2009-03-10
Communiquer la science (3)
Aujourd'hui, j'assistais au septième colloque de Science pour tous, « Enjeux et perspectives 2009-2012 ». Au programme, une série de séances thématiques combinant des présentations/interventions par des spécialistes et des périodes de questions. Sans oublier les pauses pour le réseautage, presque aussi utiles que les allocutions...
J'ai raté la première séance intitulée « S'approcher du secteur de l'éducation », car elle avait lieu beaucoup trop tôt dans la matinée pour un oiseau de nuit comme moi. Par contre, j'étais là pour la seconde, « Les clientèles et les outils de marketing », avec le prof Jean-François Ouellet (HEC Montréal) et Lorraine Simard, une experte-conseil de la firme Ellipsos.
J'ai pris de copieuses notes durant la présentation du prof. Même s'il nous rappelait les bases du marketing, certains rappels ne sont jamais inutiles. Par exemple, il soulignait que tout événement de culture scientifique doit rejoindre non seulement le 15% de passionnés (le public qui cherche, qui est gagné d'avance et qu'il suffit d'avertir) mais aussi le 85% de pragmatiques (le public qui ne se déplace que s'il y trouve son profit; le public qui veut qu'on le rejoigne personnellement, qu'on le courtise et qu'on lui garantisse par le bouche-à-oreille que cela en vaut la peine). Le fossé entre les deux publics peut s'interpréter en fonction de ressorts émotionnels différents. Les passionnés et les puristes font de leur passion un élément de leur identité, et ils se déplaceront rien que pour être fidèles à leur vision d'eux-mêmes. Les pragmatiques recherchent des bénéfices propres (extrinsèques) ou, au minimum, un discours qui les conforte dans leur vision du monde et de la place qu'ils y occupent. Il faut savoir vanter la valeur unique d'une activité de communication scientifique, ce qui peut vouloir dire jouer sur les cordes sensibles de la curiosité, du divertissement, de la participation directe, du dépaysement ou de la parentalité (tout ce qui rejoint le rôle de parent des membres du public, soucieux de l'éducation ou du plaisir de leurs enfants).
Durant cette séance, on a aussi noté les exigences multidisciplinaires de la réforme scolaire, qui fait que les écoles vont rechercher les activités qui combinent langues, maths, sciences, arts, etc. Et il faut savoir choyer ses partenaires (hôtes, commanditaires ou simples membres du public). S'ils sont motivés, s'ils sont partie prenante d'un événement, s'ils sont invités sur place, s'ils tiennent un kiosque, ils seront plus heureux de leur expérience et de leur soutien. Enfin, il a été question de la loi québécoise sur le développement durable, qui affecte les ministères et les grands organismes de la province, de sorte qu'il faut pouvoir en parler avec des partenaires potentiels. (Ou de sujets connexes, comme les changements climatiques.)
Avant le repas du midi, des vulgarisateurs du terrain sont venus exposer « Les secrets d'une activité 24 heures réussie ». Charles Désy de Parlons Sciences a rappelé qu'il faut commencer par connaître son public (au besoin, en les interrogeant; au besoin, en le créant au moyen d'une présentation rapide des bases requises) et que le public appréhende un nouveau sujet au moyen d'intelligences multiples (visuelle/spatiale, musicale, linguistique, logico-mathématique, inter-/intra-personnelle, etc.), dont le poids respectif varie pour chaque individu. Pierre Chastenay du Code Chastenay a noté qu'il importe de faire le lien avec l'actualité, d'aller chercher le public là où il se trouve (centres commerciaux, etc.) et d'avoir sur place des « médiateurs » et « médiatrices » scientifiques capables de prendre le relais une fois le chaland appâté. Sophie Malavoy du Cœur des Sciences de l'UQÀM a été directe. Pour attirer le public, il faut miser sur l'intérêt du sujet, le renom des communicateurs, la multiplicité des réseaux de diffusion de la nouvelle, les partenaires et le formatage de l'annonce.
L'après-midi a débuté avec un tour de table au titre accrocheur, « Qu'est-ce que nous réserve l'avenir? ». La question était posée à des fonctionnaires : Alex Navarre (CRSNG), Denise LaBerge (MDEIE) et Geneviève Drolet (CST). Navarre a évoqué la science comme base de la culture générale et la science comme pivot économique. Et il a signalé les activités du CRSNG pour la promotion des sciences, dont le programme PromoScience, qui soutient les activités de promotion des sciences auprès des écoles. Denise LaBerge m'a appris (ou rappelé?) l'existence de la Stratégie québécoise de la recherche et de l'innovation. Geneviève Drolet a fait le tour des tendances : de plus en plus de plans nationaux de recherche et de développement axés sur le moyen et le long terme, de nouvelles stratégies pour encourager la demande d'innovation et plus de coopération en recherche et développement. Par contre, elle tirait (de l'édition 2008 des Perspectives de l'OCDE en science, technologie et industrie, je crois) une donnée consternante : un grand survol des priorités de ces plans nationaux n'avait trouvé de mentions de la culture scientifique comme priorité que dans 4,1% des cas... Quant au CST, il prépare pour l'automne 2009 son prochain rapport de conjoncture.
Enfin, Pierre Sormany nous a tirés de notre torpeur en livrant une causerie intitulée « Comment rendre nos annonces/activités plus sexy auprès des médias? ». Présenté avec verve par Félix Maltais, Sormany a suggéré des stratégies pour « passer le filtre » et accéder aux médias : (i) s'insérer dans l'actualité (ou la provoquer, si on a les moyens de publier une étude qui crée un débat), (ii) trouver un(e) porte-parole efficace et d'envergure, ou (iii) raconter une histoire.
Mais qu'est-ce qu'une bonne histoire? Pour attirer l'attention des médias, il faut un héros : un vecteur d'émotion et d'identification, et le moteur de l'action de l'histoire. Une quête aussi, de préférence : le protagoniste doit poursuivre une démarche semée d'obstacles qui connaît un aboutissement spectaculaire, soit succès soit échec. Mais une bonne histoire tient aussi à la narration, c'est-à-dire à la structure du reportage, qui doit savoir distiller l'information tout en construisant le récit. Enfin, il reste toujours la solution de mobiliser les médias dans le cadre d'une controverse — au risque peut-être de ne pas attirer l'attention sur ce qu'on désire communiquer!
D'autres billets sur la communication scientifique :
Communiquer la science (1) : les scientifiques sont-ils allergiques aux journalistes?
Communiquer la science (2) : le Guide de vulgarisation de Pascal Lapointe.
J'ai raté la première séance intitulée « S'approcher du secteur de l'éducation », car elle avait lieu beaucoup trop tôt dans la matinée pour un oiseau de nuit comme moi. Par contre, j'étais là pour la seconde, « Les clientèles et les outils de marketing », avec le prof Jean-François Ouellet (HEC Montréal) et Lorraine Simard, une experte-conseil de la firme Ellipsos.
J'ai pris de copieuses notes durant la présentation du prof. Même s'il nous rappelait les bases du marketing, certains rappels ne sont jamais inutiles. Par exemple, il soulignait que tout événement de culture scientifique doit rejoindre non seulement le 15% de passionnés (le public qui cherche, qui est gagné d'avance et qu'il suffit d'avertir) mais aussi le 85% de pragmatiques (le public qui ne se déplace que s'il y trouve son profit; le public qui veut qu'on le rejoigne personnellement, qu'on le courtise et qu'on lui garantisse par le bouche-à-oreille que cela en vaut la peine). Le fossé entre les deux publics peut s'interpréter en fonction de ressorts émotionnels différents. Les passionnés et les puristes font de leur passion un élément de leur identité, et ils se déplaceront rien que pour être fidèles à leur vision d'eux-mêmes. Les pragmatiques recherchent des bénéfices propres (extrinsèques) ou, au minimum, un discours qui les conforte dans leur vision du monde et de la place qu'ils y occupent. Il faut savoir vanter la valeur unique d'une activité de communication scientifique, ce qui peut vouloir dire jouer sur les cordes sensibles de la curiosité, du divertissement, de la participation directe, du dépaysement ou de la parentalité (tout ce qui rejoint le rôle de parent des membres du public, soucieux de l'éducation ou du plaisir de leurs enfants).
Durant cette séance, on a aussi noté les exigences multidisciplinaires de la réforme scolaire, qui fait que les écoles vont rechercher les activités qui combinent langues, maths, sciences, arts, etc. Et il faut savoir choyer ses partenaires (hôtes, commanditaires ou simples membres du public). S'ils sont motivés, s'ils sont partie prenante d'un événement, s'ils sont invités sur place, s'ils tiennent un kiosque, ils seront plus heureux de leur expérience et de leur soutien. Enfin, il a été question de la loi québécoise sur le développement durable, qui affecte les ministères et les grands organismes de la province, de sorte qu'il faut pouvoir en parler avec des partenaires potentiels. (Ou de sujets connexes, comme les changements climatiques.)
Avant le repas du midi, des vulgarisateurs du terrain sont venus exposer « Les secrets d'une activité 24 heures réussie ». Charles Désy de Parlons Sciences a rappelé qu'il faut commencer par connaître son public (au besoin, en les interrogeant; au besoin, en le créant au moyen d'une présentation rapide des bases requises) et que le public appréhende un nouveau sujet au moyen d'intelligences multiples (visuelle/spatiale, musicale, linguistique, logico-mathématique, inter-/intra-personnelle, etc.), dont le poids respectif varie pour chaque individu. Pierre Chastenay du Code Chastenay a noté qu'il importe de faire le lien avec l'actualité, d'aller chercher le public là où il se trouve (centres commerciaux, etc.) et d'avoir sur place des « médiateurs » et « médiatrices » scientifiques capables de prendre le relais une fois le chaland appâté. Sophie Malavoy du Cœur des Sciences de l'UQÀM a été directe. Pour attirer le public, il faut miser sur l'intérêt du sujet, le renom des communicateurs, la multiplicité des réseaux de diffusion de la nouvelle, les partenaires et le formatage de l'annonce.
L'après-midi a débuté avec un tour de table au titre accrocheur, « Qu'est-ce que nous réserve l'avenir? ». La question était posée à des fonctionnaires : Alex Navarre (CRSNG), Denise LaBerge (MDEIE) et Geneviève Drolet (CST). Navarre a évoqué la science comme base de la culture générale et la science comme pivot économique. Et il a signalé les activités du CRSNG pour la promotion des sciences, dont le programme PromoScience, qui soutient les activités de promotion des sciences auprès des écoles. Denise LaBerge m'a appris (ou rappelé?) l'existence de la Stratégie québécoise de la recherche et de l'innovation. Geneviève Drolet a fait le tour des tendances : de plus en plus de plans nationaux de recherche et de développement axés sur le moyen et le long terme, de nouvelles stratégies pour encourager la demande d'innovation et plus de coopération en recherche et développement. Par contre, elle tirait (de l'édition 2008 des Perspectives de l'OCDE en science, technologie et industrie, je crois) une donnée consternante : un grand survol des priorités de ces plans nationaux n'avait trouvé de mentions de la culture scientifique comme priorité que dans 4,1% des cas... Quant au CST, il prépare pour l'automne 2009 son prochain rapport de conjoncture.
Enfin, Pierre Sormany nous a tirés de notre torpeur en livrant une causerie intitulée « Comment rendre nos annonces/activités plus sexy auprès des médias? ». Présenté avec verve par Félix Maltais, Sormany a suggéré des stratégies pour « passer le filtre » et accéder aux médias : (i) s'insérer dans l'actualité (ou la provoquer, si on a les moyens de publier une étude qui crée un débat), (ii) trouver un(e) porte-parole efficace et d'envergure, ou (iii) raconter une histoire.
Mais qu'est-ce qu'une bonne histoire? Pour attirer l'attention des médias, il faut un héros : un vecteur d'émotion et d'identification, et le moteur de l'action de l'histoire. Une quête aussi, de préférence : le protagoniste doit poursuivre une démarche semée d'obstacles qui connaît un aboutissement spectaculaire, soit succès soit échec. Mais une bonne histoire tient aussi à la narration, c'est-à-dire à la structure du reportage, qui doit savoir distiller l'information tout en construisant le récit. Enfin, il reste toujours la solution de mobiliser les médias dans le cadre d'une controverse — au risque peut-être de ne pas attirer l'attention sur ce qu'on désire communiquer!
D'autres billets sur la communication scientifique :
Communiquer la science (1) : les scientifiques sont-ils allergiques aux journalistes?
Communiquer la science (2) : le Guide de vulgarisation de Pascal Lapointe.
Libellés : Sciences, Vulgarisation