2009-03-05

 

Chevalier et mage

J'ai fini par lire The Knight (2004) de Gene Wolfe, un roman qui a pour particularité d'être dédicacé à Yves Meynard en raison des parallèles avec The Book of Knights (1998) dont Wolfe était conscient (même s'il avait eu l'idée de son roman de manière tout à fait indépendante). Le principal point commun concerne le vieillissement soudain du héros, un jeune garçon qui désire devenir chevalier — Adelrune dans le roman de Meynard — et qui acquiert par magie la stature d'un homme fait. Dans le roman de Wolfe, ce vieillissement a une dimension allégorique liée tout à la fois à l'initiation sexuelle et à l'âge intérieur du personnage; un des gags récurrents, c'est quand Sir Able révèle à des interlocuteurs plus vieux que lui qu'il n'est qu'un petit garçon dans un corps d'homme et que ceux-ci croient qu'il fait allusion au temps que les hommes ne voient pas toujours passer et qui fait que, certains matins, on se réveille en se demandant comment on s'est retrouvé dans une carcasse aussi vieille et décrépite...

Dans The Book of Knights, le parcours d'Adelrune est beaucoup plus psychologique. Ses aventures et ses exploits l'amènent à perdre une partie de sa naïveté et à découvrir tant ses origines que ce dont il est capable. L'aventure est pour Adelrune une éducation. En revanche, le parcours d'Able est une carrière; malgré une intrigue en apparence picaresque, Able progresse dans la profession des armes et il accède peu à peu au grade de chevalier. Par contre, le lecteur en apprend beaucoup moins sur le tempérament et les ressorts secrets d'Able, en partie parce qu'il raconte lui-même l'histoire, mais des années plus tard. On ne peut pas toujours se fier à ce qu'il raconte, il cache des choses ou les garde pour plus tard et ce sont souvent les contraintes de la situation qui l'obligent à agir. À l'occasion, on a l'impression qu'il se montre excessivement naïf, ou excessivement sûr de lui. Pire, c'est un favori de la destinée, qui obtient la coopération de puissances qui transcendent le monde du milieu qu'il sillonne.

Bref, les péripéties du roman de Wolfe ont une certaine minceur (qui rappelle effectivement les romans de chevalerie qui l'inspirent) dont la répétition finit par saper l'intérêt du lecteur; Sir Able accumule aussi un entourage de plus en plus nombreux, qui finit par compter un chien qui parle, un chat qui parle encore plus volontiers, deux elfes libidineuses, un ogre et un serviteur, si je n'oublie personne... Cela fait beaucoup et ralentit la narration. Il y a aussi des allusions à la matière de Bretagne et à d'autres mythologies; sans doute faudra-t-il lire le second volet du diptyque pour savoir si celles-ci sont justifiées par les besoins de l'intrigue.

En somme, s'il faut reconnaître la virtuosité de l'écriture, le récit exige un peu trop de patience du lecteur. J'aurais préféré une trajectoire un peu plus lisible et des raisons de me prendre de sympathie pour Sir Able.

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