle nous racontait hier soir que Ray Bradbury, qui a lu quelques-uns de ses poèmes, avait été entrepris mais a décliné par téléphone.) Son mari signe In and Down chez l'éditeur ontarien Brindle and Glass.

Sandra a lu quelques-uns de ses poèmes, mais Brett a évité de lire, préférant raconter un souvenir d'enfance (horrible mais désopilant) à l'origine d'une scène du livre. Et le Grand Chloré a lu une partie de sa nouvelle dans l'antho Tesseracts Eleven, qui vient de sortir. Ce fut l'occasion de revoir des visages familiers, de prendre un verre de vin ou deux en bavardant jusqu'à la fermeture de la librairie, puis de conclure la soirée dans un recoin d'un pub irlandais de Crescent.

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2007-11-22

 

Toujours plus blanc

C'était un peu paradoxal de parler de réchauffement du climat ce matin, alors que la neige s'abattait sur Ottawa. En quelques jours, les saisons ont basculé. Après un petit saupoudrage à Montréal, c'est une véritable chute de neige qui s'abat sur Ottawa, qui complique les déplacements et sème la pagaille dans les rues. Le pavillon Tabaret, ci-dessus, domine une étendue neigeuse un peu exagérée par la caméra, mais pas tant que ça. Et les voitures garées dans la rue (ci-dessous) ont reçu en quelques heures assez de neige pour avoir l'air de véhicules oubliés depuis des jours... Heureusement, j'ai pu regagner Montréal sans encombres, même si l'autobus a pris une bonne demi-heure de plus qu'à l'habitude.

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2007-11-21

 

La Fondation Aubin

Aimé-Nicolas (dit Napoléon) Aubin est un personnage dont j'ai déjà parlé ici en rapport avec l'iconographie ou la connaissance de la science-fiction canadienne d'expression française. Esprit libre, inventeur, professeur, libéral et démocrate dans les meilleurs sens du terme, Aubin a milité pour les meilleures causes. Et il a écrit nos premiers textes de science-fiction.

En plus, j'apprends l'existence de la Fondation Aubin, placée sous son égide par Stanley et Mildred Ryerson. Créée en 1970, elle a héritée de la bibliothèque personnelle de Stanley Bréhaut Ryerson, un des rares intellectuels et érudits communistes de l'histoire canadienne. Profondément enraciné au Québec, il croyait à l'avenir du Québec francophone, qui lui a donné un poste à l'UQAM après la Révolution tranquille.

La collection Ryerson est maintenant hébergée à la Bibliothèque Atwater, qui a déjà accueilli des lectures d'auteurs de science-fiction et de fantastique. Maintenant que le congrès Boréal se prépare à une édition sur la science-fiction citoyenne, il faudra voir s'il sera possible d'établir des liens avec la Fondation Aubin, qui inclut au nombre de ses thématiques les sciences, les technologies et les transformations sociales...

 

Premières neiges

Oublions l'été — il a neigé aujourd'hui
En ce matin sans soleil, une blancheur morbide
comme un lit sans sommeil éclaire un ciel vide
Des morts, le monde a pris la pâleur cette nuit

Oublions l'été — il a neigé aujourd'hui
Mais il pleut maintenant sur le pavé humide;
il n'est pas encore le temps du déicide
et de la mort de l'an, quand plus rien ne luit

Avant la renaissance de la lumière,
La neige enserre la nature tel un suaire
Après, elle offre à l'an nouveau les plus beaux langes

Ce matin, les flocons signent une épitaphe
sur quelques feuilles toujours vertes, qui échangent
l'espoir d'un sursis pour l'éclat des cénotaphes

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2007-11-19

 

Notre futur génétique

Un site de veille technologique, plus ou moins dilettante, signale le site 23andme. Celui-ci promet (comme d'autres, il me semble) d'analyser votre code génétique et de lui faire avouer toutes sortes de secrets. Est-ce une autre étape sur le chemin qui mène à Gattaca ou Brave New World, comme le suggèrent des commentaires? Il ne s'agit pas encore de manipuler les gènes, mais la sélection des individus sur la base du code génétique n'est pas nouvelle. Le racisme repose sur l'assimilation de la personne à son phénotype. Et de nombreuses études ont démontré que, très souvent, on juge les personnes sur la base de leur apparence sans en être conscient, ce qui revient quand même à juger sur la base d'une partie du génome.

Pour l'instant, l'analyse du code génétique prétend surtout mettre en lumière les futures maladies génétiques ou facteurs de risque susceptibles de déterminer le décès.

Dans le numéro de décembre de Discover, une entrevue avec Elizabeth Blackburn, la co-découvreuse de la télomérase, permettait à la scientifique de signaler une étude sur l'influence des gènes sur la longévité. Sans l'identifier, elle faisait référence à un article de Natalia S. Gavrilova et cie, «Evolution, mutations, and human longevity: European royal and noble families », paru dans Human Biology en 1998 et que l'on peut acheter sur Amazon. En analysant les données généalogiques de plusieurs milliers de membres de familles royales et nobles en Europe, l'étude avait révélé qu'après l'âge de 60 ans environ, une corrélation assez forte apparaissait entre l'âge des parents et des rejetons. Ceci suggère, d'abord, qu'il existe des gènes déterminant la longévité (Heinlein avait raison!), mais ensuite que l'environnement (la petite enfance, les circonstances de vie, les accidents, les excès, voire les maladies génétiques, etc.) occulte l'action de ces gènes jusqu'à la vieillesse. Ce n'est que lorsque les individus ont échappé à tous ces facteurs de risque que la qualité du génome se traduirait par une longévité accrue.

Bref, même s'il existe des gènes permettant de vivre plus longtemps, cela ne dispenserait pas de vivre en ascète jusqu'à ce qu'ils prolongent la vieillesse... Et s'il y avait un gène de l'immortalité pour les humains, ce serait quand même difficile de vivre plus de 10 000 ou 20 000 ans selon les statisticiens!

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2007-11-18

 

Détour par Bouquinville

Passage à Bouquinville hier, qui porte particulièrement bien son nom puisque Stanley Péan est un des invités d'honneur. En arrivant, je plonge dans une foule (presque) aussi dense que celle d'un samedi au Salon du Livre de Paris. En zigzaguant pour trouver l'espace de Prologue, j'entrevois des nouveautés (relatives) en fantasy, comme L'Empire des damnés de Laurent Chabin, L'Eldnade de Luc Saint-Hilaire ou Les miniAtomix de Dominique et Éric Bergeron. En revanche, je n'ai pas repéré les aventures de Will Ghündee, ce qui m'aurait permis d'orienter plus tard un jeune garçon qui les cherchait... Exception faite de la série des « MiniAtomix » chez Lanctôt, toutes ces nouveautés relèvent du fantastique ou de la fantasy pour jeunes. Dans le cas des MiniAtomix, on se rapprocherait plutôt des histoires de superhéros, à mi-chemin entre science-fiction et fantastique. Quelques détails laissent même croire que les auteurs pourraient connaître les aventures dans un cadre microscopique de Ray Cummings, dont The Girl in the Golden Atom (1922)...

Comme je n'ai pas de nouveau livre, la séance de signatures, d'abord comme partie intégrante de Laurent McAllister, puis comme moi-même, est bien tranquille. Après, je passe chez Alire pour dire bonjour aux copains et j'en profite pour acheter le nouveau roman de Francine Pelletier, Si l'oiseau meurt.

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Pierre Jouvert (1947-2007)

Mort du cœur. Hier soir, Pierre Jouvert est mort subitement d'un infarctus à Montréal et je me dis que c'est un homme de cœur qui périt. Il aimait Aznavour et Brel, si je me souviens bien; il tolérait en rigolant ma cuisine parfois approximative, sinon franchement expérimentale; il savait raconter des histoires désopilantes; il s'occupait consciencieusement de sa fille... Et que l'imparfait porte bien son nom quand on ne peut plus conjuguer ces verbes au présent!

Je l'avais rencontré pour la première fois à Boréal en 1989, à Ottawa. Il faisait figure de visiteur exotique dans un congrès qui comptait surtout sur des participants canadiens — Samuel R. Delany à part. Je l'avais retrouvé sept ans plus tard (désormais doté d'une petite fille) en déménageant à Montréal. Il habitait dans le même quartier et nous avions eu l'occasion de se côtoyer quand je commençais mon doctorat et que je ne ressentais pas encore la pression....

S'il me restait un peu de vin, je boirais un verre à sa mémoire. Il faudra que je m'en passe, mais je ferai chanter de nouveau le jeune Jacques Brel. Parce que.

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2007-11-16

 

La métropole la plus provinciale?

La vidéo de la mise à mort de Robert Dziekanski a quelque chose d'insupportablement tragique. On a tout dit et pourtant tous les mots ont à peine égratigné la surface de cette insondable tristesse. Un homme séparé de sa mère pendant des années, qui se fait une joie de la retrouver au Canada, et une mère qui est venue de loin pour accueillir son fils à l'aéroport. Puis, une succession d'erreurs et de méprises les isolent de part et d'autre des barricades érigées au nom de la sécurité nationale. D'une part, personne ne s'intéresse au nouveau venu incapable de parler anglais (ou une autre langue). D'autre part, on refuse de l'appeler ou de le chercher quand sa mère réclame un peu d'aide. La bureaucratie aéroportuaire lui dit que son fils n'est pas dans la zone contrôlée, mais, comme personne n'a vérifié, la bureaucratie ment avec l'absence de honte de cette engeance syndicalisée qui fait son boulot et rien de plus. (Si les corporations ont pour excuse d'être des psychopathes, qu'est-ce qui justifie l'inertie de certains fonctionnaires dans de telles situations?)

Quelques passagers tentent de communiquer avec le voyageur désorienté, tentent de prévenir les policiers qu'il ne parle pas anglais, mais le taser est déjà prêt et il sort vite pour punir celui qui ne peut pas communiquer en anglais.

Quelque part, je ne suis pas surpris. Malgré la présence de communautés immigrées nombreuses, la Colombie-Britannique m'a toujours donné l'impression de vivre en vase clos et de ne pas pouvoir imaginer que le reste du pays ne soit pas à son image. Il y a quelques semaines, quand je suis passé moi-même à l'aéroport, j'ai noté que l'affichage en français n'était pas dénué de fautes. Quand une jeune femme passée devant moi par les contrôles de sécurité a posé une question en français à un employé, il n'a compris goutte, alors qu'on ne lui demandait pas une dissertation sur Molière, mais simplement de répondre à une question toute bête : « Où est ma ceinture? » Le préposé serait bien allé chercher la personne bilingue de service, mais je suis intervenu pour traduire.

On ne s'étonnera donc pas qu'un aéroport incapable d'offrir un service correct en français soit encore moins hospitalier pour les visiteurs étrangers. On ne s'étonnera pas, mais on devrait le déplorer haut et fort.

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2007-11-15

 

Suicides de vétérans

La radio de Radio-Canada (ainsi que le TimesOnline ou Le Monde) fait grand cas de cette « épidémie » de suicides qui dévasterait les rangs des soldats étatsuniens revenus d'Irak ou d'Afghanistan. Selon une enquête de CBS, 6 256 personnes ayant servi dans l'armée auraient mis fin à leurs jours en 2005 aux États-Unis. Ceci correspond à taux de suicide de 22,9 à 31,9 par 100 000 dans la tranche d'âge des 20 à 24 ans, « soit quatre fois le taux de suicide enregistré chez les non militaires pour cette même tranche d'âge ». Le problème (déjà signalé par d'autres), c'est qu'on confond ici les taux de suicide chez les jeunes hommes et les jeunes femmes aux États-Unis. (Au minimum, il faudrait en savoir plus sur la composition hommes-femmes des forces étatsuniennes qui sont passées par l'Afghanistan et l'Irak.) Jusqu'à preuve du contraire, j'estime que la plupart des vétérans qui ont été aux premières lignes sont des hommes. Or, le taux de suicide des jeunes hommes de 20 à 24 ans aux États-Unis est très élevé. J'illustre ci-dessous les chiffres que j'ai trouvés dans cet article des Centers for Disease Control and Prevention. Les décimales n'étaient pas très lisibles, mais elles importent peu pour l'argument.En effet, comme on peut le voir ci-dessus, les deux valeurs citées pour les jeunes vétérans de 20 à 24 ans en 2005 ne sont pas incompatibles avec les données applicables aux jeunes hommes du même âge depuis 1990, qui pourraient obéir à des causalités partiellement économiques (la récession du début des années 90 voyant croître le nombre de suicides). Le chiffre maximal pour les vétérans est plus élevé que les fluctuations passées du taux, mais pas au point de représenter un phénomène extraordinaire.

À ceci près que le nombre de suicides est rapporté à l'ensemble des vétérans ayant servi en Irak et en Afghanistan, ce qui inclut des marins, des pilotes, des chauffeurs de camions, des commis aux écritures, des cuisiniers... Bref, il se pourrait que le taux soit véritablement plus élevé — et plus inquiétant — si les suicides en cause concernaient uniquement les soldats sur le terrain. Mais, pour le savoir, il faudrait que le département de la Défense consente à révéler les vrais chiffres...

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2007-11-14

 

Boussole, couteau et lunette

Il y a quelques années, Philip Pullman s'était érigé en anti-Rowling, non sans l'aide d'une partie de l'industrie du livre, toujours à la recherche d'une solution de rechange à Harry Potter.

Sa trilogie de fantasy pour les jeunes, His Dark Materials, avait attiré l'attention des critiques, mais elle n'a pas obtenu les mêmes chiffres de vente que la série de Harry Potter. Malgré l'excellence du texte, le contraire serait étonnant, car Pullman dépayse d'emblée le lecteur en le plongeant dans un monde décalé. Lyra vit dans une version parallèle d'Oxford et, même si elle est en apparence une orpheline, elle n'a rien d'une persécutée. Mascotte des professeurs au collège universitaire qui l'héberge, elle est aussi la meneuse d'une petite bande de gamins de la ville et elle n'hésite pas à se chamailler avec les Gitans d'Oxford. Grande gueule en prime, elle est tout de suite mêlée aux affaires des grands, déjouant une tentative d'assassinat de Lord Asriel et se faisant recueillir par la mystérieuse Marisa Coulter, qui jouit d'une influence inexpliquée dans les plus hautes sphères...

Ce n'est que le début des aventures de Lyra dans The Golden Compass. Ce premier volume est sans doute le plus prenant, car il est aussi le plus inattendu, et le plus fantastique. Lyra se fait un ami d'un prince des ours blancs du Grand Nord. Ces ours blancs sont des animaux aussi féroces qu'intelligents, mais Pullman aura du mal à justifier leur existence par la suite, quand il tente d'inscrire sa trilogie dans un cadre qui tient plus de la science-fiction que du fantastique. Les ours parlants et sorcières presque immortelles du monde de Lyra ne font pas toujours bon ménage avec les dirigeables, les discours sur les mondes parallèles divergents par des physiciens de notre monde et les extraterrestres roulants...

Dans les volumes suivants, Pullman lance de nouveaux personnages dans la soupe et nous apprête un plat qui est si riche qu'il est un peu indigeste. La cosmogonie de son univers devient de plus en plus difficile à suivre, et les références à des éléments de la mythologie classique si nombreuses qu'elles laissent de moins en moins de place à ce qui faisait le charme et l'originalité du premier volume. D'une part, j'ai envie de saluer le courage de Pullman qui a renoncé à revenir sur ses pas pour se contenter d'explorer de nouveau le monde de Lyra dans les volumes suivants. Mais The Subtle Knife et The Amber Spyglass nous laissent sur notre faim : pour les lecteurs qui ont appris à aimer le monde vaguement victorien ou dickensien du premier tome, les aventures exotiques et les combats des deuxième et troisième tomes déçoivent un peu.

Mais si la heptalogie de Rowling aboutit en fin de compte à un retour au statu quo ante, la trilogie de Pullman accomplit une révolution. Seulement, elle est un peu difficile à prendre au sérieux tellement Pullman s'est éloigné de la source de sa magie. La force de la conclusion de Harry Potter, c'est de trancher la question sous les toits de Hogwarts, et nulle part ailleurs. Lyra a fini par braver les limbes et les enfers, acquérant une dimension christique (ce qui est un peu curieux pour un ouvrage que l'on présente comme athée...). Dès lors, un retour à Oxford tend malencontreusement à réduire toutes les aventures de la trilogie à un simple rêve qu'il est impossible de prendre au sérieux dans un cadre aussi prosaïque...

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2007-11-13

 

La voyageuse récalcitrante

Dans le Globe and Mail d'hier, une voyageuse revenue d'Europe avoue que le plus grand plaisir qu'elle a retiré de son périple, ce fut de revenir à Toronto et de se faire accueillir en anglais par une vraie Canadienne. Le récit de son voyage en Europe est une litanie de griefs : le décalage horaire, les queues dans les aéroports, les dédales des aérogares, les soucis reliés à la sécurité, les mendiants, les escaliers à escalader ou descendre, l'hébergement plus ou moins bien réservé par internet, le défi de se retrouver dans une aérogare étrangère ou dans la vieille ville de Prague...

Décidément, il y a des gens qui ne sont pas faits pour voyager. Cela dit, Cheryl Jack voit assez clair. Même si elle semble croire qu'elle s'est surmenée en visitant quatre pays en quatre semaines et en apprenant trois mots nouveaux dans trois langues étrangères différentes, elle confesse aussi qu'elle partait en vacances pour échapper au stress du quotidien.

Curieusement, c'est aussi mon cas, mais là où Jack a trouvé les défis du voyage aussi pénibles que ceux de sa vie au Canada, je les trouve beaucoup plus supportables et stimulants. Chercher de l'hébergement pour la nuit, c'est quelque chose qui se règle dans l'immédiat, que l'on finisse par tomber sur un gîte avec un lit ou une chambre de libre, ou sur un camping qui a de la place, ou que l'on se résigne à passer la nuit sur le sol d'une gare. Le jour suivant, c'est fini, et on aura peut-être une histoire à raconter en prime. Idem pour tous les autres petits soucis du voyage.

Certes, les voyages ne conviennent pas aux chichiteuses. Madame Jack a vu grand, elle a pris dix fois l'avion en quatre semaines et elle s'attendait sans doute à trouver des chambres impecs à son nom en débarquant. Moi, que j'aboutisse dans un dortoir d'auberge ou un sous-sol à côté de la buanderie (un certain hôtel à Londres...), je suis simplement content de ne pas dormir dans la rue. Et je tends à éviter les aéroports précisément pour les raisons qu'elle cite : c'est en général beaucoup plus agréable de prendre l'autobus ou le train. On arrive au centre-ville, les formalités sont réduites au minimum et on voit du paysage.

Et tout dépend d'où on part. Madame Jack explique qu'elle avait hâte de retrouver le dernier numéro de Time Style & Design sur la table de son salon (pour « TIME's most affluent and style-savvy readers ») et de prendre ensuite des vraies vacances en se rendant à son chalet au nord de Sault-Sainte-Marie. Ce n'est sans doute pas le train de vie qui prépare le mieux au dépaysement...

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2007-11-12

 

La paix de l'épuisement?

Le nombre des pertes étatsuniennes en Irak est en baisse. Le tableau que j'utilise indique un total de 38 morts en octobre, un des totaux mensuels les moins élevés depuis 2003 — mais le nombre de décès enregistrés en novembre jusqu'à maintenant laisse prévoir une remontée aux alentours de la cinquantaine de morts. Ce chiffre serait également inférieur à la moyenne, mais la tendance à la hausse correspondrait à l'évolution moyenne comme on peut le voir dans la figure ci-dessous.Entre septembre et octobre, les pertes étatsuniennes sont passées sous la moyenne. Est-ce le début de la fin? le signe que la guerre s'achemine vers sa fin? la preuve de l'imminence de la victoire? Quelques commentateurs, et pas seulement à droite, suggèrent que les États-Unis ont épuisé la capacité de résistance des insurgés irakiens, si ce n'est qu'en épuisant le pays tout entier. Après tout, le choléra que j'avais déjà évoqué, continuait de se propager en Irak selon un communiqué de l'OMS daté du 3 octobre dernier. Ce signe d'une infrastructure en ruines est à rapprocher des chiffres sur l'exode interne et externe, qui aurait déplacé des millions de personnes. Il ne serait donc pas surprenant qu'une population décimée par les morts et les départs, l'absence d'électricité et l'absence de sécurité, ait rendu les armes...

Sauf que les chiffres les plus récents donnés par Iraq Body Count indiquent que, samedi, il est quand même mort une quarantaine de civils en Irak, dont une dizaine de personnes fauchées par des bombardements aériens. La violence n'a pas cessé. Il reste difficile de mesurer son ampleur, car l'Iraq Body Count se borne à dénombrer les victimes civiles, dans la mesure du possible. Qu'en est-il des présumés combattants? Et qu'en est-il des victimes dans des régions isolées dont la disparition n'est pas nécessairement rapportée?

C'est pourquoi je préfère me fier aux chiffres de l'armée étatsunienne. On peut manipuler les chiffres sur les blessés ou les statistiques sur les civils d'un pays sous contrôle, mais on ne peut pas cacher un mort. Et même si ces données ne nous disent rien sur les pertes irakiennes, j'ai tendance à croire qu'elles révèlent l'état de la situation. Entre autres, il semble avéré que l'armée d'occupation réagit souvent par des raids de représailles qui font des morts, entre autres parmi les civils. Ainsi, on peut raisonnablement s'attendre à des évolutions parallèles de la mortalité des militaires étatsuniens et des civils et combattants irakiens.

Par conséquent, si le nombre de soldats morts augmente de nouveau et obéit à la tendance moyenne telle qu'elle s'est mise en place depuis quatre ans, c'est probablement le signe que la mécanique sous-jacente de la résistance irakienne qui accouche de ces obscures fluctuations saisonnières n'est pas cassée. La diminution des pertes étatsuniennes indique peut-être que l' 'Irak est en voie de pacification, mais cela pourrait ne concerner que certaines parties de l'Irak. Ou n'être que temporaire.

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2007-11-11

 

Souvenirs de guerre

En ce jour du souvenir, souvenons-nous...

En 1916, mon grand-père Jean-Joseph Trudel partait à la guerre. Comme médecin, il n'allait pas voir le feu; son expérience de la guerre serait différente. Nommé capitaine d'office, il fait partie du sixième Hôpital général canadien, qui recrute surtout les diplômés de l'Université Laval à Montréal (ancêtre de l'Université de Montréal actuelle). Lui a démissionné le 27 janvier 1916 de l'Hôpital Notre-Dame, où il était chef-interne. Il est rejoint par son frère Paul-Émile le 18 février, mais l'unité ne quitte le Canada qu'en mars. Envoyé en Europe sans affectation précise, l'Hôpital général canadien No. 6 reste virtuel plusieurs mois, les médecins individuels travaillant en Angleterre, à Paris ou Neuilly, puis à Étaples, avant que l'Hôpital No. 6 prenne enfin la route de Troyes en Champagne en janvier 1917 pour diriger un hôpital de 1200 lits dans un lycée de jeunes filles. Dans son journal, le capitaine Trudel n'est pas impressionné par la ville : « Tout est vieux et peu intéressant. (...) On s'aperçoit immédiatement, que le progrès est négligé et de là, que le moderne est à peu près inconnu. Population d'environ 60 000 âmes et bien typique du Provincialisme français. Ville renommée pour sa bonneterie et ses andouillettes. Dès 7 hrs p.m., toute lumière s'éteint par la ville et les cafés ferment à 8 hrs pour les militaires. Ville ennuyante et sans divertissements excepté quelques cinémas». C'est donc de 1917 que date cette photo des officiers de l'unité, où le capitaine est assis au milieu, sa casquette marquée d'une petite croix rouge.

À leur famille, les frères Trudel postent plusieurs photos. Les avions sont encore tout nouveaux et plusieurs photos d'aéroplans (et aussi un échantillon de toile d'un avion « boche » abattu derrière les lignes alliées le 29 avril 1917 par un certain Roland Beaudoin) aboutissent dans les albums familiaux. On retrouve ainsi la photo d'un bombardier anglais à Saint-Cloud; il s'agit sans doute d'un Handley Page O/100. Un des plus grands avions de l'époque, il était arrivé en France fin 1916 et il commencerait à opérer en mars 1917. Comme cette photo est datée de 1916, il s'agit sans doute d'un modèle en cours de rodage en novembre ou en décembre.Une autre photo est plus difficile à identifier, même si le sujet à l'avant-plan est identifié comme étant Hubert Metzer, dont je n'ai pu retrouver la trace dans les bases de données de la France ou du Canada. La photo a été prise à Bouleuse, où il y avait effectivement un camp d'aviation (bombardé en avril 1917) qui accueille des Spad. Cependant, j'ai l'impression que l'avion pourrait être un Nieuport, soit le modèle 17 soit le modèle 27. Fin juillet 1917, le capitaine Trudel avait quitté Troyes pour une quinzaine sous prétexte de s'informer des pratiques médicales de ses collègues français. Il en avait profité pour se rapprocher du front à Châlons, d'où il aurait poussé des pointes jusqu'à Villers-Marmery, Suippes et Valmy. De Suippes, il était parti ensuite en voiture pour le petit village de Souain (fusionné après la guerre avec Perthe-lès-Hurlus), comme il le raconte dans son journal : « De là, à Souain, village en ruines, où se trouve un poste de soins souterrain pouvant loger deux cents personnes. L'auto ne pouvant aller plus loin, nous avançons à pied environ un kilomètre où nous arrivons à un endroit appelé le Poste de Secours de l'Opéra. C'est un endroit à plusieurs entréees qui conduit dans des souterrains qui s'avancent aux premières lignes. Tout près, on peut voir un cimetière isolé, aussi des tombes isolées, marques glorieuses de la retraite de la Marne. » (Deux ans plus tôt, Souain avait été le théâtre d'une affaire qui inspira en partie le film de Stanley Kubrick, Paths of Glory.) Mais Bouleuse, aux portes de Reims, se trouve nettement plus loin et il n'est pas question d'une telle visite dans son journal. La photo aurait-elle été prise par Paul-Émile Trudel? Impossible de le savoir.

Pendant ce temps, ma grand-mère était encore à l'école à Winnipeg. Dans la photo ci-dessus, on la voit en reine du mai à l'académie St. Mary's. La deuxième bataille d'Ypres, durant laquelle les soldats canadiens opposèrent une résistance désespérée aux assauts allemands utilisant entre autres des nuages de chlore, avait eu lieu en avril 1915. Les combats avaient fait rage autour de Saint-Julien, qui est aujourd'hui le site d'un monument commémoratif, et les faits d'armes canadiens avaient été glorifiés dans les journaux au pays. La jeune Margherita Chevrier se fait l'écho de cette ambiance enfiévrée dans un poème publié dans un journal de Winnipeg un an plus tard sans doute, en avril 1916, à l'occasion du premier anniversaire de la bataille. Avant les grands affrontements de la conscription, elle adoptait le point de vue de la majorité urbaine hors-Québec et profitait de l'occasion pour prêcher la bonne entente entre les Canadiens de différentes origines. Elle qui étudie en anglais et qui avait reçu de son père en février 1916 Barrack Room Ballads And Other Poems de Rudyard Kipling écrit donc en anglais, signant des quatrains rimés dans un style nettement plus classique que mes sonnets pour ce blogue :

(...)

Our brave young Canadians fought not for power
Nor for conquest, but strove in a far nobler cause;
To save the true culture, and honor uphold
Against a stern foe who had spurned all the laws
Of humanity, nations, of honor and God;
Who revived savage methods surpassing the Huns,
Relentless to children, to women, old age,
Who demolished the temples of God with their guns.

From Flemish St. Julien to Poelcappelle
They stubbornly struggled to drive back the foe:
Through the virulent gas each yard they contested,
While with patriot valor their hearts were aglow.
Far outnumbered, the gallant brigades would not yield,
Though by death they must hinder the enemy's raid,
So bravely they fought, and disaster averted
By as costly exertions as soldiers e'er made.

The soil where now sleep our brave soldiers who fell,
Canadians will visit and reverent shall view,
As a second Thermopylae sacred for e'er
To the memory of those who stood fearless though few,
Resisting the enemy's hordes to the end.
Though for noble sons fallen their mothers have grieved,
Let the light of just pride cast across their sad tears
Rainbow tints that may soothe the fond hearts so bereaved.

And the brave ones whom fortune has spared to return
To their native land victors, we'll welcome with pride.
They had dwelt in the Vale of the Shadow of Death,
Yet came forth triumphant, though bitterly tried,
And honored the land of their birth for alll time.
When the name of St. Julien is spoken with praise,
How their hearts will rejoice that they shared in its fame,
That their blood was there shed in those perilous days.

Can their children forget how together they fought
'Neath the Tricolor flag and the brave Union Jack,
For the same noble cause, to vindicate right?
They were brothers abroad, and at home will they lack
A strong feeling of friendship, united in heart?
At St. Julien, both races distinction attained
And their splendid resistance and valorous deeds
For the Land of the Maple Leaf glory have gained.

« The soil where now sleep our brave soldiers who fell, Canadians will visit and reverent shall view »

Ce serait trop facile de jeter la pierre à une jeune femme qui avait grandi loin des combats, à une époque où personne ne soupçonnait quelle ampleur pouvait prendre une guerre moderne, menée avec des moyens sans précédent. Plus la réalité s'enlisait dans la boue et le sang, plus il devenait nécessaire de défendre les idéaux qui justifiaient les sacrifices des soldats. Les sentiments exprimés par ce poème ne reflètent pas seulement la naïveté des civils loin des combats : le dernier quatrain du célèbre poème de John McCrae, « In Flanders Fields », exprime le même désir de faire triompher la juste cause sans laquelle les sacrifices des morts seraient vains. Pourtant, McCrae l'a écrit quelques jours après la bataille de Saint-Julien, à un jet de pierre des tranchées où les soldats canadiens étaient morts par centaines. Le monument canadien de Vimy que j'ai photographié ci-dessus en 1990 incorpore (de l'autre côté) une statue gigantesque d'un homme brandissant une torche (que l'on peut voir dans cette photo à haute résolution, ou encore celle-ci). Ma grand-mère ne se montrait pas si mauvaise prophète en prédisant que les générations futures feraient du sol ensanglanté des Flandres et du nord de la France des lieux de pèlerinage. Mais c'est parce que la Première Guerre mondiale demeure la guerre la plus meurtrière de l'histoire canadienne qu'on a retenu non la cause ou les idéaux pour lesquels ces jeunes hommes sont morts, mais bien la peine et le chagrin de ceux et celles qui leur ont survécu. Regrets éternels matérialisés par une autre des statues du monument de Vimy...

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2007-11-10

 

Prévention de l'immigration?

Aujourd'hui s'organise une manifestation devant le Centre de détention pour immigrants de Laval. En 2002, celui-ci était décrit dans un article comme un « Centre de prévention de l'immigration ». Changement de nomenclature ou lapsus freudien (sinon orwellien...) ? De nos jours, le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration n'utilise pas cette expression et ne mentionne qu'avec parcimonie ses centres de détention. Le centre de Laval accueillerait tant les immigrants en infraction, ou soupçonnés d'infraction, que les demandeurs d'asile. Il peut sans doute se comparer un peu aux ZAPI françaises.

S'il était question de prévention ou si c'est encore le nom officiel de l'établissement, comme l'affirment certains, ce serait sans doute parce qu'il abrite des prévenus. Et non parce qu'il a pour but d'empêcher l'immigration... Il existait déjà avant le 11 septembre, mais il est sûrement révélateur qu'on ait recommandé l'ouverture de nouveaux centres de détention après le 11 septembre, en principe pour les demandeurs d'asile. Les chiffres que j'avais réunis précédemment semblent confirmer que le durcissement réclamé a eu lieu depuis cette date...

La main droite sait-elle ce que fait la main gauche? Pendant qu'on fait la vie plus dure aux immigrants et réfugiés, Radio Canada International propose le concours « Métissé serré » qui porte sur l'immigration et qui veut donner la parole à des représentants de la diversité culturelle francophone au pays. À défaut d'aller à Laval, on peut voter pour les courts métrages en lice, dont celui d'un amateur de science-fiction, Éric Bourguignon...

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2007-11-09

 

Alpha du Centaure

Le théâtre d'anticipation est relativement rare au Canada français. J'ai recensé quelques tentatives antérieures, mais, en ce qui concerne les productions actuelles, je n'avais pas été satisfait par « Hippocampe », il y a quelques semaines. Par contre, « Alpha du Centaure » est une pièce nettement plus intéressante. L'affiche est de Christian Quesnel, le texte est de Sébastien Guindon et le spectacle est présenté dans l'édifice de l'Union française, un de ces vestiges du Montréal bourgeois qui s'était développé autour de la gare Viger à la fin du dix-neuvième siècle. Et j'ignore si c'est rare, mais je note que la pièce est uniquement commanditée par des petites firmes et compagnies. Pas un sou d'un conseil subventionnaire en vue!

La pièce est présentée par Orbite gauche jusqu'au 17 novembre et elle vaut le détour. L'amateur de sf ne sera pas surpris, mais il ne sera pas dépaysé non plus. Malgré quelques fausses notes, Guindon signe un scénario d'anticipation de bon aloi, qui rappelle par endroits Mother of Storms de John Barnes. On ne sait pas trop si Guindon est un familier du genre, s'il se nourrit uniquement des créations médiatiques ou s'il réinvente. Ce qui est clair, c'est qu'il a l'audace de miser sur des techniques théâtrales classiques pour faire vivre le monde de 2243.

Les principaux acteurs se retrouvent souvent autour de la scène trapézoïdale, soit pour incarner leurs personnages soit pour faire partie du chœur qui souligne les répliques des personnages et qui fournit l'essentiel des effets sonores sous la direction de la choryphée Natasha Poirier. En dépit de la modestie des moyens mis en œuvre, l'effet est presque toujours réussi. Les chorales a cappella donnent parfois même le frisson.

Les huit personnages vivent au XXIIIe siècle. La Terre est noyée par des océans qui montent et labourée par des ouragans de force cinq (ou six!). Les survivants regroupés dans la mégalopole d'Antiopolis (population de 380 millions d'habitants!) sont en train de succomber aux intempéries, au rationnement, au désespoir. Mais la conseillère Alia Caran a convaincu les autres membres du conseil scientifique de lancer des vaisseaux vers Alpha du Centaure dans l'espoir de découvrir un autre monde, mais surtout dans l'idée de ressusciter l'espoir chez leurs concitoyens. Car personne ne semble s'inquiéter du fait que les quatre vaisseaux lancés jusqu'alors ont cessé de transmettre...

Les personnages sont liés les uns aux autres par des rapports d'amour ou de désir, des souvenirs tragiques, des secrets... Au début de la pièce, il serait facile de se laisser rebuter par le ton emphatique des acteurs, le jeu déclamatoire et les registres fluctants de la langue. Les affrontements des personnages semblent simplistes et les enjeux ne sont pas toujours clairs. Puis les choses se corsent et de nouveaux rebondissements relancent l'intérêt. En fin de compte, c'est la richesse des personnages et la subtilité de l'intrigue qui retiennent l'attention. Les choses ont tardé à se mettre en place, mais si on se montre patient, on sera récompensé.

Et il y a au moins autant d'action que dans un épisode d'une série télé ordinaire... Bref, il ne faut pas se priver d'une pièce qui commence par un chœur qui présente Alpha du Centaure, voisine du Soleil, qui cite l'éloignement d'Alpha Centauri avec deux décimales de précision et qui récapitule l'histoire récente d'un futur lointain. Un peu comme dans Michael Clayton, la pièce fonctionne en boucle, le début se rattachant à la fin et l'épilogue désobéissant à l'injonction du prologue...

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2007-11-08

 

Expo virtuelle sur la science et l'art

Depuis le 18 octobre dernier, la Galerie de l'UQÀM et le Musée virtuel du Canada présentent une exposition virtuelle sur le thème de « La science dans l'art ». Le nombre d'œuvres n'est pas excessivement élevé, mais chacune est abondamment documentée, si on veut bien se donner la peine de faire le tour des informations fournies. Dans certains cas, des vidéos et des images supplémentaires sont offertes en sus des images principales.

Dans plusieurs cas, toutefois, les œuvres ne sont pas des images, mais des créations ou des installations. Quand il s'agit de montages dans un jardin ou sur un quai du port, il manque forcément une certaine immédiateté. On ne peut qu'admirer de loin.

Et le rapport avec la science est quelque peu ténu. Quatre thèmes (corps, nature, temps, outil) sont censés regrouper les créations des artistes et profiter d'un éclairage particulier. Chaque thème se divise en deux catégories : la santé et le laboratoire pour le corps, l'environnement et le détournement pour la nature, l'identité et la trace pour le temps, et cyborg et data pour l'outil. Dans ces dernières catégories, les machines hystériques de Bill Vorn valent le détour, par exemple. En fait, il ne faut pas avoir peur de consacrer à cette expo autant de temps qu'on consacrerait à la visite d'une galerie bien réelle...

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2007-11-07

 

Le point de vue de Guy Sirois

Il y a quelques temps, Guy Sirois a signé pour le site de Roland Ernould un historique de « La science-fiction au Québec ». Il s'agit d'un survol daté de 2003 qui s'intéresse surtout à l'époque moderne de la SFCF, fixant l'identification de la science-fiction aux États-Unis comme origine du genre actuel et datant la constitution d'un milieu spécialisé au Québec de l'année 1974. Par conséquent, un peu comme L'Histoire de la littérature québécoise de Michel Biron, François Dumont et Élisabeth Nardout-Lafarge, qui consacre quelques lignes à peine aux littératures de l'imaginaire en citant surtout les auteurs des années soixante-dix comme Sernine et Vonarburg, l'essai de Sirois donne beaucoup de place aux auteurs qui ont publié entre 1974 et 2002. Mais cela laisse déjà un trou de cinq ans par rapport à l'actualité, et il y a tout un pan de la production antérieure à 1974 qui est occulté. Or, si on cite la popularité relative de Suzanne Martel avant 1974, il faudrait également mentionner les éditions successives — en français et en anglais — du roman d'anticipation de Jules-Paul Tardivel, Pour la Patrie. Et il faudra bien prendre la mesure un de ces jours du lectorat accumulé des romans de sf pour les jeunes parus dès les années soixante...

Néanmoins, pour qui veut une introduction au sujet et une synthèse des points de vue, cet essai de Guy Sirois demeure une des très rares ressources disponibles sur la Toile, sinon la seule.

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2007-11-05

 

Vitesse et stupidité

Une fois, j'ai failli faire pleurer un policier. C'était au temps de l'affaire Dutroux et j'étais en voyage dans le Massif central. Prenant une bière après le repas dans le jardin d'une auberge avec un groupe de randonneurs qui étaient policiers dans le civil, si je puis dire, j'avais fini par apprendre qu'ils étaient belges et la conversation avait bientôt évoqué le sort des victimes de Dutroux...

Ces jours-ci, c'est le sort de Bianca Leduc qui émeut, abattue par la voiture d'un chauffard de dix-huit ans qui faisait la course (au volant d'une voiture qu'il savait à peine conduire) avec son grand copain de dix-sept ans. On peut parler de chauffard puisqu'il semble avoir combiné tous les facteurs de risque : dépassant la limite de vitesse et conduisant alors qu'il n'avait pas le droit de conduire seul, il brûle un stop à toute allure. On ne fait guère plus imbécile au volant, mais ce n'est pas tous les jours que cela coûte la vie à une fillette de trois ans.

Sauf que... On peut se demander s'il y a une culture de la vitesse dans cette région. C'est en février de cette année qu'il y avait eu quatre morts dans un accident de la route près du canal de Soulanges. Quatre jeunes hommes dans la vingtaine... À l'époque, les policiers soupçonnaient que la vitesse était en cause, même si la route était glacée. L'enquête du coroner devait tirer la chose au clair. À mon avis, après l'accident de l'Île-Perrot, c'est toute la région qui devrait se poser des questions.

Ce que je note aussi, c'est qu'une recherche rapide ne semble pas trouver d'article en-ligne rapprochant les courses de rue dans le genre de celle qui opposait les deux jeunes conducteurs de l'Île-Perrot et la popularité de films comme Taxi 2, Tokyo Drift... ou le succès québécois de l'été dernier, Nitro. Interdit de toucher à la culture populaire? Interdit de toucher au culte du char?

Comme je le relevais en avril dernier, le Québec n'était pas encore préoccupé par le street racing tandis que l'Ontario légiférait. Oserais-je parier que les choses vont changer maintenant?

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2007-11-04

 

Prix 2007 de la Convention mondiale de fantasy

Dernière journée de la World Fantasy Convention et le programme est de plus en plus allégé. Les retrouvailles, les adieux, les rencontres avec d'autres francophones et les achats de dernière minute m'empêchent d'assister aux ultimes tables rondes avant les cérémonies associées à la remise des prix. J'en profite cependant pour aller faire une razzia dans le dédale de sous-sols, de caisses et d'étagères qui constituent un repaire sans pareil de bouquins et de livres usagés, Lyrical Ballad, une boutique dont la devanture ne paie pas de mine, à mi-chemin d'une ruelle en pente, mais qui est un véritable antre aux merveilles.

Enfin, les survivants et le dernier carré des irréductibles se retrouvent pour la remise des prix. Guy Gavriel Kay rappelle d'abord la disparition de Robert Jordan, dont le succès a fait beaucoup pour la vogue de la fantasy, selon lui, ouvrant la voie pour de nombreux écrivains et auteurs de séries — et jusqu'à Joanne K. Rowling. Il conclut son mot d'introduction en brodant un conte de fée de circonstance où les noms et les titres des auteurs et des ouvrages en nomination sont cités, parfois un peu approximativement.

Dans la catégorie de l'accomplissement à vie, les lauréates sont Betty Ballantine et Diana Wynne Jones. Dans la catégorie du prix spécial pour un non-professionnel, le lauréat est Gary K. Wolfe pour ses critiques dans Locus et ailleurs. Dans la catégorie du prix spécial pour un professionnel, la lauréate est Ellen Asher pour son travail avec le Science Fiction Book Club. Dans la catégorie du meilleur artiste, le prix est décerné à l'Australien Shaun Tan, dont les tableaux avaient effectivement attiré mon attention dans l'exposition.

Du côté de la fiction, dans la catégorie du meilleur recueil, c'est The Map of Dreams de M. Rickert — une autrice originaire de Saratoga Springs — qui reçoit le prix. Dans celle de la meilleure anthologie, le prix est accordé à Salon Fantastique d'Ellen Datlow et Terri Windling (Thunder's Mouth).

Dans la catégorie de la meilleure nouvelle, la lauréate est M. Rickert (qui réussit ainsi un beau doublé) pour « Journey Into the Kingdom », publié dans Fantasy & Science Fiction en mai 2006. Dans la catégorie de la meilleure novella, le lauréat est Jeffrey Ford pour « Botch Town », paru dans The Empire of Ice Cream de Golden Gryphon. Enfin, dans la catégorie du meilleur roman, le lauréat n'est nul autre que l'auteur adoré Gene Wolfe pour Soldier of Sidon (Tor).

On retiendra le grand discours de remerciements de Diana Wynne Jones, lu par Sharyn November, et Betty Ballantine enjoignant chaque personne dans la pièce à apprendre à lire à un enfant au moins.

Rendez-vous l'an prochain à Calgary. Après, ce sera San José et Columbus....

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Le badaud et la Méduse

Pas de rapport circonstancié ici sur la suite de la Convention mondiale de fantasy à Saratoga Springs — les intéressés peuvent consulter le rapport de Christian. Les sujets des tables rondes ne m'attiraient guère, même si j'ai trouvé fort stimulant le panel sur les histoires de fantômes dans les sociétés (occidentales) pré-chrétiennes (quand je ne cognais pas des clous tellement la voix de certains panélistes était monocorde). Pour une Convention « mondiale », j'ai trouvé limitantes la focalisation (thématique) sur les revenants et la restriction (géographique) à l'État de New York. Quand le Canada est à deux pas et que le contingent francophone comptait Joël Champetier et Yves Meynard, c'était franchement dommage de se priver d'une table ronde sur la fantasy au Canada francophone... Comme les lectures ne m'attiraient pas non plus, j'ai plus souvent joué au badaud. L'exposition de tableaux et de reproductions valaient le détour. Et la salle de ventes abritait de nombreux trésors. De l'amoncellement hétéroclite de livres tirés des célèbres collections de David Hartwell, j'ai pris un livre sur le futurisme, une anthologie de sf en italien, un volume relié des numéros d'un journal italien paru en 1839... et, en prime, un diptyque de sf de Rosemary Kirstein. Mais si je suis venu, ce n'est pas seulement pour faire des courses sous le regard d'un vendeur sur la tête de qui sifflent de si nombreux serpents. Une convention mondiale, de science-fiction ou de fantasy, tend à rassembler un grand nombre d'auteurs et d'acteurs du milieu; c'est le moment de reprendre contact, de régler des affaires en suspens, de jeter les bases de futures initiatives... Et pour cela, l'important, c'est au moins autant la fréquentation des couloirs, des aires ouvertes... et des partys. Je me suis même fait rappeler par René W. que j'avais traduit une nouvelle dans le Year's Best SF 10 de Hartwell et Cramer. Du coup, j'espère que je me souviendrai de ce congrès autrement qu'en relisant ce billet!

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2007-11-03

 

Changer de cosmos

Les jours que je n'enseigne pas, je voyage. Les jours que je ne voyage pas, j'enseigne. Et puis, il y a les jours que je fais les deux...

Après avoir presque réglé le cas des examens de mi-session d'un cours et tenu le crachoir à l'UQÀM pendant trois heures d'affilée, j'ai décidé d'aller voir à quoi ressemble la World Fantasy Convention. Comme je loue une voiture, le voyage risque de me coûter nettement plus cher que ma petite excursion à Vancouver financée par mes points Air Miles. Mais le changement de cosmos sera au moins aussi radical : changement de pays et changement de contexte, les couloirs universitaires se voyant supplanter par les bars de congrès...

J'arrive pour le coup de feu, essentiellement, puisque c'est en pleine nuit que je me pointe à Saratoga Springs. J'étais déjà passé en autobus par ce lieu de villégiature, mais le centre-ville a beaucoup plus de charme que ce qu'on voit du Greyhound qui va à New York. D'éminents représentants du milieu sont déjà sur place, comme Yves et Joël — et Christian a déjà raconté sa première journée. On verra demain si je reste, si je fais imprimer des résumés et des projets pour les dirlitts (autant profiter des avantages de l'hôtel...) ou si je prends le volant pour aller faire un peu de tourisme dans la région!

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2007-11-01

 

Enfants du chaos

Comme je l'annonçais il y a une dizaine de jours, le Prix Aurora du meilleur livre en anglais de science-fiction ou de fantastique en 2007 est allé à Children of Chaos de Dave Duncan. En apparence, dans ce premier volume d'un diptyque, il s'agit d'une aventure de fantasy comme beaucoup d'autres, mais elle se distingue par plusieurs traits. D'abord, les protagonistes croient vivre sur les faces d'un dodécaèdre régulier aux faces pentagonales — une idée curieuse qu'un appendice à la fin du second volume est censé éclairer. Ensuite, pour décrire la civilisation vigaélienne, Duncan s'inspire de la civilisation sumérienne ou akkadienne (écriture cunéiforme, temples, etc.). Enfin, il met en scène des personnages qui sont des otages remis aux envahisseurs vigaéliens par les natifs de la civilisation florengienne. Celle-ci a commencé par succomber quand les guerriers métamorphes vigaéliens, unis sous le commandement d'un chef de guerre charismatique, ont déferlé. Les Florengiens n'avaient rien à opposer à des combattants capables de se transformer en bêtes féroces aux capacités décuplées. Mais ce qu'un dieu guerrier peut accorder à ses fidèles peut être contrecarré par les dons d'autres divinités... Les premiers otages florengiens, tous issus de la famille Celebre, ont grandi en captivité. Certains étaient si jeunes qu'ils ont oublié leurs origines et l'essentiel du roman s'attache aux destins contrastés de trois frères et une sœur exilés en terre étrangère.

En toile de fond, il y a cette invasion des terres florengiennes qui a tourné mal pour les envahisseurs vigaéliens. Ils ont voulu placer à la tête des cités conquises des Florengiens convertis au culte de Weru, le dieu de la guerre qui confère à ses sectateurs un pouvoir de transformation en bête combattante. Mais les nouveaux adeptes se sont retournés contre les Vigaéliens et, depuis, les envahisseurs font face à une résistance de plus en plus acharnée. La « Reconquista » florengienne est d'ailleurs sur le point de bouter les envahisseurs hors du pays... C'est sans doute en raison de cette toile de fond — invasion téméraire qui tourne au désastre quand les envahis se soulèvent — que la couverture annonce « a stirring, politically-charged quest duology ». Peut-être que « politically-charged » s'applique uniquement aux intrigues de palais et aux démêlés politiques des exilés florengiens en terre vigaélienne, mais il pourrait aussi s'agir d'une manière de reconnaître les parallèles entre cette guerre et l'invasion de l'Irak...

À la fin du premier volume, les rejetons de la famille Celebre sont enfin réunis et ils vont prendre le chemin du retour. L'amateur d'aventures que je suis ne se privera pas du plaisir d'acheter le second tome quand il sortira.

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