2006-04-17

 

Iconographie de la SFCF (8)

Commençons par un rappel des livraisons précédentes : (1) l'iconographie de Surréal 3000; (2) l'iconographie du merveilleux pour les jeunes; (3) le motif de la soucoupe; (4) les couvertures de sf d'avant la constitution du milieu de la «SFQ»; (5) les aventures de Volpek; (6) les parutions SF en 1974; et (7) les illustrations du roman Erres boréales de Florent Laurin.

Les pionniers de la science-fiction au Canada francophone ne sont pas nombreux au dix-neuvième siècle, mais ce sont des personnalités hors du commun. Ainsi, Napoléon Aubin est un journaliste, un inventeur et un professeur qui se bat sur tous les fronts pour faire avancer les choses. Fondateur en 1837 du journal Le Fantasque après son arrivée au Canada en 1835, il obtiendra une presse lithographique en 1840 et produira quelques-unes des premières estampes gravées au Canada, comme celle-ci de Louis-Joseph Papineau. En 1839, quand il signe le premier épisode Mon Voyage à la Lune, il n'est pas encore son propre imprimeur, mais il dessine déjà. C'est sans doute à sa plume, donc, que l'on doit la première illustration de SFCF. Des nombreux récits de voyages lunaires parus avant Aubin, son Voyage à la Lune est au nombre de ceux qui se cassent le moins la tête pour imaginer un mode de locomotion. Le narrateur fait respirer à son cheval, Griffon (serait-ce un clin d'œil à un personnage du même nom dans l'Orlando furioso de l'Arioste, où le personnage d'Astolphe monte un hippogriffe et se rend sur la Lune au moyen du chariot du prophète Élie?), à son chien et à lui-même un mélange de gaz hilarant (oxyde nitreux ou protoxyde d'azote) et d'hydrogène. Ainsi allégé, ils flottent jusqu'au satellite...

Aubin est aussi musicien à ses heures. Sa composition de chansons du jour de l'an le rapproche d'un autre auteur de science-fiction de la première heure, Nazaire LeVasseur.

Nazaire LeVasseur a connu un regain de célébrité ces dernières années dans la région de Québec, car un de ses textes de 1926 sur l'avenir du développement urbain de Québec a été cité plusieurs fois dans le contexte du débat sur les défusions. Toutefois, il reste surtout connu comme musicien. Sa fille Irma mérite aussi de ne pas être oubliée : première femme à devenir médecin au Québec et co-fondatrice de l'hôpital Sainte-Justine.

De fait, il avait imaginé une ville de Québec tentaculaire dès 1896, en se projetant en 1996 dans un conte intitulé « Le Carnaval à Québec en 1996 ». Paru à l'origine dans un numéro illustré du Quebec Daily Telegraph à l'occasion du Carnaval de Québec en 1896, le texte est repris dans L'Événement du jeudi 30 janvier 1896. Comme les numéros spéciaux du Quebec Daily Telegraph pour le Carnaval semblent avoir été publiés dans les deux langues, il est probable que la nouvelle de LeVasseur a été écrite et imprimée en français dès le début dans le Quebec Daily Telegraph. La nouvelle était accompagnée de deux illustrations. Celle qui suit illustrait un passage du texte décrivant l'expansion de la ville de Québec : « D'abord Québec commença par absorber les communes de Saint-Malo, Stadacona et Limoilou, puis la Canardière, puis la concession du Gros-Pin; on ouvrit des rues, et l'on divisa des propriétés en lots de ville. Les tramways électriques étendirent leur réseau, et avec les facilités de communications, les habitations et les usines de toutes sortes surgirent. Ce fut tant et si bien qu'un jour Charlesbourg et Beauport devinrent des quartiers de la ville. D'ici à quelques années, Québec aura englobé Sainte-Foye et les deux Lorettes. Après tout, ces localités n'étaient et ne sont qu'à quelques milles de l'ancienne capitale. »
Ce qui se distingue le plus clairement sur cette vue du Québec futur (en regardant vers l'aval), c'est le « grand canal par lequel la rivière Saint-Charles se déversait dans le Saint-Laurent.» Au fond, on distingue aussi le pont construit pour relier l'île d'Orléans à la terre ferme. Une seconde illustration montre ce pont jeté entre les chutes Montmorency et l'île.

Les chutes sont visibles à droite; à gauche, on voit déboucher sous une butée du pont le « chemin de fer électrique de ceinture de l'île », qui emprunte aussi le pont selon le texte — même si l'illustrateur montre une locomotive sur le pont qui traîne un panache de fumée...

Pour l'instant, l'auteur de ces illustrations reste inconnu. En tout cas, je me dois de souligner que les versions que vous voyez ici représentent l'aboutissement de plusieurs opérations successives. En 1896, déjà, la rédaction de L'Événement avait fait photographier et agrandir les illustrations d'abord parues dans le Quebec Daily Telegraph. Le journal a ensuite été microfilmé et j'ai fait tirer des photocopies de la page idoine du microfilm conservé à la bibliothèque de l'Université d'Ottawa. En raison des limites du matériel, j'ai d'ailleurs été obligé de couper en partie l'illustration du pont... J'ai ensuite numérisé les photocopies et rabouté les éléments de l'illustration du pont pour obtenir une vue d'ensemble. Le résultat, somme toute, n'est sans doute pas pire sous le rapport de la qualité que les dessins d'origine de 1896...


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