2008-01-13

 

Persépolis

Persépolis est enfin arrivé au Canada en version filmée! Sans être un fan fini (je n'ai jamais acheté les albums), j'avais découvert le charme de la BD d'origine dans Libération. Le ton juste de Satrapi, s'appuyant sur des événements authentiques dont elle dégageait l'humour ou à tout le moins l'absurdité, m'avait conquis et j'ai donc vu le film hier au cinéma Ex-Centris.

J'ai lu dans les journaux que la Marjane Satrapi du film Persépolis était une petite fille progressiste. Il serait tout aussi juste de dire qu'à nos yeux d'Occidentaux, elle est une petite fille normale dans un pays anormal, l'Iran bouleversé par une révolution comme on en a vu ailleurs, mais d'un conservatisme paroxystique.

Seulement, la normalité de la petite Marjane est une liberté qui est le fruit de l'aisance de sa famille, clairement apparentée à l'ancienne aristocratie du pays. Marjane elle-même fréquente le Lycée français de Téhéran et on verra plus tard qu'elle fait partie de la jeunesse dorée du pays. Au départ, elle est donc une exception; il n'est pas entièrement surprenant qu'elle trouve particulièrement difficile de se plier aux diktats de la nouvelle vie en Iran.

Mais sa révolte est pour nous naturelle. L'aisance de sa famille, qui la rapproche du mode de vie de la classe moyenne occidentale, rend cette révolte plus compréhensible que si le récit adoptait le point de vue d'Iraniens plus pauvres ou moins occidentalisés. Les critiques fondées sur le manque de représentativité de la petite Marjane se trompent de cible : l'Histoire suffit à montrer que les malheurs des aristocrates français ou russes aux mains des révolutionnaires de 1789 ou 1917 préfiguraient des catastrophes plus générales. C'est un peu le principe de la litanie de Niemöller...

Cela dit, ce serait également erroné que d'attendre de ce très beau dessin animé une analyse nuancée de l'histoire politique de l'Iran depuis la chute du Shah. C'est un témoignage parmi d'autres et il ne surprendra que ceux qui croiraient qu'il ne pouvait exister de gens ordinaires en Iran. Parce que c'est un témoignage, il est moins poignant que des fictions tirées d'événements réels, comme les films Machuca ou La Lengua de las mariposas, dont j'ai déjà parlé, ou El Laberinto del Fauno. Ou c'est peut-être que je suis un homme et qu'une étude récente suggère que les hommes se laissent plus facilement émouvoir par les fictions...

Il ne s'agit donc pas d'une leçon d'histoire iranienne (pour les nuls, peut-être, ou les très jeunes), mais d'une succession de moments dans la vie d'une jeune femme déchirée entre l'amour de son pays et des siens, et le désir de vivre libre. Ce sont ces moments qui nous attendrissent, qui font sourire, qui suscitent le rire, et qui valent le détour.

Le film se termine un peu abruptement; après tout, un récit aussi clairement biographique peut se poursuivre tant que le personnage principal est encore vivant. Mais la jeune Marjane a tranché : elle choisit la liberté.

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