2008-05-22
Le gin, le whiskey, la télévision...
Dans un billet assez optimiste, Clay Shirky (le théoricien d'internet et l'auteur de Here Comes Everybody) compare la télévision à d'autres sources d'abrutissement dans l'histoire de nos sociétés industrielles — des sources auxquelles nos ancêtres ont finalement réussi à s'échapper.
Dans l'Angleterre du dix-huitième siècle, l'humble comptoir qui vendait du gin au verre aux pauvres était omniprésent et Hogarth, par exemple, a dépeint les maux causés par l'obsession du gin à rabais. (Si le whiskey est un alcool de grain, le gin en est un aussi, mais assaisonné d'un peu de genièvre ou de quelques autres herbes aromatiques pour lui donner un goût propre.) Selon Shirky, il a fallu qu'on se détourne du gin pris pour absorber le choc de l'urbanisation pour construire les institutions associées à la Révolution Industrielle. D'un point de vue historique, ce n'est pas entièrement convaincant : la folie du gin a pris fin au moment où débutait la Révolution industrielle... mais peut-être faudrait-il inclure cette rupture au nombre des conséquences de l'abandon du gin. Sauf que la coïncidence ne permet pas forcément d'attribuer les progrès de la Révolution industrielle à une cause particulière. L'appauvrissement des classes laborieuses ou l'enchérissement des biens d'importation pourraient également expliquer soit la baisse de popularité du gin soit le démarrage de la Révolution industrielle, en profitant d'une main-d'œuvre abondante et peu chère, ou en produisant des biens de substitution moins chers que les produits d'importation.
Pourtant, le raccourci est séduisant. L'urbanisation anglaise au début du XVIIIe s. aurait rapproché des masses de gens qui vivaient auparavant à part les uns des autres. Mais la promiscuité et le dépaysement auraient favorisé la consommation de gin, qui, dans ces conditions, agissait comme un stupéfiant. Une nouvelle génération émerge alors qui est habituée à la vie en ville et qui va profiter du brassage d'idées pour accoucher des innovations de la Révolution industrielle ou édifier de nouvelles institutions propres à favoriser la vie de l'esprit.
Shirky propose un parallèle entre ce décalage anglais et le décalage actuel. Les nouvelles technologies de l'information rapprochent des masses de gens qui menaient auparavant des existences distinctes, mais les exploitations premières (télévision, etc.) absorbent les loisirs des consommateurs stupéfiés et intoxiqués par l'abus d'images et d'intrigues. Une nouvelle génération émergerait cependant aujourd'hui qui est habituée à la circulation des informations et qui commence à accoucher de nouvelles institutions, comme Wikipedia. Est-ce bien le cas? Des phénomènes comme Facebook me semblent tout aussi intoxicants pour les jeunes générations. Mais il suffirait d'une fraction des temps libres absorbés par la télévision pour créer de nouvelles institutions de l'ère numérique.
Dans l'Angleterre du dix-huitième siècle, l'humble comptoir qui vendait du gin au verre aux pauvres était omniprésent et Hogarth, par exemple, a dépeint les maux causés par l'obsession du gin à rabais. (Si le whiskey est un alcool de grain, le gin en est un aussi, mais assaisonné d'un peu de genièvre ou de quelques autres herbes aromatiques pour lui donner un goût propre.) Selon Shirky, il a fallu qu'on se détourne du gin pris pour absorber le choc de l'urbanisation pour construire les institutions associées à la Révolution Industrielle. D'un point de vue historique, ce n'est pas entièrement convaincant : la folie du gin a pris fin au moment où débutait la Révolution industrielle... mais peut-être faudrait-il inclure cette rupture au nombre des conséquences de l'abandon du gin. Sauf que la coïncidence ne permet pas forcément d'attribuer les progrès de la Révolution industrielle à une cause particulière. L'appauvrissement des classes laborieuses ou l'enchérissement des biens d'importation pourraient également expliquer soit la baisse de popularité du gin soit le démarrage de la Révolution industrielle, en profitant d'une main-d'œuvre abondante et peu chère, ou en produisant des biens de substitution moins chers que les produits d'importation.
Pourtant, le raccourci est séduisant. L'urbanisation anglaise au début du XVIIIe s. aurait rapproché des masses de gens qui vivaient auparavant à part les uns des autres. Mais la promiscuité et le dépaysement auraient favorisé la consommation de gin, qui, dans ces conditions, agissait comme un stupéfiant. Une nouvelle génération émerge alors qui est habituée à la vie en ville et qui va profiter du brassage d'idées pour accoucher des innovations de la Révolution industrielle ou édifier de nouvelles institutions propres à favoriser la vie de l'esprit.
Shirky propose un parallèle entre ce décalage anglais et le décalage actuel. Les nouvelles technologies de l'information rapprochent des masses de gens qui menaient auparavant des existences distinctes, mais les exploitations premières (télévision, etc.) absorbent les loisirs des consommateurs stupéfiés et intoxiqués par l'abus d'images et d'intrigues. Une nouvelle génération émergerait cependant aujourd'hui qui est habituée à la circulation des informations et qui commence à accoucher de nouvelles institutions, comme Wikipedia. Est-ce bien le cas? Des phénomènes comme Facebook me semblent tout aussi intoxicants pour les jeunes générations. Mais il suffirait d'une fraction des temps libres absorbés par la télévision pour créer de nouvelles institutions de l'ère numérique.
Libellés : Histoire