2006-07-31
Le futur de l'or noir
Plusieurs formes de prospective ont émergé au cours du siècle dernier. Quand je veux savoir ce qui inquiète les spécialistes du futur, je jette un coup d'œil au sommaire du numéro actuel de la revue Futuribles. Le thème de ce numéro? « Perspectives énergétiques et effet de serre »
Il s'agit du numéro daté de janvier 2006, mais nos futurologues ont vu juste et le propos est toujours d'une actualité, euh, brûlante en ces temps de canicules, de feux de forêt et de conflits au Moyen-Orient. Ils ont peut-être un peu coupé l'herbe sous le pied d'Al Gore, mais sûrement pas aux États-Unis, là où ça compte, car je doute fort que la revue soit beaucoup lue au pays de George Bush... Seront-ils aussi bons prophètes qu'Hergé dans son album Tintin au pays de l'or noir, qui fut rattrapé par l'actualité avant d'avoir pu le finir?
Une des hypothèses les plus riches de conséquences dans ce domaine est celle du pic ou maximum de Hubbert appliqué à la production pétrolière. Il est relativement difficile de trouver un graphique complet en-ligne, mais la production pétrolière annuelle est recensée et extrapolée en 2004 dans ce document (.PDF), et discutée de manière très claire ici. Une version des mêmes résultats calculée en 2005 et incluant les sources d'hydrocarbures non-conventionnelles apparaît ici.
Du point de vue de ses conséquences pour le futur prévisible, le pic pétrolier est un phénomène plus difficile à cerner que l'accroissement de gaz carbonique et dont les retombées sont moins certaines que le réchauffement global produit par cet accroissement. Les données géologiques en ce qui concerne les réserves disponibles de pétrole admettent plusieurs incertitudes. Quant aux suites d'une pénurie relative croissante de pétrole, elles sont encore moins claires. On ne peut même pas se réjouir en se disant que le monde produira moins de gaz carbonique, freinant ainsi l'effet de serre, car les substituts envisagés aux hydrocarbures liquides comprennent le charbon et la biomasse, dont la combustion et parfois la production injecteraient de plus ou moins grandes quantités de gaz carbonique dans l'atmosphère.
À un extrême, on retrouve les catastrophistes qui prédisent rien moins que l'effondrement de la civilisation, parfois d'ici 2010 ou 2015, quand le prix du pétrole deviendra si élevé qu'il ne sera plus question de construire des avions. Dans une certaine mesure, le pic pétrolier est l'anti-Singularité...
En fait, si on examine le diagramme calculé en 2005, on note que la production annuelle d'hydrocarbures liquides en 2050 correspondrait en gros à la production annuelle entre 1980 et 1990 (mais elle inclut beaucoup plus de gaz naturel que de pétrole conventionnel que maintenant). En 1980-1990, la population mondiale était d'environ 5 milliards de personnes; on pense qu'en 2050, elle sera moins du double. La civilisation s'effondrera-t-elle parce que chaque habitant de la planète sera obligé de consommer moitié moins d'hydrocarbures qu'en 1980-1990? Si on ne considère qu'un élément de la consommation d'hydrocarbures, soit le transport, on se dit qu'il reste beaucoup de marge, de nombreuses améliorations en fait d'efficacité énergétique ayant surtout servi à entasser les gadgets dans les voitures (climatisation, etc.) ou à augmenter des performances qui favorisent l'étalement urbain plus que les déplacements utiles.
De nombreuses solutions existent dans tous les domaines (voitures électriques, hybrides, carburant à l'éthanol ou à l'hydrogène dans le cas du transport), mais il est clair que certaines solutions exigeraient des changements de mode de vie (la fin de l'étalement urbain, la fin des voyages en avion de moins de 600 km, moins d'emballages en plastique, etc.). Les gouvernements qui retirent des millions des taxes sur le carburant seraient peut-être obligés de les réduire, ce qui affecterait les budgets étatiques.
Comme il arrive souvent, on peut pronostiquer que ce sont les pauvres qui souffriraient le plus si le prix du pétrole s'envole aussi rapidement qu'on le prévoit. Les pays riches auraient les moyens de payer les nouveaux prix ou de convertir leur infrastructure; les autres devraient se serrer la ceinture. De plus, le vieillissement de la population dans un grand nombre de pays riches laisse présager une réduction naturelle des déplacements, qui pourrait aider à gérer la crise. Sans parler du télé-travail et de l'accroissement des activités tertiaires, moins énergivores que les activités primaires et secondaires.
On se dit même que le retour à plus de déplacements à pied pourrait être aussi bénéfique que la fin d'une agriculture énergivore à outrance, qui dépend d'engrais et de pesticides synthétiques, et de transformations excessives (réduction du maïs en sirop pour l'industrie alimentaire). Plus d'exercice, une alimentation plus mesurée... Néanmoins, il existe de nombreux points où se rejoignent les problématiques du pic pétrolier et du réchauffement global. Peut-être faut-il espérer que le pic pétrolier soit pour ces années-ci, puisque les conséquences nous forceraient à agir bien avant que les conséquences du réchauffement global soient suffisamment flagrantes pour nous faire réagir...
Il s'agit du numéro daté de janvier 2006, mais nos futurologues ont vu juste et le propos est toujours d'une actualité, euh, brûlante en ces temps de canicules, de feux de forêt et de conflits au Moyen-Orient. Ils ont peut-être un peu coupé l'herbe sous le pied d'Al Gore, mais sûrement pas aux États-Unis, là où ça compte, car je doute fort que la revue soit beaucoup lue au pays de George Bush... Seront-ils aussi bons prophètes qu'Hergé dans son album Tintin au pays de l'or noir, qui fut rattrapé par l'actualité avant d'avoir pu le finir?
Une des hypothèses les plus riches de conséquences dans ce domaine est celle du pic ou maximum de Hubbert appliqué à la production pétrolière. Il est relativement difficile de trouver un graphique complet en-ligne, mais la production pétrolière annuelle est recensée et extrapolée en 2004 dans ce document (.PDF), et discutée de manière très claire ici. Une version des mêmes résultats calculée en 2005 et incluant les sources d'hydrocarbures non-conventionnelles apparaît ici.
Du point de vue de ses conséquences pour le futur prévisible, le pic pétrolier est un phénomène plus difficile à cerner que l'accroissement de gaz carbonique et dont les retombées sont moins certaines que le réchauffement global produit par cet accroissement. Les données géologiques en ce qui concerne les réserves disponibles de pétrole admettent plusieurs incertitudes. Quant aux suites d'une pénurie relative croissante de pétrole, elles sont encore moins claires. On ne peut même pas se réjouir en se disant que le monde produira moins de gaz carbonique, freinant ainsi l'effet de serre, car les substituts envisagés aux hydrocarbures liquides comprennent le charbon et la biomasse, dont la combustion et parfois la production injecteraient de plus ou moins grandes quantités de gaz carbonique dans l'atmosphère.
À un extrême, on retrouve les catastrophistes qui prédisent rien moins que l'effondrement de la civilisation, parfois d'ici 2010 ou 2015, quand le prix du pétrole deviendra si élevé qu'il ne sera plus question de construire des avions. Dans une certaine mesure, le pic pétrolier est l'anti-Singularité...
En fait, si on examine le diagramme calculé en 2005, on note que la production annuelle d'hydrocarbures liquides en 2050 correspondrait en gros à la production annuelle entre 1980 et 1990 (mais elle inclut beaucoup plus de gaz naturel que de pétrole conventionnel que maintenant). En 1980-1990, la population mondiale était d'environ 5 milliards de personnes; on pense qu'en 2050, elle sera moins du double. La civilisation s'effondrera-t-elle parce que chaque habitant de la planète sera obligé de consommer moitié moins d'hydrocarbures qu'en 1980-1990? Si on ne considère qu'un élément de la consommation d'hydrocarbures, soit le transport, on se dit qu'il reste beaucoup de marge, de nombreuses améliorations en fait d'efficacité énergétique ayant surtout servi à entasser les gadgets dans les voitures (climatisation, etc.) ou à augmenter des performances qui favorisent l'étalement urbain plus que les déplacements utiles.
De nombreuses solutions existent dans tous les domaines (voitures électriques, hybrides, carburant à l'éthanol ou à l'hydrogène dans le cas du transport), mais il est clair que certaines solutions exigeraient des changements de mode de vie (la fin de l'étalement urbain, la fin des voyages en avion de moins de 600 km, moins d'emballages en plastique, etc.). Les gouvernements qui retirent des millions des taxes sur le carburant seraient peut-être obligés de les réduire, ce qui affecterait les budgets étatiques.
Comme il arrive souvent, on peut pronostiquer que ce sont les pauvres qui souffriraient le plus si le prix du pétrole s'envole aussi rapidement qu'on le prévoit. Les pays riches auraient les moyens de payer les nouveaux prix ou de convertir leur infrastructure; les autres devraient se serrer la ceinture. De plus, le vieillissement de la population dans un grand nombre de pays riches laisse présager une réduction naturelle des déplacements, qui pourrait aider à gérer la crise. Sans parler du télé-travail et de l'accroissement des activités tertiaires, moins énergivores que les activités primaires et secondaires.
On se dit même que le retour à plus de déplacements à pied pourrait être aussi bénéfique que la fin d'une agriculture énergivore à outrance, qui dépend d'engrais et de pesticides synthétiques, et de transformations excessives (réduction du maïs en sirop pour l'industrie alimentaire). Plus d'exercice, une alimentation plus mesurée... Néanmoins, il existe de nombreux points où se rejoignent les problématiques du pic pétrolier et du réchauffement global. Peut-être faut-il espérer que le pic pétrolier soit pour ces années-ci, puisque les conséquences nous forceraient à agir bien avant que les conséquences du réchauffement global soient suffisamment flagrantes pour nous faire réagir...
Libellés : Énergie, Environnement, Futurisme