2010-03-31

 

Le sourire de la Lune

J'ai signé il y a quelques années une nouvelle intitulée « Le sourire de la Lune » qui était sans prétention mais qui était de la science-fiction à peine fictive. De la sf dure, donc. Encore qu'imaginer une armada internationale de sondes spatiales lancées pour détourner un astéroïde géocroiseur qui finira par s'écraser sur la Lune, c'est devenu presque audacieux...

Les nouvelles de ces derniers jours m'ont rappelé à l'époque où la Lune ne semblait pas si loin et où on rêvait de colonies lunaires. Aujourd'hui, j'ai visité, ès qualités, un collectionneur d'épinglettes et de macarons commémoratifs associés à l'exploration de l'espace. Comme la personne en question est d'origine russe, sa collection de pièces soviétiques et russes était superbe : plus de deux mille épinglettes remontant parfois jusqu'à Spoutnik et illustrant toute l'histoire des missions soviétiques et russes jusqu'à aujourd'hui. Sauf erreur de ma part, j'y ai bel et bien retrouvé deux épinglettes héritées de ma tante, qui les avait acquises lors d'un voyage en Europe au début des années soixante, l'une reproduisant le visage de Gagarine et l'autre illustrant une mission soviétique en 1959 (une des fusées Luna, je crois). Moi-même, j'ai encore dans mes souvenirs d'enfance quelques témoignages de l'engouement soulevé par les premiers hommes sur la Lune, en 1969. Par exemple, j'inclus ci-contre les deux côtés d'une petite pièce commémorative qui doit être canadienne puisqu'elle est bilingue. Côté pile, c'est le module lunaire sur la surface de notre satellite. Côté face, ce sont les profils héroïques des trois astronautes. Ce qui peut frapper, c'est leur relative jeunesse, malgré leurs traits burinés par une vie d'aviateur. Né en 1930, Buzz Aldrin avait trente-neuf ans en juillet 1969, mais Neil Armstrong, né la même année, ne les avait pas encore. Quant à Michael Collins, resté en orbite lunaire, il était né la même année (à Rome, en Italie) et il avait trente-huit ans, comme Neil. Depuis, la Lune est redevenue un astre qu'on scrute à distance, même si on profite désormais de satellites artificiels et de sondes qui rasent la surface. Les photos du Lunar Reconnaissance Orbiter, en particulier, ont favorisé des retrouvailles virtuelles. Les épaves de la « conquête de l'espace » ont été repérées : sites d'alunissage des modules étatsuniens, véhicules automatiques soviétiques... La fusée d'appoint d'Apollo 13, que les ingénieurs de la NASA avaient envoyée s'écraser à la surface de la Lune dans le cadre d'un programme d'expériences sismiques pour déclencher des tremblements de lune, a créé le cratère que l'on voit dans la photo ci-dessous.(Photo prise par le LRO et fournie par NASA/Goddard/Arizona State University.)

Le cratère était trop petit pour être visible de la Terre, mais disons, pour filer la métaphore, que l'humanité a créé quelques verrues sur le visage de la Lune... Si ça se trouve, elles dureront plus longtemps que les pyramides.

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2010-03-30

 

Ce qu'on lit à Guantánamo

Ce qu'on lit à Guantánamo ?

Goscinny, voyons, comme on le voit dans cette photo d'une couverture d'un album de Lucky Luke, qui semble être une traduction de Dalton City. Mais en quoi cette histoire de prisonniers — les frères Dalton, évidemment — qui s'évadent d'un pénitencier étatsunien pour aller fonder un micro-État qu'ils gouverneraient à leur guise peut-elle donc passionner les prisonniers d'un pénitencier étatsunien qui avaient fait le rêve de constituer un État islamique gouverné par le Coran?

On se le demande.

Et on se demande si le photographe du Guardian a lu l'album en question, ou si on lui a flanqué cet album sous le nez sans lui expliquer pourquoi...

Il paraît qu'on lit aussi les aventures de Harry Potter à Guantánamo, mais ceci ferait l'objet d'une autre analyse.

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2010-03-24

 

La bonté instinctive et la punition apprise

En psychologie, plusieurs expériences (dont celle de Gürerk et Rockenbach que je décrivais rapidement dans ce billet) semblent avoir démontré que les êtres humains optent spontanément pour l'équité et la générosité dans leurs rapports avec autrui et favorisent la punition des tricheurs. Toutefois, une nouvelle étude publiée par Joseph Henrich et ses collaborateurs dans le numéro du 19 mars de la revue Science suggère qu'il faut se garder de généraliser trop rapidement. La tendance au partage et à la punition des tricheurs varie en fonction de la taille des communautés et aussi de leur participation à une économie de marché. (Cette participation était mesurée en calculant la proportion de la ration quotidienne de nourriture qui provenait de transactions complétées hors du cercle familial.) Plus une communauté est populeuse, plus elle est encline à punir les tricheurs. Plus l'économie de marché accapare une part importante de la satisfaction des besoins de base, plus les individus sont généreux.

À bien y penser, ceci aurait dû être évident. Essentiellement, la bonté, la générosité et la réprobation des tricheurs sont des fonctions nécessaires de l'interdépendance des individus. Une communauté autarcique peut se permettre d'être égoïste parce qu'elle n'a pas besoin qu'on lui rende la pareille. En revanche, une communauté dépendante d'une autre pour un bien essentiel doit apprendre à donner sans espoir de retour immédiat afin d'entretenir une relation à long terme.

De même, une petite communauté peut tolérer un tricheur parce que tout le monde le connaît, de toute façon. Mais l'anonymat des grands groupes multiplie la capacité de nuisance des tricheurs (la communauté des internautes est sans doute déstabilisante parce que la capacité de nuisance accrue des cyberfraudeurs et cybervandales ne s'accompagne pas encore de punitions correspondantes) et impose des punitions plus sévères.

Cela expliquerait-il certains phénomènes du monde moderne? Prenons les États-Unis, qui se distinguent de pays plus petits (comme le Canada) par la générosité des individus (des contributions charitables très élevées) et par la répression des contrevenants (utilisation de la peine de mort, etc.). La Chine est encore plus peuplée que les États-Unis et, pareillement, se distingue par la rigueur des punitions et par la capacité de dévouement de sa population. En Chine, la générosité que l'on observe dans un pays occidental sous la forme du bénévolat ou des dons charitable pourrait s'exprimer plutôt sous la forme du patriotisme... On attribue parfois la capacité de mobilisation des Chinois à un appareil étatique dictatorial, mais il faudrait peut-être poser la question de savoir si ce n'est pas d'abord propre à une communauté nationale particulièrement populeuse.

Du coup, des pays moins peuplés que la Chine ou les États-Unis n'ont pas à se vanter de leur plus grande indulgence en matière pénale (ou à déplorer un moins grand engagement social de leurs citoyens) : ce n'est que la conséquence, au Canada comme en France, de la moindre taille de leurs communautés nationales...

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2010-03-23

 

Anticiper les conséquences

Dans les nouvelles scientifiques de la semaine, il y a malgré tout des raisons d'être optimiste. Pour qui se souvient de l'enthousiasme irréfléchi en faveur de l'adoption immédiate de n'importe quelle invention un tant soit peu séduisante au siècle dernier, deux annonces permettront de croire à une sagesse accrue des sociétés modernes.

D'une part, selon le numéro du 19 mars dernier de la revue Science, Monsanto admettait avoir observé chez des insectes dans certaines régions de l'Inde une tolérance acquise au coton Bollgard que la compagnie a commercialisé en Inde. Comme il s'agit d'une tolérance à une seule protéine exprimée par un gène pris au bacillus thuringiensis d'ordinaire mortel pour les insectes nuisibles, la compagnie en fait un argument de vente pour le coton Bollgard II, qui incorpore deux gènes. C'est une autre victoire pour... la théorie de l'évolution, et une autre illustration des conséquences difficilement évitables de l'adoption de certaines technologies. Il n'y a pas de panacées.

D'autre part, un océanographe de l'Ontario, Charles Trick, rapportait (.PDF) la semaine dernière dans les Proceedings of the National Academy of Sciences que l'injection de fer dans les eaux de surface de l'Océan Pacifique afin de stimuler la croissance du phytoplancton — une mesure préconisée par certains pour absorber l'excès de gaz carbonique dans l'atmosphère — stimulerait aussi la production d'acide domoïque par les diatomées du genre Pseudo-nitzschia. Or, cet acide est neurotoxique, et même mortel pour les humains en quantités suffisantes. (En 1987, la consommation par des habitants de l'île du Prince-Édouard de fruits de mer ayant concentré cet acide a entraîné la mort de trois personnes et l'intoxication de plus d'une centaine d'autres.) En particulier, l'acide domoïque affecte la mémoire à court terme, provoquant des formes d'amnésie pouvant rappeler celle de Henry Molaison. La production d'acide domoïque serait encore plus importance quand le fer est additionné de cuivre, ce qui est souvent le cas de la grenaille de fer la moins chère.

Par conséquent, il faut modérer les espoirs investis dans cette mesure potentielle de réduction du gaz carbonique atmosphérique (ou dans l'agriculture marine en général). Néanmoins, je trouve rassurant que l'on explore désormais les conséquences d'une nouvelle technologie avant sa mise en œuvre, et non après (le cas des OGM de Monsanto pouvant servir de contre-exemple, même si cela se discute). Si l'acide domoïque affecte la mémoire à court terme, de telles études démontrent que, comme société, notre mémoire n'est pas si mauvaise, en définitive...

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2010-03-20

 

Pourquoi l'obéissance n'est pas une vertu chrétienne

On entend souvent dire que la culture judéo-chrétienne inculquait l'obéissance et la soumission à l'Église, ou à Dieu. En fait, il ne faut pas se tromper de religion. Les trois vertus théologales traditionnelles sont des vertus actives et difficiles : croire en l'immatériel en l'absence de preuve (foi), résister au désespoir propre à la condition humaine (espérance) et aimer autrui au nom d'une existence indémontrable (charité), ce ne sont pas des choses qui vont de soi pour qui les prend au sérieux. Ce sont des vertus exigeantes, qui n'incluent pas la soumission ou l'obéissance, tout au plus une forme de confiance, voire une forme de pari plus ou moins audacieux.

Et les vertus cardinales, dites humaines, sont également exigeantes. Prudence, tempérance, force ou courage, et justice exigent raison, discernement, retenue, maîtrise et volonté. En fait, elles sont plus anciennes que l'Église et s'inspirent des valeurs gréco-romaines, elles-mêmes importées en partie de l'Orient. Ce sont des vertus individuelles que manifeste l'être humain véritablement libre quand il a le souci de vivre en harmonie avec ses semblables. Ce sont donc des vertus sociales (donc, quelque peu contraignantes) qui orientent l'individu dans sa socialité mais sans le soumettre entièrement aux diktats de la société, autrement qu'en fonction de son bon jugement.

L'obéissance n'apparaît pas non plus dans cette liste. Peut-être parce que les Anciens étaient déjà conscients que l'obéissance est ce qui vient le plus naturellement du monde aux êtres humains. On reparle depuis quelques jours de l'expérience de Stanley Milgram qui mit en évidence la puissance de l'autorité. Elle confirme que, dans de nombreuses circonstances, l'être humain a pour réflexe d'obéir s'il a un minimum de respect pour l'autorité d'autrui. Ceux et celles qui sont d'abord enclins à demander « Pourquoi ? » sont plus rares.

Du coup, la loi qui, aux États-Unis (ou ailleurs), considère que la désobéissance est foncièrement mal-intentionnée confond les rares cas de non-obéissance caractérielle et tous les cas de rébellion caractérisée. Et c'est sans doute de cette confusion dont pâtit Peter Watts, esprit fort, en ce moment...

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2010-03-19

 

La justice et Peter Watts

Comme on peut le lire en détail sur le blogue de Peter Watts, celui-ci a été reconnu coupable de non-obéissance (ce qui inclut plus que la désobéissance, qui sous-entend la commission d'un acte quelconque) à un officier de la loi des États-Unis alors qu'il repassait la frontière pour rentrer au Canada en décembre dernier. Ceci l'expose à une peine qui pourrait aller jusqu'à deux ans de prison, car, aux États-Unis, ne pas obéir sur-le-champ et sans poser de questions à un agent de l'ordre est assimilé à de la résistance et à de l'obstruction criminelle.

Pendant ce temps, Cheryl Morgan, que j'avais eu le plaisir de croiser à Épinal, a été refoulée à la frontière des États-Unis et renvoyée en Grande-Bretagne suite à un cafouillage bureaucratique qu'elle décrit sur son blogue. Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit de personnes plus qu'inoffensives, qu'un pays libre devrait accueillir avec des égards, et non des matraques. Que les États-Unis soient devenus incapables de distinguer, depuis septembre 2001, leurs amis de leurs ennemis n'est pas neuf. C'est l'amorce d'une pente dangereuse, toutefois, quand on applique la loi sans discernement, avec une rigueur inflexible, et en opposant le simple citoyen à la toute-puissance de l'appareil étatique. La litanie de Niemöller peut encore aujourd'hui nous servir d'avertissement.

Ai-je envie de me rendre aux États-Unis, désormais? Il faudrait peut-être demander si j'ai envie d'en revenir.

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2010-03-18

 

L'innovation sociale

Je m'intéresse plus souvent aux innovations concrètes des inventeurs qui se traduisent par des prises de brevets et de nouveaux produits. Mais on ne saurait nier l'importance d'innovations moins tangibles. L'organisation actuelle du travail, par exemple, est le fruit de nombreux changements dans les façons de faire des employeurs et des travailleurs. Le résultat final est puissamment différent, voire aliénant, mais chaque étape intermédiaire n'a pas nécessairement fait l'objet de grandes annonces ou de revendications quant à leur nouveauté. De même, les grands progrès sociaux (abolition de l'esclavage, féminisme, libéralisation des mœurs, etc.) sont souvent analysés du point de vue politique, alors qu'il s'agissait aussi d'innover par rapport aux pratiques existantes.

De nos jours, l'innovation se veut aussi sociale. Un nouvel ouvrage mis à la disposition de tous, The Open Book of Social Innovation (.PDF), veut encourager l'innovation sociale en fournissant des outils aux innovateurs dans ce domaine. Les auteurs identifient six étapes requises pour réaliser une innovation sociale. D'abord, il y a l'étape de la mobilisation et des diagnostics, quand on reconnaît un problème et qu'on cherche à formuler la bonne question pour tenter de le résoudre. Une fois que la question est correctement posée, on passe à l'idéation, bref, au lancement d'idées, de projets et de propositions. Ces idées prennent alors la forme de prototypes et de projets pilotes pour les soumettre à l'épreuve des faits et du terrain. Si les résultats sont satisfaisants, on passe ensuite au défi de pérenniser ces initiatives en obtenant le soutien nécessaire. Après l'extension dans le temps, il reste alors à obtenir une extension dans l'espace et dans le nombre, c'est-à-dire qu'il faut étendre les bénéfices de l'innovation à un plus grand nombre de personnes localement et à un plus grand nombre de lieux globalement. Et le défi utile de l'innovation sociale, c'est de changer le système afin que le nouveau système incorpore l'innovation en question.

Comme toutes les idées neuves, l'idée même de l'innovation sociale risque de rencontrer des résistances. En essayant de trop systématiser ce qui devrait être une composante organique de toute société ouverte, ne risque-t-on pas de donner des armes à la fois aux opposants acharnés et aux réformateurs effrénés, bref, de polariser les débats de société en assignant presque une prédestination téléologique à toute tentative de faire bouger les choses?

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2010-03-17

 

Un canard ne fait pas le printemps, mais deux...

Le printemps approche et les couples se forment. Du moins, c'est le cas d'une paire de canards sauvages qui a élu domicile dans une mare à proximité du Musée et qui voguait de compagnie au milieu du plan d'eau, le plus loin possible des berges, tout à l'heure, à la brunante...Mare ou mer? À en juger par ce reflet d'un phare dans l'eau, on pourrait se croire loin d'Ottawa, au bord de l'océan ou d'un grand lac. C'est peut-être ce qui a trompé les canards en question, qui risquent de se retrouver le bec à l'eau (façon de parler!) quand la mare s'assèchera et que leur nid planqué dans l'herbe haute n'aura plus que l'ombre du phare pour le cacher à la vue de tous les ennemis des anatidés. Pauvres canards malards! Leur sort a même préoccupé un instant les hautes sphères du Musée, où on s'interrogeait en riant sur l'intelligence des colverts. Peut-être parce qu'on n'ose plus rire des cols bleus de la construction...

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2010-03-16

 

SF féministe, féminine, pas du tout...

Dans son ouvrage Galactic Suburbia, Lisa Yaszek s'attache à un courant spécifique de la science-fiction qui s'écrivait aux États-Unis après la Seconde Guerre mondiale. Selon cet extrait (.PDF) du livre, elle a dénombré près de 300 femmes qui ont signé des textes de science-fiction dans cette veine caractérisée par l'emploi de points de vue féminins (mères et femmes au foyer) et de situations illuminant l'impact des sciences et de la technologie sur ces personnages féminins et leurs familles. Selon Yaszek, ce courant n'était pas encore féministe puisqu'il lui manquait la conscience politique propre aux autrices postérieures de la génération de Joanna Russ, mais il se distinguait néanmoins de la science-fiction pratiquée par des autrices plus visibles, comme Leigh Brackett, C. L. Moore et Andre Norton.

L'analyse de Yaszek ne porte essentiellement que sur la science-fiction en anglais publiée aux États-Unis; ce serait intéressant de lire une étude semblable sur la science-fiction en français, où une Nathalie Henneberg ne s'inscrit pas exactement dans cette veine littéraire domestique...

La science-fiction féministe d'expression anglaise a fait l'objet de nombreux écrits et elle est assez bien connue. Et même au Canada, les travaux universitaires d'envergure sur le sujet de la science-fiction — dont une quinzaine de thèses sur la SF féministe ou la SF par des femmes — sont assez nombreux. (Encore que Yaszek ne cite pas la thèse de Donna Louise Harris qui semblerait pourtant se rapporter à son sujet.) L'ouvrage de Yaszek vient donc enrichir nos connaissances de ce vaste domaine négligé qu'est la science-fiction.

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2010-03-14

 

Une navette pour Montréal : mieux vaut tard que jamais

Cela fait longtemps que je me plains de l'accès à l'aéroport Trudeau de Montréal. Mais, enfin, une étincelle d'intelligence a illuminé les cerveaux embrumés des responsables municipaux qui laissaient une situation d'une rare idiotie — aucun lien direct en transport en commun entre l'aéroport et le centre-ville ! — pourrir depuis des années sans jamais proposer autre chose que des plans chimériques. Et encore, l'inertie, l'impéritie et le silence avaient régné en maîtres le plus souvent. On ne peut pas dire que les édiles montréalais trop souvent voiturés en taxi ou en limousine se préoccupaient beaucoup de l'accès à l'aéroport pour les usagers moins bien nantis, ou pour les employés de l'aéroport...

Heureusement, quelqu'un a eu l'idée... évidente de créer une navette directe de la Société de transport de Montréal entre l'aéroport et le centre-ville. Certes, ce sera plus cher (7$ pour un aller simple, soit presque trois fois plus qu'un billet d'autobus ordinaire), mais ce n'est pas beaucoup plus élevé que le coût du billet en RER de Roissy-Charles-de-Gaulle au centre-ville de Paris.

Bref, le 29 mars prochain, Montréal accèdera au rang de ville civilisée pour les voyageurs. Pas trop tôt.

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2010-03-13

 

À quand une infirmière comme ministre de la Santé ?

Le ministre actuel de la Santé au Québec, Yves Bolduc, est médecin. Le ministre précédent (libéral), Philippe Couillard, était médecin. Le ministre avant lui (péquiste), François Legault, était comptable. Le ministre précédent (péquiste), Rémy Trudel, était administrateur et universitaire. Avant, c'était Pauline Marois (péquiste), administratrice et travailleuse sociale, qui a fait tout ce qu'il fallait pour priver d'infirmières le réseau de la santé au Québec.

De 1994 à 1998, le ministre (péquiste), c'est Jean Rochon, médecin. Avant, c'était Lucienne Robillard (libérale), administratrice et travailleuse sociale (en partie en milieu hospitalier). Le ministre précédent (libéral), c'était Marc-Yvan Côté, historien. Avant, c'était Thérèse Lavoie-Roux (libérale), travailleuse sociale et pianiste. Le ministre précédent (péquiste), c'était Guy Chevrette, pédagogue. Le ministre précédent (péquiste), Camille Laurin, était médecin (en psychiatrie). Le ministre précédent (péquiste), Pierre-Marc Johnson, était avocat et médecin. Le ministre précédent (péquiste), Denis Lazure, était médecin (en psychiatrie). Le ministre précédent (libéral), Claude Forget, était économiste.

Et le ministre précédent (libéral), souvent appelé le père du système de santé au Québec, Claude Castonguay, était actuaire.

Bref, depuis 1970, les ministres de la Santé au Québec ont souvent été des médecins ou des travailleurs sociaux, mais pas une seule fois une infirmière ou un infirmier n'a eu la charge du ministère de la Santé... C'est une lettre parue dans La Presse aujourd'hui qui me fait penser qu'un autre point de vue sur le système de santé pourrait donner des résultats. À tout le moins, ce ne serait sûrement pas pire que ce qui a été obtenu jusqu'à maintenant.

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2010-03-12

 

Sauvez les baleines, tuez la planète !

Dans le nouveau numéro de la revue Science, un article révèle les succès des techno-archéologues qui, plus ou moins confortablement installés dans un restaurant McDonald's abandonné à Mountain View, en Californie, s'efforcent de récupérer les données recueillies par les satellites et missions de la NASA au cours des années soixante et soixante-dix. Ils s'étaient d'abord fait la main sur les photos de la mission Lunar Orbiter, retrouvant cette splendide photo du cratère Copernic, par exemple. Depuis, ils ont réussi à reconstituer les observations de la Terre par le satellite météorologique Nimbus II en 1966, qui devraient renseigner les climatologues sur des phénomènes pour lesquels ils ont fort peu de données contemporaines, dont l'étendue des banquises polaires à cette époque. Plus généralement, les satellites de la fin des années soixante auraient observé la fin de la période de refroidissement du climat qui s'était inscrite entre la Seconde Guerre mondiale et la fin des années soixante-dix. Pour mieux comprendre le réchauffement actuel, il importe de comprendre cette période de refroidissement.

Le défi, ce n'était pas seulement de décoder les informations conservées sur des rubans magnétiques d'époque, c'était aussi de retrouver ces rubans magnétiques. Or, les rubans d'origine étaient d'excellente qualité grâce à un procédé de fabrication qui faisait appel à de l'huile de baleine pour faire adhérer les particules ferreuses à l'acétate. Quand la chasse à la baleine a été progressivement interdite, l'industrie a fait appel à un produit synthétique pour remplacer l'huile de baleine, mais les nouveaux rubans n'avaient pas la même durabilité que les anciens. Au bout de quelques années, il devenait impossible de lire les rubans synthétiques sans que les particules magnétisées collent aux appareils de lecture...

La NASA a donc été obligée de recycler ses anciens rubans. Du coup, de nombreuses données historiques ont été perdues, dont la vidéo originale des premiers pas d'Armstrong sur la Lune, selon ce rapport (.PDF). Si jamais les données manquantes s'avéraient cruciales pour comprendre le climat du passé et sauver la Terre du futur, on aurait donc sauvé les baleines au prix d'un sort funeste pour toute la planète...

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2010-03-11

 

L'espace à vendre

Il y a cinquante ans, l'espace, c'était le futur. Pour faire référence au futur, aux changements techniques, aux espoirs pour demain, bref, au progrès et à la modernité, il suffisait d'évoquer la conquête de l'espace. Aux États-Unis, il y avait même surdétermination. D'une part, à l'aube du programme spatial, de juteux contrats à venir (surtout pour la défense, mais aussi pour l'exploration spatiale) promettaient un avenir radieux tout ce qu'il y a de plus concret aux chercheurs, ingénieurs et techniciens qui seraient embauchés. D'autre part, pour attiser l'intérêt de ceux-ci, les compagnies en quête de financement n'hésitaient pas à miser sur de la publicité faisant référence à la conquête spatiale afin de recruter les jeunes talents voulus. C'est ce que montre une série de réclames publicitaires parues vers 1960 environ, fournies par le New York Times. On se servait de l'espace pour faire vendre, afin de vendre l'espace, en définitive...

Le cercle peut paraître vicieux, mais la science-fiction intervient depuis longtemps dans cette boucle pour stimuler de l'extérieur l'intérêt pour les espaces infinis, autrefois effrayants. Après tout, des sondages remontant à 2001 démontrent aux États-Unis un lien entre l'intérêt pour la science-fiction et l'intérêt pour les sciences et la technologie, tandis qu'une étude de 1982 reliait la science-fiction au soutien de l'exploration spatiale. En râtissant du côté des fanas de l'espace, on est depuis longtemps assuré de tomber (souvent, mais pas toujours) sur des fans de science-fiction. Tant que la science-fiction s'intéressera à l'espace, le goût pour la première mènera au goût pour le second. Des études montrent bien qu'au niveau scolaire, la curiosité et les motivations personnelles comptent souvent plus pour la performance que la maîtrise d'un sujet. Et c'est ce qui a inspiré de nombreuses tentatives pour utiliser la science-fiction comme bougie d'allumage et moyen d'apprentissage des sciences et des techniques...

Mais la surdétermination d'hier n'est plus aussi présente. Il y a des industries spatiales (satellites d'observation et de télécomunications), mais elles sont relativement stables et elles ne quittent pratiquement pas l'orbite terrestre. Seules les agences gouvernementales continuent à explorer le système solaire.

Si l'espace, ce n'est plus le futur que pour une minorité apparemment de moins en moins nombreuse, est-ce la faute à la science-fiction? Ou est-ce que la science-fiction est moins populaire parce qu'elle aime l'espace? À l'heure du succès d'Avatar, on peut citer des arguments dans les deux sens : la science-fiction peut être populaire quand elle revient sur le plancher des vaches, mais la science-fiction ne rend pas le futur de l'humanité très attrayant...

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2010-03-08

 

Matière étrange en vue

On commence à annoncer la détection de nouvelles formes d'antimatière, dont l'anti-matière étrange. (L'inclusion d'un antiquark étrange dans le noyau d'antimatière en question justifie cette appellation.) Bien entendu, ceci me rappelle l'utilisation de matière étrange dans le roman Suprématie de Laurent McAllister, où les personnages s'en servent pour multiplier la puissance de leurs bombes...

Comme cette découverte a eu lieu au collisionneur de Brookhaven, dans l'État de New York (le RHIC), ceci peut aussi rappeler qu'on avait prévu — et craint — cette création de matière étrange par les hautes énergies des collisions de particules (qui a eu lieu dès 2001). Pour l'instant, il ne s'agit pas de ces agglomérats de matière étrange (des étrangelets) qui seraient plus stables que la matière ordinaire et qui seraient capables de convertir la matière ordinaire en matière étrange, selon certains, de sorte que, de proche en proche, la Terre entière pourrait être transformée... Mais la physique continue à révéler un cosmos au visage beaucoup plus étranger que celui que nous habitons au jour le jour.

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2010-03-06

 

Une pétition pour l'indépendance des universités

Malgré le libellé trompeur d'une partie de l'interface (qui proclame qu'il faut signer la pétition « avant le 6 mars 2010 »), il semble bien que les personnes intéressées peuvent encore signer aujourd'hui la pétition opposée au projet de loi québécois 38 sur la gouvernance des universités.

J'ai déjà évoqué ce projet de loi en septembre dernier. Il procède de fort bonnes intentions de correction du cap suite au fiasco des projets immobiliers de l'UQÀM. J'ai moi-même été le premier à déplorer l'échec général des institutions chargées de gouverner l'UQÀM, du conseil d'administration au ministère, en passant par le conseil des gouverneurs de l'UQ. Et je suis assez porté à déplorer le corporatisme des universités, souvent plus ou moins sensibles aux besoins de la société qui les finance ou de leur propre main-d'œuvre.

Toutefois, ce projet de loi reviendrait à substituer un corporatisme à un autre. Il y aurait peut-être eu moyen de faire entrer plus de citoyens dans les conseils d'administration des universités, mais il semblerait qu'il s'agit ici de faire entrer des représentants du secteur privé. Ce qui n'est pas exactement pareil.

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2010-03-04

 

Les sciences et les techniques en Saskatchewan

La Saskatchewan est, avec l'Alberta, la plus jeune des provinces canadiennes, n'ayant justifié son accession à ce statut qu'en 1905. La croissance est rapide : en 1919, la population compte près de 750 000 personnes. Si les premières décennies du vingtième siècle ont été prospères grâce à l'expansion de la culture du blé, la province a connu des années de vaches maigres à la fin du vingtième siècle. (En 2009, la population dépassait tout juste le million de personnes, une augmentation d'à peine plus que le tiers depuis 1919 alors que la population du Canada a quadruplé depuis cette date.)

Néanmoins, en raison de ces brillants débuts, la Saskatchewan s'est dotée très tôt d'institutions scientifiques et techniques. L'Université de la Saskatchewan a été fondée en 1907 et des collèges spécialisés intégrés à l'Université ont été formés au fil des ans pour se concentrer sur l'agriculture (1912), le génie (1912), la pharmacie (1914) et la médecine (1926). De 1935 à 1945, elle a même accueilli Gerhard Herzberg, Prix Nobel de chimie en 1971, que les Nazis avaient contraint à l'exil avec sa famille. C'est à la même époque que Henry Taube, un natif de Saskatoon, a étudié à l'université, obtenant son bac en 1935 et sa maîtrise en 1937; il a obtenu le Prix Nobel de chimie en 1983. L'Université de Régina, longtemps affiliée à l'Université de la Saskatchewan, a pris son envol en 1974. Le Saskatchewan Institute of Applied Science and Technology (SIAST) fédère quatre écoles distinctes, basées à Régina, Saskatoon, Moose Jaw et Prince Albert, fondées respectivement en 1972, 1941/1963, 1959 et 1986, puis amalgamées en 1988.

En fait, l'histoire des sciences et des techniques en Saskatchewan est encore plus ancienne. Dès 1887, le gouvernement fédéral avait établi une ferme expérimentale à Indian Head afin d'aider les premiers colons à maîtriser l'agriculture dans les Prairies. D'autres fermes ont suivi : Rosthern (1908), Scott (1911), Swift Current (1920), Régina (1931) et Melfort (1934).

La création du Conseil national de recherches du Canada en 1916 conduisit au financement de projets variés, mais le gouvernement de la Saskatchewan se montra également généreux. En 1918, il accordait 10 000 $ au professeur Robert Dawson MacLaurin de l'Université de la Saskatchewan pour convertir la paille (un matériau qui ne manquait pas en Saskatchewan) pour en faire du méthane, susceptible de servir de carburant à des automobiles. (Deux ans plus tard, des heurts entre McLaurin et l'administration universitaire semblent avoir entraîné son départ définitif, dix ans après son arrivée.)

Les moyens accrus du CNRC après le lancement de Spoutnik lui permirent de financer en 1962 à l'Université de la Saskatchewan la construction d'un accélérateur linéaire sous la direction de Leon Katz. En 1966, le CNRC soutint également le projet Matador de Robert Coupland qui avait pour but l'étude de l'écologie des Prairies, projet associé cette fois à l'ancêtre de l'Université de Régina. L'accélérateur linéaire d'il y a cinquante ans a mené à la construction du Centre canadien de rayonnement synchrotron (Canadian Light Source)

Le Conseil de recherches de la Saskatchewan (SRC) a été fondé en 1947 et a ouvert un laboratoire à l'Université de la Saskatchewan dès 1958. Quant à la vulgarisation des sciences et des techniques, elle est soutenue par le Saskatchewan Science Centre et le Saskatchewan Science Network.

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2010-03-01

 

Le Brésil et la science-fiction

Ma toute dernière publication a eu lieu dans l'hémisphère sud, plus précisément au Brésil.L'ouvrage est un manuel scolaire brésilien dont l'unité 7 s'intéresse à la science-fiction. Ma nouvelle, « Filhos do sol » (« Enfants du soleil » en version d'origine), accompagne (et précède) une nouvelle de Bradbury, pardonnez du peu, « A loja de malas » (« The Luggage Store », tirée des Chroniques martiennes). Illustrations, extraits d'article, discussions de l'exploration martienne font aussi partie de ce chapitre, afin de fournir de la matière aux questions et de préparer des exercices d'écriture.

J'avoue que je ne peux pas m'empêcher de me demander s'il y a beaucoup de manuels de langue, au Canada ou en France, qui intègrent un chapitre complet sur la science-fiction. Mais il est vrai que le Brésil est une puissance spatiale en devenir et que c'est un pays jeune, où on peut rêver d'explorer Mars. Nos propres nations au futur plus rassis auraient-elles tourné le dos au futur?

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