2008-01-30

 

La SF latino-américaine

Pendant qu'Hugo visite en personne l'Amérique latine (un jour, j'ai rappelé à un Mexicain que les Canadiens-français sont aussi des latins — en principe), il est possible pour le fan branché de découvrir la SF de l'Amérique latine en-ligne, voire la SF de tout le monde hispanophone. J'ai commencé par noter plusieurs des sites mentionnés sur la liste planetasf dont j'ai déjà parlé...

Si l'Amérique latine inclut la francophonie, elle inclut nécessairement aussi la lusophonie. (Ou est-ce l'inverse?) Au Brésil, il y a Scarium, qui a publié une traduction par Roberto de Sousa Causo ma nouvelle « Des anges sont tombés » ou la maison Ática que j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer.

Du côté hispanophone, commençons par les très actives presses de l'Argentine. La revue en-ligne La Idea Fija, sous-titrée « revue assez littéraire », publie un peu de tout. Plus centrée sur les genres de l'imaginaire, Axxón aurait été la première revue en-ligne d'expression castillane. La bibliothèque virtuelle quadrilingue Xenoliteraria offre des traductions en espagnol de textes étrangers. Elle est associée aux Éditions Turas Mór qui ont mis en-ligne divers ouvrages, dont un survol de la littérature fantastique latinoaméricaine doublé d'une anthologie (.PDF) réunissant six auteurs.

C'est également de l'Argentine que nous vient NM, la revue de la nouvelle littérature fantastique hispano-américaine, qui succède à Nuevomundo, un fanzine qui avait duré sur papier de 1983 à 1991. Son site comporte des liens intéressants vers d'autres sites argentins. L'effervescence de la science-fiction argentine est confirmée par un autre retour, celui de la revue Sinergia à l'hiver 2007, renaissant des cendres d'un fanzine paru de 1983 à 1987 sous la férule du très dynamique Sergio Gaut vel Hartman. Enfin, dans la revue Ñ, on trouve un entretien avec un philosophe patenté de la science-fiction

La science-fiction mexicaine a une histoire assez riche, des antécédents qui remontent au dix-huitième siècle et un portail. La science-fiction colombienne a une histoire moins ancienne, mais au Vénézuela, on peut signaler une revue en-ligne, Necronomicón, relancée en 2004 après une brève existence sur papier en 1993-1994.

La science-fiction péruvienne est aussi présente en-ligne grâce au webzine Velero 25, dont le dernier éditorial en date vante la conquête du monde (littéraire) par la science-fiction avec un enthousiasme rafraîchissant, et à quelques pages plus modestes. Quant à la science-fiction cubaine, elle a une histoire contrastée et une notice non dénuée de points de vue sur Wikipedia.

D'autres fanzines de sf en espagnol, en-ligne ou non, sont cités dans cette notice de Wikipedia.

Enfin, du côté de l'Espagne, on ne saurait omettre les Ediciones Efímeras de l'hyperactif Santiago Eximeno, né à Madrid en 1973. Celles-ci publient des livres via Lulu et aussi un fanzine électronique baptisé Efímero, comme de juste. Autre revue en-ligne, BEMonline est le nouvel avatar d'une ancienne publication sur papier qui fut une des principales revues de la science-fiction espagnole, tandis que la revue en-ligne Alfa Eridiani semble avoir toujours été purement numérique. C'est aussi en Espagne qu'est basé un portail intéressant des littératures fantastiques.

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2008-01-29

 

Lamentations et stoïcisme

Pendant que le syndicat des professeurs de l'UQÀM semble rétif à toutes formes de compressions, d'autres universités vivent quotidiennement, et sans se plaindre, des conditions au moins aussi dures. En Ontario, l'ampleur des besoins est démontrée par les nouveaux investissements annoncés de 200 millions de dollars pour la réfection des campus universitaires...

Résumons. Dans le SPUQ-Info (.PDF) de décembre, le syndicat des profs cite des chiffres en donnant l'équivalent en fonction des salaires annuels des profs, comme 1 184 083 $ (« salaire annuel d'une douzaine de profs », ce qui fixerait ce salaire à 98 674$) et 2 182 275 $ (« le salaire annuel de 20 profs », ce qui donnerait 109 114 $). Soyons plus rigoureux. L'échelle de traitement de la dernière convention collective prévoyait des salaires de 79 924 $ à 107 616 $ pour 2007 dans la catégorie la plus choyée.

Puis, comparons. Selon ce rapport (.PDF) de Statistique Canada, les professeurs titulaires de l'Université d'Ottawa gagnaient en 2006-2007 entre 78 857 et 137 671 $, la moyenne des deux extrêmes étant de 108 264 $. Les universités québécoises n'apparaissent dans aucune version de ce rapport. Ainsi, les profs de l'UQÀM commencent au même point, mais plafonnent plus vite. Toutefois, si le syndicat nous dit que le salaire typique est proche du maximum, il se peut que la moyenne des salaires soit assez semblable...

Maintenant, le syndicat nous dit que l'enseignement de quatre cours par année représente environ le tiers de la tâche des profs de l'UQÀM. Comme un chargé de cours reçoit 7 000 $ par cours, ce qui fixerait (en multipliant par trois) le salaire d'un prof à 84 000$, il se pourrait que les profs soient surpayés, ou les chargés de cours sous-payés...

Cela dit, ces chiffres suggèrent qu'on aurait tort de taper sur les profs de l'UQÀM en arguant qu'ils sont trop payés. Relativement aux autres profs du Canada, cela semble douteux. Mais ils ne font pas pitié non plus et ils ne sont pas entièrement crédibles quand ils évoquent « un dérapage immobilier dont ne sont responsables ni les étudiantes, étudiants, ni les professeures, professeurs, ni les employées, employés de l’UQAM ». Dans le même texte, ne viennent-ils pas de rappeler que les professeurs assument une « partie importante » de la « gestion académique » et « participent également aux nombreuses réunions et aux divers comités et groupes de travail que requiert une vie universitaire marquée par les exigences de la consultation, de la collégialité et de la démocratie » ?

Malgré l'insistance donnée à l'aspect « académique » de la gestion, il y a trois représentants des profs au sein du conseil d'administration de l'UQÀM. Des données cruciales semblent avoir été cachées aux administrateurs, mais les aventures immobilières de l'UQÀM auraient pu leur apparaître comme audacieuses en tant que telles et commander une saine prudence.

Ailleurs, la pression immobilière est au moins aussi aiguë. Au département d'Histoire de l'Université d'Ottawa, une vingtaine de professeurs invités ou à temps partiel se partagent trois locaux, tandis qu'une cinquantaine d'assistants à l'enseignement se partagent deux locaux dans le département de Théâtre. Les quatre profs retraités du département s'entassent dans un bureau exigu au bout d'un couloir à côté des toilettes et les professeurs embauchés pour une durée déterminée ont parfois dû s'installer dans le bureau d'un prof absent. Gageons que si un département entier à l'UQÀM devait supporter les mêmes conditions, tout le monde le saurait...

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2008-01-28

 

Introduction à la mécanologie

Lundi dernier, Vincent Bontems offrait au CIRST un visionnement d'un documentaire de 1970, Entretien sur la mécanologie, réalisé par Jacques Parent du ministère de l'Éducation du Québec pour l'Office du film du Québec. Ce film existe en deux parties (ou versions?) à la Cinémathèque québécoise. Il s'agit d'une entrevue de Gilbert Simondon (1924-1989) menée par Jean LeMoyne (1913-1996) durant l'été de 1968.

Protégé de Canguilhem, Simondon avait étudié la philosophie, la physique et l'électronique à l'École Normale. Au sortir de l'école, il enseigne la physique dans un lycée, puis la philosophie à la Sorbonne, mais dans un département de psychologie, avant de s'établir pour de bon.

Sa réputation repose en grande partie sur deux ouvrages tirés de ses thèses : L'Individuation à la lumière des notions de forme et d'information (2005) et et Du mode d'existence des objets techniques (1958). Mais les historiens et philosophes des techniques retiennent surtout le second, et c'est de celui-ci dont voulait parler Jean LeMoyne quand il était venu du Canada en 1968 pour rencontrer Simondon.

Dans ce qui suit, je note ce que j'ai retenu de l'entretien, en attendant de m'en procurer un exemplaire. Il se mêle à mes notes mes propres pensées et points de vue, de sorte qu'il sera intéressant un jour de les ressortir pour les comparer au film, ou à mes propres notes antérieures sur Simondon dans ma thèse, mais qui remontent à des lectures vieilles de dix ans et plus...

Simondon parle d'abord de l'outil comme intermédiaire entre l'humain et la nature. Il cite ici Leroi-Gourhan (mais on pourrait aussi songer à MacLuhan). LeMoyne tente de lui faire dire en quoi la machine diffère de l'outil et Simondon évoque l'ajout de pièces nouvelles, fait allusion à l'assemblage de pièces dissemblables (un chariot serait donc une machine, qui incorpore une machine simple, la roue, dans un ensemble plus grand) et souligne l'importance de la viabilité de la machine, qui ne doit pas être « auto-destructive » (une lampe brûle son combustible, et non elle-même). La stabilité est donc une condition d'existence des machines. Pour l'entretenir, il faut compter sur des circuits d'information, puisque le fonctionnement d'une machine implique une gestion des informations brutes et une homéostasie, ce qui rappelle à quel point Simondon a été influencé par les cybernéticiens.

En ce qui concerne les influences, Simondon cite le catalogue de mouvements mécaniques de Franz Reuleaux (1829-1905) et « l'anticipation scientifique » de son quasi-contemporain Jules Verne (1828-1905). En revanche, il critique les « grossièretés » énoncées au sujet de la « civilisation technicienne » (ce qui renvoie à Jacques Ellul) ou la société de consommation. À la rigueur, notre civilisation est « mal technicienne ».

De retour aux objets techniques, Simondon cite l'unité comme première caractéristique. Là-dessus, il mentionne enfin nommément Norbert Wiener et, pour parler d'obsolescence, sa description d'un objet qui s'est tout usé en même temps et qui s'est effondré.

Pour Simondon, les objets sont dichotomiques. Une face est tournée vers le monde extérieur, vers la réalité sur laquelle l'objet a prise. L'autre face est tournée vers l'utilisateur. La première est pérenne, mais la seconde est labile, et il est possible de la camoufler. Dans la mesure oùu cette seconde face a formé l'utilisateur, les habitudes d'utilisation acquises au fil du temps ne concordent plus nécessairement avec la nature actuelle des objets, qui sont de plus en plus partie intégrante de réseaux.

Les machines ont une essence : il faut apprécier leur rationalité et leur valeur culturelle. La raison, en ce qui concerne les machines, doit être réaliste afin de croire qu'il est possible d'atteindre la vérité du monde. Se montrant un brin heideggerien, Simondon suggère que l'usage est une manière de décoder le monde. Les objets contiennent à la fois une intention et une attitude. Mais il revient ensuite à Wiener en affirmant que la technique est pro(s)thétique. Puis, répondant à une question de LeMoyne, il admet que la psychanalyse des éléments de Bachelard pourrait inspirer une psychanalyse des objets techniques.

LeMoyne insiste pour savoir s'il existe une génétique des machines, des moulins à eau, par exemple. Oui, concède Simondon, mais il note surtout la roue motrice comme réciproque de la roue passive. Il n'y aurait pas de filiation obligée d'une roue à l'autre, mais plutôt une rationalité commune. La technique a ses exigences intrinsèques qui sont l'émanation de la réalité fondamentale.

La fin de l'entretien est un tour d'horizon de concepts plus ou moins opératoires. Pour saisir le fonctionnement des techniques, Simondon propose la concrétude, la synergie et l'homéostasie. L'objet technique est plus qu'une vue de l'esprit et il est complexe : Simondon donne en exemple le haut-fourneau où les gaz produits par la combustion à la base réchauffent en montant les minerais et combustibles au sommet. La turbine de Guimbal est un autre cas (cela me rappelle les turboréacteurs où le carburant sert de liquide de refroidissement, si je me souviens bien). Et l'homéostasie précède l'informatique contemporaine, Simondon expliquant les effets de rétroaction dans une lampe à huile qui stabilise sa propre combustion quelle que soit la configuration de départ. Les exemples concrets fusent et Simondon trahit parfois une certaine nostalgie, critiquant les transistors par rapport aux triodes de jadis. Il rappelle qu'une locomobile comme celle dont il se servait pour le sciage durant la Seconde Guerre mondiale pouvait fournir encore une bonne heure de travail quand elle était à 8 kilos de pression, même si on cessait tout chauffage.

Mais il se tourne aussi vers l'avenir en imaginant des « réseaux de réseaux », des nœuds de réseaux, mais tout en se montrant réservé : le réseau asservit en créant une dépendance plus forte. Les moteurs électriques les plus puissants ne peuvent pas se passer d'une alimentation externe; ils n'ont aucune autonomie. Il rejette d'ailleurs toute notion que l'obsolescence soit autre chose qu'une réalité économique.

Enfin, aiguillonné par LeMoyne, Simondon distingue machines empiriques et théoriques. Tandis que la machine à vapeur a précédé la thermodynamique, le moteur électrique a été partiellement théorisé avant d'être réalisé. Simondon date toutefois la véritable « amitié » de la science et de la technique de 1880 environ, ou même plus tard...

À défaut de le relire tout de suite, je devrais au moins me procurer mon propre exemplaire du Mode d'existence des objets techniques...

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2008-01-27

 

Investissements d'écrivains

J'avais déjà mis en-ligne une photo de mon père en 1950, penché sur sa machine à écrire, une Royal Quiet DeLuxe Portable, un modèle affectionné par Ernest Hemingway, mais aussi par les journalistes et les écrivains de l'époque. D'une vieille boîte de ses effets personnels ont émergé la facture et la garantie qui me permettent de dire qu'il avait acheté la machine le 29 septembre 1949 à Norwood Grove, qui fait maintenant partie de Winnipeg, Manitoba. Il avait obtenu en même temps une garantie de 90 jours... mais la machine a servi pendant des décennies. S'il s'agissait d'un investissement d'apprenti écrivain, il n'a pas nécessairement rapporté les fruits désirés, mais l'argent n'a pas été gaspillé. J'ai d'ailleurs tapé moi-même quelques textes de jeunesse en me servant de cette machine, avant l'achat d'une machine électrique, mais presque rien qui ait été publié par la suite...
Pour acheter cette machine de professionnel, mon père avait payé 96.50 $, une somme fort respectable à l'époque. Selon la feuille de calcul de l'inflation de la Banque du Canada, ceci correspondrait à la coquette somme de 878 $ aujourd'hui. C'est pratiquement le prix que j'ai payé pour mon dernier ordinateur portable, taxes en moins. En 1993, cette somme aurait valu 678 $, compte tenu de l'inflation, ce qui est nettement moins que ce que j'avais payé pour mon premier ordinateur, si on exclut le prix de l'imprimante laser. Et comme je me suis débarrassé de cet ordinateur, il y a quelques années déjà, il convient de saluer la durabilité supérieure de la machine à écrire manuelle. Je ne l'ai pas testée récemment, mais je soupçonne qu'elle fonctionnerait encore à la perfection, à condition de pouvoir lui trouver un nouveau ruban...
(La Royal Quiet De Luxe dans sa boîte d'origine; on notera à gauche et à droite les chevilles métalliques permettant de fixer la machine au cadre de la boîte pour éviter tout mouvement lorsqu'on se déplace.)

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2008-01-26

 

Teatro Universale (4)

Dans le numéro du 26 janvier 1839, l'orientalisme des deux numéros précédents, qui était centré sur le Proche-Orient, cède aux attraits de l'Extrême-Orient. La couverture reproduit cette fois un arc triomphal à Canton (Guangzhou) en Chine. Même si les rapports rédigés après la mission en Chine du Britannique George Macartney en 1793 avaient commencé à corriger les comptes rendus parfois utopiques des missionnaires catholiques, la Chine restait pour beaucoup de lettrés européens un pays synonyme de sagesse et de bonne gouvernance. De fait, l'article sans doute tiré du Edinburgh Journal de Robert Chambers relate avec une admiration visible comment les arcs triomphaux de la Chine sont souvent bâtis à la mémoire de personnes illustres et de citoyens exceptionnels au service de l'État, et même des femmes : « Guerrieri, principi, filosofi, magistrati, anche donne hanno partecipato di questa gloria ». Mais ce court aperçu moralisateur de la Chine est tout de suite suivi d'un essai du docteur Giovanni Labus (1775-1853) sur « L'Italia, patria delle belle arti », d'un extrait de Platon et d'un discours de Francesco Maria Zanotti (1692-1777). Ce qu'on retient parfois aujourd'hui de Zanotti, c'est son application de la gravitation newtonienne à l'analyse des idées, ce qui peut rappeler, mutatis mutandis, l'application par Dawkins du darwinisme au même sujet... Comme quoi, quand une théorie est à la mode, elle s'apprête à bien des sauces.

On retrouve ensuite un article historico-touristique sur Bruges — quelque part, le Teatro Universale est à compter au nombre des ancêtres des guides Michelin... Cette fois, les « Effemeridi Storiche Universali » remontent à l'histoire romaine pour rappeler le règne de Caligula et le chaos de la succession qui finit par donner le pouvoir à Claude. Outre un court essai sur les quantités d'or et d'argent en circulation, c'est l'article final qui surprend. Signé par Ambrogio Levati (1790-1841), il s'agit d'une histoire des femmes en Occident. Il remonte aux femmes des tribus barbares de l'Antiquité, comme celles qui donnèrent du fil à retordre aux soldats de Marius ou aux Romains en Grande-Bretagne, mais il évoque ensuite les femmes du Moyen Âge, objet de vénération pour les tenants de l'amour courtois, puis celles qui défendirent leurs foyers et leurs libertés contre les Turcs, et enfin les intellectuelles de l'époque moderne, mais sans oublier les grandes reines des siècles passés. Levati fait allusion à la « querelle des femmes » : « Esempi sì frequenti e solenni del valore e della perspicacia intellettiva delle donne diedero origine alla disputa intorno alla uguaglianza, od alla preminenza dei due sessi, e per molti lustri gli scrittori furono concordi nel darla alla femminile. »

Levati se classerait donc parmi ceux que Marc Angenot appelait Les Champions des femmes dans son livre consacré aux discours sur la supériorité des femmes de 1400 à 1800, car Levati conclut sans cacher son admiration pour les femmes qu'il cite (même si certaines féministes actuelles renieraient peut-être certains de ses exemples) : « Non v'ha però alcun dubbio, che la causa del bel sesso accrebbe il numero degli argomenti che la favoriscono, dopo che Isabella di Aragona, Cristina di Svezia, Elisabetta d'Inghilterra, Caterina delle Russie, Maria Teresa d'Austria mostrarono un animo veramente virile; ed una forza di mente, che non è sì comune negli uomini stessi, i quali non avrebbero potuto far prova di maggior magnanimità e fermezza se avessero impugnato lo scettro ne'tempi difficili e burrascosi, in cui quelle donne coronate ressero i destini de'più vasti e popolosi regni dell'Europa. »

Table des matières : Teatro Universale 235, 236, 237 (janvier).

2008-01-25

 

Immigration surnaturelle

J'avais acheté à Saratoga Springs le roman d'Hiromi Goto, The Kappa Child (2001), car je garde un excellent souvenir de ses premières nouvelles dans On Spec. Le roman (qui a remporté le Prix Tiptree) vaut le détour, même s'il a commencé par me prendre au dépourvu. La narratrice est l'une des quatre sœurs d'une famille japonaise immigrée au Canada qui tente de s'établir dans les Prairies. Le paternel est un tyran domestique qui mène sa famille à coups de gifles et d'insultes. Pis encore, il a conçu le projet insensé de faire pousser du riz dans les plaines de l'Alberta, et sans eau pour irriguer les semis, ce qui condamne les siens à des années de misère.

Ce portrait de la vie difficile d'une famille égarée au cœur des Prairies rappelle plus les romans de Margaret Laurence ou les épreuve des deux sœurs dans Madeleine & the Angel (1989) de Jacqueline Dumas que Little House on the Prairie de Laura Ingalls Wilder — mais la jeune narratrice dévore les aventures de Laura Ingalls, que ce soit sur la page ou au petit écran, car elle a tout juste l'âge qu'il faut pour apprécier la série télévisée qui a également captivé mon enfance. (Hiromi Goto a un an de plus que moi...)

Goto mêle le surnaturel au récit d'une désintégration familiale parfois plus consternante qu'intéressante. Comme elle laisse planer une certaine incertitude sur la réalité des événements fantastiques, le roman se rattache au fantastique todorovien, mais ce sont les personnages qui paraissent parfois les plus étranges. Même si on finit par être touché par eux, j'ai eu du mal à les prendre au sérieux. Une des tendances malheureuses de la fiction récente, c'est de mettre en scène des excentriques et des obsédés, comme dans The Stone Diaries de Carol Shields. Ils symbolisent en partie la passion artistique, je suppose, mais c'est peut-être parce que la société canadienne traite trop souvent l'art comme une marotte de dilettantes... Souvent, ces originaux et détraqués sont des hommes dont les lubies pathétiques et les débordements de violence servent de faire-valoir au réalisme des femmes. On me pardonnera de ne pas adhérer à plein...

The Kappa Child est un roman qui finit bien, plusieurs couples lesbiens trouvant le bonheur plus ou moins en même temps. Goto sait nous faire partager leur joie et leur soulagement d'échapper enfin à la solitude ou au poids du passé. Néanmoins, cette conclusion semble reléguer le fantastique dans les coulisses, comme s'il n'avait été qu'un défouloir ou qu'une traduction du désarroi des personnages. Du coup, l'histoire est privée a posteriori d'une partie de sa saveur particulière et on peut le ressentir comme une mutilation de sa trame profonde.

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2008-01-24

 

Histoires de Voyageurs

L'Association historique d'Ottawa offrait ce soir à la Bibliothèque nationale du Canada une rencontre avec des chercheurs s'intéressant à l'histoire des Métis et des Voyageurs : « Old Waterways, New Currents: Métis and Voyageur Studies », avec Nicole St-Onge, James McKillip, Tim Foran et Cecil Chabot. Nicole St-Onge, professeure à l'Université d'Ottawa, a commencé par évoquer la naissance de l'identité métisse. Elle note qu'une « nation » hybride comme celle des Métis n'était pas unique dans les Prairies du continent. Les tribus amérindiennes, décimées par des épidémies qui frappaient tous les cinq ou six ans vers 1800, s'étaient souvent regroupées au sein de nouveaux ensembles composites et synthétiques, les survivants s'assimilant à une tribu plus nombreuses ou formant des alliances de circonstance. Les Comanches, par exemple, avaient prospéré en intégrant des captifs aux origines variées. Mais si les Comanches avaient dominé le cœur des Plaines, profitant de huit millions de bisons et deux millions de chevaux sauvages (selon certaines évaluations) et revendiquant un territoire de plusieurs centaines de milliers de kilomètres carrés, les Métis allaient profiter de leur position mitoyenne entre le monde traditionnel et le monde des Blancs. Dès 1820, ils pouvaient mobiliser 500 chasseurs et les expéditions de chasse postérieures recruteraient jusqu'à 1500 personnes et des dizaines de charrettes. Les épidémies avaient fait le vide devant eux, balayant les tribus amérindiennes, tandis que l'arrivée des chevaux et de meilleurs fusils leur permettraient de devenir des chasseurs de bisons suprêmement efficaces, et d'acquérir une influence politique à la mesure de leur identification comme Métis.

James McKillip est un doctorant qui s'intéresse à l'histoire de Norway House au Manitoba entre 1825 et 1844 environ. La victoire de la Hudson's Bay Company sur ses rivaux transforme un petit poste de traite des fourrures en grand carrefour à la croisée des itinéraires commerciaux de la compagnie, reliant la baie d'Hudson aux établissements des États-Unis. Si le personnel permanent sur place est réduit, représentant une douzaine de personnes, l'établissement attire une population flottante considérable. Tous les équipages des York boats profitaient de l'étape à Norway House pour se reposer, retrouver les amis, faire un peu la fête... Pour fournir tout ce monde, des Métis et autochtones installés à proximité pêchaient (jusqu'à 20 ou 30 000 poissons en deux mois), produisaient du sirop d'érable, réparaient les bateaux et les canots qu'ils construisaient aussi à l'occasion (on importait de l'écorce de bouleau), et pratiquaient sans doute plusieurs autres activités sans lesquelles la vie aurait été plus dure à Norway House.

Un autre doctorant, Tim Foran, s'intéresse à la mission des Oblats à l'Île à la Crosse en Saskatchewan. Ce qui l'intrigue, c'est le choix des Oblats d'origine française de passer sous silence dans leurs rapports la présence des Métis en parlant plutôt de « Sauvages » ou « Indiens », et ce jusqu'en 1870 environ. Ce sont les exigences ethnologiques de la maison-mère en France qui les forceront à admettre la présence de « Métis » ou « Sangs-mêlés» qui vivent « à la façon sauvage ». Même alors, les Oblats auraient eu tendance à réserver le terme pour les employés métis de la Hudson's Bay Company qui parlaient français ou michif et qui venaient souvent de la vallée de la Rivière-Rouge. De manière assez intéressante, la catégorisation linguistique l'emportait sur une catégorisation purement « raciale ».

Enfin, un troisième doctorant, Cecil Chabot de Moose Factory en Ontario, fait toucher du doigt l'étrange sort de ce terme de « Métis » au Canada. Plus d'un siècle après la défaite de Batoche, la pendaison de Louis Riel, l'exclusion des Métis de la plupart des traités postérieurs et même leur disparition comme catégorie dans les recensements décennaux du pays, les institutions actuelles n'ont d'autre choix que de l'employer pour désigner cette population cousine des Premières Nations reconnues par la loi et de culture parfois proche, mais quand même distincte. On utilise le terme, faute de mieux, même s'il est appliqué à des groupes sans aucun lien avec les Métis historiques de la Rivière-Rouge. Sans doute parce que les autres possibilités sont péjoratives ou choquantes. Et sans doute parce que les Métis de l'Ouest, justement, ont réussi à maintenir leur identité.

De nos jours, l'identité « métissée » est renforcée parfois par l'exclusion de certaines familles et certains individus des traités, ce qui les exclut de pratiques coutumières (de chasse et pêche, par exemple) désormais réservées aux Premières Nations. Ainsi, là où il n'existait peut-être à l'origine aucun sentiment d'être « Métis », les cadres juridiques forcent des personnes à se rabattre sur la seule identité encore disponible. C'est une belle et curieuse démonstration de la construction de l'identité...

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2008-01-23

 

Bestsellers scientifiques

Bruce Lewenstein de l'Université Cornell (qui était présent à Toronto en octobre dernier) a beaucoup écrit sur la culture scientifique et sur les livres qui l'alimentent, du moins aux États-Unis. Dans ce texte de 2002, il livre une partie de sa démarche et de ses données tout à fait fascinantes sur les auteurs et les livres de vulgarisation scientifique qui ont obtenu les faveurs du public depuis la Seconde Guerre mondiale.

Le sujet s'inscrit dans le cadre plus vaste de la communication scientifique, dont s'occupe des revues comme Public Understanding of Science. Bien entendu, il n'y a pas que les livres pour vulgariser les sciences. Il est aussi possible de le faire en personne (conférences, démonstrations) ou avec l'aide des médias. Si la radio a servi de banc d'essai aux premiers vulgarisateurs des sciences, la télévision a pris le relais de belle façon, ne laissant aux stations de radio qu'une poignée de formats et d'occasion (émissions d'affaires publiques, nouvelles de grande importance) pour la vulgarisation des sciences. Toutefois, Lewenstein se penche d'abord sur les livres, qui permettent aux auteurs de développer une thèse plus en détail et sans trop sacrifier de la complexité d'un sujet. Et pourtant, le plus frappant, c'est bien que des livres en apparence rebutants obtiennent des ventes parfois éclatantes.

Mais ce ne sont pas toujours les ventes qui déterminent l'influence d'un livre, comme Lewenstein le souligne ailleurs (et même en français). Son allocution à Toronto reflétait aussi son travail sur une typologie des modes de communication scientifique, comme dans ce texte (.PDF) de 2004. Et cet essai (.PDF) de 2007 développe un argument en faveur de l'intérêt de ces ouvrages hybrides et de l'étude des facteurs gouvernant leur succès (ou non).

Entre autres, je trouve intéressant de voir combien de ces livres j'ai lus (ce surtout ceux qui sont parus de mon vivant) et combien d'entre eux j'ai connus par des comptes rendus, des extraits ou des rapports... Et j'adresse un petit mot de reconnaissance par-delà le temps à mon père qui m'acheta un livre comme Cosmos de Sagan, qui fit presque de moi un astronome...

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2008-01-22

 

Réformer la monarchie...

Plus je surveille la politique au jour le jour des deux Républiques présidentielles que je connais le mieux, plus je me sens monarchiste...

Certes, il y a des candidatures intéressantes aux États-Unis en ce moment, surtout du côté des Démocrates. Edwards, Clinton ou Obama feraient des présidents potables, à la fois éloquents et bien informés, ce qui nous changerait... Richardson aurait été encore plus intéressant, mais il n'est plus dans la course. Les Républicains sont plus mal lotis, encore que McCain et Romney semblent moins prisonniers de l'esprit de parti que les autres. Après tout, ils ont souvent changé d'avis depuis quelques années...

En France, la dernière élection présidentielle a été profondément déprimante. Choisir qui, de Sarkozy, Royal ou Bayrou, ferait le moins de dégâts n'avait rien de drôle.

Mais ce ne sont pas les personnes qui sont en cause dans les systèmes présidentiels, c'est la fonction de président. Quand je regarde soit Bush II aux États-Unis soit Chirac 2.0 en France (en se rappelant qu'on aurait pu avoir Le Pen 1.0), je vois des présidents qui n'auraient pas dû être réélus (ou élus). Le problème, c'est que la présidence est un poste régalien qui fait de son occupant un père de la nation.

Or, ce n'est pas facile de tuer le père. Pourtant, si on veut assurer un bon roulement et pousser un peu les présidents dans le dos, il faut que les citoyens des démocraties puissent se résoudre à assassiner une figure paternelle et tutélaire beaucoup plus souvent que cela ne semble psychologiquement possible. Comme ce n'est pas si facile, les États-Unis ont imposé une limitation des mandats. En l'absence d'une telle mesure, une république présidentielle risque toujours de tomber sur un président qui combinera l'irresponsabilité du monarque à vie et l'exercice arbitraire de grands pouvoirs.

C'est pourquoi la monarchie constitutionnelle présente l'avantage de dissocier la fonction symbolique du monarque et père, et l'exercice du pouvoir par une personne élue, mais facile à rappeler en cas de dérive. Aux États-Unis comme en France, le président acquiert une dignité qui complique la politique au jour le jour. Mieux vaut avoir des politiciens de métier (et de passage) qui n'engagent pas une certaine image de la nation quand ils se trompent, changent d'avis ou sont renversés.

Quant à la monarchie, celle de la Reine Élizabeth est une solution particulièrement économe. Une seule personne suffit à incarner la fonction tutélaire suprême dans seize pays ou États différents. Selon certains témoignages, la France aurait d'ailleurs pu en être avant d'opter pour le Marché Commun....

Ce qui ne veut pas dire que je ne peux pas concevoir de réforme possible de la monarchie. Justement parce qu'elle est essentiellement symbolique, ses formes sont potentiellement malléables. Par exemple, la règle actuelle de la succession donne la préférence à l'aîné des fils, même s'il a une sœur plus âgée. Après un millénaire de suprématie mâle, pourquoi ne pas l'inverser et donner la préférence aux filles? La Couronne britannique a été bien servie par ses reines, mais beaucoup moins bien par ses rois. De plus, les reines vivent longtemps : cela ferait moins de couronnements...

En ce moment, la reine Elizabeth Deux n'a qu'une fille, la princesse Anne, qui n'a sans doute jamais songé à monter sur le trône, mais qui pourrait sans doute s'y résigner, histoire d'occuper sa retraite. De plus, Anne a une fille, Zara, de sorte que cette nouvelle succession serait assurée pour un bon demi-siècle...

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2008-01-21

 

L'art du futur... à l'est du Rideau de Fer

Si la science-fiction moderne est née aux États-Unis au temps d'Hugo Gernsback en s'inspirant des auteurs britanniques et français, sa seconde patrie est sans doute l'Europe de l'Est qui a produit un auteur comme Stanislas Lem et de nombreux films durant l'ère communiste, en Allemagne de l'Est ou ailleurs. On peut remonter au film Aelita (1924), qui s'inspire d'un roman d'Alexei Tolstoï, tout comme on peut mentionner un autre effort précoce, Le Voyage cosmique (1935), qui inclut un vaisseau spatial baptisé le « Joseph Staline » (!) et qui est disponible en-ligne dans une version pourvue de sous-titres en espéranto. C'est également en Union soviétique que l'on réfléchit très tôt au voyage dans l'espace (Tsiolkovski, qui vécut assez longtemps pour conseiller les réalisateurs du Voyage cosmique), avant les projets allemands ou britanniques (1939).

Lorsque la technologie des fusées et des missiles devient névralgique après la Seconde Guerre mondiale, les idées de la science-fiction seront diffusées à plus grande échelle. Ce site (malheureusement placardé d'annonces publicitaires) offre une belle galerie d'illustrations tant soviétiques que nord-américaines de l'exploration spatiale telle qu'on l'imaginait avant 1969, mais aussi un second volet qui porte sur les cités du futur héritées du futurisme de Sant'Elia et compagnie...

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2008-01-20

 

Des constellations signifiantes

Dans le numéro de février de la revue Discover, Jaron Lanier signe un article (« A shot in the dark: Let's talk to aliens by rearranging the star ») qui sera disponible ici un de ces jours. Pour communiquer avec des extraterrestres, il propose de déplacer des étoiles afin de former des graphstellations, des arrangements de soleils dont la disposition trahirait clairement une intervention délibérée (un dessein intelligent, autrement dit...).

Comme par hasard, une astronome de l'Université de Hawaii, Eugénie Chkolnik, vient d'annoncer la découverte d'un système quadruple formé de deux couples d'étoiles étroitement liées. Un tel système serait rare, et bien dans la veine d'une disposition d'étoiles envisagée par Lanier et ses sources, mais pas assez pour signaler une intention de communiquer...

L'idée de Lanier n'est pas excessivement originale. Dans ma nouvelle « Stella Nova », parue en anglais dans On Spec en 1994, il y avait ces lignes :

« But wherever the Supremats found an opening, they infected... They manipulated virtual reality inputs and electronic interfaces to mold minds in their image. And who was to say that the future was not theirs? If one believed their claim to be responsible for an artificial constellation in the shape of an old Terran letter, out in the halo, along the line of sight to Andromeda, they already pursued astroengineering on a grand scale—at what cost in sentient lives?—and dreamed of a galactic polity. »

Certes, ceci n'était pas dépourvu d'ambiguïté puisqu'on pouvait y discerner une allusion à la constellation de Cassiopée en forme de W. Les Suprémates bluffaient-ils en s'attribuant la paternité d'un tel arrangement stellaire?

Déjà, en 1987, le savant russe Leonid M. Chkadov avait proposé un moyen de motoriser les étoiles. Lanier propose une autre façon de le faire dans son article. Et j'ai esquissé un scénario ou deux dans mes nouvelles mettant en scène des Suprémates.

Mais j'avais sans doute été inspiré par la brève description d'une rosette de Klemperer par Larry Niven dans Ringworld, d'après un article paru en 1962. Il ne s'agissait que de déplacer des planètes, certes, mais quand on se met à rêver, on peut bien changer d'échelle une fois de plus, cela ne coûte rien.

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2008-01-19

 

Teatro Universale (3)

Dans le numéro du 19 janvier 1839, ce sont les coiffures des femmes de l'Antiquité qui ont les honneurs de la couverture. Cette fois, il pourrait s'agir d'un travail de recherche réalisé principalement par les rédacteurs, puisque l'article correspondant ne cite aucune source étrangère. Je n'ai pas eu la patience de le lire au complet, j'avoue, mais j'ai trouvé beaucoup plus évocatrices les descriptions de la Césarée d'Hérode au bord de la mer Méditerranée, insérées dans un article un peu plus long qui portait aussi sur les autres villes appelées Césarée que l'Empire romain avait léguées à la postérité, dont la Colonia Caesarea Augusta (Caesaraugusta, aujourd'hui Saragosse en Espagne), Caesarea (aujourd'hui Cherchell en Algérie) et Caesarea Eusebia(aujourd'hui Kayseri en Turquie, patrie du pastrami). L'article cite un passage des voyages d'Alphonse de Lamartine (1790-1869) en Orient, donné en 1835 dans Souvenirs, impressions, pensées et paysages pendant un voyage en Orient, 1832-1833. Il s'agit donc d'un texte récent, mais les rédacteurs puisent en fait l'anecdote dans la traduction italienne parue à Milan en 1835 aussi (on traduisait vite à l'époque!), Rimembranze di un viaggio in Oriente. Le passage de Lamartine retenu par le Teatro Universale décrit un pasteur arabe qui fréquente les ruines de Césarée (qui resteraient désertes jusqu'en 1884, avant d'être occupées par des réfugiés musulmans de la Bosnie). Lamartine explique comment il n'a trouvé personne sauf lui dans ce qui était un haut lieu de l'histoire et de la culture antique : « Il ragazzo, nudo nato, che cavalcava un asino, uscì per ultimo dalle ruine di Cesarea, e ci disse che veniva ogni giorno da due leghe a dissetare le mandre della sua tribù montana. » Ou, en quatre mots : sic transit gloria mundi. Le texte cite ensuite un épisode de l'histoire italienne des Croisades, mais il inclut une gravure des ruines de Césarée (ci-contre). C'est tout le goût des ruines du romantisme que l'on retrouve donc dans ce numéro et le précédent. Le goût pour l'histoire, aussi, en particulier quand elle est antique ou médiévale. L'article suivant dans le numéro s'inscrit sous la rubrique des « Effemeridi storiche universali » et il est consacré à un épisode de l'histoire napolitaine du XIVe siècle, quand les Angevins régnaient à Naples. Il est suivi d'une notice sur la Grèce contemporaine et le numéro se termine sur deux citations, dont une de « Martino », que je rendrais ainsi : peu importe avec quelle intention on fait ce qui est mal, car les œuvres se voient, et l'intention ne se voit pas.

Table des matières : Teatro Universale 235, 236 (janvier).

2008-01-18

 

Cloverfield

C'est sans doute le premier film depuis The Blair Witch Projet dont l'héroïne est une caméra. Et celle-ci a d'autant plus de mérite qu'elle survit à des courses affolées en pleine foule, à plusieurs attaques de créatures monstrueuses, à une chute d'hélicoptère et à un bombardement massif de l'armée étatsunienne. (Tandis que la pile dure au moins deux heures, si ce n'est six ou sept...) Si seulement je connaissais le modèle, je me précipiterais pour l'acheter.

La caméra se souvient de choses dont les personnages ne parlent pas et c'est elle qui a le dernier mot. (On la plaint presque quand elle se retrouve à filmer le sol, ou qu'elle tente en vain de choisir une focalisation sur un visage ou des brins d'herbe...) Sa transformation en personnage rend le film plus supportable, en fait, puisqu'elle a survécu tandis que la plupart des autres personnages n'ont pas eu cette chance.

Personnellement, j'ai été déçu par ce film. Les meilleures scènes avaient déjà été diffusées par les bande-annonce, tandis que les autres rappelleront la série des Aliens... ou le 11 septembre 2001. Et comme le 11 septembre, on entend les victimes demander pourquoi. Pourquoi elles? Mais pourquoi, puisque nous sommes des victimes innocentes et que nous n'avons rien fait? L'absence d'éclaircissement quant aux origines du monstre permet effectivement de croire que l'attaque n'est pas motivée ou justifiée, mais les critiques new-yorkais qui se plaignent que le film bafoue la mémoire des victimes du 11 septembre oublient de mentionner que c'est aussi un film dont l'absence de mise en contexte politique ou écologique (comme dans les films japonais) frise l'exonération totale des États-Unis.

Dans un article du New York Times, un certain James Sanders qui a écrit un livre sur la mise en scène de New York au cinéma affirme que la destruction de New York est plus fascinante que celle d'une banlieue anonyme : « What would be the point of showing a demolished suburban street? You’d get the point but it just wouldn’t have the punch. You take the most familiar, iconic symbol of civic society in the world — a big city, and for Americans, that’s New York — and that’s where disaster is going to be the most powerful. »

Une fois, peut-être, mais quand on l'a vu trop souvent, on peut juger que le saccage de Bayonne, au New Jersey, par des envahisseurs extraterrestres dans le War of the Worlds de Spielberg est beaucoup plus efficace justement parce que ces rues anonymes sont aussi les rues familières des quartiers que nous habitons. Le film de Spielberg avait l'habileté d'éviter New York : il nous montrait plutôt une banlieue ouvrière, une banlieue plus cossue, des aperçus de la campagne, puis Boston, une ville qui n'a pas la même présence mythique que New York au cinéma. Et, somme toute, je trouve que cela fonctionnait beaucoup mieux que Cloverfield.

Certes, les spectateurs qui ont grandi avec Friends ou Sex and the City se sentent peut-être chez eux à Manhattan, au point d'être viscéralement touchés par les scènes de destruction dans les rues de New York. Pourtant, j'ai déjà visité, et pas plus tard que novembre 2006 (photo ci-contre), mais ceci n'a pas augmenté l'effet du film et m'a plutôt inspiré des interrogations sur le réalisme de certaines scènes. Le gratte-ciel appuyé sur un autre, par exemple, mais qui ne tombe pas... Il y a aussi la vitesse des déplacements des protagonistes, du pont de Brooklyn jusqu'à Central Park. Ce serait déjà une bonne heure de marche, mais ils font aussi un détour pour sauver une amie (se tapant une cinquantaine d'étages dans un gratte-ciel, en montant, puis descendant). Et je n'ai pas toujours compris comment les personnages faisaient pour trouver à point nommé une trique quelconque pour assommer telle ou telle créature. Bref, le film essaie de faire oublier tout ce qu'il a de conventionnel (jolis jeunes gens en train de se faire massacrer) en utilisant une caméra d'amateur, en faisant preuve d'un minimum de réalisme (même s'ils étaient aussi vernis que des potiches, ou gambadaient dans un champ de trèfles à quatre feuilles, des personnages courant sus au danger risqueraient surtout la mort) et en terminant sur une note aussi noire qu'ironique. On a déjà analysé les slasher movies en terme de punition immanente de la sexualité prématurée — or, la première partie du film bascule quand on apprend que deux personnages qui périront ont couché ensemble après avoir longtemps été de chastes et platoniques amis (Friends encore...), mais fallait-il vraiment détruire tout Manhattan pour châtier une amour de jeunesse? Du coup, je trouve qu'un film de série B comme The Host acquiert un certain charme rétrospectif et comparatif...

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2008-01-17

 

La haine de la télévision québécoise

En août 1994, Hélène Jutras signait un article dans Le Devoir qui a fait un certain bruit, « Y-a-t-il un avenir pour les jeunes au Québec?: Le Québec me tue ». Son essai se terminait sur ce paragraphe:

« Partir ne changera rien pour le Québec, mais ça améliorera ma vie. Dire à tout le monde que je rêve de partir ne changera rien non plus. Seulement, je ne suis pas seule. Je ne crois pas qu'il y ait quelque chose à faire pour empêcher l'exode progressif de la jeunesse, qui suit celui des artistes (dois-je rappeler que Robert Lepage a été ignoré à Montréal avant d'être connu dans le monde entier?) et celui des retraités aisés (qui fuient en Floride un climat dont je ne veux même pas parler). Il n'y a qu'à attendre, car tout est déjà commencé: le Québec se dessèche peu à peu, se vide de son sang. Qui paiera les pensions des derniers survivants? »

J'ai des amis hautement qualifiés (diplômes universitaires) et bien installés (maison, poste permanent dans l'enseignement) qui rêvent de partir, ou qui l'ont fait. Aux États-Unis, en France, à Vancouver. Et la question du départ reste présente dans les discours. Quelque part, c'est parfaitement normal. Les Anglais avaient autrefois la tradition du Grand Tour européen pour leurs jeunes, mais les anglophones parlent plus volontiers aujourd'hui d'une « gap year ». Les Allemands croyaient aux vertus d'une Wanderjahr. En France, les ouvriers compagnons connaissaient la tradition du Tour de France (longtemps avant la grande boucle des cyclistes)...

Au Québec, c'est peut-être en raison de l'absence d'une tradition semblable que les jeunes Québécois quittent moins souvent le giron confortable de la province pour découvrir d'autres horizons. Du coup, l'envie de partir peut devenir d'autant plus vive quelques années plus tard, quand on a fait sa vie mais qu'on se rend compte tout d'un coup qu'on l'a faite dans l'ignorance de ce qu'il pouvait y avoir ailleurs.

C'est qu'il y a aussi des repoussoirs... La télé québécoise a de quoi donner envie de fuir jusqu'aux antipodes. Si on s'en tient à la télé pour connaître le Québec, il y a de quoi s'inquiéter, ou du moins de rêver du grand large. Même les nouvelles de Radio-Canada frisent parfois le nombrilisme.

Prenons le battage radio-canadien (et médiatique) autour de l'exposition de photos de Christiane Charette et Jean-René Dufort. J'en ai entendu parler à la radio, puis à la télévision... J'ignore si les photos sont bonnes, mais comme les deux photographes sont connus, on parlera de cette exposition avec une insistance dont ne bénéficiera sans doute pas, disons, Arnaud Maggs quand il exposera au Musée d'Art contemporain... Ou l'expo de Saul Leiter à la Fondation Henri Cartier-Bresson de Paris, en ce moment.

C'est ce repli sur soi et sur les célébrités du cru qui peut finir par lasser. Et je soupçonne qu'il n'est pas pour rien dans l'envie d'aller voir ailleurs... Heureusement, je ne regarde pas souvent la télé, et encore moins la télé québécoise. Je supporte donc très bien de passer au Québec la majorité de mon temps.

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2008-01-16

 

Le secret de la Joconde

Qui est la Joconde? Eh bien, des résultats dévoilés par des experts allemands révèlent que le modèle de la jeune femme peinte par Léonard de Vinci n'est nul autre que... la Joconde.

Depuis le temps de Vasari au milieu du seizième siècle, on savait que le tableau représentait fort probablement Lisa Gherardini del Giocondo, la femme du marchand Francesco del Giocondo. Ce pourquoi on parlait à son sujet de la Joconde, ou de la Mona Lisa (« mona » n'étant ici que l'abréviation de « madonna »).

Sur la base de quelques allusions, on avait proposé d'autres identités et imaginé toutes sortes de scénarios. Mais cette annonce (qui remonterait à 2005) devrait nous prémunir contre la tentation de croire à la valeur des théories d'ouvrages comme The Da Vinci Code. J'ai déjà dénoncé les dérapages agaçants de Brown et de certains de ses lecteurs. Il ne suffit pas de quelques zones d'ombre et confusions pour prouver quelque chose, et surtout pas qu'on nous cache des choses...

Souvent, l'interprétation la plus évidente est aussi la plus probable. Et la Joconde est bel et bien la Joconde.

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2008-01-15

 

Remonter à la source (4)

Après un billet sur les chiffres de la guerre en Irak, revenons au réchauffement climatique. Grâce, une fois de plus, au site RealClimate, je vais noter ici quelques pages apparemment pérennes sur les données du climat mondial.

Cette page britannique fournit les anomalies des températures moyennes planétaires selon une distribution à la surface du globe, comme l'explique cette page. Les chiffres résultent d'une collaboration d'une unité de recherche universitaire et du Centre Hadley du service météorologique de la Grande-Bretagne.

Aux États-Unis, la NASA aussi fournit des anomalies pour les températures moyennes globales, sur une base mensuelle et annuelle. L'analyse des chiffres climatiques par le Goddard Institute for Space Studies est décrite ici.

C'est aussi la NASA qui finance la collecte de données par le Special Sensor Microwave/Imager (SSMI). Cet instrument en orbite recueille des données sur les conditions au-dessus des océans, dont des températures atmosphériques (mensuelles) expliquées çà et . Si je voulais les exploiter, ouf!, ce ne serait pas simple...

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2008-01-14

 

Querelles de familles superhéroïques...

Autre roman trouvé à Saratoga Springs, The Scent of Shadows de Vicki Pettersson... L'héroïne s'appelle Joanna Archer, elle vit à Las Vegas et elle a survécu à un terrible viol commis en plein désert quand elle était adolescente.

Le jour de ses vingt-cinq ans, elle rencontre Ajax, avec qui elle a pris rendez-vous dans un restaurant de luxe à Las Vegas. Elle survit de justesse à leur rencontre, mais il a ranimé de terribles souvenirs et fait allusion à une échéance imminente...

C'est le premier volume d'une série, nettement mieux écrit et plus prometteur que Once Bitten, Twice Shy. La montée de la tension durant la première partie du livre, qui voit Joanna accepter petit à petit qu'elle n'est pas comme les autres et qu'elle a hérité d'un destin périlleux, est fort habilement menée. En une nuit, Joanna redécouvre l'amour, constate qu'elle est plus qu'humaine et venge la mort horrible d'une personne aimée.

Les personnages principaux, en particulier les deux sœurs Archer, Joanna et Olivia, jouissent d'une humanité plus riche et plus nuancée que les protagonistes campés par Rardin. Les rebondissements sont nombreux, mais la métamorphose de Joanna en superhéroïne dotée de nouveaux sens et de pouvoirs magiques a commencé à me faire décrocher.

Cette transformation est le signal pour Joanna de la découverte d'un autre monde, celui des initiés des signes du Zodiaque qui se partagent en deux camps, ceux de l'Ombre et de la Lumière. Ceux-ci se livrent une lutte incessante depuis on ne sait quand, mais la venue de Joanna a été prédite de longue date, car Joanna présente la particularité d'être fille de la Lumière par sa mère et de l'Ombre par son père, enfin, son vrai père...

Dès lors, on bascule dans une course à l'affrontement final (du moins, dans ce volume) qui n'est guère relevée par l'énigme de l'identité d'un traître au sein du camp de la Lumière ou les difficultés d'intégration de Joanna. Celle-ci doit affronter la méfiance des guerriers de la Lumière, dont les doutes sont attisés par la part d'Ombre de la jeune femme. Ce sont des péripéties familières, presque des figures obligées, et elles ne sont guère originales.

Cet univers occulte, avec ses champions à l'enseigne des constellations du Zodiaque, est lourdement schématique, et schématisé. Comme la seconde partie du livre ne sort plus du cercle des superhéros, l'histoire se réduit à des querelles de surhommes (et surfemmes) qui n'émeuvent pas nécessairement les humains ordinaires... De plus, même si le décompte des macchabées est sans doute moins élevé que dans le roman de Rardin, la brutalité gratuite des gestes des bons comme des méchants peut également décourager le lecteur trop délicat : quelque part, on frise une certaine pornographie de la violence. Bref, il y a là les éléments d'une série prenante pour les amateurs du genre, mais je n'en suis pas un.

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2008-01-13

 

Persépolis

Persépolis est enfin arrivé au Canada en version filmée! Sans être un fan fini (je n'ai jamais acheté les albums), j'avais découvert le charme de la BD d'origine dans Libération. Le ton juste de Satrapi, s'appuyant sur des événements authentiques dont elle dégageait l'humour ou à tout le moins l'absurdité, m'avait conquis et j'ai donc vu le film hier au cinéma Ex-Centris.

J'ai lu dans les journaux que la Marjane Satrapi du film Persépolis était une petite fille progressiste. Il serait tout aussi juste de dire qu'à nos yeux d'Occidentaux, elle est une petite fille normale dans un pays anormal, l'Iran bouleversé par une révolution comme on en a vu ailleurs, mais d'un conservatisme paroxystique.

Seulement, la normalité de la petite Marjane est une liberté qui est le fruit de l'aisance de sa famille, clairement apparentée à l'ancienne aristocratie du pays. Marjane elle-même fréquente le Lycée français de Téhéran et on verra plus tard qu'elle fait partie de la jeunesse dorée du pays. Au départ, elle est donc une exception; il n'est pas entièrement surprenant qu'elle trouve particulièrement difficile de se plier aux diktats de la nouvelle vie en Iran.

Mais sa révolte est pour nous naturelle. L'aisance de sa famille, qui la rapproche du mode de vie de la classe moyenne occidentale, rend cette révolte plus compréhensible que si le récit adoptait le point de vue d'Iraniens plus pauvres ou moins occidentalisés. Les critiques fondées sur le manque de représentativité de la petite Marjane se trompent de cible : l'Histoire suffit à montrer que les malheurs des aristocrates français ou russes aux mains des révolutionnaires de 1789 ou 1917 préfiguraient des catastrophes plus générales. C'est un peu le principe de la litanie de Niemöller...

Cela dit, ce serait également erroné que d'attendre de ce très beau dessin animé une analyse nuancée de l'histoire politique de l'Iran depuis la chute du Shah. C'est un témoignage parmi d'autres et il ne surprendra que ceux qui croiraient qu'il ne pouvait exister de gens ordinaires en Iran. Parce que c'est un témoignage, il est moins poignant que des fictions tirées d'événements réels, comme les films Machuca ou La Lengua de las mariposas, dont j'ai déjà parlé, ou El Laberinto del Fauno. Ou c'est peut-être que je suis un homme et qu'une étude récente suggère que les hommes se laissent plus facilement émouvoir par les fictions...

Il ne s'agit donc pas d'une leçon d'histoire iranienne (pour les nuls, peut-être, ou les très jeunes), mais d'une succession de moments dans la vie d'une jeune femme déchirée entre l'amour de son pays et des siens, et le désir de vivre libre. Ce sont ces moments qui nous attendrissent, qui font sourire, qui suscitent le rire, et qui valent le détour.

Le film se termine un peu abruptement; après tout, un récit aussi clairement biographique peut se poursuivre tant que le personnage principal est encore vivant. Mais la jeune Marjane a tranché : elle choisit la liberté.

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2008-01-12

 

Teatro Universale (2)

Le numéro du 12 janvier 1839 du Teatro Universale se tourne vers l'Orient. Pour moi, c'est une autre occasion de lire un peu d'italien, puisque je viens d'affirmer dans un curriculum vitæ que je peux lire cette langue. (Mais n'est-ce qu'un prétexte pour aborder le Teatro Universale? Ou est-ce l'inverse?) L'article en vedette est consacré à Babylone et à la Mésopotamie, s'inspirant d'expéditions et de fouilles anglaises dans cette partie de l'Empire ottoman. En particulier, le rédacteur s'inspire de l'ouvrage tout récent, Researches in Assyria, Babylonia, and Chaldaea de William Ainsworth (1838), réimprimé pas plus tard qu'en 2001. (L'édition enrichie de 1888 sous un autre titre est disponible en-ligne.) La gravure sur bois qui fait la une représente une vue contemporaine de la ville de Hillah sur l'Euphrate, qui fut le site d'une bataille d'envergure inconnue durant l'invasion de l'Irak par les États-Unis en 2003. Les troupes d'occupation se sont ensuite fait remarquer pour les dommages infligés aux ruines de Babylone. (C'est ce qu'on appelle détruire un patrimoine pour le sauver...) En deux siècles, qui oserait affirmer que la situation s'est améliorée? En 1835-1837, l'expédition commandée par Francis Rawdon Chesney avait eu toutes les peines du monde à obtenir le droit de visiter les sites de la Mésopotamie antique. De nos jours, c'est tout aussi difficile d'aller se rendre compte sur place de ce qui se passe... En parlant de l'étendue de la ville antique de Babylone, les rédacteurs du Teatro Universale (peut-être inspirés par leurs sources) versent dans l'anticipation pour mettre en garde contre la tentation de définir la superficie antique de Babylone par ses faubourgs les plus excentriques : « Immaginatevi che Londra e Parigi cadano diroccate ed abattute al suolo, e che l'abitante di una qualche futura città venga a visitare le loro ruine, come ruine d'un' antichità a quel tempo remota ; se, nel primo esempio, Sèvres, Mont Rouge, e Vincennes, o, nel secondo, Greenwich, Stratford-le-Bow, Tottenham, Highgate, Hammersmith, Richmond e Clapham, fossero presi come limiti, ovvero rispettivamente idenficati come rovine di Parigi et di Londra, qual mai portentosa ampiezza non acquisterebbe queste città negli occhi de' posteri? »

Dans le reste du numéro, on trouve, entre autres, un historique de la secte des Assassins, une biographie de Francesco Novello (l'aîné) da Carrara et une notice sur Holbein.

Table des matières : Teatro Universale 235 (janvier).

2008-01-11

 

Souvenirs du verglas

Maintenant que la correction des travaux du semestre dernier est finie, je peux envisager le nouveau semestre... ou me pencher sur le passé.

Ces jours-ci, les ondes de Radio-Canada étaient saturées de nostalgie (mautadits baby boomers!). Quand ce n'était pas les Lavigueur, c'étaient les sœurs Lévesque que l'on évoquait à la radio vingt-deux ans après. (Pourquoi vingt-deux ans plus tard?) Ou le premier film étudiant de la province, par Denys Arcand, Denis Héroux et Stéphane Venne...

Ou bien c'était le verglas, dix ans après.

J'ai mes propres souvenirs, qui sont nettement moins dramatiques que ce qu'on nous montre ou raconte. (Heureusement pour moi, mais sans préjuger du malheur des autres, hein!) Pour moi, le verglas, c'était il y a trois ordinateurs portables, puisque j'ai acheté mon premier portable pour ne plus jamais être l'esclave de l'alimentation en électricité de mon appartement par Hydro-Québec...

Sinon, comme j'avais la chance d'habiter à proximité d'hôpitaux et d'intersections majeures au cœur de Montréal, je n'ai pas manqué d'électricité très longtemps. Deux ou trois jours tout au plus, et j'avais la ressource d'aller au café pour avoir de la chaleur et de la lumière, voire à l'UQÀM, qui était également assez bien approvisionnée puisqu'elle était sans doute sur le même secteur que la station Berri du réseau de métro.

Bref, pendant deux ou trois jours, j'ai campé dans mon appartement en accumulant les duvets, couvertures et sacs de couchage sur mon lit, et en lisant plusieurs romans à la lumière du jour, ou des chandelles que j'avais reçues pour Noël, comme il se trouve... (Ou peut-être pour un Noël antérieur, n'enjolivons pas trop...) Entre autres, j'avais lu Trader de Charles de Lint (fort bon) et les derniers romans dans la série de l'Élévation de David Brin (oubliables). Me restait-il assez de piles pour écouter les nouvelles à la radio? Franchement, je ne sais plus.

Au supermarché, au moment où il était question que l'eau soit coupée, j'avais réussi à mettre la main sur une ultime bouteille d'eau... Les tablettes étaient vides et les clients raflaient tous les autres liquides embouteillés, mais un employé était sorti de l'entrepôt avec un chariot rempli de bouteilles d'eau dans le genre de celles qu'on distribue aux conférenciers invités à des congrès... J'avais pris ma part dans la mêlée.

Je m'en étais surtout servi pour me laver les dents, puisque j'avais d'autres boissons dans mon réfrigérateur, y compris du lait que j'avais déplacé dans le réfrigérateur naturel de mon rebord de terrasse. J'avais aussi rempli une bouteille d'eau et entrepris de préparer mon sac à dos pour faire face à une évacuation, mais, comme tout le monde le sait, la dernière ligne a tenu et rien de tout cela n'a été nécessaire.

Sinon, je me souviens surtout du soir de la fermeture de l'UQÀM, quand un gardien de sécurité m'avait mis à la porte de mon bureau et que j'étais rentré en métro, émergeant de la station Guy-Concordia dans une ville complètement enténébrée, à l'exception de l'étroit espace éclairé par la sortie du métro. Tous les édifices environnants étaient complètement noirs et, comme il n'y avait presque pas de voitures dans les rues, il régnait une atmosphère de fin du monde...

... au moins jusqu'à l'arrivée de l'autobus, qui allait gravir la côte de Côte-des-Neiges en patinant dans la sloche, de peine et de misère. Une fois rentré chez moi, j'avais reçu quelques appels et rassuré mes proches que la vie continuait, même dans le noir et dans le froid.

Je me souviens aussi des jours suivants, quand il y avait de nouveau du courant chez moi et que les commerces avaient rouvert leurs portes, mais que des milliers de Montréalais devaient encore se passer de courant. Le métro fonctionnait par à-coups et m'avait largué à mi-chemin du centre-ville, une fois. Je m'étais rendu au centre-ville, mais on nous avait forcé à faire un détour par l'intérieur d'un gratte-ciel parce que la glace fondait et tombait du haut des plus hauts bâtiments, pilonnant la rue comme un barrage d'artillerie à Sarajevo. Le soir venu, j'étais monté sur une des terrasses de l'Oratoire Saint-Joseph et j'avais contemplé les quartiers aux contours dessinés par les lampadaires rallumés le long des grandes artères, tandis que les rues transversales étaient toujours plongées dans le noir. Et j'avais eu l'idée d'un poème, « Holes in the Night », qui est paru ensuite dans un volume de la série des Tesseracts...

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2008-01-10

 

L'avenir des droits des créateurs

J'enverrai ces jours-ci la lettre ci-dessous à ma députée. Le texte s'inspire de la lettre (en anglais) qu'on peut trouver sur le site d'Online Rights Canada. Même si les écrivains francophones ne sont pas aussi concernés que leurs confrères anglophones par la distribution d'exemplaires numériques de leurs textes, il nous incombe de prévoir l'évolution du marché et de nous positionner dans ce débat. L'effet d'internet sur la distribution de la musique et des films aura été, selon certains, dévastateur; d'autres y ont vu plutôt une ouverture des marchés à un plus grand nombre de créateurs. Michael Geist, professeur à l'Université d'Ottawa, offre de nombreuses ressources à ce sujet sur son blogue.

Pour obtenir d'un gouvernement obtus un cadre légal le moindrement raisonnable, je crois qu'il faut faire pression en faveur d'un maximum de flexibilité, pour ne pas verrouiller la situation au seul avantage des éditeurs et distributeurs. C'est le point de vue que j'adopte dans cette lettre :

Je suis un électeur de votre comté et je suis aussi écrivain de métier. J’ai donc des raisons personnelles et professionnelles de vous contacter au sujet des changements au code du droit d’auteur envisagés par le gouvernement. Précédemment, le projet de loi C-60 avait su aborder de manière raisonnable ce domaine épineux, tout en restant susceptible d’amélioration. Quand la Chambre se penchera sur la question, j’espère que vous verrez à ce que toute nouvelle loi ne soit pas un recul relativement aux mesures les plus sensées du projet C-60.

En particulier, je ne crois pas que des dispositifs de gestion des droits numériques (GDN) devraient empêcher le public d’utiliser de manière légale des exemplaires de mes livres acquis en toute légitimité. Les éditeurs revendiquant la GDN jettent aux orties l’équilibre délicat entre les droits du public et ceux des créateurs — un équilibre fixé par des législateurs conscients des intérêts du public — pour leur substituer des règles iniques dans leur seul intérêt. Même les artistes rejettent la GDN au détriment des consommateurs, comme en témoigne la création de la Canadian Music Creators Coalition. Par conséquent, tout comme dans le projet C-60, une nouvelle législation sur le droit d’auteur et la propriété intellectuelle ne devrait pas criminaliser le contournement des serrures numériques à des fins légales.

Personnellement, je ne suis pas en faveur, en tant qu’auteur, de mécanismes législatifs ou numériques qui restreindraient le nombre de lecteurs accédant à mes œuvres. Je veux gagner des lecteurs, et non en perdre. Avez-vous déjà prêté un livre? Désirez-vous vivre dans un monde où ce ne serait plus possible, voire criminel? Ne créons pas un tel monde.

De plus en plus de Canadiens partagent mon point de vue en faveur d’une plus grande souplesse. Je souhaite qu’il en soit tenu compte lors des débats à venir sur la réforme du droit d’auteur.

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2008-01-09

 

Des vampires assassins

Des vampires assassins... C'est soit tautologique soit parfaitement trouvé.

Pourtant, la narratrice du roman Once Bitten, Twice Shy, Jasmine Parks, n'est pas une vampire elle-même. Elle n'est que l'assistante d'un vampire né au dix-huitième siècle, Vayl, qui travaille comme assassin de choc pour une petite organisation ultra-secrète au sein de la constellation d'agences gouvernementales des États-Unis, plus ou moins affiliée à la CIA. Ceci se passe dans un monde où sévissent des vampires (plus ou moins ouvertement) qui sont combattus par des Helsingers (chasseurs de vampires plus ou moins officiels) et des fanatiques qui s'en prennent à tous les vampires, qu'ils soient bons ou mauvais, les uns et les autres se faisant aider par des personnes Sensitives qui sont capables de flairer les vampires. Jasmine est une Sensitive, mais on apprendra en cours de route que Jaz, comme elle se fait appeler, a un passé compliqué tandis que la morsure d'un vampire la dotera de nouveaux talents paranormaux. En fait, l'autrice Jennifer Rardin accumule tellement de retournements et de révélations qu'elle en fait trop. Le roman souffre de l'entassement de personnages exceptionnels. Ce serait déjà dur à avaler que Jaz est non seulement une ancienne chasseuse de vampires ressuscitée par une entité mystérieuse et une Sensitive formée à tous les arts de combat, mais son frère jumeau est aussi un guerrier d'élite et son père un ancien commandant des Marines abondamment médaillé et qui s'avère disposer d'un réseau ultra-efficace au sein de l'appareil d'État. En fin de compte, la moitié des personnages sont des immortels ou des personnes super-douées, super-intelligentes ou super-influentes...

Bref, ce roman distribué gratuitement à la World Fantasy Convention de Saratoga Springs est un roman de fiction populaire, avec ses qualités (des dialogues souvent alertes et pimentés de figures de style à la page) et ses défauts. L'intrigue repose sur une combinaison de menace terroriste et d'intrusion surnaturelle. Jaz Parks et ses compagnons déjoueront les plans de leurs adversaires dans les dernières pages du livre, les affrontant dans une bataille rangée sous terre, mais la multiplication des acteurs dilue un peu l'intérêt de la chose.

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2008-01-08

 

Obamobilisation ou non?

Des 850 835 électeurs inscrits au New Hampshire, après le dépouillement des suffrages recueillis dans 96% des bureaux de vote, 279 276 auront voté pour un candidat démocrate et 228 531 pour un candidat républicain. Malgré tout ce qu'on a pu dire sur le taux de participation sans précédent, cela signifie que la participation de 507 807 personnes ne représente que les opinions de 60 % de l'électorat du New Hampshire. Compte tenu des bureaux de vote restants, on peut supposer que le taux de participation final dépassera légèrement le taux de participation aux élections de 2004, soit 60,7 %...

Est-ce le signe d'une mobilisation sans précédent, comme on l'a entendu sans cesse? Sans doute, si les experts ne se trompent pas. Toutefois, dans plus d'une démocratie, un tel taux de participation n'aurait rien de surprenant. Si le besoin de renouveau déplace les foules, il est encore loin de drainer la plupart des électeurs. Aux États-Unis, l'urgence de la situation n'est pas si pressante pour eux. Du moins, pour l'instant...

Quant au retournement en faveur de Hillary Clinton, je ne l'attribuerais pas seulement à l'étalage de ses émotions lundi, mais aux réactions qui l'ont accablée ensuite. À mon avis, une partie du vote féminin lui a été acquis en raison des réactions négatives des commentateurs masculins et des remarques désobligeantes de certains de ses rivaux, comme John Edwards. Cette fois, je pressens que la réaction a été puissante et dévastatrice. De nombreuses femmes ont voulu condamner le double standard qui prenait Hillary pour cible...

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2008-01-07

 

Changement d'ère en Irak?

La victoire est-elle acquise aux États-Unis en Irak? Dans ma série de billets sur la guerre en Irak, il y a toujours eu plus de questions que de réponses. Les points tournants claironnés par l'administration Bush (« Mission Accomplished ») ont souvent été des virages à 180 degrés... Mais la prudence s'impose. Deux virages à 180 degrés finiront par remettre un véhicule dans la bonne direction...Les données puisées à ma source habituelle indiquent que la baisse des pertes étatsuniennes en 2007 est réelle, même si l'ensemble de l'année aura été la plus meurtrière de toutes pour l'armée d'occupation. Est-ce dû à une diminution de la combativité des insurgés irakiens? Est-ce dû à un retrait des troupes étatsuniennes à l'intérieur de leurs bases? S'agirait-il même d'une trêve officieuse, les insurgés ayant décidé d'attendre les résultats de la course à la présidence des États-Unis en 2008? C'est difficile de le savoir, vu d'ici.

Mais s'il s'agit d'une victoire, de quelle victoire s'agit-il? À prix d'or, compte tenu des coûts passés de la guerre et des coûts futurs du maintien à perpétuité de bases militaires, les États-Unis contrôleraient maintenant un pays appauvri dont la principale ressource demeure le pétrole. D'un point de vue géostratégique, ceci leur procure en principe un moyen de faire pression sur l'Arabie saoudite, indépendamment d'Israël et des émirats du Golfe, et sur l'Iran, indépendamment des émirats. Ils s'affranchissent donc en partie de l'alliance conclue avec Israël, la Turquie et les émirats. Toutefois, si le but est de contrôler non seulement une partie des réserves mondiales de pétrole mais aussi le prix du baril, cette victoire est une défaite flagrante, puisque le prix du pétrole atteint des sommets...

Mais s'ils veulent agir sur le cours des choses, avec quoi feront-ils pression? Si l'aviation et la marine ont été relativement épargnées par les combats en Afghanistan et en Irak, il n'en va pas de même de l'armée, qui serait à bout de souffle. Or, la guerre au Liban a démontré tout à la fois la puissance et les limites d'une guerre aérienne. Les États-Unis recommenceront-ils de sitôt à poursuivre la chimère d'une victoire purement aérienne? Le retentissement donné aujourd'hui au petit jeu des vedettes iraniennes et navires étatsuniens dans le détroit d'Ormuz ouvre la porte à bien des interprétations...

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2008-01-06

 

L'avenir du Canada français

Assurer l'avenir du français du Canada n'est pas compliqué. Les solutions sont sinon faciles, du moins évidentes.

Maintenant que des écoles francophones sont disponibles dans la plupart des régions du pays, tout ce qu'il manque, ce sont des élèves. Pour avoir plus d'élèves, il suffirait d'en faire plus, c'est-à-dire qu'il suffirait d'augmenter le taux de natalité des francophones. Mais il serait également possible de faire venir plus d'enfants d'ailleurs, grâce à l'immigration. Peut-être faudrait-il reconnaître plus volontiers certains diplômes pour convaincre certains immigrants de s'établir dans des régions qui accueillent relativement peu d'immigrants francophones, mais l'effet dans les deux cas (natalité accrue, immigration accrue) serait nettement plus efficace qu'au temps où les écoles offrant des cours en français étaient rares, ou coûteuses, ou confessionnelles. Mais je n'ai pas dit que ce serait facile...

Le français pourrait également s'imposer si la vie en français était suffisamment intéressante et passionnante pour convaincre les francophones de maintenir leur identification au fait français. C'est un problème dont on parle peu au Canada. Hors du Québec, la culture populaire en français est soit pratiquement folklorique (dans la mesure où elle passe encore par les traditions ancestrales) soit québécoise, et véhiculée comme telle par la plupart des médias francophones disponibles (Radio-Canada, etc.). Par conséquent, la vie quotidienne tend à se vivre au minimum à moitié en anglais, parce que le modèle québécois proposé par les médias est aussi inadéquat que les modèles traditionnels à base de violoneux et de tourtières. Il faudrait une culture d'expression française moins rattachée au Québec et qui offrirait un modèle de rechange à la vie en anglais, mais sans ignorer le fait anglais dans l'environnement des minorités francophones du pays. Je n'ai pas dit que ce serait facile...

En fin de compte, la survie du français dépend de choix individuels, partout au Canada, y compris au Québec. Si le français perd du terrain sur l'île de Montréal, c'est en partie parce que des francophones choisissent de quitter l'île. À coût égal, on peut acheter un condo en ville ou une maison à Terrebonne. S'ils préfèrent un pavillon, c'est parce qu'ils veulent l'étalement urbain autour de Montréal et c'est cet étalement qui éloigne de l'île une partie de la population francophone. Par conséquent, ils veulent aussi que le français soit de plus en plus dilué comme langue. Rejeter la faute sur les immigrants ou les minorités linguistiques, c'est de l'aveuglement pur et simple. Quelque part, si les francophones refusent de côtoyer les non-francophones, ils ne devraient pas se plaindre si ces derniers ne voient pas l'intérêt de choisir une destinée en français.

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2008-01-05

 

Teatro Universale (1)

En 1834, un nouvel hebdomadaire était lancé à Turin, le Teatro Universale, raccolta enciclopedica e scenografica, la première revue illustrée italienne selon ce catalogue (.DOC). Le Teatro universale a eu plusieurs éditeurs. En 1839, il était revendiqué comme l'œuvre de Pompeo Magnaghi, qui semble avoir été libraire, imprimeur et éditeur à Turin. Il dirigeait et administrait une société de libraires italiens qui assumait les frais de publication de l'ouvrage édité par Gaetano Balbino et Giuseppe Pomba jusqu'en 1837, puis par Giuseppe Baglione et cie jusqu'en 1839. Le travail de rédaction proprement dit aurait été assuré par Davide Bertolotti (1784-1860) jusqu'en 1846 avec l'aide de Giulio Visconti, Giacomo Lenti et Spirito Corsi, sans doute parce que Bertolotti part écrire en 1847 pour Il Mondo illustrato, un périodique dans la même veine.

Comme l'indiquent les titre et sous-titre, le contenu était une récolte d'articles de provenances variées. À Saratoga Springs, en novembre dernier, j'ai acheté à David Hartwell le sixième volume annuel, qui correspond à l'an 1839. Son état laisse à désirer, puisque les pages sont plus ou moins tachées, mais je ne regrette pas mon 20 dollars... La page frontispice du volume apparaît ci-dessous.L'ensemble du premier numéro du sixième tome, le 5 janvier 1839, puise donc à plusieurs sources. Le premier article sur l'Islande, orné de la gravure visible ci-dessus nous montrant des Islandais qui se rendent à la foire de Reykjavik, est tiré du Penny Magazine qui ciblait un public ouvrier tandis que le Teatro Universale, selon Ivo Ferraguti, s'adressait aux citadins lettrés de la nouvelle Italie du Risorgimento. Mais il ne faut pas en conclure que le lectorat bourgeois italien se satisfaisait de peu, puisque le Penny Magazine semble avoir visé trop haut...

Après l'Islande, le lecteur passait à un article sur la grue pris au Règne animal de Georges Cuvier (1769-1832), tandis qu'une anecdote sur Napoléon était attribuée à Antoine-Vincent Arnault (1766-1834) de l'Académie française. Enfin, une notice sur l'histoire du Danemark puise à une Storia universale inglese qui pourrait être l'Universal History (1747-1768) de Sale et compagnie. Bref, hormis quelques notes, l'ensemble du numéro est véritablement un recueil qui fait peu de place à des écrits originaux. Mais, bien entendu, les lecteurs italiens n'en demandaient pas tant : il suffisait qu'il s'agisse de textes neufs, pour leur édification ou leur distraction...

2008-01-04

 

L'accueil en France

Je poursuis mon petit jeu des rapprochements... Le mois dernier, la Direction française du tourisme annonçait son désir d'améliorer l'accueil des touristes étrangers en France. Personnellement, je ne trouve pas l'accueil si mauvais, mais il est vrai que je suis depuis longtemps rompu aux particularités hexagonales. Mais il y a sans doute plus d'informations fournies en anglais dans les musées et grands lieux de passage de l'Espagne ou de l'Italie, d'où une cote d'amour plus élevée pour ces pays.

Mais il y a aussi la convivialité humaine. Et c'est un fait que le stéréotype du Français fort en gueule, pour ne pas dire râleur et susceptible, correspond à une réalité dans une grande ville comme Paris. (Il a quelques traits en commun avec le New Yorkais de Manhattan, d'ailleurs...) Mais est-ce une hostilité aux touristes étrangers ou le naturel qui refait surface? J'ai déjà mentionné l'humeur pessimiste des Français et les sondages ou données soulignent que les Français sont souvent plus insatisfaits de leur propre vie que les habitants de pays comparables. (Dans le classement général de l'indice du bonheur mondial, la France est au quinzième rang, précédée par les pays des grands hivers comme le Canada ou la Finlande, de la pluie incessante comme l'Irlande ou le Royaume-Uni ou de la sécheresse comme l'Espagne. Ce qui correspond à la carte du bonheur de White ou aux résultats du Legatum Institute pour l'indice de satisfaction de vie...)

Or, en plein dans l'actualité, on rapporte aujourd'hui que le moral des ménages français est à la baisse. Mais comment des gens qui ont le moral à plat peuvent accueillir des touristes avec le sourire? La solution au mauvais accueil des étrangers en France, c'est donc de commencer par rendre les Français plus heureux de leur sort...

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