2008-01-11

 

Souvenirs du verglas

Maintenant que la correction des travaux du semestre dernier est finie, je peux envisager le nouveau semestre... ou me pencher sur le passé.

Ces jours-ci, les ondes de Radio-Canada étaient saturées de nostalgie (mautadits baby boomers!). Quand ce n'était pas les Lavigueur, c'étaient les sœurs Lévesque que l'on évoquait à la radio vingt-deux ans après. (Pourquoi vingt-deux ans plus tard?) Ou le premier film étudiant de la province, par Denys Arcand, Denis Héroux et Stéphane Venne...

Ou bien c'était le verglas, dix ans après.

J'ai mes propres souvenirs, qui sont nettement moins dramatiques que ce qu'on nous montre ou raconte. (Heureusement pour moi, mais sans préjuger du malheur des autres, hein!) Pour moi, le verglas, c'était il y a trois ordinateurs portables, puisque j'ai acheté mon premier portable pour ne plus jamais être l'esclave de l'alimentation en électricité de mon appartement par Hydro-Québec...

Sinon, comme j'avais la chance d'habiter à proximité d'hôpitaux et d'intersections majeures au cœur de Montréal, je n'ai pas manqué d'électricité très longtemps. Deux ou trois jours tout au plus, et j'avais la ressource d'aller au café pour avoir de la chaleur et de la lumière, voire à l'UQÀM, qui était également assez bien approvisionnée puisqu'elle était sans doute sur le même secteur que la station Berri du réseau de métro.

Bref, pendant deux ou trois jours, j'ai campé dans mon appartement en accumulant les duvets, couvertures et sacs de couchage sur mon lit, et en lisant plusieurs romans à la lumière du jour, ou des chandelles que j'avais reçues pour Noël, comme il se trouve... (Ou peut-être pour un Noël antérieur, n'enjolivons pas trop...) Entre autres, j'avais lu Trader de Charles de Lint (fort bon) et les derniers romans dans la série de l'Élévation de David Brin (oubliables). Me restait-il assez de piles pour écouter les nouvelles à la radio? Franchement, je ne sais plus.

Au supermarché, au moment où il était question que l'eau soit coupée, j'avais réussi à mettre la main sur une ultime bouteille d'eau... Les tablettes étaient vides et les clients raflaient tous les autres liquides embouteillés, mais un employé était sorti de l'entrepôt avec un chariot rempli de bouteilles d'eau dans le genre de celles qu'on distribue aux conférenciers invités à des congrès... J'avais pris ma part dans la mêlée.

Je m'en étais surtout servi pour me laver les dents, puisque j'avais d'autres boissons dans mon réfrigérateur, y compris du lait que j'avais déplacé dans le réfrigérateur naturel de mon rebord de terrasse. J'avais aussi rempli une bouteille d'eau et entrepris de préparer mon sac à dos pour faire face à une évacuation, mais, comme tout le monde le sait, la dernière ligne a tenu et rien de tout cela n'a été nécessaire.

Sinon, je me souviens surtout du soir de la fermeture de l'UQÀM, quand un gardien de sécurité m'avait mis à la porte de mon bureau et que j'étais rentré en métro, émergeant de la station Guy-Concordia dans une ville complètement enténébrée, à l'exception de l'étroit espace éclairé par la sortie du métro. Tous les édifices environnants étaient complètement noirs et, comme il n'y avait presque pas de voitures dans les rues, il régnait une atmosphère de fin du monde...

... au moins jusqu'à l'arrivée de l'autobus, qui allait gravir la côte de Côte-des-Neiges en patinant dans la sloche, de peine et de misère. Une fois rentré chez moi, j'avais reçu quelques appels et rassuré mes proches que la vie continuait, même dans le noir et dans le froid.

Je me souviens aussi des jours suivants, quand il y avait de nouveau du courant chez moi et que les commerces avaient rouvert leurs portes, mais que des milliers de Montréalais devaient encore se passer de courant. Le métro fonctionnait par à-coups et m'avait largué à mi-chemin du centre-ville, une fois. Je m'étais rendu au centre-ville, mais on nous avait forcé à faire un détour par l'intérieur d'un gratte-ciel parce que la glace fondait et tombait du haut des plus hauts bâtiments, pilonnant la rue comme un barrage d'artillerie à Sarajevo. Le soir venu, j'étais monté sur une des terrasses de l'Oratoire Saint-Joseph et j'avais contemplé les quartiers aux contours dessinés par les lampadaires rallumés le long des grandes artères, tandis que les rues transversales étaient toujours plongées dans le noir. Et j'avais eu l'idée d'un poème, « Holes in the Night », qui est paru ensuite dans un volume de la série des Tesseracts...

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Comments:
De quoi imaginer de belles histoires de type RAVAGE de Barjavel, de se retrouver dans des conditions comme celles là !
Une belle description personnelle en tous cas, merci !
 
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