2007-06-20
Animisme urbain
En fin de journée, je suis passé chez Mehdi qui crèche désormais à deux pas de la Main de Mordecai Richler et de Michel Tremblay. J'en ai profité pour prendre quelques photos des graffiti qui décorent l'envers de la Main... c'est-à-dire l'arrière des immeubles qui bordent la rue. Par une soirée aussi torride, plus d'une porte était ouverte pour laisser l'air circuler et rafraîchir l'intérieur des locaux, ou pour laisser les employés sortir et prendre l'air. Même si l'air en question conservait, à deux doigts de minuit, une touffeur que n'atténuait pas les quelques gouttes d'eau qui tombaient... Les graffiti faisaient partie de ce décor, n'attirant l'intérêt de personne, mais je m'y suis intéressé parce que je me demande depuis longtemps si les graffiti pourraient en fait remplir un rôle muet mais essentiel, soit celui de l'humanisation du paysage.
Les murs et les portes de cette allée, véritable coulisse de la Main, aussi déserte en pleine représentation que la scène était affairée, étaient ornés de nombreux graffiti : signatures de tagueurs, esquisses, symboles divers... Un élément pas si rare de cet art urbain est l'inclusion d'un visage, caricatural ou non, parfois réduit à des yeux ou présent sous la forme d'un crâne.
De nombreux peuples primitifs et pas si primitifs vivaient dans un univers animé, où tout était doté d'une àme. Tout ce qui bougeait, en particulier, était susceptible de se faire attribuer une âme : les animaux (comme leur nom le dit), les plantes, le vent, la rivière, les vagues et tempêtes de la mer, le feu, la foudre et même les tremblements de la terre. Le mouvement était signe de vie. Et la vie rendait possible le mouvement parce qu'il était décidé par une âme.Mais comment représenter la vie? Cet animisme primordial attribue aux entités une âme par analogie avec celle des êtres humains. Anthropomorphisme? Bien sûr, et comment pourrait-il en aller autrement? Nous naissons et grandissons dans un univers qui est d'abord humain de bord en bord, parce qu'il est celui du ventre de la mère, puis celui des soins maternels et de l'attention paternelle. Tout ce qui compte et qui tourne autour du nouveau-né est d'abord humain. Si nous prêtons au reste de l'univers des propriétés humaines, telle que la dotation d'une âme, la moindre des choses, c'est de lui prêter aussi d'autres caractéristiques, dont la parole et le regard. Ainsi, dans les contes et les fables, les animaux parlent. Et le regard est si prégnant et puissant que les bourreaux se cachaient le visage pour se protéger du dernier regard du condamné tandis que des peuples entiers ont encore aujourd'hui un rituel pour conjurer le mauvais œil. Ainsi, je suis fortement tenté de penser que si les graffiti de nos villes peuplent les murs de visages et de regards, y compris sous la forme de spirales comme à Newgrange — qu'un symbolisme plus récent associe aux yeux, c'est pour les faire vivre, voire pour confirmer la présence d'une âme que nous pressentons confusément. Doter un objet d'un regard, c'est d'abord lui donner quelque chose comme une présence humaine. Et nous dire que nous ne sommes plus seuls en ville.
Les murs et les portes de cette allée, véritable coulisse de la Main, aussi déserte en pleine représentation que la scène était affairée, étaient ornés de nombreux graffiti : signatures de tagueurs, esquisses, symboles divers... Un élément pas si rare de cet art urbain est l'inclusion d'un visage, caricatural ou non, parfois réduit à des yeux ou présent sous la forme d'un crâne.
De nombreux peuples primitifs et pas si primitifs vivaient dans un univers animé, où tout était doté d'une àme. Tout ce qui bougeait, en particulier, était susceptible de se faire attribuer une âme : les animaux (comme leur nom le dit), les plantes, le vent, la rivière, les vagues et tempêtes de la mer, le feu, la foudre et même les tremblements de la terre. Le mouvement était signe de vie. Et la vie rendait possible le mouvement parce qu'il était décidé par une âme.Mais comment représenter la vie? Cet animisme primordial attribue aux entités une âme par analogie avec celle des êtres humains. Anthropomorphisme? Bien sûr, et comment pourrait-il en aller autrement? Nous naissons et grandissons dans un univers qui est d'abord humain de bord en bord, parce qu'il est celui du ventre de la mère, puis celui des soins maternels et de l'attention paternelle. Tout ce qui compte et qui tourne autour du nouveau-né est d'abord humain. Si nous prêtons au reste de l'univers des propriétés humaines, telle que la dotation d'une âme, la moindre des choses, c'est de lui prêter aussi d'autres caractéristiques, dont la parole et le regard. Ainsi, dans les contes et les fables, les animaux parlent. Et le regard est si prégnant et puissant que les bourreaux se cachaient le visage pour se protéger du dernier regard du condamné tandis que des peuples entiers ont encore aujourd'hui un rituel pour conjurer le mauvais œil. Ainsi, je suis fortement tenté de penser que si les graffiti de nos villes peuplent les murs de visages et de regards, y compris sous la forme de spirales comme à Newgrange — qu'un symbolisme plus récent associe aux yeux, c'est pour les faire vivre, voire pour confirmer la présence d'une âme que nous pressentons confusément. Doter un objet d'un regard, c'est d'abord lui donner quelque chose comme une présence humaine. Et nous dire que nous ne sommes plus seuls en ville.
Libellés : Anthropologie, Photographie