2008-01-17
La haine de la télévision québécoise
En août 1994, Hélène Jutras signait un article dans Le Devoir qui a fait un certain bruit, « Y-a-t-il un avenir pour les jeunes au Québec?: Le Québec me tue ». Son essai se terminait sur ce paragraphe:
« Partir ne changera rien pour le Québec, mais ça améliorera ma vie. Dire à tout le monde que je rêve de partir ne changera rien non plus. Seulement, je ne suis pas seule. Je ne crois pas qu'il y ait quelque chose à faire pour empêcher l'exode progressif de la jeunesse, qui suit celui des artistes (dois-je rappeler que Robert Lepage a été ignoré à Montréal avant d'être connu dans le monde entier?) et celui des retraités aisés (qui fuient en Floride un climat dont je ne veux même pas parler). Il n'y a qu'à attendre, car tout est déjà commencé: le Québec se dessèche peu à peu, se vide de son sang. Qui paiera les pensions des derniers survivants? »
J'ai des amis hautement qualifiés (diplômes universitaires) et bien installés (maison, poste permanent dans l'enseignement) qui rêvent de partir, ou qui l'ont fait. Aux États-Unis, en France, à Vancouver. Et la question du départ reste présente dans les discours. Quelque part, c'est parfaitement normal. Les Anglais avaient autrefois la tradition du Grand Tour européen pour leurs jeunes, mais les anglophones parlent plus volontiers aujourd'hui d'une « gap year ». Les Allemands croyaient aux vertus d'une Wanderjahr. En France, les ouvriers compagnons connaissaient la tradition du Tour de France (longtemps avant la grande boucle des cyclistes)...
Au Québec, c'est peut-être en raison de l'absence d'une tradition semblable que les jeunes Québécois quittent moins souvent le giron confortable de la province pour découvrir d'autres horizons. Du coup, l'envie de partir peut devenir d'autant plus vive quelques années plus tard, quand on a fait sa vie mais qu'on se rend compte tout d'un coup qu'on l'a faite dans l'ignorance de ce qu'il pouvait y avoir ailleurs.
C'est qu'il y a aussi des repoussoirs... La télé québécoise a de quoi donner envie de fuir jusqu'aux antipodes. Si on s'en tient à la télé pour connaître le Québec, il y a de quoi s'inquiéter, ou du moins de rêver du grand large. Même les nouvelles de Radio-Canada frisent parfois le nombrilisme.
Prenons le battage radio-canadien (et médiatique) autour de l'exposition de photos de Christiane Charette et Jean-René Dufort. J'en ai entendu parler à la radio, puis à la télévision... J'ignore si les photos sont bonnes, mais comme les deux photographes sont connus, on parlera de cette exposition avec une insistance dont ne bénéficiera sans doute pas, disons, Arnaud Maggs quand il exposera au Musée d'Art contemporain... Ou l'expo de Saul Leiter à la Fondation Henri Cartier-Bresson de Paris, en ce moment.
C'est ce repli sur soi et sur les célébrités du cru qui peut finir par lasser. Et je soupçonne qu'il n'est pas pour rien dans l'envie d'aller voir ailleurs... Heureusement, je ne regarde pas souvent la télé, et encore moins la télé québécoise. Je supporte donc très bien de passer au Québec la majorité de mon temps.
« Partir ne changera rien pour le Québec, mais ça améliorera ma vie. Dire à tout le monde que je rêve de partir ne changera rien non plus. Seulement, je ne suis pas seule. Je ne crois pas qu'il y ait quelque chose à faire pour empêcher l'exode progressif de la jeunesse, qui suit celui des artistes (dois-je rappeler que Robert Lepage a été ignoré à Montréal avant d'être connu dans le monde entier?) et celui des retraités aisés (qui fuient en Floride un climat dont je ne veux même pas parler). Il n'y a qu'à attendre, car tout est déjà commencé: le Québec se dessèche peu à peu, se vide de son sang. Qui paiera les pensions des derniers survivants? »
J'ai des amis hautement qualifiés (diplômes universitaires) et bien installés (maison, poste permanent dans l'enseignement) qui rêvent de partir, ou qui l'ont fait. Aux États-Unis, en France, à Vancouver. Et la question du départ reste présente dans les discours. Quelque part, c'est parfaitement normal. Les Anglais avaient autrefois la tradition du Grand Tour européen pour leurs jeunes, mais les anglophones parlent plus volontiers aujourd'hui d'une « gap year ». Les Allemands croyaient aux vertus d'une Wanderjahr. En France, les ouvriers compagnons connaissaient la tradition du Tour de France (longtemps avant la grande boucle des cyclistes)...
Au Québec, c'est peut-être en raison de l'absence d'une tradition semblable que les jeunes Québécois quittent moins souvent le giron confortable de la province pour découvrir d'autres horizons. Du coup, l'envie de partir peut devenir d'autant plus vive quelques années plus tard, quand on a fait sa vie mais qu'on se rend compte tout d'un coup qu'on l'a faite dans l'ignorance de ce qu'il pouvait y avoir ailleurs.
C'est qu'il y a aussi des repoussoirs... La télé québécoise a de quoi donner envie de fuir jusqu'aux antipodes. Si on s'en tient à la télé pour connaître le Québec, il y a de quoi s'inquiéter, ou du moins de rêver du grand large. Même les nouvelles de Radio-Canada frisent parfois le nombrilisme.
Prenons le battage radio-canadien (et médiatique) autour de l'exposition de photos de Christiane Charette et Jean-René Dufort. J'en ai entendu parler à la radio, puis à la télévision... J'ignore si les photos sont bonnes, mais comme les deux photographes sont connus, on parlera de cette exposition avec une insistance dont ne bénéficiera sans doute pas, disons, Arnaud Maggs quand il exposera au Musée d'Art contemporain... Ou l'expo de Saul Leiter à la Fondation Henri Cartier-Bresson de Paris, en ce moment.
C'est ce repli sur soi et sur les célébrités du cru qui peut finir par lasser. Et je soupçonne qu'il n'est pas pour rien dans l'envie d'aller voir ailleurs... Heureusement, je ne regarde pas souvent la télé, et encore moins la télé québécoise. Je supporte donc très bien de passer au Québec la majorité de mon temps.
Libellés : Société
Comments:
<< Home
C'est marrant : en France, le Québec reste un lieu d'exil envisageable pour ceux qui en ont marre de notre pays...
Sans doute. Mais il faut non seulement en avoir marre, mais être capable d'apprécier ce que le Québec offre. Il y a beaucoup de Français qui déchantent une fois arrivés au Québec et vont passer leur chemin pour continuer jusqu'en Ontario, dans l'ouest du pays, voire jusqu'à Vancouver, parce que le marché de l'emploi est plus dynamique ou parce qu'ils sentent que les différences raciales sont mieux acceptées dans le reste du Canada. D'autres s'en retourneront carrément.
Il faut sans doute comprendre un certain nombre de choses :
- le Québec ne compte que 7 millions d'habitants et le Canada 33; par conséquent, le marché de l'emploi n'aura pas nécessairement la profondeur et la variété du marché hexagonal;
- malgré la propagande de certains agents de l'immigration du Québec, la connaissance de l'anglais reste un atout presque obligatoire pour un certain nombre d'emplois hautement qualifiés;
- le Canada est un pays hivernal; par conséquent, en l'absence du climat idoine et du PAC de l'UE, il n'y aura pas la même abondance de fruits ou de légumes du terroir qu'en France; idem pour certains autres aliments qui vont de soi en France;
On parle français au Québec, mais c'est un autre pays. On fait donc les choses différemment; si on ne peut pas le concevoir, on sera déçu. (Personnellement, je soupçonne que certains Français qui s'installent dans les provinces anglophones s'adaptent plus volontiers parce qu'ils s'attendent à ce que les règles soient différentes, alors que la familiarité initiale du
Québec est trompeuse et décourage les efforts d'adaptation.)
Publier un commentaire
Il faut sans doute comprendre un certain nombre de choses :
- le Québec ne compte que 7 millions d'habitants et le Canada 33; par conséquent, le marché de l'emploi n'aura pas nécessairement la profondeur et la variété du marché hexagonal;
- malgré la propagande de certains agents de l'immigration du Québec, la connaissance de l'anglais reste un atout presque obligatoire pour un certain nombre d'emplois hautement qualifiés;
- le Canada est un pays hivernal; par conséquent, en l'absence du climat idoine et du PAC de l'UE, il n'y aura pas la même abondance de fruits ou de légumes du terroir qu'en France; idem pour certains autres aliments qui vont de soi en France;
On parle français au Québec, mais c'est un autre pays. On fait donc les choses différemment; si on ne peut pas le concevoir, on sera déçu. (Personnellement, je soupçonne que certains Français qui s'installent dans les provinces anglophones s'adaptent plus volontiers parce qu'ils s'attendent à ce que les règles soient différentes, alors que la familiarité initiale du
Québec est trompeuse et décourage les efforts d'adaptation.)
<< Home