2008-01-26

 

Teatro Universale (4)

Dans le numéro du 26 janvier 1839, l'orientalisme des deux numéros précédents, qui était centré sur le Proche-Orient, cède aux attraits de l'Extrême-Orient. La couverture reproduit cette fois un arc triomphal à Canton (Guangzhou) en Chine. Même si les rapports rédigés après la mission en Chine du Britannique George Macartney en 1793 avaient commencé à corriger les comptes rendus parfois utopiques des missionnaires catholiques, la Chine restait pour beaucoup de lettrés européens un pays synonyme de sagesse et de bonne gouvernance. De fait, l'article sans doute tiré du Edinburgh Journal de Robert Chambers relate avec une admiration visible comment les arcs triomphaux de la Chine sont souvent bâtis à la mémoire de personnes illustres et de citoyens exceptionnels au service de l'État, et même des femmes : « Guerrieri, principi, filosofi, magistrati, anche donne hanno partecipato di questa gloria ». Mais ce court aperçu moralisateur de la Chine est tout de suite suivi d'un essai du docteur Giovanni Labus (1775-1853) sur « L'Italia, patria delle belle arti », d'un extrait de Platon et d'un discours de Francesco Maria Zanotti (1692-1777). Ce qu'on retient parfois aujourd'hui de Zanotti, c'est son application de la gravitation newtonienne à l'analyse des idées, ce qui peut rappeler, mutatis mutandis, l'application par Dawkins du darwinisme au même sujet... Comme quoi, quand une théorie est à la mode, elle s'apprête à bien des sauces.

On retrouve ensuite un article historico-touristique sur Bruges — quelque part, le Teatro Universale est à compter au nombre des ancêtres des guides Michelin... Cette fois, les « Effemeridi Storiche Universali » remontent à l'histoire romaine pour rappeler le règne de Caligula et le chaos de la succession qui finit par donner le pouvoir à Claude. Outre un court essai sur les quantités d'or et d'argent en circulation, c'est l'article final qui surprend. Signé par Ambrogio Levati (1790-1841), il s'agit d'une histoire des femmes en Occident. Il remonte aux femmes des tribus barbares de l'Antiquité, comme celles qui donnèrent du fil à retordre aux soldats de Marius ou aux Romains en Grande-Bretagne, mais il évoque ensuite les femmes du Moyen Âge, objet de vénération pour les tenants de l'amour courtois, puis celles qui défendirent leurs foyers et leurs libertés contre les Turcs, et enfin les intellectuelles de l'époque moderne, mais sans oublier les grandes reines des siècles passés. Levati fait allusion à la « querelle des femmes » : « Esempi sì frequenti e solenni del valore e della perspicacia intellettiva delle donne diedero origine alla disputa intorno alla uguaglianza, od alla preminenza dei due sessi, e per molti lustri gli scrittori furono concordi nel darla alla femminile. »

Levati se classerait donc parmi ceux que Marc Angenot appelait Les Champions des femmes dans son livre consacré aux discours sur la supériorité des femmes de 1400 à 1800, car Levati conclut sans cacher son admiration pour les femmes qu'il cite (même si certaines féministes actuelles renieraient peut-être certains de ses exemples) : « Non v'ha però alcun dubbio, che la causa del bel sesso accrebbe il numero degli argomenti che la favoriscono, dopo che Isabella di Aragona, Cristina di Svezia, Elisabetta d'Inghilterra, Caterina delle Russie, Maria Teresa d'Austria mostrarono un animo veramente virile; ed una forza di mente, che non è sì comune negli uomini stessi, i quali non avrebbero potuto far prova di maggior magnanimità e fermezza se avessero impugnato lo scettro ne'tempi difficili e burrascosi, in cui quelle donne coronate ressero i destini de'più vasti e popolosi regni dell'Europa. »

Table des matières : Teatro Universale 235, 236, 237 (janvier).

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