2009-03-31
Un sommet sur le réchauffement du monde
Malgré tout, les choses changent au pays de Barack Obama. Les principales académies étatsuniennes ont organisé une rencontre au sommet qui se déroule en ce moment à Washington : « America's Climate Choices ». Il existe un groupe Facebook consacré au sommet, mais le meilleur moyen de suivre ce qui s'y passe, c'est de se brancher sur la diffusion vidéo en-ligne.
Les discussions doivent permettre de fixer les paramètres des investigations de quatre groupes qui se pencheront sur les changements climatiques afin de livrer quatre rapports : sur les moyens de limiter l'amplitude des effets du réchauffement à venir, sur l'adaptation aux effets du réchauffement, sur les moyens d'avancer dans notre connaissance de la science du climat et sur la meilleure manière d'informer les politiques et les actions reliées au réchauffement. Ces quatre rapports seront prêts d'ici la fin de l'année et ils alimenteront un rapport final soumis en 2010 aux autorités du pays par l'organisme né de l'association ponctuelle de la NOAA et de la National Academy of Sciences. Rapport qui fera bouger les choses? Nous verrons...
Les discussions doivent permettre de fixer les paramètres des investigations de quatre groupes qui se pencheront sur les changements climatiques afin de livrer quatre rapports : sur les moyens de limiter l'amplitude des effets du réchauffement à venir, sur l'adaptation aux effets du réchauffement, sur les moyens d'avancer dans notre connaissance de la science du climat et sur la meilleure manière d'informer les politiques et les actions reliées au réchauffement. Ces quatre rapports seront prêts d'ici la fin de l'année et ils alimenteront un rapport final soumis en 2010 aux autorités du pays par l'organisme né de l'association ponctuelle de la NOAA et de la National Academy of Sciences. Rapport qui fera bouger les choses? Nous verrons...
Libellés : Effet de serre, États-Unis
2009-03-30
Les véritables barbares
Dans son film désabusé de 2003, Les Invasions barbares, Denys Arcand entonnait une complainte connue de toutes les générations successives de vieillards qui s'en sont pris à leurs descendants impies et indignes avant de passer de vie à trépas. Les jeunes ne respectent plus rien, ce sont des barbares, le monde s'en va déclinant et la catastrophe finale est pour demain...(Détail du « Sac de Rome » peint par Joseph-Noël Sylvestre en 1890)
Si le personnage du fils dans le film est censé incarner un matérialisme à dédaigner, cela rejoint évidemment une très vieille hostilité de l'intelligentsia canadienne-française à l'argent et à la finance. Et les sociaux-démocrates bon teint ont hérité cette méfiance des curés catholiques qui les ont précédés dans leur rôle de maîtres à penser de la société québécoise. Bref, à l'aube du vingt-et-unième siècle, il est clair qu'on doit encore se méfier du succès au Québec — ce qui est assez ironique de la part d'un cinéaste encensé comme Denys Arcand.
Mais Arcand avait le nez fin : le personnage du fils n'était pas seulement riche (ce qu'il aurait pu être à titre d'artiste, d'athlète ou d'entrepreneur), il l'était parce qu'il travaillait dans la finance internationale... Agent de change à Londres, cela le posait en héritier du grand capital britannique honni de générations successives d'intellectuels québécois, sans parler des vieux fonds d'antisémitisme que cela pouvait remuer. Or, les banquiers, les courtiers et autres joueurs du monde de la finance font aujourd'hui figure de barbares tout à fait capables de piller les richesses de notre civilisation et d'abattre les colonnes du temple. Seulement, au lieu de venir de l'extérieur comme Arcand le suggérait dans une autre scène où Roy Dupuis déplorait les vagues d'immigrations, sans parler de la séquence qui montrait l'attentat du 11 septembre, les barbares sont venus de l'intérieur.
Et jusqu'à preuve du contraire, la plupart était de la génération d'Arcand ou de ses personnages fétiches de la génération lyrique : Joseph J. Cassano (environ 54 ans), Charles Prince (59 ans), Franklin Raines (60 ans), Richard Fuld (62 ans), Phil Gramm (66 ans), Angelo Mozilo (environ 70 ans), James Cayne (75 ans). Quant à Alan Greenspan (82 ans), c'est tout le contraire d'un des jeunes barbares condamnés par Arcand...
Si le personnage du fils dans le film est censé incarner un matérialisme à dédaigner, cela rejoint évidemment une très vieille hostilité de l'intelligentsia canadienne-française à l'argent et à la finance. Et les sociaux-démocrates bon teint ont hérité cette méfiance des curés catholiques qui les ont précédés dans leur rôle de maîtres à penser de la société québécoise. Bref, à l'aube du vingt-et-unième siècle, il est clair qu'on doit encore se méfier du succès au Québec — ce qui est assez ironique de la part d'un cinéaste encensé comme Denys Arcand.
Mais Arcand avait le nez fin : le personnage du fils n'était pas seulement riche (ce qu'il aurait pu être à titre d'artiste, d'athlète ou d'entrepreneur), il l'était parce qu'il travaillait dans la finance internationale... Agent de change à Londres, cela le posait en héritier du grand capital britannique honni de générations successives d'intellectuels québécois, sans parler des vieux fonds d'antisémitisme que cela pouvait remuer. Or, les banquiers, les courtiers et autres joueurs du monde de la finance font aujourd'hui figure de barbares tout à fait capables de piller les richesses de notre civilisation et d'abattre les colonnes du temple. Seulement, au lieu de venir de l'extérieur comme Arcand le suggérait dans une autre scène où Roy Dupuis déplorait les vagues d'immigrations, sans parler de la séquence qui montrait l'attentat du 11 septembre, les barbares sont venus de l'intérieur.
Et jusqu'à preuve du contraire, la plupart était de la génération d'Arcand ou de ses personnages fétiches de la génération lyrique : Joseph J. Cassano (environ 54 ans), Charles Prince (59 ans), Franklin Raines (60 ans), Richard Fuld (62 ans), Phil Gramm (66 ans), Angelo Mozilo (environ 70 ans), James Cayne (75 ans). Quant à Alan Greenspan (82 ans), c'est tout le contraire d'un des jeunes barbares condamnés par Arcand...
Libellés : Réflexion
2009-03-27
Anticipation 1
Quelque peu ironiquement, alors qu'Anticipation consume beaucoup trop de mes jours et de mes nuits, je n'en ai pas parlé sur ce blogue depuis 2006 (!), quand j'encourageais les fans québécois à se grouiller un peu pour soutenir la folle entreprise en devenant membre du congrès mondial de science-fiction au Japon... J'avais de l'avance, mais on a la culture des futurs ou on ne l'a pas, hein?
Un de ces jours, on va en reparler sur Fractale Framboise, c'est Christian qui me l'a promis. En attendant toutefois, on peut jeter un coup d'œil au dossier réuni par ActuSF sur le sujet, qui comprend des entretiens avec René Walling, Jean Pettigrew et Louise Alain. Et déjà un commentaire de Jean-Claude Dunyach.
En fait, le silence français n'a pas été aussi assourdissant que Jérôme le suggère. Après tout, il y a déjà eu quelques échos, sur le site de Jean-Pierre Planque ou dans le troisième numéro de Galaxies, nouvelle série, où j'essayais de me montrer convaincu, sinon convaincant...
Un de ces jours, on va en reparler sur Fractale Framboise, c'est Christian qui me l'a promis. En attendant toutefois, on peut jeter un coup d'œil au dossier réuni par ActuSF sur le sujet, qui comprend des entretiens avec René Walling, Jean Pettigrew et Louise Alain. Et déjà un commentaire de Jean-Claude Dunyach.
En fait, le silence français n'a pas été aussi assourdissant que Jérôme le suggère. Après tout, il y a déjà eu quelques échos, sur le site de Jean-Pierre Planque ou dans le troisième numéro de Galaxies, nouvelle série, où j'essayais de me montrer convaincu, sinon convaincant...
Libellés : Congrès, Montréal, Science-fiction
2009-03-26
La science-fiction française s'exporte (1)
Changeons de sujet : depuis deux ou trois ans, la connaissance et le retentissement à l'étranger des lettres françaises sont devenus des questions lancinantes. Pour certains auteurs en France, il n'y a pas de quoi s'inquiéter, « Tout va très bien, Madame la Marquise », l'absence des lettres françaises contemporaines dans le monde anglophone est compensée par leur éclat dans le reste du monde. Pour d'autres, il y a de quoi s'énerver au moins un peu. Quant aux lecteurs étatsuniens, à quelques exceptions près, ils ne sont pas sûrs de rater grand-chose. Mais c'était déjà le cas en 1911 (.PDF)... Et la littérature hexagonale n'est pas nécessairement la plus mal lotie, comme le rappelle ce survol de la situation.
Mais j'en profite pour signaler qu'il est maintenant possible de lire sur le site de Fantasy Magazine la nouvelle « Birds » de l'auteur français Jean-Claude Dunyach, traduite de l'original par Sheryl Curtis. Ayant eu l'occasion d'y mettre la main et de la soumettre de ci de là, je suis bien content de voir cette nouvelle bénéficier d'une excellente vitrine, et en distinguée compagnie (Oscar Wilde et Edgar Allan Poe, tiens!). La prose de Jean-Claude est dépouillée comme jamais, et pourtant riche de nombreux sens qui se croisent et s'interpénètrent. Et on devrait pouvoir lire cette traduction (et quelques autres) sous les couvertures d'un livre dans pas trop longtemps, selon la rumeur.
Mais j'en profite pour signaler qu'il est maintenant possible de lire sur le site de Fantasy Magazine la nouvelle « Birds » de l'auteur français Jean-Claude Dunyach, traduite de l'original par Sheryl Curtis. Ayant eu l'occasion d'y mettre la main et de la soumettre de ci de là, je suis bien content de voir cette nouvelle bénéficier d'une excellente vitrine, et en distinguée compagnie (Oscar Wilde et Edgar Allan Poe, tiens!). La prose de Jean-Claude est dépouillée comme jamais, et pourtant riche de nombreux sens qui se croisent et s'interpénètrent. Et on devrait pouvoir lire cette traduction (et quelques autres) sous les couvertures d'un livre dans pas trop longtemps, selon la rumeur.
Libellés : France, Science-fiction
2009-03-25
Les finalistes des Prix Aurora 2009
Les finalistes en lice pour les dix Prix Aurora de la science-fiction et du fantastique canadiens sont maintenant connus. Les lauréats seront annoncés le vendredi 7 août 2009 sur place au congrès mondial Anticipation à Montréal.
J'ai le plaisir de figurer deux fois dans cette liste. À la demande de l'organisation des Prix Aurora, qui doit créer un lien entre la liste des finalistes et cette page, je rappelle que je suis un auteur de Montréal (mais né à Toronto) qui écrit et publie depuis 1984. Si on tient à tout prix à me reconnaître dans la rue, on peut se pencher sur la photo ci-contre, prise en 2007 par Patrick Hohmeyer à Laval. Après avoir signé de nombreuses nouvelles, j'ai fait paraître mes premiers livres en 1994, dont le roman de space-opéra Pour des soleils froids dans la collection Anticipation du Fleuve Noir. Toutefois, ma carrière littéraire a été dominée jusqu'à aujourd'hui par une abondante production de nouvelles de science-fiction ou de fantastique (en particulier dans les revues imagine... et Solaris) ainsi que par la publication d'une bonne vingtaine de romans pour jeunes, signés de mon nom ou de celui de Laurent McAllister quand j'écris en collaboration avec Yves Meynard. Au fil des ans, j'ai reçu plusieurs prix, dont le Grand Prix de la science-fiction et du fantastique québécois en 2001. Je traduis aussi (des romans de Joël Champetier et Monica Hughes, quelques nouvelles) et je m'intéresse aussi à l'histoire de la science-fiction canadienne d'expression française (SFCF). Depuis cinq ans maintenant, j'ai repris pied à Ottawa où j'enseigne l'histoire à l'Université d'Ottawa une ou deux fois par semaine, selon les sessions.
En ce qui concerne les Prix Aurora 2009, ma nouvelle « Le dôme de Saint Macaire », parue dans Solaris 167 (numéro spécial pour le 400e anniversaire de Québec en 2008), est au nombre des finalistes dans la catégorie de la meilleure nouvelle en français. Le cadre de la nouvelle, dans un futur façonné par le pic pétrolier et le réchauffement climatique, a été directement inspiré par mon billet intitulé « L'île de Québec ». L'histoire commence quand un navire arrive en vue de Québec... Mais le niveau des eaux a monté de plusieurs mètres, de sorte que les maisons qui bordent la rue des Remparts surplombent désormais la mer. Il faut regarder la photo ci-dessus en imaginant cette montée des eaux... Dans ce cadre futuriste, je me suis amusé à mélanger les vestiges de l'ancien monde, des technologies vertes, envisageables dans le monde de l'après-pétrole, et des résurgences un peu médiévales. Sauf que ce n'est pas une excuse pour écrire de la fantasy...
Enfin, je m'en voudrais de ne pas mentionner que l'excellent livre savant de Sophie Beaulé, Jean-Louis Trudel, est également au nombre des finalistes, dans la catégorie du meilleur ouvrage (autre). Malgré son titre, il ne s'agit pas vraiment d'un ouvrage sur ma propre personne, mais d'une analyse fouillée de ma série de romans pour jeunes, « Les saisons de Nigelle » (en cinq volumes chez Médiaspaul). La professeure Beaulé, de l'Université St. Mary's à Halifax, explore non seulement la thématique de la série mais aussi les liens de la Nigelle fictive avec son modèle en France.
J'ai le plaisir de figurer deux fois dans cette liste. À la demande de l'organisation des Prix Aurora, qui doit créer un lien entre la liste des finalistes et cette page, je rappelle que je suis un auteur de Montréal (mais né à Toronto) qui écrit et publie depuis 1984. Si on tient à tout prix à me reconnaître dans la rue, on peut se pencher sur la photo ci-contre, prise en 2007 par Patrick Hohmeyer à Laval. Après avoir signé de nombreuses nouvelles, j'ai fait paraître mes premiers livres en 1994, dont le roman de space-opéra Pour des soleils froids dans la collection Anticipation du Fleuve Noir. Toutefois, ma carrière littéraire a été dominée jusqu'à aujourd'hui par une abondante production de nouvelles de science-fiction ou de fantastique (en particulier dans les revues imagine... et Solaris) ainsi que par la publication d'une bonne vingtaine de romans pour jeunes, signés de mon nom ou de celui de Laurent McAllister quand j'écris en collaboration avec Yves Meynard. Au fil des ans, j'ai reçu plusieurs prix, dont le Grand Prix de la science-fiction et du fantastique québécois en 2001. Je traduis aussi (des romans de Joël Champetier et Monica Hughes, quelques nouvelles) et je m'intéresse aussi à l'histoire de la science-fiction canadienne d'expression française (SFCF). Depuis cinq ans maintenant, j'ai repris pied à Ottawa où j'enseigne l'histoire à l'Université d'Ottawa une ou deux fois par semaine, selon les sessions.
En ce qui concerne les Prix Aurora 2009, ma nouvelle « Le dôme de Saint Macaire », parue dans Solaris 167 (numéro spécial pour le 400e anniversaire de Québec en 2008), est au nombre des finalistes dans la catégorie de la meilleure nouvelle en français. Le cadre de la nouvelle, dans un futur façonné par le pic pétrolier et le réchauffement climatique, a été directement inspiré par mon billet intitulé « L'île de Québec ». L'histoire commence quand un navire arrive en vue de Québec... Mais le niveau des eaux a monté de plusieurs mètres, de sorte que les maisons qui bordent la rue des Remparts surplombent désormais la mer. Il faut regarder la photo ci-dessus en imaginant cette montée des eaux... Dans ce cadre futuriste, je me suis amusé à mélanger les vestiges de l'ancien monde, des technologies vertes, envisageables dans le monde de l'après-pétrole, et des résurgences un peu médiévales. Sauf que ce n'est pas une excuse pour écrire de la fantasy...
Enfin, je m'en voudrais de ne pas mentionner que l'excellent livre savant de Sophie Beaulé, Jean-Louis Trudel, est également au nombre des finalistes, dans la catégorie du meilleur ouvrage (autre). Malgré son titre, il ne s'agit pas vraiment d'un ouvrage sur ma propre personne, mais d'une analyse fouillée de ma série de romans pour jeunes, « Les saisons de Nigelle » (en cinq volumes chez Médiaspaul). La professeure Beaulé, de l'Université St. Mary's à Halifax, explore non seulement la thématique de la série mais aussi les liens de la Nigelle fictive avec son modèle en France.
Libellés : Livres, Science-fiction
2009-03-24
Pourquoi les stéréotypes sont tenaces
Dans le Globe and Mail de la fin de semaine, Rebecca Godfrey signait une recension de l'ouvrage Gangs and Girls, traduction du livre Jeunes filles sous influence de Michel Dorais et Patrice Corriveau, sur les nouvelles formes de la prostitution juvénile et sur le recrutement des jeunes filles par les gangs de rue. (L'en-tête du Globe and Mail inversait le titre — accidentellement, on espère — pour en faire Girls and Gangs.) Entre autres, Dorais et Corriveau décrivent les tactiques utilisées par les proxénètes pour charmer et séduire les jeunes filles avant de les piéger ou de les obliger à travailler pour eux.
Dans sa critique, Godfrey reprochait aux auteurs une répartition en quatre catégories distinctes des jeunes filles victimes de proxénètes : « submissives, emotionally dependent on their boyfriends; sex slaves, forced into the trade against their will; independents, looking for freedom and glamour; and daredevils, seeking out thrills and adventure ». Elle proteste longuement : « This type of defining feels reductive, better for charts in the classroom than for granting insight into the troubled fate of young women. Couldn't a young girl long for thrills and also be naive? In this respect, the authors fail to acknowledge the complex and contradictory desires that may influence a young girl's choices just as much as a dose of lovebombing. Readers looking to understand the motivations of teenage girls might be better served by first-person accounts ».
Par contre, Godfrey est plus favorablement impressionnée par les solutions que proposent les auteurs : « most importantly, Dorais and Corriveau offer solutions and strategies aimed at getting girls away from the alluring and abusive hold of gang life. Their 10 suggested approaches—while brief—stand out as the most groundbreaking aspect of this book. »
Si les stéréotypes ont la vie dure, y compris les idées reçues que les hommes entretiennent au sujet des femmes et vice-versa, c'est peut-être parce que, de temps à autre, ils sont confirmés. D'une part, la journaliste réclame plus de compréhension de la vision du monde et des mobiles des jeunes filles, et elle critique le manque de finesse psychologique des deux auteurs masculins. D'autre part, elle est bien obligée que les deux auteurs, faisant fi des émotions et des motivations de ces jeunes filles, proposent des solutions concrètes dont elle est la première à reconnaître l'originalité et la pertinence. Bref, la femme s'inquiète des émotions tandis que les deux hommes se préoccupent des gestes pratiques à poser...
Évidemment, s'il semble facile de s'appuyer sur cet article pour confirmer d'une pierre deux stéréotypes, c'est que le biais de confirmation d'hypothèse intervient ici. Dans la mesure où nous disposons déjà d'un cadre tout fait pour interpréter cette critique, on va s'en souvenir parce qu'elle étaie nos convictions. C'est une effet de sélection dans la mesure où on ne retient souvent que ce qui renforce nos préjugés...
Dans sa critique, Godfrey reprochait aux auteurs une répartition en quatre catégories distinctes des jeunes filles victimes de proxénètes : « submissives, emotionally dependent on their boyfriends; sex slaves, forced into the trade against their will; independents, looking for freedom and glamour; and daredevils, seeking out thrills and adventure ». Elle proteste longuement : « This type of defining feels reductive, better for charts in the classroom than for granting insight into the troubled fate of young women. Couldn't a young girl long for thrills and also be naive? In this respect, the authors fail to acknowledge the complex and contradictory desires that may influence a young girl's choices just as much as a dose of lovebombing. Readers looking to understand the motivations of teenage girls might be better served by first-person accounts ».
Par contre, Godfrey est plus favorablement impressionnée par les solutions que proposent les auteurs : « most importantly, Dorais and Corriveau offer solutions and strategies aimed at getting girls away from the alluring and abusive hold of gang life. Their 10 suggested approaches—while brief—stand out as the most groundbreaking aspect of this book. »
Si les stéréotypes ont la vie dure, y compris les idées reçues que les hommes entretiennent au sujet des femmes et vice-versa, c'est peut-être parce que, de temps à autre, ils sont confirmés. D'une part, la journaliste réclame plus de compréhension de la vision du monde et des mobiles des jeunes filles, et elle critique le manque de finesse psychologique des deux auteurs masculins. D'autre part, elle est bien obligée que les deux auteurs, faisant fi des émotions et des motivations de ces jeunes filles, proposent des solutions concrètes dont elle est la première à reconnaître l'originalité et la pertinence. Bref, la femme s'inquiète des émotions tandis que les deux hommes se préoccupent des gestes pratiques à poser...
Évidemment, s'il semble facile de s'appuyer sur cet article pour confirmer d'une pierre deux stéréotypes, c'est que le biais de confirmation d'hypothèse intervient ici. Dans la mesure où nous disposons déjà d'un cadre tout fait pour interpréter cette critique, on va s'en souvenir parce qu'elle étaie nos convictions. C'est une effet de sélection dans la mesure où on ne retient souvent que ce qui renforce nos préjugés...
Libellés : Société
2009-03-23
Le vieillissement du Québec
Réfléchissons un instant au vieillissement des Québécois en examinant ce diagramme pris à ce rapport (.PDF) de l'Institut de la Statistique du Québec. Ce qu'il illustre de manière frappante, c'est l'accroissement de l'espérance de vie à la naissance, qui remonte à la fin du XIXe siècle.En revanche, il faut attendre la seconde moitié du XXe siècle pour voir augmenter de façon marquée l'espérance de vie (après un premier frémissement durant l'entre-deux-guerres) des hommes et femmes de 65 ans. En 2001, les femmes avaient gagné environ dix ans d'espérance de vie et les hommes cinq ans. Autrement dit, le gros de l'amélioration de la longévité a lieu durant les six premières décennies d'existence des Québécois, en éliminant des causes de mortalité infantile et d'autres causes de décès prématuré.
Néanmoins, on prévoit que cette augmentation de la longévité va se poursuivre. Par conséquent, ceci va se conjuguer à l'atteinte par la génération lyrique de l'âge mûr et multiplier le nombre de personnes âgées de plus de 60 ou 65 ans. Pour beaucoup, c'est un scénario très inquiétant qui s'annonce, puisque le nombre de personnes à charge pour les travailleurs va monter en flèche. En bref, il y aura plus de vieux et moins de jeunes. (Notons en passant qu'au tournant du XXe siècle, le nombre de personnes à charge par travailleur était déjà élevé, parce que les données du problème étaient inversées : beaucoup moins de vieillards par famille, mais beaucoup plus d'enfants et de poupons.)
Toutefois, une nouvelle étude suggère une autre façon d'aborder les choses. En prenant les données sur les espérances de vie (passée et future) des Québécois, entre autres sous la forme de tables de mortalité (.PDF), ainsi que ce rapport (.PDF) sur le vieillissement au Québec qui fournit des âges médians, et en m'inspirant de cet article du Population Bulletin signalé dans la revue Futuribles, j'ai tenté d'adapter au Québec cette nouvelle manière de concevoir le vieillissement.
Il s'agit de partir de la fin au lieu de partir du début. Au lieu de calculer le nombre de personnes qui ont passé la barre d'un certain âge (60 ou 65 ans), on calcule le nombre de personnes dont l'espérance de vie statistique est tombée en deçà d'un certain seuil (10 ou 15 ans). Car il faut se souvenir que l'espérance de vie la plus souvent citée est l'espérance de vie à la naissance : plus on vieillit, plus notre espérance de vie se réduit. À 40 ans, elle n'est plus que de 40 ans environ.
Or, en raison des progrès de la longévité, l'âge pour lequel l'espérance de vie se réduit à moins de 15 ans ne cesse d'augmenter dans les pays riches. Au Canada, par exemple, il était de 64,5 ans en 1955, mais de 70,8 ans en 2005. L'article du Population Bulletin prévoit qu'il sera de 72,7 ans en 2025 et de 74,5 ans en 2045. Par conséquent, l'augmentation du nombre de personnes qui ont une espérance de vie de 15 ans et moins est beaucoup moins rapide que l'augmentation du nombre de personnes de 65 ans et plus. On le voit dans le diagramme ci-dessus pour le Canada.Si on suppose qu'une personne ayant une espérance de vie de plus de quinze ans est statistiquement en (assez) bonne santé, cela veut dire que le nombre de personnes réellement et concrètement à charge va s'accroître beaucoup moins rapidement qu'on pourrait le croire en considérant uniquement le nombre de personnes de 65 ans et plus.
Ceci illustre en fait une observation assez répandue, qui veut que la vieillesse n'est plus ce qu'elle était. Les auteurs de cet article, Warren Sanderson et Sergueï Scherbov, proposent une façon de calculer ce phénomène plus rigoureusement en tenant compte de l'âge médian d'une population et de l'espérance de vie (une idée qui remonterait au moins à une proposition de l'économiste Victor Fuchs en 1984). L'âge médian divise une population en deux groupes de taille égales, les plus jeunes et les moins jeunes.
L'âge médian prospectif permet de comparer l'âge médian à différentes époques en tenant compte de l'allongement de la vie. C'est l'équivalent d'un prix ajusté pour l'inflation. Ainsi, si l'âge médian en 1966 correspond à une espérance de vie donnée, on peut déterminer à quel âge correspond cette espérance de vie à une autre date, en 2006, par exemple. Cet âge est l'âge médian prospectif (ou corrigé) qui permet de comprendre que si un homme avait 24 ans au Québec en 1966, il avait une espérance de vie qui était celle d'un homme de 30,5 ans au Québec en 2001. D'un certain point de vue, donc, avoir trente ans aujourd'hui, c'est comme avoir moins de 25 ans durant la Révolution tranquille.
Sanderson et Scherbov ont calculé l'évolution des âges médians réel et corrigé pour plusieurs pays, dont le Canada. Dans la figure ci-dessous, les points rouges et verts permettent de suivre ces évolutions au Canada de 1955 à 2045. Il est clair que, si on se fiait uniquement à l'âge médian réel, on pourrait croire que le Canada aura beaucoup vieilli durant cette période. Par contre, l'âge médian ajusté n'accuse pas un changement aussi dramatique.
Pour ce qui est du Québec, la courbe bleu foncé dans la figure ci-dessous illustre l'évolution de l'âge médian réel durant la même période. De plus jeune que la moyenne canadienne en 1955, la population québécoise passe à plus vieille que la moyenne depuis le début du XXIe siècle.
Le portrait change un peu si on rapporte les âges médians successifs aux données pour une année de référence, soit 2001.Comme il est remarquablement difficile de trouver les âges médians en fonction du sexe tandis que les tables de mortalité sont données pour les deux sexes, je me suis contenté de construire deux courbes, une pour les hommes en posant que l'âge médian de la population était celui des hommes et une pour les femmes en posant que l'âge médian global était celui des femmes. Les résultats ne sont donc pas exacts, mais la tendance est valable : elle démontre que le vieillissement perçu de la société québécoise (même s'il reste supérieur à la moyenne canadienne) est moins prononcé que le vieillissement chronologique. (Faute de tables de mortalité projetées, je n'ai pas pu prolonger les deux courbes au-delà de 2006.)Conséquences...
Sanderson et Scherbov suggèrent que ce nouveau point de vue sur le vieillissement pourrait guider des réformes politiques. Par exemple, se servir de l'âge chronologique pour fixer l'âge de la retraite est injuste pour les jeunes travailleurs quand la longévité augmente, car la période de cotisation reste la même tandis que la durée des bénéfices augmente (ce qui oblige à augmenter les montants des cotisations). Inversement, se servir de l'âge prospectif obligerait les retraités à récolter des bénéfices pendant une durée fixe tandis que la période de cotisation s'allongerait sans cesse (ce qui permet de réduire les cotisations). Si l'âge de la retraite tenait compte à la fois de l'espérance de vie et de l'âge chronologique, cette injustice générationnelle serait corrigée.
Les deux auteurs posent aussi la question de l'effet du vieillissement sur le discours politique. Si on se fie uniquement à l'âge chronologique, les réflexes de la population pourraient amener les électeurs et les politiciens à privilégier les projets à court terme. En revanche, si on tient compte de l'âge corrigé, les discours politiques pourraient continuer à miser sur des projets à long terme, en tenant compte du recul de l'horizon personnel d'une population dont la longévité augmente.
Au passage, ils notent que l'âge n'est pas totalement chronologique : l'âge de la ménopause (ou de l'andropause) ne change pas, de sorte que l'allongement de la vie doit être uniquement considéré selon son effet sur la fin de vie et la gestion financière de celle-ci.
Enfin, il reste à poser la question de ce qui sous-tend cet allongement de la longévité et de savoir s'il est durable. Outre les progrès médicaux, cet allongement ne tient-il pas à des facteurs comme l'essence à bon marché et la voiture pour tous, une alimentation saine et abondante, des conditions de travail relativement supportables, bref, à tout ce qui rend la vie plus douce et plus facile dans les pays riches? Que se passera-t-il si une crise économique, une crise des ressources (dont le pétrole) et une crise de l'environnement rendent la vie plus difficile pour les générations à venir?
Eh bien, au moyen des outils décrits ci-dessus, on pourra observer une convergence des âges médians réel et ajusté, le cas échéant, qui révélera un retour dans le temps...
Néanmoins, on prévoit que cette augmentation de la longévité va se poursuivre. Par conséquent, ceci va se conjuguer à l'atteinte par la génération lyrique de l'âge mûr et multiplier le nombre de personnes âgées de plus de 60 ou 65 ans. Pour beaucoup, c'est un scénario très inquiétant qui s'annonce, puisque le nombre de personnes à charge pour les travailleurs va monter en flèche. En bref, il y aura plus de vieux et moins de jeunes. (Notons en passant qu'au tournant du XXe siècle, le nombre de personnes à charge par travailleur était déjà élevé, parce que les données du problème étaient inversées : beaucoup moins de vieillards par famille, mais beaucoup plus d'enfants et de poupons.)
Toutefois, une nouvelle étude suggère une autre façon d'aborder les choses. En prenant les données sur les espérances de vie (passée et future) des Québécois, entre autres sous la forme de tables de mortalité (.PDF), ainsi que ce rapport (.PDF) sur le vieillissement au Québec qui fournit des âges médians, et en m'inspirant de cet article du Population Bulletin signalé dans la revue Futuribles, j'ai tenté d'adapter au Québec cette nouvelle manière de concevoir le vieillissement.
Il s'agit de partir de la fin au lieu de partir du début. Au lieu de calculer le nombre de personnes qui ont passé la barre d'un certain âge (60 ou 65 ans), on calcule le nombre de personnes dont l'espérance de vie statistique est tombée en deçà d'un certain seuil (10 ou 15 ans). Car il faut se souvenir que l'espérance de vie la plus souvent citée est l'espérance de vie à la naissance : plus on vieillit, plus notre espérance de vie se réduit. À 40 ans, elle n'est plus que de 40 ans environ.
Or, en raison des progrès de la longévité, l'âge pour lequel l'espérance de vie se réduit à moins de 15 ans ne cesse d'augmenter dans les pays riches. Au Canada, par exemple, il était de 64,5 ans en 1955, mais de 70,8 ans en 2005. L'article du Population Bulletin prévoit qu'il sera de 72,7 ans en 2025 et de 74,5 ans en 2045. Par conséquent, l'augmentation du nombre de personnes qui ont une espérance de vie de 15 ans et moins est beaucoup moins rapide que l'augmentation du nombre de personnes de 65 ans et plus. On le voit dans le diagramme ci-dessus pour le Canada.Si on suppose qu'une personne ayant une espérance de vie de plus de quinze ans est statistiquement en (assez) bonne santé, cela veut dire que le nombre de personnes réellement et concrètement à charge va s'accroître beaucoup moins rapidement qu'on pourrait le croire en considérant uniquement le nombre de personnes de 65 ans et plus.
Ceci illustre en fait une observation assez répandue, qui veut que la vieillesse n'est plus ce qu'elle était. Les auteurs de cet article, Warren Sanderson et Sergueï Scherbov, proposent une façon de calculer ce phénomène plus rigoureusement en tenant compte de l'âge médian d'une population et de l'espérance de vie (une idée qui remonterait au moins à une proposition de l'économiste Victor Fuchs en 1984). L'âge médian divise une population en deux groupes de taille égales, les plus jeunes et les moins jeunes.
L'âge médian prospectif permet de comparer l'âge médian à différentes époques en tenant compte de l'allongement de la vie. C'est l'équivalent d'un prix ajusté pour l'inflation. Ainsi, si l'âge médian en 1966 correspond à une espérance de vie donnée, on peut déterminer à quel âge correspond cette espérance de vie à une autre date, en 2006, par exemple. Cet âge est l'âge médian prospectif (ou corrigé) qui permet de comprendre que si un homme avait 24 ans au Québec en 1966, il avait une espérance de vie qui était celle d'un homme de 30,5 ans au Québec en 2001. D'un certain point de vue, donc, avoir trente ans aujourd'hui, c'est comme avoir moins de 25 ans durant la Révolution tranquille.
Sanderson et Scherbov ont calculé l'évolution des âges médians réel et corrigé pour plusieurs pays, dont le Canada. Dans la figure ci-dessous, les points rouges et verts permettent de suivre ces évolutions au Canada de 1955 à 2045. Il est clair que, si on se fiait uniquement à l'âge médian réel, on pourrait croire que le Canada aura beaucoup vieilli durant cette période. Par contre, l'âge médian ajusté n'accuse pas un changement aussi dramatique.
Pour ce qui est du Québec, la courbe bleu foncé dans la figure ci-dessous illustre l'évolution de l'âge médian réel durant la même période. De plus jeune que la moyenne canadienne en 1955, la population québécoise passe à plus vieille que la moyenne depuis le début du XXIe siècle.
Le portrait change un peu si on rapporte les âges médians successifs aux données pour une année de référence, soit 2001.Comme il est remarquablement difficile de trouver les âges médians en fonction du sexe tandis que les tables de mortalité sont données pour les deux sexes, je me suis contenté de construire deux courbes, une pour les hommes en posant que l'âge médian de la population était celui des hommes et une pour les femmes en posant que l'âge médian global était celui des femmes. Les résultats ne sont donc pas exacts, mais la tendance est valable : elle démontre que le vieillissement perçu de la société québécoise (même s'il reste supérieur à la moyenne canadienne) est moins prononcé que le vieillissement chronologique. (Faute de tables de mortalité projetées, je n'ai pas pu prolonger les deux courbes au-delà de 2006.)Conséquences...
Sanderson et Scherbov suggèrent que ce nouveau point de vue sur le vieillissement pourrait guider des réformes politiques. Par exemple, se servir de l'âge chronologique pour fixer l'âge de la retraite est injuste pour les jeunes travailleurs quand la longévité augmente, car la période de cotisation reste la même tandis que la durée des bénéfices augmente (ce qui oblige à augmenter les montants des cotisations). Inversement, se servir de l'âge prospectif obligerait les retraités à récolter des bénéfices pendant une durée fixe tandis que la période de cotisation s'allongerait sans cesse (ce qui permet de réduire les cotisations). Si l'âge de la retraite tenait compte à la fois de l'espérance de vie et de l'âge chronologique, cette injustice générationnelle serait corrigée.
Les deux auteurs posent aussi la question de l'effet du vieillissement sur le discours politique. Si on se fie uniquement à l'âge chronologique, les réflexes de la population pourraient amener les électeurs et les politiciens à privilégier les projets à court terme. En revanche, si on tient compte de l'âge corrigé, les discours politiques pourraient continuer à miser sur des projets à long terme, en tenant compte du recul de l'horizon personnel d'une population dont la longévité augmente.
Au passage, ils notent que l'âge n'est pas totalement chronologique : l'âge de la ménopause (ou de l'andropause) ne change pas, de sorte que l'allongement de la vie doit être uniquement considéré selon son effet sur la fin de vie et la gestion financière de celle-ci.
Enfin, il reste à poser la question de ce qui sous-tend cet allongement de la longévité et de savoir s'il est durable. Outre les progrès médicaux, cet allongement ne tient-il pas à des facteurs comme l'essence à bon marché et la voiture pour tous, une alimentation saine et abondante, des conditions de travail relativement supportables, bref, à tout ce qui rend la vie plus douce et plus facile dans les pays riches? Que se passera-t-il si une crise économique, une crise des ressources (dont le pétrole) et une crise de l'environnement rendent la vie plus difficile pour les générations à venir?
Eh bien, au moyen des outils décrits ci-dessus, on pourra observer une convergence des âges médians réel et ajusté, le cas échéant, qui révélera un retour dans le temps...
Libellés : Démographie, Québec
2009-03-22
Les chats sont servis!
Le chat passe pour être l'animal de compagnie favori des écrivains, mais je suis sans doute une exception dans le domaine. Une année de cohabitation avec un chat au temps où j'habitais à Toronto ne m'a pas convaincu de prendre de félin comme muse. En revanche, de nombreux ailurophiles — et pas seulement des écrivains — sont aux petits soins pour leur chat. Pour un peu, ils le traiteraient en enfant chéri et lui donneraient un trône d'où toiser ses sujets, comme dans cette photo de 1898 (« In the Rogue's Gallery », LC-USZ62-93145).Mais la passion des chats n'est pas sans effet sur l'environnement. Aujourd'hui, un article du New York Times fait remarquer que la nourriture pour chats dans les pays industrialisés est à base de poisson. En fait, les chats domestiques mangeraient plus de poisson par année que l'Africain moyen... Et ces poissons proviennent pour l'essentiel des océans déjà affectés par la surpêche. Il s'agit certes de « poissons fourrages » (forage fish), c'est-à-dire d'espèces qui servent de proies aux autres espèces et qui représentent moins de 40% des prises halieutiques, pour l'instant. Le dixième de ce total alimente l'industrie de la nourriture pour animaux domestiques (chats, chiens, etc.) dans les pays riches. Mais ces espèces constituent un maillon crucial pour la chaîne alimentaire.
L'article de Paul Greenberg note qu'il est possible de fournir aux chats un régime végétarien (enrichi), quelque peu contre-nature. Du coup, on se demande si les végétariens qui ont des chats ont réfléchi à l'impact de leurs compagnons sur l'environnement...
L'article de Paul Greenberg note qu'il est possible de fournir aux chats un régime végétarien (enrichi), quelque peu contre-nature. Du coup, on se demande si les végétariens qui ont des chats ont réfléchi à l'impact de leurs compagnons sur l'environnement...
Libellés : Environnement, Société
2009-03-20
Le futur des journaux
Et si Ouest-France incarnait le futur du journalisme?
Aux États-Unis, les journaux tombent les uns après les autres. Victimes d'internet et de la gratuité de l'information en-ligne, selon de nombreux experts. Victimes, selon d'autres, d'un modèle économique qui fondait la marge de profit de ces journaux non pas sur leurs lecteurs ou abonnés, mais sur leurs ventes de publicité, en particulier... aux fabricants de voitures!
Après le futur de l'édition de livres, à quoi ressemble le futur des journaux? Après tout, certains journaux se portent plus ou moins bien, ailleurs qu'en Amérique du Nord. Est-ce parce que la vague du numérique tarde à les rattraper? Ou est-ce parce qu'ils ont opté pour des modèles économiques distincts?
En fait, la Toile a révélé des choix stratégiques douteux de longue date, dont celui d'économiser le plus possible sur la variété de l'information, c'est-à-dire en payant le moins possible la base de la pyramide constituée par les journalistes. Au lieu de payer pour des articles originaux, les journaux nord-américains ont meublé leurs pages avec des dépêches fournies par les agences de presse (le même compte rendu d'une partie de hockey apparaissant d'un océan à l'autre) ou ils ont acheté des articles déjà parus ailleurs (de sorte qu'un article lu le lundi dans le New York Times sortira le mercredi dans le Globe and Mail, ou qu'on lira à Ottawa des articles tirés de la presse britannique). Ou quand les grands groupes de presse ont mis la main sur des journaux un peu partout, ils ont sabré dans les coûts de fonctionnement en s'assurant qu'un article paru à Calgary serait reproduit le plus possible à Winnipeg, Ottawa et Montréal... Bref, la part d'originalité des journaux nord-américains reposait sur une base de plus en plus étroite quand les nouvelles en-ligne ont commencé à s'imposer.
Naturellement, les internautes sont bien placés pour s'apercevoir des répétitions; il leur suffit d'un clic de souris pour sauter de Paris à Londres, de New York à Toronto. Dans les grandes villes, il suffit de feuilleter quelques journaux pour constater que la seule raison d'acheter un journal plutôt que l'autre, c'est de plus en plus la vision éditoriale et la ligne politique, car le reste se ressemble de plus en plus. Et comme le contenu propre se retrouve aussi en-ligne, il ne reste plus qu'à s'informer en-ligne.
Sauf que ce n'est pas payant pour les journaux... Un problème qu'on néglige parfois, c'est celui du temps dont disposent les internautes : s'ils se branchent sur la Toile pour remonter aux plus grandes sources d'informations originales (et non remâchées par les agences de presse et les conglomérats), comme la BBC ou le New York Times, il ne leur restera pas nécessairement le temps de consulter ensuite un journal local pour faire le tri et retrouver les quelques infos locales que la BBC ou le New York Times n'auront pas.
C'est ce qui tue la lecture des journaux, il me semble. La valeur ajoutée fournie par les journaux locaux ou secondaires ne justifie plus le temps que l'on peut passer à la trouver.
La solution viendra peut-être de cela même qui mine les journaux : la mise en-réseau. Le site de Radio-Canada, par exemple, offre à la fois une couverture mondiale et nationale, et une couverture régionale. Un journal comme Ouest-France offre la même combinaison, qui rappelle un peu le modèle USA Today mais avec la couverture régionale en plus, de sorte que le même site offre une combinaison qui suffit à certains lecteurs. Ouest-France n'a pas encore abandonné les éditions sur papier, mais le journal a-t-il déjà fait face à la concurrence d'internet?
Bref, peut-on imaginer des journaux qui survivront sur papier grâce à la création d'une édition unique pour un grand territoire, modulée selon chaque région, mais offrant tout à la fois un contenu journalistique de grande qualité sur les sujets d'ordre mondial ou national et une couverture des sujets régionaux? La réduction des coûts suffirait-elle à faire survivre des éditions sur papier payantes et une édition en-ligne gratuite? C'est ce que nous verrons, qui sait...
Aux États-Unis, les journaux tombent les uns après les autres. Victimes d'internet et de la gratuité de l'information en-ligne, selon de nombreux experts. Victimes, selon d'autres, d'un modèle économique qui fondait la marge de profit de ces journaux non pas sur leurs lecteurs ou abonnés, mais sur leurs ventes de publicité, en particulier... aux fabricants de voitures!
Après le futur de l'édition de livres, à quoi ressemble le futur des journaux? Après tout, certains journaux se portent plus ou moins bien, ailleurs qu'en Amérique du Nord. Est-ce parce que la vague du numérique tarde à les rattraper? Ou est-ce parce qu'ils ont opté pour des modèles économiques distincts?
En fait, la Toile a révélé des choix stratégiques douteux de longue date, dont celui d'économiser le plus possible sur la variété de l'information, c'est-à-dire en payant le moins possible la base de la pyramide constituée par les journalistes. Au lieu de payer pour des articles originaux, les journaux nord-américains ont meublé leurs pages avec des dépêches fournies par les agences de presse (le même compte rendu d'une partie de hockey apparaissant d'un océan à l'autre) ou ils ont acheté des articles déjà parus ailleurs (de sorte qu'un article lu le lundi dans le New York Times sortira le mercredi dans le Globe and Mail, ou qu'on lira à Ottawa des articles tirés de la presse britannique). Ou quand les grands groupes de presse ont mis la main sur des journaux un peu partout, ils ont sabré dans les coûts de fonctionnement en s'assurant qu'un article paru à Calgary serait reproduit le plus possible à Winnipeg, Ottawa et Montréal... Bref, la part d'originalité des journaux nord-américains reposait sur une base de plus en plus étroite quand les nouvelles en-ligne ont commencé à s'imposer.
Naturellement, les internautes sont bien placés pour s'apercevoir des répétitions; il leur suffit d'un clic de souris pour sauter de Paris à Londres, de New York à Toronto. Dans les grandes villes, il suffit de feuilleter quelques journaux pour constater que la seule raison d'acheter un journal plutôt que l'autre, c'est de plus en plus la vision éditoriale et la ligne politique, car le reste se ressemble de plus en plus. Et comme le contenu propre se retrouve aussi en-ligne, il ne reste plus qu'à s'informer en-ligne.
Sauf que ce n'est pas payant pour les journaux... Un problème qu'on néglige parfois, c'est celui du temps dont disposent les internautes : s'ils se branchent sur la Toile pour remonter aux plus grandes sources d'informations originales (et non remâchées par les agences de presse et les conglomérats), comme la BBC ou le New York Times, il ne leur restera pas nécessairement le temps de consulter ensuite un journal local pour faire le tri et retrouver les quelques infos locales que la BBC ou le New York Times n'auront pas.
C'est ce qui tue la lecture des journaux, il me semble. La valeur ajoutée fournie par les journaux locaux ou secondaires ne justifie plus le temps que l'on peut passer à la trouver.
La solution viendra peut-être de cela même qui mine les journaux : la mise en-réseau. Le site de Radio-Canada, par exemple, offre à la fois une couverture mondiale et nationale, et une couverture régionale. Un journal comme Ouest-France offre la même combinaison, qui rappelle un peu le modèle USA Today mais avec la couverture régionale en plus, de sorte que le même site offre une combinaison qui suffit à certains lecteurs. Ouest-France n'a pas encore abandonné les éditions sur papier, mais le journal a-t-il déjà fait face à la concurrence d'internet?
Bref, peut-on imaginer des journaux qui survivront sur papier grâce à la création d'une édition unique pour un grand territoire, modulée selon chaque région, mais offrant tout à la fois un contenu journalistique de grande qualité sur les sujets d'ordre mondial ou national et une couverture des sujets régionaux? La réduction des coûts suffirait-elle à faire survivre des éditions sur papier payantes et une édition en-ligne gratuite? C'est ce que nous verrons, qui sait...
2009-03-19
Forcez-moi à le faire ?
La réaction de Barack Obama à la nouvelle au sujet des primes mirifiques versées aux employés d'AIG (dont certains qui sont directement impliqués dans des opérations hasardeuses plutôt destructrices de valeurs boursières qu'autre chose) est peut-être révélatrice d'un plus grand sens de la politique qu'on lui reconnaît parfois. En effet, tandis que ses subordonnés défendaient la remise de ces primes au nom de l'inviolabilité des contrats, Obama décidait de jouer au tribun en dénonçant les primes en question.
Ce faisant, il semble attiser l'indignation sous la forme d'un feu dévorant au risque de lui en cuire, mais si la pression populaire lui permet de pousser le Congrès dans la direction voulue, la stratégie pourrait rapporter des dividendes à plus long terme. Il est suffisamment intelligent pour qu'on n'exclue pas une telle réflexion stratégique... D'ailleurs, dans les milieux de gauche aux États-Unis, on répète à l'envi depuis quelques années une anecdote qui remonterait à l'époque de Franklin Delano Roosevelt et qui en dit long sur les limites du pouvoir présidentiel aux États-Unis. Il en existe plusieurs versions et il est bien possible que Roosevelt ait servi le mot plusieurs fois aux militants qui le rencontraient pour le convaincre d'agir dans telle ou telle direction. Dans cet entretien, Katrina vanden Heuvel décrit la chose ainsi :
« But the story [is], and everyone has their tale, whether it was Sidney Hillman, the labor leader, or Frances Perkins, the first woman in the cabinet, comes into Roosevelt's and, she goes, "We got to do this. We got to do that. We got to speak out more boldly."
And Roosevelt says, "Go out and make me do it." »
Ce faisant, il semble attiser l'indignation sous la forme d'un feu dévorant au risque de lui en cuire, mais si la pression populaire lui permet de pousser le Congrès dans la direction voulue, la stratégie pourrait rapporter des dividendes à plus long terme. Il est suffisamment intelligent pour qu'on n'exclue pas une telle réflexion stratégique... D'ailleurs, dans les milieux de gauche aux États-Unis, on répète à l'envi depuis quelques années une anecdote qui remonterait à l'époque de Franklin Delano Roosevelt et qui en dit long sur les limites du pouvoir présidentiel aux États-Unis. Il en existe plusieurs versions et il est bien possible que Roosevelt ait servi le mot plusieurs fois aux militants qui le rencontraient pour le convaincre d'agir dans telle ou telle direction. Dans cet entretien, Katrina vanden Heuvel décrit la chose ainsi :
« But the story [is], and everyone has their tale, whether it was Sidney Hillman, the labor leader, or Frances Perkins, the first woman in the cabinet, comes into Roosevelt's and, she goes, "We got to do this. We got to do that. We got to speak out more boldly."
And Roosevelt says, "Go out and make me do it." »
Libellés : États-Unis, Politique
2009-03-18
Le parti de l'ignorance
Décidément, les Conservateurs de Harper s'enfoncent. Comme d'habitude, dès qu'il est question de culture ou de science, il suffit de gratter pour retrouver les bons vieux Conservateurs de Mulroney, dont le fermier manitobain Felix Holtmann qui s'était retrouvé à présider le comité parlementaire sur les communications et la culture, avouant presque aussitôt « I don't understand art, but I do understand one thing—somewhere we've got to cut, cut, cut » (Toronto Star, 30 juin 1989).
Si je croyais à la transmigration des âmes (encore que Holtmann est toujours de ce monde), je dirais que le même mauvais esprit hante désormais le cerveau du ministre conservateur James Moore, qui affichait son inculture dimanche à l'émission télévisée Tout le monde en parle. Notons bien qu'il ne s'agissait pas seulement d'ignorance de la culture québécoise puisque Atom Egoyan lui était aussi inconnu que Félix Leclerc... Vingt ans après Holtmann, le programme est le même dans le camp retranché conservateur : coupures et inculture. Sauf que les incultes sont maintenant propulsés de la présidence d'un comité parlementaire au rang de ministre.
Pour compléter le portrait, l'inculture conservatrice est aussi crasse en science. Nous savions déjà qu'un ministre conservateur, Stockwell Day, croit que les premiers humains ont côtoyé les dinosaures (puisque le monde n'a que six mille ans!). Mais c'est pire quand le ministre conservateur chargé de la recherche scientifique, Gary Goodyear, s'embourbe sans arriver à nous convaincre qu'il accepte l'évolution des espèces par la sélection naturelle. (Évidemment, il est déjà arrivé au CRSH de donner le mauvais exemple en ce qui concerne la reconnaissance de la théorie de l'évolution, mais ce n'est pas une raison pour leur couper les fonds.)
En fait, on se souviendra que Stephen Harper nous avait déjà fait le coup en nommant comme ministre de l'Environnement une députée de l'Alberta bien mal placée pour admettre la réalité de l'effet de serre... En somme, dans les gouvernements d'allégeance conservatrice, il suffit de démontrer son ignorance dans un domaine pour en devenir le ministre .
Si je croyais à la transmigration des âmes (encore que Holtmann est toujours de ce monde), je dirais que le même mauvais esprit hante désormais le cerveau du ministre conservateur James Moore, qui affichait son inculture dimanche à l'émission télévisée Tout le monde en parle. Notons bien qu'il ne s'agissait pas seulement d'ignorance de la culture québécoise puisque Atom Egoyan lui était aussi inconnu que Félix Leclerc... Vingt ans après Holtmann, le programme est le même dans le camp retranché conservateur : coupures et inculture. Sauf que les incultes sont maintenant propulsés de la présidence d'un comité parlementaire au rang de ministre.
Pour compléter le portrait, l'inculture conservatrice est aussi crasse en science. Nous savions déjà qu'un ministre conservateur, Stockwell Day, croit que les premiers humains ont côtoyé les dinosaures (puisque le monde n'a que six mille ans!). Mais c'est pire quand le ministre conservateur chargé de la recherche scientifique, Gary Goodyear, s'embourbe sans arriver à nous convaincre qu'il accepte l'évolution des espèces par la sélection naturelle. (Évidemment, il est déjà arrivé au CRSH de donner le mauvais exemple en ce qui concerne la reconnaissance de la théorie de l'évolution, mais ce n'est pas une raison pour leur couper les fonds.)
En fait, on se souviendra que Stephen Harper nous avait déjà fait le coup en nommant comme ministre de l'Environnement une députée de l'Alberta bien mal placée pour admettre la réalité de l'effet de serre... En somme, dans les gouvernements d'allégeance conservatrice, il suffit de démontrer son ignorance dans un domaine pour en devenir le ministre .
2009-03-16
L'année de Galilée?
Murale de Walter Shirlaw (1838-1909), « Astronomy », dans l'édifice Thomas Jefferson de la Bibliothèque du Congrès à Washington. Photo prise par Carol M. Highsmith (1946-).
Le vendredi 13, le musée d'histoire des sciences de Florence (que j'ai eu la chance de visiter il y a quelques années, pour y admirer entre autres le doigt desséché de Galilée) a ouvert une exposition virtuelle des images de l'astronomie au fil des siècles. Celle-ci fait évidemment partie des solennités associées à l'année internationale de l'astronomie que j'ai déjà évoquée. Mais il s'agit d'une exposition d'une grande richesse, abondamment dotée d'images historiques et de photos de vestiges archéologiques, et même de vidéos, comme cette reconstitution animée de la machine d'Anticythère. Donc, elle est loin d'être chauvine et de parler uniquement de Galilée, comme aurait pu le craindre (un peu) à Florence.Murale de Carl Gutherz (1844-1907), « Light of Astronomy », dans l'édifice Thomas Jefferson de la Bibliothèque du Congrès à Washington. Photo prise par Carol M. Highsmith (1946-).
Bref, il va falloir que j'y retourne pour l'explorer à fond. D'ailleurs, je suis en quête de ressources picturales pour une causerie, mais les images de Florence sont sans doute verrouillées de toutes les manières possibles. (Heureusement qu'il reste quelques institutions à admettre le principe du domaine public....) En effet, le 7 avril prochain, je parlerai de l'histoire de l'astronomie au Canada à l'Université d'Ottawa. Mais j'en reparlerai. Et puis, il y a cette nouvelle sur laquelle je travaille depuis un moment, qui se passe en partie autour d'une étoile dans la constellation de la Mouche...Gravure de Sidney Hall dans l'ouvrage A Familiar Treatise on Astronomy (Londres, 1825) de Jehoshaphat Aspin.
Le vendredi 13, le musée d'histoire des sciences de Florence (que j'ai eu la chance de visiter il y a quelques années, pour y admirer entre autres le doigt desséché de Galilée) a ouvert une exposition virtuelle des images de l'astronomie au fil des siècles. Celle-ci fait évidemment partie des solennités associées à l'année internationale de l'astronomie que j'ai déjà évoquée. Mais il s'agit d'une exposition d'une grande richesse, abondamment dotée d'images historiques et de photos de vestiges archéologiques, et même de vidéos, comme cette reconstitution animée de la machine d'Anticythère. Donc, elle est loin d'être chauvine et de parler uniquement de Galilée, comme aurait pu le craindre (un peu) à Florence.Murale de Carl Gutherz (1844-1907), « Light of Astronomy », dans l'édifice Thomas Jefferson de la Bibliothèque du Congrès à Washington. Photo prise par Carol M. Highsmith (1946-).
Bref, il va falloir que j'y retourne pour l'explorer à fond. D'ailleurs, je suis en quête de ressources picturales pour une causerie, mais les images de Florence sont sans doute verrouillées de toutes les manières possibles. (Heureusement qu'il reste quelques institutions à admettre le principe du domaine public....) En effet, le 7 avril prochain, je parlerai de l'histoire de l'astronomie au Canada à l'Université d'Ottawa. Mais j'en reparlerai. Et puis, il y a cette nouvelle sur laquelle je travaille depuis un moment, qui se passe en partie autour d'une étoile dans la constellation de la Mouche...Gravure de Sidney Hall dans l'ouvrage A Familiar Treatise on Astronomy (Londres, 1825) de Jehoshaphat Aspin.
Libellés : Astronomie, Histoire, Sciences
2009-03-15
Les primes des banquiers
Le secteur financier est en train de supplier à genoux qu'on le nationalise : la preuve la plus éclatante en est fournie par l'annonce que le groupe A.I.G. prévoit de verser 100 millions de dollars en primes à ses cadres alors que la compagnie a reçu plus de 170 milliards de dollars en fonds publics. On rapporte que certains des dirigeants qui ont coûté à la compagnie des milliards de dollars pourraient recevoir entre 200 et 500 000 dollars en moyenne.
Le total des primes n'est pas si gros (si on le compare aux primes versées aux banquiers de Wall Street), mais c'est peut-être ce qui pourrait attiser l'indignation : des montants de quelques dizaines ou centaines de milliers de dollars sont beaucoup plus compréhensibles que des primes qui se chiffrent en millions. Verrons-nous cette semaine la population se soulever aux États-Unis pour protester? A-t-elle encore la capacité de se fâcher?
Il existe des risques certains à une nationalisation dans l'urgence, car la nationalisation des banques les plus faibles pourrait précipiter celle des banques suivantes si les investisseurs et les épargnants se mettaient à retirer leurs billes. Et si on ne confiait plus les banques aux banquiers, pourrait-on faire confiance à des fonctionnaires plus ou moins qualifiés pour les opérer?
En revanche, une nationalisation permettrait de réviser les principes de la rémunération des banques. Au lieu de payer les banquiers sur la foi de leurs résultats annuels, par exemple, on pourrait les payer uniquement quand ils prendraient leur retraite ou quitteraient l'entreprise, en leur versant une somme calculée en fonction de leur performance sur l'ensemble de leur emploi et aussi des profits engrangés durant cette période...
Le total des primes n'est pas si gros (si on le compare aux primes versées aux banquiers de Wall Street), mais c'est peut-être ce qui pourrait attiser l'indignation : des montants de quelques dizaines ou centaines de milliers de dollars sont beaucoup plus compréhensibles que des primes qui se chiffrent en millions. Verrons-nous cette semaine la population se soulever aux États-Unis pour protester? A-t-elle encore la capacité de se fâcher?
Il existe des risques certains à une nationalisation dans l'urgence, car la nationalisation des banques les plus faibles pourrait précipiter celle des banques suivantes si les investisseurs et les épargnants se mettaient à retirer leurs billes. Et si on ne confiait plus les banques aux banquiers, pourrait-on faire confiance à des fonctionnaires plus ou moins qualifiés pour les opérer?
En revanche, une nationalisation permettrait de réviser les principes de la rémunération des banques. Au lieu de payer les banquiers sur la foi de leurs résultats annuels, par exemple, on pourrait les payer uniquement quand ils prendraient leur retraite ou quitteraient l'entreprise, en leur versant une somme calculée en fonction de leur performance sur l'ensemble de leur emploi et aussi des profits engrangés durant cette période...
Libellés : Économie, États-Unis
2009-03-13
Les planètes d'autres systèmes solaires
D'habitude, quand je dresse un inventaire de liens intéressants, je les intègre à un petit tour d'horizon du sujet. Cette fois, je vais me contenter de dresser un méta-catalogue des catalogues d'exoplanètes :
— The Extrasolar Planets Encyclopedia : si ce n'est pas nécessairement le site de référence, c'est un des plus anciens et des plus complets sur le sujet des exoplanètes;
— le nouveau Catalog of Exoplanets de la Planetary Society : il se veut beaucoup plus convivial, offrant des portraits détaillés de certains systèmes et quelques gadgets additionnels;
— le site Extrasolar Planets : un site plus professionnel (en ce sens qu'il s'adresse un peu plus aux spécialistes) et plus amateur (en ce sens qu'il semble être le fruit du travail d'une seule personne); il s'intéresse non seulement aux exoplanètes, mais aussi aux objets limitrophes (comme les naines brunes);
— et, pour ne rien oublier, la page du programme de recherche d'exoplanètes de Genève ainsi qu'un tableau récapitulatif simplifié.
— The Extrasolar Planets Encyclopedia : si ce n'est pas nécessairement le site de référence, c'est un des plus anciens et des plus complets sur le sujet des exoplanètes;
— le nouveau Catalog of Exoplanets de la Planetary Society : il se veut beaucoup plus convivial, offrant des portraits détaillés de certains systèmes et quelques gadgets additionnels;
— le site Extrasolar Planets : un site plus professionnel (en ce sens qu'il s'adresse un peu plus aux spécialistes) et plus amateur (en ce sens qu'il semble être le fruit du travail d'une seule personne); il s'intéresse non seulement aux exoplanètes, mais aussi aux objets limitrophes (comme les naines brunes);
— et, pour ne rien oublier, la page du programme de recherche d'exoplanètes de Genève ainsi qu'un tableau récapitulatif simplifié.
Libellés : Astronomie
2009-03-12
Futurs sur commande
Dans le numéro actuel de la revue Futuribles, Alain Bergeron (qu'on a aussi connu comme auteur de science-fiction) signe un article intitulé « Les besoins en science et technologie. Une prospective scientifique et technologique guidée par la demande : le projet québécois Perspectives STS ».
J'ai déjà eu l'occasion d'évoquer certaines prévisions de Perspectives STS dont cinq rapports sur sept sont disponibles. Ce que Bergeron souligne, c'est que l'initiative québécoise a renoncé aux tentatives de prédictions des découvertes scientifiques et développements techniques à venir — prédictions pourtant recherchées par la prospective classique (DELPHI). Dans le cadre d'une prospective guidée par la demande, il s'agit plutôt d'identifier les orientations privilégiées par la population et les moyens d'y répondre : « Dans une telle perspective, science et technologie ne sont plus l'objet premier de l'exercice de prospective, mais des ressources utilisables pour répondre à la demande. » (p. 28) Contrairement à l'objectif du développement public d'une culture scientifique, il s'agit de mettre « les chercheurs à l'écoute des préoccupations de la société, et donc de donner à celle-ci les moyens d'exprimer ses attentes. »
La question qui se pose au niveau de Québec, c'est d'abord de savoir si l'infrastructure scientifique et technique d'une province de 7,5 millions d'habitants est en mesure de relever tous les défis retenus par les participants. À quoi bon dicter aux scientifiques leur feuille de route si les problèmes les dépassent?
La seconde question, c'est sans doute de savoir si, sous le couvert de l'invocation des choix du public, l'État ne cherche pas à instrumentaliser le plus complètement possible la communauté des chercheurs, à l'instar du budget conservateur de Harper qui veut orienter la recherche dans un sens plus favorable aux affaires et à la gestion (voir la pétition). Il n'échappera à personne que le projet Perspectives STS a été lancé en 2003, l'année de l'élection des (néo-)Libéraux de Jean Charest...
Selon Bergeron, l'idée remonte toutefois à 2002, sous le gouvernement Landry (pas beaucoup moins dirigiste que le gouvernement Charest, évidemment). Des consultations successives ont permis de sonder le grand public (six groupes de discussion ne dépassant sans doute pas la douzaine de personnes chacun, un échantillon de 1623 personnes répondant à des questions au téléphone), puis de réunir en atelier une centaine de personnalités pour identifier 40 grands défis pour l'avenir du Québec, puis de consulter par internet 1300 chercheurs environ pour savoir quels défis seraient le plus susceptibles d'être relevés à l'aide de la science et de la technologie.
Si une telle approche est plus inclusive, Bergeron est bien obligé d'admettre que la dimension prospective du projet en souffre : « Il est clair que les préoccupations de la population face à l'avenir ne sont jamais beaucoup plus qu'une projection à courte vue de leurs préoccupations du moment. Même les 100 participants de l'atelier de prospective se sont surtout attardés à déterminer les grands défis actuels de la société, plutôt que ceux qui sont en émergence. » (p. 42) Ben voyons, il fallait m'inviter! (D'ailleurs, on aimerait bien savoir combien d'auteurs de science-fiction il y avait dans la salle à chaque étape du processus, exception faite des employés du Conseil de la science et de la technologie.)
Et c'est sans soulever la question de savoir si les groupes de travail constitués de « chercheurs reconnus dans un domaine pertinent » et d'utilisateurs potentiels « des résultats de la recherche » (acteurs de terrain et décideurs) ne seraient pas non plus trop tentés de tirer la couverture à eux (comme il arrive souvent dans les réunions de ce type) pour offrir un point de vue relativement objectif sur la meilleure stratégie à adopter. De toute évidence, on a préféré se fermer les yeux sur les conflits d'intérêt et les risques de groupthink.
Cela fait plusieurs années que j'exprime à Alain Bergeron mon étonnement que les organismes soucieux de culture scientifique (comme le Conseil de la science et de la technologie, tiens!) font aussi peu appel aux points de vue de la science-fiction, que ce soit pour la vulgarisation ou la prospective, et même quand il est question de réfléchir sur le futur. Du coup, en ce qui me concerne, la conclusion suivante de Bergeron vaut admission : « Il n'en reste pas moins qu'une des leçons qu'on tirera de Perspectives STS est l'extrême difficulté de tous les acteurs, que ce soit la population en général ou les scientifiques, à se distancer du présent pour se construire une représentation du futur qui sorte des sentiers battus. » (p. 42)
Peut-être parce que tous les acteurs n'étaient pas là...
J'ai déjà eu l'occasion d'évoquer certaines prévisions de Perspectives STS dont cinq rapports sur sept sont disponibles. Ce que Bergeron souligne, c'est que l'initiative québécoise a renoncé aux tentatives de prédictions des découvertes scientifiques et développements techniques à venir — prédictions pourtant recherchées par la prospective classique (DELPHI). Dans le cadre d'une prospective guidée par la demande, il s'agit plutôt d'identifier les orientations privilégiées par la population et les moyens d'y répondre : « Dans une telle perspective, science et technologie ne sont plus l'objet premier de l'exercice de prospective, mais des ressources utilisables pour répondre à la demande. » (p. 28) Contrairement à l'objectif du développement public d'une culture scientifique, il s'agit de mettre « les chercheurs à l'écoute des préoccupations de la société, et donc de donner à celle-ci les moyens d'exprimer ses attentes. »
La question qui se pose au niveau de Québec, c'est d'abord de savoir si l'infrastructure scientifique et technique d'une province de 7,5 millions d'habitants est en mesure de relever tous les défis retenus par les participants. À quoi bon dicter aux scientifiques leur feuille de route si les problèmes les dépassent?
La seconde question, c'est sans doute de savoir si, sous le couvert de l'invocation des choix du public, l'État ne cherche pas à instrumentaliser le plus complètement possible la communauté des chercheurs, à l'instar du budget conservateur de Harper qui veut orienter la recherche dans un sens plus favorable aux affaires et à la gestion (voir la pétition). Il n'échappera à personne que le projet Perspectives STS a été lancé en 2003, l'année de l'élection des (néo-)Libéraux de Jean Charest...
Selon Bergeron, l'idée remonte toutefois à 2002, sous le gouvernement Landry (pas beaucoup moins dirigiste que le gouvernement Charest, évidemment). Des consultations successives ont permis de sonder le grand public (six groupes de discussion ne dépassant sans doute pas la douzaine de personnes chacun, un échantillon de 1623 personnes répondant à des questions au téléphone), puis de réunir en atelier une centaine de personnalités pour identifier 40 grands défis pour l'avenir du Québec, puis de consulter par internet 1300 chercheurs environ pour savoir quels défis seraient le plus susceptibles d'être relevés à l'aide de la science et de la technologie.
Si une telle approche est plus inclusive, Bergeron est bien obligé d'admettre que la dimension prospective du projet en souffre : « Il est clair que les préoccupations de la population face à l'avenir ne sont jamais beaucoup plus qu'une projection à courte vue de leurs préoccupations du moment. Même les 100 participants de l'atelier de prospective se sont surtout attardés à déterminer les grands défis actuels de la société, plutôt que ceux qui sont en émergence. » (p. 42) Ben voyons, il fallait m'inviter! (D'ailleurs, on aimerait bien savoir combien d'auteurs de science-fiction il y avait dans la salle à chaque étape du processus, exception faite des employés du Conseil de la science et de la technologie.)
Et c'est sans soulever la question de savoir si les groupes de travail constitués de « chercheurs reconnus dans un domaine pertinent » et d'utilisateurs potentiels « des résultats de la recherche » (acteurs de terrain et décideurs) ne seraient pas non plus trop tentés de tirer la couverture à eux (comme il arrive souvent dans les réunions de ce type) pour offrir un point de vue relativement objectif sur la meilleure stratégie à adopter. De toute évidence, on a préféré se fermer les yeux sur les conflits d'intérêt et les risques de groupthink.
Cela fait plusieurs années que j'exprime à Alain Bergeron mon étonnement que les organismes soucieux de culture scientifique (comme le Conseil de la science et de la technologie, tiens!) font aussi peu appel aux points de vue de la science-fiction, que ce soit pour la vulgarisation ou la prospective, et même quand il est question de réfléchir sur le futur. Du coup, en ce qui me concerne, la conclusion suivante de Bergeron vaut admission : « Il n'en reste pas moins qu'une des leçons qu'on tirera de Perspectives STS est l'extrême difficulté de tous les acteurs, que ce soit la population en général ou les scientifiques, à se distancer du présent pour se construire une représentation du futur qui sorte des sentiers battus. » (p. 42)
Peut-être parce que tous les acteurs n'étaient pas là...
2009-03-11
Un blogue sur la science-fiction mondiale
Au passage, j'en profite pour signaler le blogue World SF News créé pour faire la promotion du premier volume d'un ouvrage sur la science-fiction mondiale chez l'éditeur Apex Books. Il vient s'ajouter à quelques autres ressources pour les amateurs d'une science-fiction sans frontière. Pour les curieux qui voudraient se montrer encore plus aventureux, il existe aussi des ressources pour s'informer sur la science-fiction chinoise, la science-fiction de l'Inde ou la science-fiction africaine, du nord au sud.
Mais pourquoi s'intéresser à la science-fiction d'ailleurs? En fait, les raisons sont nombreuses. On peut s'y intéresser dans l'espoir de trouver des ouvrages qui sont intéressants selon nos critères habituels. Ou bien on peut s'y intéresser dans l'espoir de trouver des ouvrages qui sont justement intéressants parce qu'ils diffèrent de ce que l'on connaît. Dans ce dernier cas, on peut en retirer de nouvelles idées, de nouvelles façons de voir les choses, de nouvelles inspirations...
L'alternative est si tranchée qu'elle complique énormément la vie des promoteurs de la diffusion des ouvrages d'ailleurs. Entre l'argument utilitaire et l'argument culturel, le fossé est grand. Mais l'internet nous permet au moins de découvrir à peu de frais et de se faire une idée sans douleur de ce qui se passe ailleurs. Ce qui nous amènera peut-être à démontrer plus d'ouverture pour les créations d'outre-frontière.
Mais pourquoi s'intéresser à la science-fiction d'ailleurs? En fait, les raisons sont nombreuses. On peut s'y intéresser dans l'espoir de trouver des ouvrages qui sont intéressants selon nos critères habituels. Ou bien on peut s'y intéresser dans l'espoir de trouver des ouvrages qui sont justement intéressants parce qu'ils diffèrent de ce que l'on connaît. Dans ce dernier cas, on peut en retirer de nouvelles idées, de nouvelles façons de voir les choses, de nouvelles inspirations...
L'alternative est si tranchée qu'elle complique énormément la vie des promoteurs de la diffusion des ouvrages d'ailleurs. Entre l'argument utilitaire et l'argument culturel, le fossé est grand. Mais l'internet nous permet au moins de découvrir à peu de frais et de se faire une idée sans douleur de ce qui se passe ailleurs. Ce qui nous amènera peut-être à démontrer plus d'ouverture pour les créations d'outre-frontière.
Libellés : Science-fiction
2009-03-10
Communiquer la science (3)
Aujourd'hui, j'assistais au septième colloque de Science pour tous, « Enjeux et perspectives 2009-2012 ». Au programme, une série de séances thématiques combinant des présentations/interventions par des spécialistes et des périodes de questions. Sans oublier les pauses pour le réseautage, presque aussi utiles que les allocutions...
J'ai raté la première séance intitulée « S'approcher du secteur de l'éducation », car elle avait lieu beaucoup trop tôt dans la matinée pour un oiseau de nuit comme moi. Par contre, j'étais là pour la seconde, « Les clientèles et les outils de marketing », avec le prof Jean-François Ouellet (HEC Montréal) et Lorraine Simard, une experte-conseil de la firme Ellipsos.
J'ai pris de copieuses notes durant la présentation du prof. Même s'il nous rappelait les bases du marketing, certains rappels ne sont jamais inutiles. Par exemple, il soulignait que tout événement de culture scientifique doit rejoindre non seulement le 15% de passionnés (le public qui cherche, qui est gagné d'avance et qu'il suffit d'avertir) mais aussi le 85% de pragmatiques (le public qui ne se déplace que s'il y trouve son profit; le public qui veut qu'on le rejoigne personnellement, qu'on le courtise et qu'on lui garantisse par le bouche-à-oreille que cela en vaut la peine). Le fossé entre les deux publics peut s'interpréter en fonction de ressorts émotionnels différents. Les passionnés et les puristes font de leur passion un élément de leur identité, et ils se déplaceront rien que pour être fidèles à leur vision d'eux-mêmes. Les pragmatiques recherchent des bénéfices propres (extrinsèques) ou, au minimum, un discours qui les conforte dans leur vision du monde et de la place qu'ils y occupent. Il faut savoir vanter la valeur unique d'une activité de communication scientifique, ce qui peut vouloir dire jouer sur les cordes sensibles de la curiosité, du divertissement, de la participation directe, du dépaysement ou de la parentalité (tout ce qui rejoint le rôle de parent des membres du public, soucieux de l'éducation ou du plaisir de leurs enfants).
Durant cette séance, on a aussi noté les exigences multidisciplinaires de la réforme scolaire, qui fait que les écoles vont rechercher les activités qui combinent langues, maths, sciences, arts, etc. Et il faut savoir choyer ses partenaires (hôtes, commanditaires ou simples membres du public). S'ils sont motivés, s'ils sont partie prenante d'un événement, s'ils sont invités sur place, s'ils tiennent un kiosque, ils seront plus heureux de leur expérience et de leur soutien. Enfin, il a été question de la loi québécoise sur le développement durable, qui affecte les ministères et les grands organismes de la province, de sorte qu'il faut pouvoir en parler avec des partenaires potentiels. (Ou de sujets connexes, comme les changements climatiques.)
Avant le repas du midi, des vulgarisateurs du terrain sont venus exposer « Les secrets d'une activité 24 heures réussie ». Charles Désy de Parlons Sciences a rappelé qu'il faut commencer par connaître son public (au besoin, en les interrogeant; au besoin, en le créant au moyen d'une présentation rapide des bases requises) et que le public appréhende un nouveau sujet au moyen d'intelligences multiples (visuelle/spatiale, musicale, linguistique, logico-mathématique, inter-/intra-personnelle, etc.), dont le poids respectif varie pour chaque individu. Pierre Chastenay du Code Chastenay a noté qu'il importe de faire le lien avec l'actualité, d'aller chercher le public là où il se trouve (centres commerciaux, etc.) et d'avoir sur place des « médiateurs » et « médiatrices » scientifiques capables de prendre le relais une fois le chaland appâté. Sophie Malavoy du Cœur des Sciences de l'UQÀM a été directe. Pour attirer le public, il faut miser sur l'intérêt du sujet, le renom des communicateurs, la multiplicité des réseaux de diffusion de la nouvelle, les partenaires et le formatage de l'annonce.
L'après-midi a débuté avec un tour de table au titre accrocheur, « Qu'est-ce que nous réserve l'avenir? ». La question était posée à des fonctionnaires : Alex Navarre (CRSNG), Denise LaBerge (MDEIE) et Geneviève Drolet (CST). Navarre a évoqué la science comme base de la culture générale et la science comme pivot économique. Et il a signalé les activités du CRSNG pour la promotion des sciences, dont le programme PromoScience, qui soutient les activités de promotion des sciences auprès des écoles. Denise LaBerge m'a appris (ou rappelé?) l'existence de la Stratégie québécoise de la recherche et de l'innovation. Geneviève Drolet a fait le tour des tendances : de plus en plus de plans nationaux de recherche et de développement axés sur le moyen et le long terme, de nouvelles stratégies pour encourager la demande d'innovation et plus de coopération en recherche et développement. Par contre, elle tirait (de l'édition 2008 des Perspectives de l'OCDE en science, technologie et industrie, je crois) une donnée consternante : un grand survol des priorités de ces plans nationaux n'avait trouvé de mentions de la culture scientifique comme priorité que dans 4,1% des cas... Quant au CST, il prépare pour l'automne 2009 son prochain rapport de conjoncture.
Enfin, Pierre Sormany nous a tirés de notre torpeur en livrant une causerie intitulée « Comment rendre nos annonces/activités plus sexy auprès des médias? ». Présenté avec verve par Félix Maltais, Sormany a suggéré des stratégies pour « passer le filtre » et accéder aux médias : (i) s'insérer dans l'actualité (ou la provoquer, si on a les moyens de publier une étude qui crée un débat), (ii) trouver un(e) porte-parole efficace et d'envergure, ou (iii) raconter une histoire.
Mais qu'est-ce qu'une bonne histoire? Pour attirer l'attention des médias, il faut un héros : un vecteur d'émotion et d'identification, et le moteur de l'action de l'histoire. Une quête aussi, de préférence : le protagoniste doit poursuivre une démarche semée d'obstacles qui connaît un aboutissement spectaculaire, soit succès soit échec. Mais une bonne histoire tient aussi à la narration, c'est-à-dire à la structure du reportage, qui doit savoir distiller l'information tout en construisant le récit. Enfin, il reste toujours la solution de mobiliser les médias dans le cadre d'une controverse — au risque peut-être de ne pas attirer l'attention sur ce qu'on désire communiquer!
D'autres billets sur la communication scientifique :
Communiquer la science (1) : les scientifiques sont-ils allergiques aux journalistes?
Communiquer la science (2) : le Guide de vulgarisation de Pascal Lapointe.
J'ai raté la première séance intitulée « S'approcher du secteur de l'éducation », car elle avait lieu beaucoup trop tôt dans la matinée pour un oiseau de nuit comme moi. Par contre, j'étais là pour la seconde, « Les clientèles et les outils de marketing », avec le prof Jean-François Ouellet (HEC Montréal) et Lorraine Simard, une experte-conseil de la firme Ellipsos.
J'ai pris de copieuses notes durant la présentation du prof. Même s'il nous rappelait les bases du marketing, certains rappels ne sont jamais inutiles. Par exemple, il soulignait que tout événement de culture scientifique doit rejoindre non seulement le 15% de passionnés (le public qui cherche, qui est gagné d'avance et qu'il suffit d'avertir) mais aussi le 85% de pragmatiques (le public qui ne se déplace que s'il y trouve son profit; le public qui veut qu'on le rejoigne personnellement, qu'on le courtise et qu'on lui garantisse par le bouche-à-oreille que cela en vaut la peine). Le fossé entre les deux publics peut s'interpréter en fonction de ressorts émotionnels différents. Les passionnés et les puristes font de leur passion un élément de leur identité, et ils se déplaceront rien que pour être fidèles à leur vision d'eux-mêmes. Les pragmatiques recherchent des bénéfices propres (extrinsèques) ou, au minimum, un discours qui les conforte dans leur vision du monde et de la place qu'ils y occupent. Il faut savoir vanter la valeur unique d'une activité de communication scientifique, ce qui peut vouloir dire jouer sur les cordes sensibles de la curiosité, du divertissement, de la participation directe, du dépaysement ou de la parentalité (tout ce qui rejoint le rôle de parent des membres du public, soucieux de l'éducation ou du plaisir de leurs enfants).
Durant cette séance, on a aussi noté les exigences multidisciplinaires de la réforme scolaire, qui fait que les écoles vont rechercher les activités qui combinent langues, maths, sciences, arts, etc. Et il faut savoir choyer ses partenaires (hôtes, commanditaires ou simples membres du public). S'ils sont motivés, s'ils sont partie prenante d'un événement, s'ils sont invités sur place, s'ils tiennent un kiosque, ils seront plus heureux de leur expérience et de leur soutien. Enfin, il a été question de la loi québécoise sur le développement durable, qui affecte les ministères et les grands organismes de la province, de sorte qu'il faut pouvoir en parler avec des partenaires potentiels. (Ou de sujets connexes, comme les changements climatiques.)
Avant le repas du midi, des vulgarisateurs du terrain sont venus exposer « Les secrets d'une activité 24 heures réussie ». Charles Désy de Parlons Sciences a rappelé qu'il faut commencer par connaître son public (au besoin, en les interrogeant; au besoin, en le créant au moyen d'une présentation rapide des bases requises) et que le public appréhende un nouveau sujet au moyen d'intelligences multiples (visuelle/spatiale, musicale, linguistique, logico-mathématique, inter-/intra-personnelle, etc.), dont le poids respectif varie pour chaque individu. Pierre Chastenay du Code Chastenay a noté qu'il importe de faire le lien avec l'actualité, d'aller chercher le public là où il se trouve (centres commerciaux, etc.) et d'avoir sur place des « médiateurs » et « médiatrices » scientifiques capables de prendre le relais une fois le chaland appâté. Sophie Malavoy du Cœur des Sciences de l'UQÀM a été directe. Pour attirer le public, il faut miser sur l'intérêt du sujet, le renom des communicateurs, la multiplicité des réseaux de diffusion de la nouvelle, les partenaires et le formatage de l'annonce.
L'après-midi a débuté avec un tour de table au titre accrocheur, « Qu'est-ce que nous réserve l'avenir? ». La question était posée à des fonctionnaires : Alex Navarre (CRSNG), Denise LaBerge (MDEIE) et Geneviève Drolet (CST). Navarre a évoqué la science comme base de la culture générale et la science comme pivot économique. Et il a signalé les activités du CRSNG pour la promotion des sciences, dont le programme PromoScience, qui soutient les activités de promotion des sciences auprès des écoles. Denise LaBerge m'a appris (ou rappelé?) l'existence de la Stratégie québécoise de la recherche et de l'innovation. Geneviève Drolet a fait le tour des tendances : de plus en plus de plans nationaux de recherche et de développement axés sur le moyen et le long terme, de nouvelles stratégies pour encourager la demande d'innovation et plus de coopération en recherche et développement. Par contre, elle tirait (de l'édition 2008 des Perspectives de l'OCDE en science, technologie et industrie, je crois) une donnée consternante : un grand survol des priorités de ces plans nationaux n'avait trouvé de mentions de la culture scientifique comme priorité que dans 4,1% des cas... Quant au CST, il prépare pour l'automne 2009 son prochain rapport de conjoncture.
Enfin, Pierre Sormany nous a tirés de notre torpeur en livrant une causerie intitulée « Comment rendre nos annonces/activités plus sexy auprès des médias? ». Présenté avec verve par Félix Maltais, Sormany a suggéré des stratégies pour « passer le filtre » et accéder aux médias : (i) s'insérer dans l'actualité (ou la provoquer, si on a les moyens de publier une étude qui crée un débat), (ii) trouver un(e) porte-parole efficace et d'envergure, ou (iii) raconter une histoire.
Mais qu'est-ce qu'une bonne histoire? Pour attirer l'attention des médias, il faut un héros : un vecteur d'émotion et d'identification, et le moteur de l'action de l'histoire. Une quête aussi, de préférence : le protagoniste doit poursuivre une démarche semée d'obstacles qui connaît un aboutissement spectaculaire, soit succès soit échec. Mais une bonne histoire tient aussi à la narration, c'est-à-dire à la structure du reportage, qui doit savoir distiller l'information tout en construisant le récit. Enfin, il reste toujours la solution de mobiliser les médias dans le cadre d'une controverse — au risque peut-être de ne pas attirer l'attention sur ce qu'on désire communiquer!
D'autres billets sur la communication scientifique :
Communiquer la science (1) : les scientifiques sont-ils allergiques aux journalistes?
Communiquer la science (2) : le Guide de vulgarisation de Pascal Lapointe.
Libellés : Sciences, Vulgarisation
2009-03-09
La science-fiction en russe (2)
J'ignore si je vais lancer une série de billets sur la science-fiction en russe, mais je profite de l'annonce du blogue Russkaya Fantastika pour ressortir de mes tiroirs un texte synthétique sur la science-fiction en russe. Il ne s'agit pas d'une recherche originale, à part quelques vérifications bibliographiques, mais d'un résumé que je tire de divers messages parus sur Usenet, de messages signés par Ahasuerus, de l'article « Soviet Union » de Vladimir Gakov (Michel A. Kovalchuk) dans The New Encyclopedia of Science Fiction (Viking Penguin, 1988), de l'article « Russia » signé par quatre collaborateurs dans The Encyclopedia of Science Fiction (1993) et de l'article « Russia » de Serge Nekrasov, dans l'Intersection Programme Book (1995). C'est ce qui explique que de nombreux titres soient donnés en anglais, et que l'état de la situation reflète le paysage éditorial d'il y a cinq à dix ans, sinon plus.
Historique
Des éléments retrouvés plus tard dans les littératures dites de l'imaginaire apparaissent déjà dans la littérature russe au dix-neuvième siècle, dans les écrits teintés d'horreur et de fantastique de Nicolas Gogol (1809-1852) et dans Histoire d'une ville (Paris: Gallimard, 1994, traduction par Louis Martinez) (1869-1870) de Michel Saltykov-Chtchédrine (dystopie satirique), entre autres. C'est aussi à cette époque, en 1894, qu'est enfin publiée une utopie du dix-huitième siècle, Voyage au Pays d'Ophir, rédigée en 1773-1774 par le prince Michel Chtcherbatov (1733-1790).
En revanche, le roman The Newest Voyage de Basile Lyovchine (1746-1826), qui situe sur la Lune un État idéal de l'avenir lointain, est paru dès 1784. Au siècle suivant, on trouve d'abord des technologies visionnaires dans les fragments inachevés de L'Année 4338. Lettres de Pétersbourg (1840) signés par l'homme de lettres aristocratique Vladimir Odoevski (1803-1869), qui aurait pu être le Jules Verne russe. La première utopie socialiste apparaît dans le quatrième rêve de Vera Pavlovna dans Que faire? (1863) de Nicolas Tchernychevsky (1828-1889), le célèbre poète et révolutionnaire qui écrivit cet ouvrage en prison.
Surtout, il faut citer Fédor Dostoevski (1821-1881) dont les ouvrages Notes d'un souterrain (1864; édition française en 1972) et Les Démons (1871-1872; édition française en 1976, traduction de Lily Denis) fondent réellement la tradition dystopique russe, selon certains.
Au tournant du siècle, la Russie participe aux progrès scientifiques comme jamais auparavant. Constantin Tsiolkovsky (1857-1935) lui-même signe des fictions, dont Sur la Lune (1887-1893), Visions de la Terre et du Ciel (1895) et Au-delà de la Terre (1918-1920) pour disséminer ses idées.
Le début du vingtième siècle voit paraître des utopies socialistes, telles L'Étoile rouge (1908), qui se déplace sur Mars, et sa suite L'Ingénieur Menni (1913), qui anticipe la cybernétique, ces deux titres signés par Alexandre Bogdanov (1873-1928), des découvertes de mondes perdus, des anticipations futuristes, comme dans « La Terre », « La République de la Croix du Sud » et « Les derniers martyrs » du poète Valère Brioussov (1873-1924), de la science-fiction érotique (Théodore Sologub) et au moins une uchronie (Michel Pervukhine), ainsi que plusieurs textes où intervient le surnaturel. La révolution à venir inspire et effraie à la fois un auteur comme Alexandre Kouprine (1870-1938) dans « Un toast » (1906) et « Le parc du roi » (1911). Il signe aussi en 1912 le roman Soleil liquide. Dans Pre-Revolutionary Russian Science Fiction: An Anthology (Seven Utopias and a Dream) (Ardis, 1982), Leland Fetzer réunit plusieurs de ces textes.
Le coup d'État des Bolcheviks et la guerre civile qui s'ensuit forcent certains auteurs à fuir à l'étranger ou à ne jamais en revenir (comme Pervukhine); d'autres seront carrément exilés par le nouveau gouvernement. En revanche, des écrivains qui n'auraient peut-être jamais songé à écrire de la science-fiction se tournent alors vers l'utopie (Alexandre Chaianov), la dystopie (Eugène Zamiatine) et le genre de la Zukunftskrieg qui imagine les guerres du futur (Alexis Tolstoï, Ilya Ehrenbourg). Des gens qui n'auraient jamais essayé d'écrire quoi que ce soit sont inspirés par l'atmosphère fiévreuse de la guerre civile et la promesse des lendemains qui chantent. Parmi eux, certains auraient été employés par la Guépéou (Vivian Itine, auteur de l'utopie Le Pays de Gongourie (1922); Léon Roubine). Les écrits de cette génération soviétique passent pour avoir été d'un intérêt très relatif.
En français, on lira d'Eugène I. Zamiatine son roman dystopique Nous autres (1920), traduit par B. Cauvet-Duhamel et édité (entre autres) par Gallimard à Paris dans la collection L'Imaginaire en 1994. Pour certains historiens de la science-fiction, il s'agit d'un des premiers ouvrages d'anticipation à plonger aussitôt le lecteur in medias res, sans transition pour faire le lien entre le contexte actuel et le contexte du récit. Mais il a quand même été précédé par quelques autres titres, comme Épigone...
Un ouvrage qui se démarque des autres à cette époque a été traduit en anglais par Samuel D. Cioran sous le titre Mess-mend. Yankees in Petrograd (Ardis, 1991), après avoir été signé par Mariette Shaginian (1888-1982) en 1923. Un roman écrit en collaboration par Léon Uspensky et Léon Roubine (sous le nom de « Lev Rubus »), intitulé Запаг лимона, est sorti en 1928. Les innovations techniques fascinent, comme l'analogue du laser d'Alexis Tolstoï dans L'Hyperboloïde de l'ingénieur Garine (1925) et les armes atomiques du roman Dans mille ans (1927) de Vadim Nikolsky (1886-1941). Durant ces mêmes années, la jeunesse soviétique découvre avec plaisir les pays fantastiques des romans d'Alexandre Grine (1880-1932) (exemple possible : Le monde étincelant, traduit par Paul Lequesne et édité par L'Âge d'homme à Lausanne en 1993) ou les aventures (burroughsiennes?) narrées par Tolstoï dans son épopée martienne Aelita (1923), dont un film muet a été tiré en 1924. Sans parler des romans d'aventures et de mondes perdus signés par Vladimir Obroutchev (1863-1956), comme La Plutonie (1924) et La Terre de Sannikov (1926). Et des revues qui publient pour les jeunes tirent jusqu'à cent mille exemplaires à la fin des années vingt.
Durant les années trente, les possibilités de publication d'ouvrages relevant des littératures de l'imaginaire se réduisirent comme une peau de chagrin. Il n'existait plus de maisons d'édition privées; l'État contrôlait tout désormais et insistait sur un plus grand réalisme. Durant les années vingt, même Michel Boulgakov avait réussi à faire paraître en Union soviétique certains de ses ouvrages de SF (Diaboliad — sans doute la nouvelle connue en français sous le titre « Diablerie » dans le recueil Les Œufs fatidiques et autres récits), mais il ne fit rien paraître durant la décennie suivante. Ailleurs, en France, par exemple, on voit sortir en 1937 Le Voyage imaginaire de Léo Cassil (Paris: Gallimard), traduit par Vera Ravikovitch et Henriette Nizan.
Auteur d'une soixantaine de livres, Alexandre Beliaev (1884-1942) réussit à poursuivre sa carrière littéraire contre vents et marées à cette époque, après avoir fait ses débuts durant les années vingt, avec des livres tels Maître du monde (1928) où il est question de perception extra-sensorielle, L'Amphibien (1928) dont le héros est doté des branchies d'un requin, La Tête du Professeur Dowell (1934) où on aborde la survie après la mort, L'Étoile KET (1936) où il est question de la vie à bord d'un satellite artificiel, et La Lutte dans l'espace, un roman qui décrit entre autres une guerre entre l'URSS et les ÉU. Cependant, à l'exception de son roman Ariel (1941), la plupart de ses livres publiés après 1931 ne sont pas tenus en très haute estime par la critique, même s'il est considéré comme le père fondateur d'une certaine science-fiction vernienne à la russe.
Les romans relevant de la Zukunftskrieg se multiplièrent à la fin des années trente. On notera par exemple Red Planes Fly East (1938) de Pierre Pavlenko. Par contre, aucun ouvrage de fantastique épique (fantasy) n'est paru en Union soviétique sous Staline.
Le cas de Michel Boulgakov (1891-1940) est particulier. Après avoir longtemps connu la disgrâce en Union Soviétique, son œuvre a été peu à peu redécouverte. Son roman philosophique Le Maître et Marguerite, décrivant la visite de Satan à Moscou, n'a été publié qu'en 1966. Par le biais de la science-fiction et du fantastique, Boulgakov décrit l'aliénation de l'homme dans la société. Plusieurs de ses ouvrages sont parus en français: le roman Cœur de chien (Champ libre, 1971; NRF, coll. Folio # 320, 1973), le roman L'Île pourpre (Laffont, coll. Pavillons, 1965), Le Maître et Marguerite (Laffont, coll. Pavillons, 1968) et le recueil de nouvelles Les Œufs fatidiques et autres récits (Lausanne: L'Âge d'homme, 1971; repris dans la collection Marabout en 1973).
Durant les années trente et quarante, en effet, le nombre de sujets potentiels s'était beaucoup amenuisé. La fiction devait s'intéresser à l'Union soviétique, pas aux planètes lointaines, et aux inventions utiles. Jusqu'à la fin de l'ère stalinienne, la science-fiction vécut une sorte de ronronnement feutré. De nouveaux auteurs, tels Victor Saparine (1905-1970), Georges Gourévitch (1917-) et Alexandre P. Kazantsev (1906-), émergèrent durant ces années de plomb. De Kazantsev, on trouve en français Le Chemin de la lune, traduit par Sonia Lescaut (Paris: Denoël, coll. Présence du futur # 78, 1964), et Plus fort que le temps, traduit par Nina Nidermiller (Paris: Albin Michel, coll. Super+Fiction, 1980).
De cette période, on retiendra aussi en français Sur la planète orange de Léonide Onochko dans la collection le Rayon Fantastique # 80 (Paris: Hachette/Gallimard, 1961), Griada d'Anatole Kolpakov, dans une adaptation française de Pierre Mazel parue dans la collection le Rayon
Fantastique # 97 (Paris: Hachette/Gallimard, 1962), ainsi que L'Erreur d'Alexeï Alexeïev d'Anton Poleischuk, roman sorti dans la collection le Rayon Fantastique # 114 (Paris: Hachette/Gallimard, 1963).
La renaissance débuta en 1957 avec la publication de La Nébuleuse d'Andromède d'Ivan A. Efremov (1907-1972), qui a connu des éditions en français en 1970 (Lausanne: Éditions rencontre) et en 1988 dans une traduction de Harald Lusternik (Moscou: Radouga). En français, on trouve aussi de lui L'Heure du taureau (1979) traduit par Jacqueline Lahana de Шас Быка (Lausanne: L'Âge d'homme), Aux confins de l'œcumène (1989) traduit par Harald Lusternik (Moscou: Radouga) et L'ombre du passé (1998) (Viry-Chatillon: Lire c'est partir). Un recueil de textes courts est également disponible : Récits (Moscou: Éditions en langues étrangères), traduit par Harald Lusternik. On cite aussi d'Efremov des ouvrages intitulés Cor Serpentis (1959), Le Fil du rasoir (1963) et un roman historique fantastique, Thaïs d'Athènes (1972).
Le succès de La Nébuleuse d'Andromède en Union soviétique mena à la création de programmes de publication de la science-fiction par quelques maisons d'édition et plusieurs revues de vulgarisation scientifique pour les jeunes. Des critiques et spécialistes de la science-fiction apparurent, tels qu'Eugène Brandis (1916-1985), Vladimir Dmitrevsky (1908-), Cyrille Andreiev (1906-1968) et Julien Kagarlitsky (1926-). Les débuts de la conquête de l'espace et la libéralisation post-stalinienne permirent aux auteurs de se montrer plus audacieux.
Ainsi, c'est dans la foulée de La Nébuleuse d'Andromède que les frères Strougatsky, Arkadi (1925-1991) et Boris (1933-), firent paraître leur premier roman, Le Pays des nuages violets(1959). Depuis, ils ont fait paraître une vingtaine de livres, dont plusieurs traduits en français. Des films ont été tirés de leurs romans L'auberge de l'alpiniste mort (1970; film en 1979) et Pique-nique au bord du chemin (1972; film sous le titre de Stalker en 1981). En français, on
trouve aussi L'Île habitée (Lausanne: L'Âge d'homme, 1980) traduit par Jacqueline Lahana, Un Milliard d'années avant la fin du monde: manuscrit découvert en d'étranges circonstances (Paris: Fleuve Noir, Les Best Sellers (Science-fiction soviétique) # 9, 1983) traduit par Svetlana Delmotte, La Seconde invasion des Martiens (Paris: Fleuve Noir, Les Best Sellers (Science-fiction soviétique) # 11, 1983) traduit par Juliette Martin, Le Petit (Paris: Fleuve Noir, Les Best Sellers (Science-fiction soviétique) # 17, 1984) traduit par Svetlana Delmotte de Мальчик, et Destin boiteux (Paris: Hachette-Progrès, 1991) traduit par Antoine Garcia. Il y a aussi Les revenants des étoiles (Paris: Hachette/Gallimard, coll. le Rayon fantastique # 120, 1963), une traduction partielle par Pierre Mazel de Возвращение (1962). Et plusieurs autres, dont beaucoup chez Denoël.
Du côté des nouvelles, on connaît d'eux en français les textes suivants : « Le cône blanc de l'Alaide », traduit par Francis Cohen pour Les Meilleures Histoires de science-fiction soviétique (Gérard: Marabout, 1972); « Une gigantesque fluctuation », traduit par Bernadette du Crest pour Vingt maisons du Zodiaque (Paris: Denoël, 1979); « Le grand C.I.D. », traduit par Francis Cohen pour Les Meilleures Histoires de science-fiction soviétique et repris dans Découvrir la science-fiction (Seghers, 1975); « La forêt », traduit par Anne Coldefy-Faucard pour Le Livre d'Or de la science-fiction: La science-fiction soviétique (Pocket, 1984). Leur thème principal, celui de l'intervention humaine dans le cours de l'histoire, fait surface dès leur roman Tentative d'évasion en 1962.
À compter de 1960, la science-fiction soviétique connut un âge d'or. Anatole Dneprov (1919-1975) signe des nouvelles sur des thèmes biologiques et cybernétiques, réunies dans ses recueils The World I've Vanished In (1962), The Purple Mummy (1965) et The Immortality Formula (1963). Michel Emtsev (1930-) et Yeremeï Parnov (1935-) collaborent sur des ouvrages considérant l'impact du scientifique sur le social, dont Dirac Sea (1967), et sur un roman examinant le fascisme dans le cadre d'une histoire de voyage temporel, Shreds of Darkness on the Needle of Time (1970), tandis que leur roman bref Bring Back Love! (1966) annonce la bombe à neutrons. Sévère Gansovsky (1918-) rédige Vincent Van Gogh (1971) sur un artiste pris au piège du temps, ainsi que des nouvelles mémorables de science-fiction, « The Test Yard » et « The Day of Wrath », dont des films ont été tirés. Quant à Igor Rosokovatsky (1929-), il fait sa marque avec une série de livres sur des cyborgs qui se glissent sans heurt dans le monde de l'avenir.
Henri Altov (1926-) se spécialise dans le texte à idée, privilégiant le paradoxal, comme dans ses recueils The Scorching Mind (1968) et Created for Thunder (1970), mais il s'inspire aussi à l'occasion de la mythologie, comme dans son recueil Legends of Star Captains (1962). Vladimir Savchenko (1933-) aime aussi les idées fortes, comme dans son roman Self Discovery (1967), mais il signe aussi une utopie plus, traditionnelle, Over the Turn (1984), ainsi que des ouvrages franchement expérimentaux, dont Cul-de-sac (1972) et Une épreuve de vérité (1973).
Parmi les auteurs les plus réputés, Dimitri Bilenkine (1933-) se distingue avec des nouvelles laconiques et intellectuelles, mais riches en idées, réunies dans sept recueils, dont The Surf of Mars (1967), Face in the Crowd (1986) et Powerful's Power (1986). Il a aussi signé une trilogie appréciée du public et un roman sur les séismes temporels, The Life Desert (1984).
D'autres auteurs ont pratiqué une science-fiction plus littéraire. Ainsi, l'auteur de littérature générale Guennadi Gor (1907-1981) s'y est intéressé, composant des recueils et des romans s'attachant aux mystères des espaces intérieurs et extérieurs, dont Kumbi (1963), The Clay Papuan (1966) et La Statue (1972). Olga Larionova (1935-) a fondé son premier roman, Leopard from the Kilimanjaro Mountain (1965), sur le problème de connaître à l'avance la date de sa propre mort. On citera aussi son recueil The Zodiac Signs (1983) et le roman Sonate de la mer (1985).
Vladimir Mikhailov (1929-) a signé de grands romans philosophiques comme The Other Side Door (1985), Keeper to My Brother (1976) et sa suite Let's Come and See (1983), peut-être combiné dans une édition ultérieure intitulée Captain Uldamir (1990).
Cyrille (Kyr, Kirill) Boulytchev, de son vrai nom Igor Vsevolodovitch Mozheiko (1934-), est un des auteurs les plus populaires de cette époque. En français, on peut lire de lui Mission sur la planète morte, traduit par Nina Weinfeld (Paris: Éditions La Farandole, coll. 1000 épisodes, 1979; Paris: la Farandole / Messidor, 1982). Ses premiers ouvrages, comme Gusliar Wonders(1972), Men Like Men (1975) et le roman anti-nucléaire The Final War (1970), ont fondé sa popularité durable, ainsi qu'une série de contes humoristiques et folkloriques sur les habitants de la petite ville de Grand Gusliar, et des romans jeunesse sur Alice, une visiteuse venue du vingt-et-unième siècle. Il a aussi travaillé pour le cinéma.
Victor Kolupaev (1936-), que d'aucuns ont baptisé le Bradbury soviétique, a eu une longue carrière. Ses premiers recueils combinent poésie, fantastique et science-fiction dure, comme Can Such a Thing Happen! (1972) et Ticket to Childhood (1977); ses ouvrages plus récents, comme The Singing Forest (1984) et The Seventh Variety (1985) poursuivent sur la même lancée.
L'aventure de science-fiction a été pratiquée par les Abramov, par Kazantsev, par Georges Martynov (1906-1983), et par Eugène Voiskunsky (1922-) et Isaïe Loukodyanov (1913-1984), les auteurs d'un roman dit encyclopédique, L'équipage du « Mekong » (1961), et de sa suite, Ur, fils de Cham (1964). Ce dernier livre a d'ailleurs été édité en français sous les noms d'Eugène Voikounski et Isaïe Loukodianov, dans une traduction de Juliette Martin éditée en 1984 par le Fleuve Noir dans sa collection Les Best Sellers (Science-fiction soviétique) # 15.
Des romans d'aventure ont aussi été signés sous le nom de plume de Paul Bagryak, adopté par un groupe d'écrivains. L'auteur chevronné Serge Snegov (1910-) a créé du space-opéra philosophique soviétique dans la veine de Stapledon, en particulier dans sa trilogie Men Like Gods (édition omnibus en 1982), inspirée par le roman utopique de H. G. Wells.
Des satiristes se sont également imposés, tels Zinovy Yuryev (1925-) et Ilya Varshavsky (1909-1974). Ce dernier a démontré sa maîtrise de la nouvelle dystopique dans son recueil The Sun Sets in Donomaga (1966). De Zinov Iourev, on lira en français Le Sommeil paradoxal traduit
par Simone Luciani (Genève: Édito-Service, coll. Anticipation, 1982).
Au tournant des années quatre-vingt, de nouvelles voix se sont exprimées. L'auteur Paul Amnuel (1944-), amateur d'idées fortes, a signé un premier recueil, Now, Tomorrow and Forever (1984), et un roman, Explosion (1986), qui ont été salués par la critique. On note aussi à l'époque Alexandre Chtcherbakov (1932-) pour Shift (1982) et Guennadi Prachkevitch (1941-) pour The Stolen Marvel (1978), ainsi que l'ironiste indulgent Serge Drugal (1927-) pour son recueil The Tiger Will Go to the Garage with You (1984) et Serge Pavlov (1935-) pour son roman de science-fiction interplanétaire L'Arc-en-ciel lunaire (1978) et sa suite parue en 1984.
Selon Serge Nekrasov, de 50 à 100 ouvrages de science-fiction auraient été publiés chaque année en Union soviétique durant les décennies avant son effondrement — en incluant les traductions et les rééditions de Jules Verne. Les sections dédiées à la science-fiction dans les périodiques scientifiques et techniques constituaient une des principales sources de science-fiction.
En 1981, la Maison des Écrivains à Maleïevka près de Moscou commença à accueillir un atelier d'écriture connu sous le nom de l'Atelier Maleïevsky, formant de jeunes auteurs de science-fiction. Le prix Aelita apparaissait à la même époque pour récompenser les auteurs de science-fiction soviétique, tandis que l'étude de la science-fiction se développait dans les universités soviétiques, des universitaires tels Vsevolod Revitch, Yeremeï Parnov, Vitali Brugov, Tatiana Tchernychova et Vladimir Gakov signant des livres sur le sujet.
De ces auteurs récents, on lira en français Alexandre Kabakov dont le roman Non-retour a été traduit par Élisabeth Mouravieff et édité à Paris par Christian Bourgois en 1990.
Après la chute de l'Union soviétique, de nombreux ouvrages de science-fiction (pour la plupart, des traductions piratées) sortirent des presses nouvellement libres, mais sans que cela entraîne une augmentation du nombre d'ouvrages russes. Quelques survivants, tels Alexandre Kazantsev (alors âgé de quatre-vingt-dix ans ou presque), Kir Boulytchev et Vladislav Krapivine, continuèrent à publier des livres pour jeunes et moins jeunes.
Après la mort d'Arkadi Strougatsky en 1991, Boris se retrouva seul et signa sous le nom de plume de S. Vititsky un roman au titre qui donnerait en anglais : A Search for Destination or The Twenty-Seventh Theorem of Ethics. Une école d'écrivains s'était développée en cercle fermé sous l'Union soviétique, autour de Boris Strougatsky à Léningrad/Saint-Pétersbourg. Leurs œuvres très spécialisées, pour amateurs, connurent un retentissement limité dans le contexte commercial post-soviétique et l'exemple le plus éclatant en aurait été Andreï Stolyarov, dont les romans connurent des échecs désastreux.
Durant les années post-soviétiques, Alexandre Tyurin et Alexandre Shtchegolev tentèrent de créer un cyberpunk russe, sans grand succès, mais ils se recyclèrent rapidement, signant des romans policiers de SF et des contes humoristiques postmodernes sur l'ancien empire soviétique. Depuis 1986, Vyacheslav Rybakov a signé plusieurs ouvrages post-apocalyptiques. Le film Letters of a Dead Man (1986) qu'il avait co-scénarisé avec Boris Strougatsky a remporté plusieurs prix. Un autre roman combine la réalité virtuelle et l'uchronie.
Avant 1994, Victor Pelevin a connu une progression fulgurante: en l'espace de trois ans, il est passé du statut de néophyte à celui de talent confirmé, grâce à sa novella « Prince of Gosplan » et à son roman Omon Ra, qui a connu une parution en Grande-Bretagne.
Au début des années quatre-vingt-dix, le jeune écrivain moscovite Andreï Chtcherbak-Joukov aurait inventé le terme d'info-romantisme pour désigner la jeune génération d'auteurs dans la vingtaine et sa tentative de créer une nouvelle culture romanesque fondée sur l'émotion, les sentiments primaires et les aspirations de la jeunesse. Le meilleur exemple de cet info-romantisme individualiste était alors le roman The Knights of the Forty Islands d'un auteur du Kazakhstan, Serge Lukyanenko, où des jeunes enlevés par des extraterrestres se combattent en lieu clos et doivent développer une théorie de la justice. Un peu avant 1995, Lukyanenko a aussi signé un diptyque, Lord from the Planet Earth, ainsi qu'une trilogie rédigée en collaboration avec Juliy Burkine de Tomsk, intitulée Today, Mother!. Depuis, Lukyanenko s'est fait connaître mondialement grâce à la série de romans débutée avec Night Watch, dont on a également tiré des films.
Du côté de la fantasy russe, il faut citer des auteurs tels Svyatoslav Loginov (un membre du cercle de Boris Strougatsky), Serge Boulyga de Minsk, Michel Uspensky de Krasnoïarsk et Léonide Kudryatsev de Krasnoïarsk. Nicolas Perumov, un biologiste de Saint-Pétersbourg, a créé une suite en deux volumes (sans permission) du Seigneur des Anneaux de Tolkien, suite nettement influencée par l'expérience russe de la Seconde Guerre mondiale et la guerre de partisans.
La prochaine fois, j'examinerai peut-être les ouvrages de science-fiction russe en traduction dans ma collection...
Historique
Des éléments retrouvés plus tard dans les littératures dites de l'imaginaire apparaissent déjà dans la littérature russe au dix-neuvième siècle, dans les écrits teintés d'horreur et de fantastique de Nicolas Gogol (1809-1852) et dans Histoire d'une ville (Paris: Gallimard, 1994, traduction par Louis Martinez) (1869-1870) de Michel Saltykov-Chtchédrine (dystopie satirique), entre autres. C'est aussi à cette époque, en 1894, qu'est enfin publiée une utopie du dix-huitième siècle, Voyage au Pays d'Ophir, rédigée en 1773-1774 par le prince Michel Chtcherbatov (1733-1790).
En revanche, le roman The Newest Voyage de Basile Lyovchine (1746-1826), qui situe sur la Lune un État idéal de l'avenir lointain, est paru dès 1784. Au siècle suivant, on trouve d'abord des technologies visionnaires dans les fragments inachevés de L'Année 4338. Lettres de Pétersbourg (1840) signés par l'homme de lettres aristocratique Vladimir Odoevski (1803-1869), qui aurait pu être le Jules Verne russe. La première utopie socialiste apparaît dans le quatrième rêve de Vera Pavlovna dans Que faire? (1863) de Nicolas Tchernychevsky (1828-1889), le célèbre poète et révolutionnaire qui écrivit cet ouvrage en prison.
Surtout, il faut citer Fédor Dostoevski (1821-1881) dont les ouvrages Notes d'un souterrain (1864; édition française en 1972) et Les Démons (1871-1872; édition française en 1976, traduction de Lily Denis) fondent réellement la tradition dystopique russe, selon certains.
Au tournant du siècle, la Russie participe aux progrès scientifiques comme jamais auparavant. Constantin Tsiolkovsky (1857-1935) lui-même signe des fictions, dont Sur la Lune (1887-1893), Visions de la Terre et du Ciel (1895) et Au-delà de la Terre (1918-1920) pour disséminer ses idées.
Le début du vingtième siècle voit paraître des utopies socialistes, telles L'Étoile rouge (1908), qui se déplace sur Mars, et sa suite L'Ingénieur Menni (1913), qui anticipe la cybernétique, ces deux titres signés par Alexandre Bogdanov (1873-1928), des découvertes de mondes perdus, des anticipations futuristes, comme dans « La Terre », « La République de la Croix du Sud » et « Les derniers martyrs » du poète Valère Brioussov (1873-1924), de la science-fiction érotique (Théodore Sologub) et au moins une uchronie (Michel Pervukhine), ainsi que plusieurs textes où intervient le surnaturel. La révolution à venir inspire et effraie à la fois un auteur comme Alexandre Kouprine (1870-1938) dans « Un toast » (1906) et « Le parc du roi » (1911). Il signe aussi en 1912 le roman Soleil liquide. Dans Pre-Revolutionary Russian Science Fiction: An Anthology (Seven Utopias and a Dream) (Ardis, 1982), Leland Fetzer réunit plusieurs de ces textes.
Le coup d'État des Bolcheviks et la guerre civile qui s'ensuit forcent certains auteurs à fuir à l'étranger ou à ne jamais en revenir (comme Pervukhine); d'autres seront carrément exilés par le nouveau gouvernement. En revanche, des écrivains qui n'auraient peut-être jamais songé à écrire de la science-fiction se tournent alors vers l'utopie (Alexandre Chaianov), la dystopie (Eugène Zamiatine) et le genre de la Zukunftskrieg qui imagine les guerres du futur (Alexis Tolstoï, Ilya Ehrenbourg). Des gens qui n'auraient jamais essayé d'écrire quoi que ce soit sont inspirés par l'atmosphère fiévreuse de la guerre civile et la promesse des lendemains qui chantent. Parmi eux, certains auraient été employés par la Guépéou (Vivian Itine, auteur de l'utopie Le Pays de Gongourie (1922); Léon Roubine). Les écrits de cette génération soviétique passent pour avoir été d'un intérêt très relatif.
En français, on lira d'Eugène I. Zamiatine son roman dystopique Nous autres (1920), traduit par B. Cauvet-Duhamel et édité (entre autres) par Gallimard à Paris dans la collection L'Imaginaire en 1994. Pour certains historiens de la science-fiction, il s'agit d'un des premiers ouvrages d'anticipation à plonger aussitôt le lecteur in medias res, sans transition pour faire le lien entre le contexte actuel et le contexte du récit. Mais il a quand même été précédé par quelques autres titres, comme Épigone...
Un ouvrage qui se démarque des autres à cette époque a été traduit en anglais par Samuel D. Cioran sous le titre Mess-mend. Yankees in Petrograd (Ardis, 1991), après avoir été signé par Mariette Shaginian (1888-1982) en 1923. Un roman écrit en collaboration par Léon Uspensky et Léon Roubine (sous le nom de « Lev Rubus »), intitulé Запаг лимона, est sorti en 1928. Les innovations techniques fascinent, comme l'analogue du laser d'Alexis Tolstoï dans L'Hyperboloïde de l'ingénieur Garine (1925) et les armes atomiques du roman Dans mille ans (1927) de Vadim Nikolsky (1886-1941). Durant ces mêmes années, la jeunesse soviétique découvre avec plaisir les pays fantastiques des romans d'Alexandre Grine (1880-1932) (exemple possible : Le monde étincelant, traduit par Paul Lequesne et édité par L'Âge d'homme à Lausanne en 1993) ou les aventures (burroughsiennes?) narrées par Tolstoï dans son épopée martienne Aelita (1923), dont un film muet a été tiré en 1924. Sans parler des romans d'aventures et de mondes perdus signés par Vladimir Obroutchev (1863-1956), comme La Plutonie (1924) et La Terre de Sannikov (1926). Et des revues qui publient pour les jeunes tirent jusqu'à cent mille exemplaires à la fin des années vingt.
Durant les années trente, les possibilités de publication d'ouvrages relevant des littératures de l'imaginaire se réduisirent comme une peau de chagrin. Il n'existait plus de maisons d'édition privées; l'État contrôlait tout désormais et insistait sur un plus grand réalisme. Durant les années vingt, même Michel Boulgakov avait réussi à faire paraître en Union soviétique certains de ses ouvrages de SF (Diaboliad — sans doute la nouvelle connue en français sous le titre « Diablerie » dans le recueil Les Œufs fatidiques et autres récits), mais il ne fit rien paraître durant la décennie suivante. Ailleurs, en France, par exemple, on voit sortir en 1937 Le Voyage imaginaire de Léo Cassil (Paris: Gallimard), traduit par Vera Ravikovitch et Henriette Nizan.
Auteur d'une soixantaine de livres, Alexandre Beliaev (1884-1942) réussit à poursuivre sa carrière littéraire contre vents et marées à cette époque, après avoir fait ses débuts durant les années vingt, avec des livres tels Maître du monde (1928) où il est question de perception extra-sensorielle, L'Amphibien (1928) dont le héros est doté des branchies d'un requin, La Tête du Professeur Dowell (1934) où on aborde la survie après la mort, L'Étoile KET (1936) où il est question de la vie à bord d'un satellite artificiel, et La Lutte dans l'espace, un roman qui décrit entre autres une guerre entre l'URSS et les ÉU. Cependant, à l'exception de son roman Ariel (1941), la plupart de ses livres publiés après 1931 ne sont pas tenus en très haute estime par la critique, même s'il est considéré comme le père fondateur d'une certaine science-fiction vernienne à la russe.
Les romans relevant de la Zukunftskrieg se multiplièrent à la fin des années trente. On notera par exemple Red Planes Fly East (1938) de Pierre Pavlenko. Par contre, aucun ouvrage de fantastique épique (fantasy) n'est paru en Union soviétique sous Staline.
Le cas de Michel Boulgakov (1891-1940) est particulier. Après avoir longtemps connu la disgrâce en Union Soviétique, son œuvre a été peu à peu redécouverte. Son roman philosophique Le Maître et Marguerite, décrivant la visite de Satan à Moscou, n'a été publié qu'en 1966. Par le biais de la science-fiction et du fantastique, Boulgakov décrit l'aliénation de l'homme dans la société. Plusieurs de ses ouvrages sont parus en français: le roman Cœur de chien (Champ libre, 1971; NRF, coll. Folio # 320, 1973), le roman L'Île pourpre (Laffont, coll. Pavillons, 1965), Le Maître et Marguerite (Laffont, coll. Pavillons, 1968) et le recueil de nouvelles Les Œufs fatidiques et autres récits (Lausanne: L'Âge d'homme, 1971; repris dans la collection Marabout en 1973).
Durant les années trente et quarante, en effet, le nombre de sujets potentiels s'était beaucoup amenuisé. La fiction devait s'intéresser à l'Union soviétique, pas aux planètes lointaines, et aux inventions utiles. Jusqu'à la fin de l'ère stalinienne, la science-fiction vécut une sorte de ronronnement feutré. De nouveaux auteurs, tels Victor Saparine (1905-1970), Georges Gourévitch (1917-) et Alexandre P. Kazantsev (1906-), émergèrent durant ces années de plomb. De Kazantsev, on trouve en français Le Chemin de la lune, traduit par Sonia Lescaut (Paris: Denoël, coll. Présence du futur # 78, 1964), et Plus fort que le temps, traduit par Nina Nidermiller (Paris: Albin Michel, coll. Super+Fiction, 1980).
De cette période, on retiendra aussi en français Sur la planète orange de Léonide Onochko dans la collection le Rayon Fantastique # 80 (Paris: Hachette/Gallimard, 1961), Griada d'Anatole Kolpakov, dans une adaptation française de Pierre Mazel parue dans la collection le Rayon
Fantastique # 97 (Paris: Hachette/Gallimard, 1962), ainsi que L'Erreur d'Alexeï Alexeïev d'Anton Poleischuk, roman sorti dans la collection le Rayon Fantastique # 114 (Paris: Hachette/Gallimard, 1963).
La renaissance débuta en 1957 avec la publication de La Nébuleuse d'Andromède d'Ivan A. Efremov (1907-1972), qui a connu des éditions en français en 1970 (Lausanne: Éditions rencontre) et en 1988 dans une traduction de Harald Lusternik (Moscou: Radouga). En français, on trouve aussi de lui L'Heure du taureau (1979) traduit par Jacqueline Lahana de Шас Быка (Lausanne: L'Âge d'homme), Aux confins de l'œcumène (1989) traduit par Harald Lusternik (Moscou: Radouga) et L'ombre du passé (1998) (Viry-Chatillon: Lire c'est partir). Un recueil de textes courts est également disponible : Récits (Moscou: Éditions en langues étrangères), traduit par Harald Lusternik. On cite aussi d'Efremov des ouvrages intitulés Cor Serpentis (1959), Le Fil du rasoir (1963) et un roman historique fantastique, Thaïs d'Athènes (1972).
Le succès de La Nébuleuse d'Andromède en Union soviétique mena à la création de programmes de publication de la science-fiction par quelques maisons d'édition et plusieurs revues de vulgarisation scientifique pour les jeunes. Des critiques et spécialistes de la science-fiction apparurent, tels qu'Eugène Brandis (1916-1985), Vladimir Dmitrevsky (1908-), Cyrille Andreiev (1906-1968) et Julien Kagarlitsky (1926-). Les débuts de la conquête de l'espace et la libéralisation post-stalinienne permirent aux auteurs de se montrer plus audacieux.
Ainsi, c'est dans la foulée de La Nébuleuse d'Andromède que les frères Strougatsky, Arkadi (1925-1991) et Boris (1933-), firent paraître leur premier roman, Le Pays des nuages violets(1959). Depuis, ils ont fait paraître une vingtaine de livres, dont plusieurs traduits en français. Des films ont été tirés de leurs romans L'auberge de l'alpiniste mort (1970; film en 1979) et Pique-nique au bord du chemin (1972; film sous le titre de Stalker en 1981). En français, on
trouve aussi L'Île habitée (Lausanne: L'Âge d'homme, 1980) traduit par Jacqueline Lahana, Un Milliard d'années avant la fin du monde: manuscrit découvert en d'étranges circonstances (Paris: Fleuve Noir, Les Best Sellers (Science-fiction soviétique) # 9, 1983) traduit par Svetlana Delmotte, La Seconde invasion des Martiens (Paris: Fleuve Noir, Les Best Sellers (Science-fiction soviétique) # 11, 1983) traduit par Juliette Martin, Le Petit (Paris: Fleuve Noir, Les Best Sellers (Science-fiction soviétique) # 17, 1984) traduit par Svetlana Delmotte de Мальчик, et Destin boiteux (Paris: Hachette-Progrès, 1991) traduit par Antoine Garcia. Il y a aussi Les revenants des étoiles (Paris: Hachette/Gallimard, coll. le Rayon fantastique # 120, 1963), une traduction partielle par Pierre Mazel de Возвращение (1962). Et plusieurs autres, dont beaucoup chez Denoël.
Du côté des nouvelles, on connaît d'eux en français les textes suivants : « Le cône blanc de l'Alaide », traduit par Francis Cohen pour Les Meilleures Histoires de science-fiction soviétique (Gérard: Marabout, 1972); « Une gigantesque fluctuation », traduit par Bernadette du Crest pour Vingt maisons du Zodiaque (Paris: Denoël, 1979); « Le grand C.I.D. », traduit par Francis Cohen pour Les Meilleures Histoires de science-fiction soviétique et repris dans Découvrir la science-fiction (Seghers, 1975); « La forêt », traduit par Anne Coldefy-Faucard pour Le Livre d'Or de la science-fiction: La science-fiction soviétique (Pocket, 1984). Leur thème principal, celui de l'intervention humaine dans le cours de l'histoire, fait surface dès leur roman Tentative d'évasion en 1962.
À compter de 1960, la science-fiction soviétique connut un âge d'or. Anatole Dneprov (1919-1975) signe des nouvelles sur des thèmes biologiques et cybernétiques, réunies dans ses recueils The World I've Vanished In (1962), The Purple Mummy (1965) et The Immortality Formula (1963). Michel Emtsev (1930-) et Yeremeï Parnov (1935-) collaborent sur des ouvrages considérant l'impact du scientifique sur le social, dont Dirac Sea (1967), et sur un roman examinant le fascisme dans le cadre d'une histoire de voyage temporel, Shreds of Darkness on the Needle of Time (1970), tandis que leur roman bref Bring Back Love! (1966) annonce la bombe à neutrons. Sévère Gansovsky (1918-) rédige Vincent Van Gogh (1971) sur un artiste pris au piège du temps, ainsi que des nouvelles mémorables de science-fiction, « The Test Yard » et « The Day of Wrath », dont des films ont été tirés. Quant à Igor Rosokovatsky (1929-), il fait sa marque avec une série de livres sur des cyborgs qui se glissent sans heurt dans le monde de l'avenir.
Henri Altov (1926-) se spécialise dans le texte à idée, privilégiant le paradoxal, comme dans ses recueils The Scorching Mind (1968) et Created for Thunder (1970), mais il s'inspire aussi à l'occasion de la mythologie, comme dans son recueil Legends of Star Captains (1962). Vladimir Savchenko (1933-) aime aussi les idées fortes, comme dans son roman Self Discovery (1967), mais il signe aussi une utopie plus, traditionnelle, Over the Turn (1984), ainsi que des ouvrages franchement expérimentaux, dont Cul-de-sac (1972) et Une épreuve de vérité (1973).
Parmi les auteurs les plus réputés, Dimitri Bilenkine (1933-) se distingue avec des nouvelles laconiques et intellectuelles, mais riches en idées, réunies dans sept recueils, dont The Surf of Mars (1967), Face in the Crowd (1986) et Powerful's Power (1986). Il a aussi signé une trilogie appréciée du public et un roman sur les séismes temporels, The Life Desert (1984).
D'autres auteurs ont pratiqué une science-fiction plus littéraire. Ainsi, l'auteur de littérature générale Guennadi Gor (1907-1981) s'y est intéressé, composant des recueils et des romans s'attachant aux mystères des espaces intérieurs et extérieurs, dont Kumbi (1963), The Clay Papuan (1966) et La Statue (1972). Olga Larionova (1935-) a fondé son premier roman, Leopard from the Kilimanjaro Mountain (1965), sur le problème de connaître à l'avance la date de sa propre mort. On citera aussi son recueil The Zodiac Signs (1983) et le roman Sonate de la mer (1985).
Vladimir Mikhailov (1929-) a signé de grands romans philosophiques comme The Other Side Door (1985), Keeper to My Brother (1976) et sa suite Let's Come and See (1983), peut-être combiné dans une édition ultérieure intitulée Captain Uldamir (1990).
Cyrille (Kyr, Kirill) Boulytchev, de son vrai nom Igor Vsevolodovitch Mozheiko (1934-), est un des auteurs les plus populaires de cette époque. En français, on peut lire de lui Mission sur la planète morte, traduit par Nina Weinfeld (Paris: Éditions La Farandole, coll. 1000 épisodes, 1979; Paris: la Farandole / Messidor, 1982). Ses premiers ouvrages, comme Gusliar Wonders(1972), Men Like Men (1975) et le roman anti-nucléaire The Final War (1970), ont fondé sa popularité durable, ainsi qu'une série de contes humoristiques et folkloriques sur les habitants de la petite ville de Grand Gusliar, et des romans jeunesse sur Alice, une visiteuse venue du vingt-et-unième siècle. Il a aussi travaillé pour le cinéma.
Victor Kolupaev (1936-), que d'aucuns ont baptisé le Bradbury soviétique, a eu une longue carrière. Ses premiers recueils combinent poésie, fantastique et science-fiction dure, comme Can Such a Thing Happen! (1972) et Ticket to Childhood (1977); ses ouvrages plus récents, comme The Singing Forest (1984) et The Seventh Variety (1985) poursuivent sur la même lancée.
L'aventure de science-fiction a été pratiquée par les Abramov, par Kazantsev, par Georges Martynov (1906-1983), et par Eugène Voiskunsky (1922-) et Isaïe Loukodyanov (1913-1984), les auteurs d'un roman dit encyclopédique, L'équipage du « Mekong » (1961), et de sa suite, Ur, fils de Cham (1964). Ce dernier livre a d'ailleurs été édité en français sous les noms d'Eugène Voikounski et Isaïe Loukodianov, dans une traduction de Juliette Martin éditée en 1984 par le Fleuve Noir dans sa collection Les Best Sellers (Science-fiction soviétique) # 15.
Des romans d'aventure ont aussi été signés sous le nom de plume de Paul Bagryak, adopté par un groupe d'écrivains. L'auteur chevronné Serge Snegov (1910-) a créé du space-opéra philosophique soviétique dans la veine de Stapledon, en particulier dans sa trilogie Men Like Gods (édition omnibus en 1982), inspirée par le roman utopique de H. G. Wells.
Des satiristes se sont également imposés, tels Zinovy Yuryev (1925-) et Ilya Varshavsky (1909-1974). Ce dernier a démontré sa maîtrise de la nouvelle dystopique dans son recueil The Sun Sets in Donomaga (1966). De Zinov Iourev, on lira en français Le Sommeil paradoxal traduit
par Simone Luciani (Genève: Édito-Service, coll. Anticipation, 1982).
Au tournant des années quatre-vingt, de nouvelles voix se sont exprimées. L'auteur Paul Amnuel (1944-), amateur d'idées fortes, a signé un premier recueil, Now, Tomorrow and Forever (1984), et un roman, Explosion (1986), qui ont été salués par la critique. On note aussi à l'époque Alexandre Chtcherbakov (1932-) pour Shift (1982) et Guennadi Prachkevitch (1941-) pour The Stolen Marvel (1978), ainsi que l'ironiste indulgent Serge Drugal (1927-) pour son recueil The Tiger Will Go to the Garage with You (1984) et Serge Pavlov (1935-) pour son roman de science-fiction interplanétaire L'Arc-en-ciel lunaire (1978) et sa suite parue en 1984.
Selon Serge Nekrasov, de 50 à 100 ouvrages de science-fiction auraient été publiés chaque année en Union soviétique durant les décennies avant son effondrement — en incluant les traductions et les rééditions de Jules Verne. Les sections dédiées à la science-fiction dans les périodiques scientifiques et techniques constituaient une des principales sources de science-fiction.
En 1981, la Maison des Écrivains à Maleïevka près de Moscou commença à accueillir un atelier d'écriture connu sous le nom de l'Atelier Maleïevsky, formant de jeunes auteurs de science-fiction. Le prix Aelita apparaissait à la même époque pour récompenser les auteurs de science-fiction soviétique, tandis que l'étude de la science-fiction se développait dans les universités soviétiques, des universitaires tels Vsevolod Revitch, Yeremeï Parnov, Vitali Brugov, Tatiana Tchernychova et Vladimir Gakov signant des livres sur le sujet.
De ces auteurs récents, on lira en français Alexandre Kabakov dont le roman Non-retour a été traduit par Élisabeth Mouravieff et édité à Paris par Christian Bourgois en 1990.
Après la chute de l'Union soviétique, de nombreux ouvrages de science-fiction (pour la plupart, des traductions piratées) sortirent des presses nouvellement libres, mais sans que cela entraîne une augmentation du nombre d'ouvrages russes. Quelques survivants, tels Alexandre Kazantsev (alors âgé de quatre-vingt-dix ans ou presque), Kir Boulytchev et Vladislav Krapivine, continuèrent à publier des livres pour jeunes et moins jeunes.
Après la mort d'Arkadi Strougatsky en 1991, Boris se retrouva seul et signa sous le nom de plume de S. Vititsky un roman au titre qui donnerait en anglais : A Search for Destination or The Twenty-Seventh Theorem of Ethics. Une école d'écrivains s'était développée en cercle fermé sous l'Union soviétique, autour de Boris Strougatsky à Léningrad/Saint-Pétersbourg. Leurs œuvres très spécialisées, pour amateurs, connurent un retentissement limité dans le contexte commercial post-soviétique et l'exemple le plus éclatant en aurait été Andreï Stolyarov, dont les romans connurent des échecs désastreux.
Durant les années post-soviétiques, Alexandre Tyurin et Alexandre Shtchegolev tentèrent de créer un cyberpunk russe, sans grand succès, mais ils se recyclèrent rapidement, signant des romans policiers de SF et des contes humoristiques postmodernes sur l'ancien empire soviétique. Depuis 1986, Vyacheslav Rybakov a signé plusieurs ouvrages post-apocalyptiques. Le film Letters of a Dead Man (1986) qu'il avait co-scénarisé avec Boris Strougatsky a remporté plusieurs prix. Un autre roman combine la réalité virtuelle et l'uchronie.
Avant 1994, Victor Pelevin a connu une progression fulgurante: en l'espace de trois ans, il est passé du statut de néophyte à celui de talent confirmé, grâce à sa novella « Prince of Gosplan » et à son roman Omon Ra, qui a connu une parution en Grande-Bretagne.
Au début des années quatre-vingt-dix, le jeune écrivain moscovite Andreï Chtcherbak-Joukov aurait inventé le terme d'info-romantisme pour désigner la jeune génération d'auteurs dans la vingtaine et sa tentative de créer une nouvelle culture romanesque fondée sur l'émotion, les sentiments primaires et les aspirations de la jeunesse. Le meilleur exemple de cet info-romantisme individualiste était alors le roman The Knights of the Forty Islands d'un auteur du Kazakhstan, Serge Lukyanenko, où des jeunes enlevés par des extraterrestres se combattent en lieu clos et doivent développer une théorie de la justice. Un peu avant 1995, Lukyanenko a aussi signé un diptyque, Lord from the Planet Earth, ainsi qu'une trilogie rédigée en collaboration avec Juliy Burkine de Tomsk, intitulée Today, Mother!. Depuis, Lukyanenko s'est fait connaître mondialement grâce à la série de romans débutée avec Night Watch, dont on a également tiré des films.
Du côté de la fantasy russe, il faut citer des auteurs tels Svyatoslav Loginov (un membre du cercle de Boris Strougatsky), Serge Boulyga de Minsk, Michel Uspensky de Krasnoïarsk et Léonide Kudryatsev de Krasnoïarsk. Nicolas Perumov, un biologiste de Saint-Pétersbourg, a créé une suite en deux volumes (sans permission) du Seigneur des Anneaux de Tolkien, suite nettement influencée par l'expérience russe de la Seconde Guerre mondiale et la guerre de partisans.
La prochaine fois, j'examinerai peut-être les ouvrages de science-fiction russe en traduction dans ma collection...
Libellés : Russe, Science-fiction
2009-03-08
Pour les soucoupistes
Le Canada aussi a eu ses soucoupes volantes.
C'est le sujet d'une exposition virtuelle de la Bibliothèque nationale du Canada. La page d'accueil explique comment, de 1947 jusqu'au début des années quatre-vingt, quatre agences et ministères du gouvernement canadien ont réuni des informations sur les OVNI : les ministères des Transports et de la Défense nationale, la Gendarmerie royale du Canada et le Conseil national de recherches. En quelque sorte, ces dossiers constituent les « X-Files » du Canada!
Si les dossiers ont été ouverts en 1947, cette note de service de 1954 rapporte que la recrudescence de signalements en 1952 a motivé la mise sur pied d'une procédure de rapport assortie d'un formulaire. Quant à la Gendarmerie royale, ses fichiers remonteraient pour l'essentiel à 1959. Un moteur de recherche permet de fouiller la base de données, mais l'indexation par mot-clé du titre, par date et par lieu nous prive des accès les plus croustillants. Impossible de savoir, par exemple, si tel ou tel auteur de SFCF a déjà rapporté l'observation d'une soucoupe volante... En fait, si j'ai bien compris, la plupart des noms propres ont été occultés au nom de la protection de la vie privée.
Sinon, contrairement aux « X-Files » de la télé, ces dossiers contiennent des cas plus ou moins résolus. Par exemple, l'observation d'un OVNI à Charlottetown en 1973, de forme conique et de couleur argentée, a été reconnue pour être celle d'un ballon du Nouveau-Brunswick...
C'est le sujet d'une exposition virtuelle de la Bibliothèque nationale du Canada. La page d'accueil explique comment, de 1947 jusqu'au début des années quatre-vingt, quatre agences et ministères du gouvernement canadien ont réuni des informations sur les OVNI : les ministères des Transports et de la Défense nationale, la Gendarmerie royale du Canada et le Conseil national de recherches. En quelque sorte, ces dossiers constituent les « X-Files » du Canada!
Si les dossiers ont été ouverts en 1947, cette note de service de 1954 rapporte que la recrudescence de signalements en 1952 a motivé la mise sur pied d'une procédure de rapport assortie d'un formulaire. Quant à la Gendarmerie royale, ses fichiers remonteraient pour l'essentiel à 1959. Un moteur de recherche permet de fouiller la base de données, mais l'indexation par mot-clé du titre, par date et par lieu nous prive des accès les plus croustillants. Impossible de savoir, par exemple, si tel ou tel auteur de SFCF a déjà rapporté l'observation d'une soucoupe volante... En fait, si j'ai bien compris, la plupart des noms propres ont été occultés au nom de la protection de la vie privée.
Sinon, contrairement aux « X-Files » de la télé, ces dossiers contiennent des cas plus ou moins résolus. Par exemple, l'observation d'un OVNI à Charlottetown en 1973, de forme conique et de couleur argentée, a été reconnue pour être celle d'un ballon du Nouveau-Brunswick...
2009-03-07
Des superhéros transgressifs
Malgré l'accueil mitigé de la critique, Watchmen est un film curieusement rafraîchissant. En fait, ce n'est pas tant pour sa valeur intrinsèque (dont on pourrait débattre) qu'on l'aime que pour sa démolition en règle de nombreux clichés de la fiction superhéroïque. Tout d'abord, c'est une histoire complète : il serait aussi difficile de lui donner une suite que de greffer une histoire de la même envergure sur son passé. Ensuite, c'est un film qui refuse de s'attendrir et de chercher les échappatoires : par la bande, il admet implicitement que la paix se paie parfois d'horreurs (Hiroshima, Dresde, etc.). Et il nous force, encore plus que le film The Dark Knight, à poser la question des limites de l'action des justiciers masqués qui se mêlent de faire respecter la loi — ou la justice, ce qui n'est pas toujours pareil. Enfin, les bonnes vieilles valeurs des États-Unis en prennent pour leur rhume : en fait, le nihilisme de l'intrigue est si prononcé que le dénouement semble absurdement optimiste.
En même temps, dans le contexte du sous-genre, le film fait allusion à de nombreuses créations du passé. Les connaisseurs apprécieront, mais Watchmen illustre aussi ce que donnerait la violence pratiquée par les superhéros si elle n'était pas aseptisée, ce qui ne veut pas dire que les scènes de bagarre échappent à la stylisation. Mais le résultat interdit au spectateur de se laisser titiller sans arrière-pensée. Et les rapprochements historiques proposent un parallèle entre les agissements des États-Unis (au Viêt Nam, par exemple) et les actions des superhéros dans les rues étatsuniennes. Toutefois, l'histoire est aussi le produit d'une époque particulièrement violente (la Seconde Guerre mondiale n'était pas si ancienne, la décolonisation non plus, et la Guerre froide était encore à l'ordre du jour) qui ne nous interpelle plus de la même façon, tandis que les symptômes de la corruption morale selon le scénario ne sont plus toujours aussi convaincants.
Mais le nihilisme du film pourrait plaire dans les circonstances. Alors que les certitudes d'antan vacillent dans le contexte de la crise économique, le rejet des autorités légitimes au profit d'une conception personnelle de la justice a de quoi susciter une certaine adhésion. Ce sera donc intéressant de voir si le film aura du succès. Sa sortie en mars me semble trahir un certain scepticisme quant à son potentiel commercial de la part des distributeurs...
En même temps, dans le contexte du sous-genre, le film fait allusion à de nombreuses créations du passé. Les connaisseurs apprécieront, mais Watchmen illustre aussi ce que donnerait la violence pratiquée par les superhéros si elle n'était pas aseptisée, ce qui ne veut pas dire que les scènes de bagarre échappent à la stylisation. Mais le résultat interdit au spectateur de se laisser titiller sans arrière-pensée. Et les rapprochements historiques proposent un parallèle entre les agissements des États-Unis (au Viêt Nam, par exemple) et les actions des superhéros dans les rues étatsuniennes. Toutefois, l'histoire est aussi le produit d'une époque particulièrement violente (la Seconde Guerre mondiale n'était pas si ancienne, la décolonisation non plus, et la Guerre froide était encore à l'ordre du jour) qui ne nous interpelle plus de la même façon, tandis que les symptômes de la corruption morale selon le scénario ne sont plus toujours aussi convaincants.
Mais le nihilisme du film pourrait plaire dans les circonstances. Alors que les certitudes d'antan vacillent dans le contexte de la crise économique, le rejet des autorités légitimes au profit d'une conception personnelle de la justice a de quoi susciter une certaine adhésion. Ce sera donc intéressant de voir si le film aura du succès. Sa sortie en mars me semble trahir un certain scepticisme quant à son potentiel commercial de la part des distributeurs...
Libellés : Films, Science-fiction
2009-03-06
La science-fiction en russe (1)
Le blogue Russkaya Fantastika de Viktoriya et Patrice Lajoye a pour sujet la science-fiction et le fantastique en russe, en version originale comme en traduction française. On peut aussi visiter le site de Patrice Lajoye sur la sf soviétique, qui est encore en chantier mais qui offre quand même quelques informations intéressantes sur l'histoire de la traduction en français de la science-fiction soviétique. Malheureusement, il est gâché par des publicités intempestives de MySpace.
Le blogue offrait récemment une nouvelle de science-fiction de Constantin Tsiolkovski en traduction française, « Sur la Lune », datée de 1893 (selon d'autres sources, elle aurait été écrite en 1886-1887, et publié en 1892 ou 1893). Et pour ceux qui voudraient mieux comprendre le personnage de Volkodave dans les aventures de Pétrel signées par Laurent McAllister, le blogue chroniquait dernièrement le film Volkodav tiré du roman du même nom par Maria Semionova.
En parlant de McAllister et de la sf en russe, ai-je signalé qu'on peut lire Laurent McAllister dans cette langue? En effet, l'anthologie Witpunk (2003) a été éditée en russe en 2007 sous le titre Витпанк chez AST, de sorte qu'on y retrouve la nouvelle « Kapuzine and the Wolf: A Hortatory Tale » de McAllister, traduite par « Капуцина и Волк ». Deux ou trois de mes nouvelles ont été également traduites en russe dans des périodiques à diffusion plus ou moins limitée, parus à Kharkov et Volgograd.
Le blogue offrait récemment une nouvelle de science-fiction de Constantin Tsiolkovski en traduction française, « Sur la Lune », datée de 1893 (selon d'autres sources, elle aurait été écrite en 1886-1887, et publié en 1892 ou 1893). Et pour ceux qui voudraient mieux comprendre le personnage de Volkodave dans les aventures de Pétrel signées par Laurent McAllister, le blogue chroniquait dernièrement le film Volkodav tiré du roman du même nom par Maria Semionova.
En parlant de McAllister et de la sf en russe, ai-je signalé qu'on peut lire Laurent McAllister dans cette langue? En effet, l'anthologie Witpunk (2003) a été éditée en russe en 2007 sous le titre Витпанк chez AST, de sorte qu'on y retrouve la nouvelle « Kapuzine and the Wolf: A Hortatory Tale » de McAllister, traduite par « Капуцина и Волк ». Deux ou trois de mes nouvelles ont été également traduites en russe dans des périodiques à diffusion plus ou moins limitée, parus à Kharkov et Volgograd.
Libellés : Russe, Science-fiction
2009-03-05
Chevalier et mage
J'ai fini par lire The Knight (2004) de Gene Wolfe, un roman qui a pour particularité d'être dédicacé à Yves Meynard en raison des parallèles avec The Book of Knights (1998) dont Wolfe était conscient (même s'il avait eu l'idée de son roman de manière tout à fait indépendante). Le principal point commun concerne le vieillissement soudain du héros, un jeune garçon qui désire devenir chevalier — Adelrune dans le roman de Meynard — et qui acquiert par magie la stature d'un homme fait. Dans le roman de Wolfe, ce vieillissement a une dimension allégorique liée tout à la fois à l'initiation sexuelle et à l'âge intérieur du personnage; un des gags récurrents, c'est quand Sir Able révèle à des interlocuteurs plus vieux que lui qu'il n'est qu'un petit garçon dans un corps d'homme et que ceux-ci croient qu'il fait allusion au temps que les hommes ne voient pas toujours passer et qui fait que, certains matins, on se réveille en se demandant comment on s'est retrouvé dans une carcasse aussi vieille et décrépite...
Dans The Book of Knights, le parcours d'Adelrune est beaucoup plus psychologique. Ses aventures et ses exploits l'amènent à perdre une partie de sa naïveté et à découvrir tant ses origines que ce dont il est capable. L'aventure est pour Adelrune une éducation. En revanche, le parcours d'Able est une carrière; malgré une intrigue en apparence picaresque, Able progresse dans la profession des armes et il accède peu à peu au grade de chevalier. Par contre, le lecteur en apprend beaucoup moins sur le tempérament et les ressorts secrets d'Able, en partie parce qu'il raconte lui-même l'histoire, mais des années plus tard. On ne peut pas toujours se fier à ce qu'il raconte, il cache des choses ou les garde pour plus tard et ce sont souvent les contraintes de la situation qui l'obligent à agir. À l'occasion, on a l'impression qu'il se montre excessivement naïf, ou excessivement sûr de lui. Pire, c'est un favori de la destinée, qui obtient la coopération de puissances qui transcendent le monde du milieu qu'il sillonne.
Bref, les péripéties du roman de Wolfe ont une certaine minceur (qui rappelle effectivement les romans de chevalerie qui l'inspirent) dont la répétition finit par saper l'intérêt du lecteur; Sir Able accumule aussi un entourage de plus en plus nombreux, qui finit par compter un chien qui parle, un chat qui parle encore plus volontiers, deux elfes libidineuses, un ogre et un serviteur, si je n'oublie personne... Cela fait beaucoup et ralentit la narration. Il y a aussi des allusions à la matière de Bretagne et à d'autres mythologies; sans doute faudra-t-il lire le second volet du diptyque pour savoir si celles-ci sont justifiées par les besoins de l'intrigue.
En somme, s'il faut reconnaître la virtuosité de l'écriture, le récit exige un peu trop de patience du lecteur. J'aurais préféré une trajectoire un peu plus lisible et des raisons de me prendre de sympathie pour Sir Able.
Dans The Book of Knights, le parcours d'Adelrune est beaucoup plus psychologique. Ses aventures et ses exploits l'amènent à perdre une partie de sa naïveté et à découvrir tant ses origines que ce dont il est capable. L'aventure est pour Adelrune une éducation. En revanche, le parcours d'Able est une carrière; malgré une intrigue en apparence picaresque, Able progresse dans la profession des armes et il accède peu à peu au grade de chevalier. Par contre, le lecteur en apprend beaucoup moins sur le tempérament et les ressorts secrets d'Able, en partie parce qu'il raconte lui-même l'histoire, mais des années plus tard. On ne peut pas toujours se fier à ce qu'il raconte, il cache des choses ou les garde pour plus tard et ce sont souvent les contraintes de la situation qui l'obligent à agir. À l'occasion, on a l'impression qu'il se montre excessivement naïf, ou excessivement sûr de lui. Pire, c'est un favori de la destinée, qui obtient la coopération de puissances qui transcendent le monde du milieu qu'il sillonne.
Bref, les péripéties du roman de Wolfe ont une certaine minceur (qui rappelle effectivement les romans de chevalerie qui l'inspirent) dont la répétition finit par saper l'intérêt du lecteur; Sir Able accumule aussi un entourage de plus en plus nombreux, qui finit par compter un chien qui parle, un chat qui parle encore plus volontiers, deux elfes libidineuses, un ogre et un serviteur, si je n'oublie personne... Cela fait beaucoup et ralentit la narration. Il y a aussi des allusions à la matière de Bretagne et à d'autres mythologies; sans doute faudra-t-il lire le second volet du diptyque pour savoir si celles-ci sont justifiées par les besoins de l'intrigue.
En somme, s'il faut reconnaître la virtuosité de l'écriture, le récit exige un peu trop de patience du lecteur. J'aurais préféré une trajectoire un peu plus lisible et des raisons de me prendre de sympathie pour Sir Able.