2008-09-30

 

Après Turner, Dion?

Qui se souvient de John Turner?

Premier ministre libéral du Canada pendant moins d'un été, il a ensuite été chef de l'Opposition officielle de 1984 à 1990. Dix jours après son arrivée au pouvoir, il déclenchait des élections (qu'il allait perdre de manière catastrophique), de sorte qu'il ne le dispute qu'à Charles Tupper pour ce qui est de la futilité de sa carrière politique comme chef de parti et chef de gouvernement. Comme premier ministre, il a surtout accompli ce qui devait le perdre, la distribution de postes et de récompenses aux anciens collaborateurs de Pierre Trudeau.

Pourquoi rappeler ces carrières avortées, sans parler des chefs de partis fédéraux qui sont restés dans l'opposition sans jamais en sortir, à l'instar de Robert Stanfield? Parce que les grands partis fédéraux qui s'étaient donné comme chefs des Québécois francophones ont en général connu beaucoup plus de succès. Laurier a été premier ministre pendant quinze ans en plus de diriger son parti pendant plus de trente ans. Louis Saint-Laurent pendant près de neuf ans. Pierre Elliott Trudeau pendant quinze ans aussi. Brian Mulroney pendant dix ans.

Peut-être parce qu'il fallait un talent exceptionnel à un francophone pour se distinguer dans l'arène de la politique canadienne, ces Québécois ont nettement mieux réussi que leurs collègues anglophones comme Turner et Tupper.

Mais il y a des exceptions. Jean Charest a hérité du parti Progressiste Conservateur dans des circonstances sans précédent, quand le parti avait cessé d'être une formation majeure dans le Parlement de 1993. Chef intérimaire confirmé en 1995, il fait le saut en politique provinciale en 1998.

Le parcours de Stéphane Dion n'est pas sans rappeler celui de Charest. Comme ce dernier, il a hérité du parti après une amère défaite électorale. Comme lui, il risque de ne pas remporter son premier test électoral. Sera-t-il poussé lui aussi vers la sortie? S'il n'est pas en mesure de forger un gouvernement de coalition, il devra sans doute se retirer.

Dans un sens, c'est la preuve de l'égalité désormais acquise des anglophones et des francophones au Canada : les francophones ont maintenant le droit à l'échec, voire à la médiocrité politique d'un John Turner ou d'une Kim Campbell.

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Comments:
Tu oublies Paul Martin dans ton analyse; il n'a pas été beaucoup plus longtemps au pouvoir que Turner et Campbell... Pas Québécois certes, mais francophone? :-)
 
Un lapsus révélateur de ma part : il a été si désastreux comme premier ministre et chef de parti que je l'ai à moitié effacé de ma mémoire.

Néanmoins, je suppose que j'ai appliqué inconsciemment comme critère la reconnaissance populaire : j'ai toujours eu l'impression que Brian Mulroney était reconnu comme francophone par les francophones et comme anglophone par les anglophones. Un cas unique, a priori, encore que Jean Charest s'en rapprochait un peu. Je suis trop jeune pour savoir si Louis Stephen St-Laurent était identifié aussi comme anglophone par les Canadiens-anglais, mais il est clair que Laurier, Trudeau et Chrétien ne l'ont jamais été, malgré toute l'éloquence de Trudeau (et de Laurier?) en anglais.

Quant à Paul Martin, qui représentait quand même une circonscription québécoise, il s'exprimait assez bien en français, mais j'ai l'impression que les francophones ont toujours hésité à le revendiquer. Et quand le parti Libéral a élu Dion à la chefferie, certains ont invoqué la règle de l'alternance entre anglophones et francophones, ce qui voulait dire que Paul Martin, entre Chrétien et Dion, était donc classé comme anglophone par les anglophones...
 
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