2011-01-31

 

Jules Renard, l'avenir et le futur

Quelques remarques tirées du Journal de Jules Renard entre 1894 et 1904 :

« Nous sommes tout dans notre premier livre. Nous ne faisons plus tard qu'arracher nos défauts et cultiver nos qualités, quand nous le faisons. L'avenir n'est peut-être qu'un perfectionnement. On n'est plein que de promesses déjà tenues. Il ne faut pas compter sur des choses nouvelles. » (1er mai 1899)

« Le projet est le brouillon de l'avenir. Parfois, il faut à l'avenir des centaines de brouillons. » (2 février 1902)

« — Qu'est-ce qu'un arriviste ?

— Un futur arrivé. » (12 octobre 1900)

2011-01-30

 

Quelques artistes québécois de SF

Jean-Pierre Normand me signalait dernièrement cette entrevue réalisée avec lui sur un site en anglais.

D'autres artistes et illustrateurs francophones pratiquent dans le domaine de la science-fiction et du fantastique au Canada. En fait, ils sont nombreux, mais je ne suis pas sûr qu'il existe un catalogue ou un inventaire complet. (Alors que l'entreprise de L'Année de la Science-Fiction et du Fantastique québécois a permis de recenser les écrivains de manière presque exhaustive.)

Néanmoins, outre les artistes dont j'ai fait état dans ma série sur l'iconographie de la SFCF, on pourrait citer au passage de nombreux bédéistes, comme Dominique Desbiens ou Jean-Paul Eid ou Thierry Labrosse ou Marc Pageau, qui sont d'ailleurs plus nombreux que les illustrateurs comme Laurine Spehner, me semble-t-il, à assurer une pérennité aux sites les concernant. De nombreux liens vers des sites d'artistes dans ce répertoire compilé par les congrès Boréal sont périmés et j'ai l'impression que c'est plus fréquent dans le cas des non-bédéistes... Voilà peut-être une idée de projet pour quiconque souhaiterait s'y consacrer.

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2011-01-29

 

Des fossés interpersonnels?

L'essai Interpersonal Divide (2005) de Michael Bugeja est du nombre des ouvrages qui suscitent le doute mais n'emportent pas la conviction. En gros, Bugeja fait le procès des technologies de la communication qui multiplient nos contacts avec les autres tout en creusant des fossés multiples entre nous et les gens que nous côtoyons dans la vie de tous les jours : parents, enfants, collègues, etc. Ces fossés ne sont pas purement circonstanciels — ils ne sont pas uniquement le produit de notre présence (numérique) ailleurs qui est souvent une présence nulle part. Selon Bugeja, il convient d'incriminer également notre inaptitude grandissante à communiquer efficacement avec autrui, en personne, face à face, parce que le savoir-vivre — et tous les savoir-faire sociaux — s'atrophie quand nous nous laissons absorber par les nouvelles technologies de l'information et de la communication (y compris les médias sociaux qui ne sont pas mentionnés parce qu'ils restaient embryonnaires au moment de la rédaction de cet essai).

Bugeja dresse une liste de sept mauvaises habitudes des personnes très (trop) médiatisées :

1) Croire qu'on contrôle un mensonge parce qu'on en est l'auteur : l'influence des séries télévisées nous inclinerait à croire qu'on peut mentir impunément et sans susciter le soupçon, le doute, la méfiance chez les autres.

2) Croire qu'on a pour seul choix de mentir ou dire la vérité : si on manque de perceptivité, on manque souvent de discrétion, d'où une tendance à dire toute la vérité, même si elle n'est pas opportune, ou à mentir, même au prix de complications ultérieures (voir la mauvaise habitude précédente). Il existe souvent des solutions intermédiaires.

3) Refuser d'admettre ou de reconnaître ses pertes : Vouloir avoir raison à tout prix peut être coûteux. Les gens qui réussissent dans la vie ont souvent appris à reconnaître leurs échecs et faire une croix sur les pertes irrécupérables, histoire de mettre un terme à une mauvaise série afin de passer à autre chose.

4) Envier ce qu'on n'a pas et perdre ce qu'on a déjà : si on se laisse obnubiler par ce que la publicité nous convainc qui nous manque, on risque de déprécier ce dont on jouit déjà, de cesser de l'entretenir et de risquer de le perdre. Horace aurait dit qu'il faut dompter sa cupidité si on ne veut pas dompté par elle.

5) Défendre la pureté de ses intentions et suspecter celle des autres : il faut donner aux autres le bénéfice du doute — les intentions attribuées aux autres sont rarement correctes ou rarement aussi simples que les analyses médiatiques le laissent croire.

6) Agir comme si l'intention attribuée à autrui était avérée : il faut se garder de réagir en fonction des pensées imputées à autrui, sous peine de compliquer une situation et d'engendrer de nouveaux problèmes. D'où la remarque d'Albert Einstein selon qui les problèmes exigent d'être résolus avec une plus grande perceptivité que celle qui les a créés.

7) Simplifier la cause des problèmes afin de touver quelqu'un à blâmer : identifier un coupable est agréable, mais la complexité du réel est telle qu'un blâme résout rarement le problème en cause et donne souvent naissance à d'autres problèmes. Qui juge les autres s'expose à être jugé. Qui se trompe de cible s'expose à créer de nouveaux problèmes.

Les recommandations associées à ces diagnostics sont sages, mais Bugeja ne prouve pas vraiment que l'abus de communications électroniques et de déplacements virtuels entraîne obligatoirement un affaiblissement du savoir-vivre interpersonnel. Il essaie de résumer en définitive l'enchaînement des causes et conséquences dans le cas de la consommation exagérée de médias en expliquant ainsi la cascade de dominos :

1) Plus on consomme de médias, moins on interagit avec les autres dans le monde réel.

2) Moins on interagit, plus on se méprend sur les gestes et les mobiles d'autrui.

3) Plus on se méprend, moins on retire de nos relations avec les autres.

4) Moins on retire de ces relations, plus on se reporte sur les programmes télévisés (ou autres).

5) Plus on consomme de programmes, moins on maîtrise ses valeurs personnelles.

6) Moins on est sûr de ses propres valeurs, plus on est influencé par le marketing.

7) Plus le marketing nous influence, plus nos perceptions s'émoussent.

8) Plus nos perceptions s'émoussent, plus nos problèmes interpersonnels se multiplient.

9) Plus nos problèmes interpersonnels s'agravent, moins nous sommes en mesure de les résoudre, parce que nous manquons de perceptivité.

10) Résultat? On cherche des solutions, mais le plus souvent en passant par les médias, ce qui boucle la boucle.

Et, dans le cas de l'utilisation abusive des nouvelles technologies, il incrimine la succession suivante de dominos :

1) Plus on a recours à la technologie, moins on interagit avec les autres dans la réalité.

2) Moins on interagit avec les autres, plus on a recours à la technologie pour se divertir et communiquer avec les autres.

3) Plus on a recours à la technologie, moins on maîtrise les frontières spatiales, temporelles et identitaires.

4) Moins on est sûr de ses propres frontières, plus on risque de transgresser ou violer les frontières des autres ou d'interpréter de travers leurs messages.

5) Plus on transgresse ou comprend de travers, plus on risquer de déstabiliser nos relations avec les autres dans la réalité.

6) Plus nos relations avec les autres vacillent, plus on les remplace avec des relations virtuelles.

7) Plus on satisfait nos besoins électroniquement, moins on a de vie privée.

8) Moins on a de vie privée et intime, plus le marketing peut dicter notre comportement.

9) Plus le marketing influence notre comportement, plus notre jugement est affecté et plus on cherche à se rassurer.

10) Résultat? On cherche des solutions (self-help), mais souvent en passant par des moyens technologiques, ce qui boucle la boucle.

Le hic, c'est que dans les deux cas, tout repose sur les effets initiaux de l'utilisation abusive de médias et de nouvelles technologies, et sur le pré-supposé que les interactions virtuelles ne peuvent pas (jamais?) remplacer les interactions dans la vie réelle. Or, ce qui manque à cet ouvrage, c'est une démonstration. (Et ce ne sont pas les tentatives de Bugeja d'égratigner McLuhan qui peuvent y concourir, car elles s'appuient plus sur l'affirmation que sur l'argumentation.)

Bref, même si Bugeja s'en défend, il s'agit au moins en partie d'une lamentation sur les temps et les mœurs. C'était mieux avant. On connaît la rengaine. Même s'il m'arrive de penser parfois que, sur le plan intellectuel, il y avait plus de rigueur autrefois, il suffit parfois de se remplacer dans le tout-venant de la production intellectuelle d'avant les nouvelles technologies pour se poser des questions.

Le propre des nostalgiques de l'ancien temps, c'est souvent de se placer sur un pied d'égalité avec les nouvelles générations qu'ils considèrent — et déconsidèrent. Or, ils ont acquis une plus ou moins grande somme de sagesse et d'expériences au fil des ans, de sorte que la comparaison avec de jeunes blancs-becs inexpérimentés tournera nécessairement au désavantage de ces derniers.

Bugeja offre des bons mots et des anecdotes, mais rien de très convaincant. Ainsi, il fait de la confusion d'une étudiante qui se présente à la bibliothèque de son université en cherchant une personne dénommée « Carol » alors qu'on lui avait dit d'obtenir un « carrel » (les deux mots sont des homonymes en anglais) le symptôme d'une inculture typique des jeunes qui sont « computer literate » mais pas « socially literate » (p. 132). Mais cette ignorance d'un mot relativement rare, et d'une technique d'étude inconnue des nouveaux étudiants quand elle n'est pas en passe de devenir désuète, ne nous pas grand-chose de plus pertinent que la confusion du texte, dans le même paragraphe, entre « cubical » (sic!) et « cubicle » (synonme de carrel). Le reste de l'argumentation du livre est à peine supérieure.

Bref, il est clair que nous avons intérêt à développer un sens critique et une discipline personnelle face aux messages publicitaires et aux attraits des médias sociaux, mais il en allait déjà de même à l'époque de la propagande et des prêches radiodiffusés, ou de la possibilité de bavarder au téléphone pendant des heures. Au lieu de revenir au passé, on pourrait se contenter d'en retenir les leçons...

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2011-01-28

 

Les mensonges des médias désormais permis au Canada?

Les médias auront-ils désormais le droit de mentir au Canada en toute connaissance de cause? Alors que Pierre-Karl Péladeau et Quebecor lancent une nouvelle chaîne télévisée d'information continue, Sun TV News, en étroite collaboration avec les milieux les plus conservateurs du pays (il suffit de relever qu'Ezra Levant, Luc Lavoie, ancien porte-parole de Brian Mulroney que Harper aurait voulu voir en poste au CRTC, et Kory Teneycke, l’ex-directeur des communications de Stephen Harper, sont tous dans le décor), on peut se demander si on veut permettre à Sun TV News, alias « Fox News North » selon certains, de pratiquer la même désinformation qui a fait le succès de Fox News et le lit du Tea Party aux États-Unis.

Michael Geist, professeur à l'Université d'Ottawa, signalait la chose sur son blogue. L'avis de consultation du CRTC est daté du 10 janvier et les Canadiens ont jusqu'au 9 février pour réagir. Le cadre légal actuel (pour la radio) stipule à l'alinéa 3 ce qui suit :

3. Il est interdit au titulaire de diffuser :

a) quoi que ce soit qui est contraire à la loi;

b) des propos offensants qui, pris dans leur contexte, risquent d’exposer une personne ou un groupe ou une classe de personnes à la haine ou au mépris pour des motifs fondés sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’orientation sexuelle, l’âge ou la déficience physique ou mentale;

c) tout langage obscène ou blasphématoire;

d) toute nouvelle fausse ou trompeuse;

e) tout ou partie d’une interview ou conversation téléphonique avec une personne, sauf si cette personne a :

(i) soit consenti de vive voix ou par écrit au préalable à sa radiodiffusion,

(ii) soit téléphoné à la station pour participer à une émission.

L'amendement proposé est le suivant :

1. L’alinéa 3d) du Règlement de 1986 sur la radio est remplacé par ce qui suit?:

d) toute nouvelle qu’il sait fausse ou trompeuse et qui constitue ou qui risque de constituer un danger pour la vie, la santé ou la sécurité du public;

2. Le même règlement est modifié par adjonction, après l’article 3.1, de ce qui suit?:

3.2 Pour l’application de l’alinéa 3c), est obscène tout langage dont une caractéristique dominante est soit l’exploitation indue des choses sexuelles, soit les choses sexuelles et l’un ou plusieurs des sujets suivants?: le crime, l’horreur, la cruauté et la violence.

Des modifications identifiques seraient apportées au cadre légal actuel pour la télévision. En laissant de côté tout le débat au sujet de l'obscénité, qui vaudrait pourtant la peine d'être abordé, il convient de noter que désormais on interdirait uniquement aux médias de diffuser une nouvelle que l'on sait fausse ou trompeuse si, et seulement si, elle mettrait en danger ou risquerait de mettre en danger la vie, la santé et la sécurité du public. C'est laisser beaucoup de place aux nouvelles mensongères, fausses ou trompeuses, qu'une station comme Sun TV News pourrait choisir de diffuser pour soi-disant lancer des débats ou augmenter ses cotes d'écoute...

Certes, l'appréciation de la vérité est difficile dans certains cas, mais il aurait déjà été suffisant d'interdire la diffusion de nouvelles sciemment fausses ou trompeuses, ce qui aurait ouvert la porte à la désinformation « sincère ». Mais la formulation proposée n'ouvre pas seulement la porte, elle donne la clé aux diffuseurs et leur permet de s'enfermer à l'intérieur de ce nouveau cadre légal en laissant le public à l'extérieur...

Les délais sont courts, mais le formulaire général des observations du public est disponible ici. Il faut se rendre à la ligne de l'avis 2011-14. Le lien direct pour réagir est le suivant. Il y a déjà 1233 commentaires, mais j'espère qu'il y en aura beaucoup plus d'ici le 9 février...

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2011-01-27

 

Le projet de loi C-32 : l'urgence de réagir

Comme le signale la coalition canadienne pour les droits électroniques (Canadian Coalition for Electronic Rights), il est temps de se manifester auprès de son député fédéral ou des députés chargés d'examiner ce projet de loi, car le comité qui se penche sur la question n'acceptera les lettres des citoyens que jusqu'à la fin du mois. La CCER fournit une application en-ligne permettant d'envoyer rapidement une lettre au comité, en anglais ou en français. A priori, il n'est pas nécessaire d'être d'accord avec les positions de la coalition (pour en savoir sur les Traités Internet de l'OMPI, voir cette page).

Du côté du groupement francophone Culture équitable, qui s'inquiète plus de l'élargissement dans la confusion des droits d'utilisation sans compensation qui s'appliquerait à de nombreuses œuvres des auteurs, il existe une pétition qu'on peut signer en-ligne. Le site de Culture équitable offre aussi une application en-ligne permettant d'envoyer une lettre à son député (mais pas au Comité législatif). Uniquement en français, dans ce cas, mais le texte est également modifiable si on a des réserves ou des précisions à apporter.

La question du droit d'auteur est un sujet récurrent sur ce blogue (comme en témoigne ce billet de 2009, avec ses rappels de mes interventions précédentes), mais l'évolution des technologies numériques est également apparent, et l'ensemble des outils que je recense ci-dessus rend plus facile le cyberactivisme. À condition qu'on s'en donne la peine...

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2011-01-24

 

La preuve de l'inefficacité des banlieues

Quand s'installent les grands froids (ou les grandes chaleurs), les recommandations d'Hydro-Québec sont toujours les mêmes : surveiller et idéalement réduire la consommation durant les heures de pointe quand les gens sont à la maison, ne dorment pas et vaquent aux tâches ménagères de base. Bref, le milieu de la matinée et le début de la soirée.

N'est-ce pas curieux que la consommation d'énergie soit maximale durant ces heures de la journée? Pourtant, les personnes actives durant ces heures ne disparaissent pas durant le reste de la journée. Elles continuent à avoir besoin de chauffage ou de climatisation, selon le cas. Contrairement à la nuit, elles restent actives et beaucoup d'entre elles sont au travail, où elles font tourner des machines allant du haut fourneau à l'ordinateur. Et pourtant, elles utilisent moins d'électricité qu'en début ou fin de journée.

Je n'ai vu personne souligner que c'est sans doute la faute à l'étalement urbain — le mode de vie pavillonnaire — la vie de banlieue... En effet, le propre du travail quotidien, c'est de rassembler les gens dans un même lieu. Le mouvement du métro-boulot-dodo propulse des membres de maisonnées éparses (où il arrive souvent qu'on éclaire et chauffe plusieurs pièces par personne, sans parler des appareils ménagers) vers des lieux où il y a plusieurs personnes par pièce. S'il faut moins d'énergie en milieu de journée, c'est parce que nous utilisons l'énergie plus efficacement quand nous travaillons que lorsque nous vivons à la manière nord-américaine.

De fait, certaines données indiqueraient que les immeubles de plus de quatre étages et de moins de huit étages (qui sont ceux qui exigent l'emploi d'un ascenseur) seraient les plus efficaces du point de vue énergétique. Dans l'éventualité d'une véritable crise de l'énergie, il faudra sans doute poser la question de la valeur et de la durabilité des banlieues pavillonnaires, du moins dans les parties du monde où la vie deviendrait insupportable ou impossible sans chauffage ou sans climatisation...

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2011-01-23

 

Promenade au pays du froid

L'hiver, le vrai, est enfin de passage à Québec. Plus besoin de s'inquiéter de neige fondante, de verglas, de glaçons qui se détachent des gouttières, de sloche et de gadoue... La neige grince sous la botte comme une meringue fraîche sous la dent. Mais au moment d'emprunter une Communauto, on s'inquiète un moment : la voiture va-t-elle démarrer? Car, puisqu'une amie française était en visite, nous lui avons offert une balade jusqu'aux chutes Montmorency. Quelques obstacles se présentent, dont un portillon cadenassé et flanqué d'un avis prévenant les promeneurs qu'ils le franchiraient à leurs risques et périls. Il était possible de le sauter, cependant, ou de le contourner en empruntant la voie du chemin de fer, puis en passant dessous.Comme on peut le voir ci-dessus, la chute principale coule encore, encadrée par des falaises de glace. (La chute dite le Voile de la Mariée coule aussi, même si le rideau de glace est encore plus massif.) Le paysage est d'une beauté sauvage et austère, qui fait oublier la proximité de la ville. Les quelques visiteurs sont des alpinistes qui s'exercent à l'ascension de pentes glacées sans trop s'intéresser au décor. D'autres visiteurs empruntent le téléphérique et se joignent sans doute aux flâneurs qui se lancent sur le pont au sommet de la chute pour l'admirer d'en haut.

En tout cas, la douceur de l'hiver québécois jusqu'à maintenant est révélée par la faible hauteur du pain de glace, du sommet duquel j'ai pris cette photo du pied de la chute. La glace sonnait un peu creux sous le talon, mais la fine couche de neige poudreuse à la surface de la glace portait de nombreuses traces de pas. Pas grand-chose à craindre, donc. L'impression de solitude était encore plus forte. On n'entendait plus que la chute et on n'apercevait plus que la chute, la brume soulevée par l'eau et un contrefort du pain de glace, dont le revêtement neigeux n'était marqué que de quelques rares séries de pas laissées par les plus aventureux...Enfin, de la pointe de l'île d'Orléans, le Saint-Laurent apparaissait comme une banquise de glaces parfois souillées, bosselées, craquelées, soulevées et stratifiées. Le soleil couchant brillait sur Québec et les silhouettes de ses édifices, dont le Château Frontenac, ainsi que sur les panaches de fumées ou de vapeurs vomies par les usines. Si nous n'avions pas vu de l'autoroute quelques étendues liquides, nous aurions pu croire que tout le fleuve était gelé, de Montréal jusqu'à son embouchure — et qu'il aurait suffi de s'aventurer sur la glace pour rejoindre le Vieux-Port... « Un paysage de fin du monde », a fait remarquer Lily. Ou post-apocalyptique, comme dans certains films. Et le village de Sainte-Pétronille était à peine plus affairé qu'un village post-apocalyptique. Mais le soleil nous indiquait aussi le chemin du retour.

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2011-01-22

 

Sonnets albriens (7)

Je n'oserais jamais faire rimer amour
avec le mot toujours : nous sommes trop sages,
ô ma bien-aimée — gare aux beaux messages
vite émoussés s'ils sont répétés tous les jours

Je le veux menacé, notre cher amour,
pour qu'il sorte plus fort de chaque pressage
et qu'il triomphe de périlleux passages :
mesurons à deux le prix d'un élan trop court

Pour glisser longtemps, m'amie, sur le calme flot
de la rivière ensoleillée, il ne faut
que tendresse et confiance en l'eau qui s'écoule

Si l'amour a poussé au large notre esquif
c'est nous qui braverons la pluie, le froid, la houle
puisque les dangers rendent les plaisifs plus vifs

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2011-01-21

 

Du génie génétique authentique ?

La compagnie Joule Unlimited fait beaucoup parler d'elle en ce moment, car elle prétend avoir mis au point des organismes biotechnologiques qui sont des sortes de chimères : des bactéries hétérotrophes dotées des propriétés des organismes phototrophes. La compagnie détient désormais un brevet des États-Unis pour ses « Hyperphotosynthetic Organisms » (le numéro 7 785 861) et une demande de brevet pour des « Engineered Light-Harvesting Organisms » demeurerait pendante.

Ces bactéries chimériques, si je puis dire, existeraient dans un milieu aqueux et seraient capables de convertir un flot gazeux à haute teneur en gaz carbonique en éthanol ou, à terme, en hydrocarbures à condition de bénéficier d'une illumination suffisante (pas uniquement solaire). En principe, la compagnie croit pouvoir produire de l'éthanol ou des hydrocarbures à un prix correspondant à 30 dollars le baril environ.

Si elle n'est pas tout bonnement chimérique, cette invention aurait des conséquences fascinantes. Sur le plan économique, une source significative et durable d'hydrocarbures à 30 dollars le baril sonnerait le glas des tentatives d'exploiter des sources d'hydrocarbures plus coûteuses comme les sables bitumineux de l'Alberta, les gisements en mer profonde ou les schistes bitumineux. Sur le plan environnemental, ces bactéries pourraient absorber une partie des rejets en gaz carbonique, ralentissant les émissions de gaz à effet de serre. Toutefois, même si on ne trouverait pas forcément dans la nature des sources à haute teneur en gaz carbonique, on peut se demander si ses bactéries seraient capables de fonctionner au moins un peu hors de leurs enceintes en présence du gaz carbonique présent dans l'atmosphère, ce qui, d'une part, pourrait réduire la teneur en gaz carbonique de l'atmosphère... tout en polluant, d'autre part, l'environnement avec des rejets d'hydrocarbures. Autrement dit, ces bactéries seraient-elles capables d'accoucher de mini-marées noires en proliférant sauvagement dans les océans?

En tout cas, les inventeurs semblent tabler sur l'exploitation des contextes existants producteurs de flots gazeux à haute teneur en gaz carbonique. Mais ces milieux ne sont pas infiniment nombreux. À plus long terme, cela voudrait dire que ces organismes ne feraient que retarder le pic pétrolier. Ou qu'il faudrait tenir compte des coûts propres à une installation concentrant le gaz carbonique, ce qui pourrait augmenter le coût de revient de l'éthanol et des hydrocarbures allégués.

Néanmoins, ces organismes représenteraient un succès éclatant pour l'ingénierie génétique puisque leurs concepteurs auraient greffé à une variété de microbes des capacités très complètes propres à une tout autre variété. Et ils pourraient établir que l'ingénierie génétique commence à remplir les promesses que l'on entend depuis plusieurs décennies...

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2011-01-20

 

Les pompiers pyromanes

L'autre jour, c'était le ministre des Finances du Canada qui jouait les sauveurs de l'économie canadienne en resserrant les conditions d'obtention de prêts adossés à des biens immobiliers — en réduisant la période d'amortissement des prêts garantis par la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) de 35 ans à 30 ans, en réduisant de 90% à 85% le pourcentage maximal de la valeur d'une maison ou appartement que les propriétaires peuvent utiliser pour une nouvelle hypothèque et en cessant de soutenir les consommateurs qui obtiennent des marges de crédit en utilisant la valeur de leur bien immobilier comme caution afin de financer des achats que le ministre réprouve...

Flaherty s'est ensuite vanté en laissant entendre qu'il évitait au Canada l'implosion — comme aux États-Unis — d'une bulle immobilière. Avait-il tort? Peut-être pas, mais il faut rappeler qu'en 2006, la SCHL avait commencé à financer les hypothèques sur 35 ans et qu'en 2007, la SCHL avait laissé les Canadiens acheter des logis sans mise de fonds, avec un amortissement de 40 ans. L'effet de ces nouvelles règles sur la flambée des prix de l'immobilier (au moins à Calgary, mais on peut généraliser pour la plupart des régions canadiennes) est mis en évidence par ce blogue, qui fournit un beau diagramme...

Or, qui donc était ministre des Finances en 2006? Nul autre que Jim Flaherty, nommé au cabinet en février 2006. Par conséquent, s'il a raison de resserrer les conditions du crédit hypothécaire maintenant, il faut aussi le blâmer de n'avoir rien fait pendant cinq ans — et d'avoir à tout le moins laissé faire la SCHL en 2006. Arrivera-t-il à éteindre sans trop de casse l'incendie qu'il a laissé brûler tout ce temps? Espérons-le, pour notre propre bien...

Hier, Jean Charest accueillait le rapport Bastarache avec un grand sourire, en laissant entendre qu'il était blanchi de tout soupçon (ce qui n'est pas tout à fait le cas, le commissaire Bastarache s'étant contenté d'adopter une définition des preuves requises qui lui permettaient d'écarter les témoignages contradictoires et de ne s'en tenir qu'aux documents les plus positifs, de sorte qu'il devient possible de conclure qu'aucun doute ne subsiste — tout prétexte à doute ayant été exclus d'emblée) et que les réformes proposées seraient examinées dans la perspective d'une adoption éventuelle.

Comme tout le monde l'a relevé, un rapport qui conclut, d'une part, qu'il ne s'est rien passé d'anormal ou d'inquiétant, mais que, d'autre part, il faut changer le système de nomination des juges est plutôt incohérent. Dans le rapport Bastarache, le passage clé est peut-être bien le suivant (p. 216) : « Je crois également que l'absence d'encadrement législatif et de précisions sur les responsabilités des membres de l'exécutif à l'égard de la nomination des juges, ajoutée au manque de transparence du processus, peut laisser place à l'exercice d'influences inappropriées dans ce processus. Il laisse certainement place à la perception que de telles influences sont exercées. Je suis donc d'avis qu'il est nécessaire de combler cette importante lacune. »

Or, ce qui s'est passé depuis l'entrée en fonction de Jean Charest comme premier ministre, c'est que contrairement à ce qui se passait depuis 1994, il recevait les rapports du comité de sélection des juges et la recommandation du ministre de la Justice alors que les premiers ministres précédents avaient laissé leurs ministres effectuer les nominations des juges sans s'en mêler. (Tout au plus Paul Bégin informait-il le premier ministre, en 1994-1997 et 2001-2002, de sa recommandation quelques minutes avant le Conseil des ministres qui entérinait son choix.) Certes, Jean Charest n'aurait jamais rejeté une recommandation du ministre de la Justice, mais le fait même de savoir que cette recommandation serait connue non seulement du premier ministre mais de la responsable de son bureau, Chantal Landry, laisse la porte ouverte à des pressions en sous-main, en particulier en amont, si le ministre de la Justice est le moindrement perméable aux considérations partisanes...

Là encore, Jean Charest aura l'occasion d'éteindre l'incendie qu'il a allumé. Contrairement à Flaherty, il ne semble pas encore déterminé à le faire. Auquel cas il ne serait qu'un pyromane ordinaire...

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2011-01-19

 

Il était une fois... l'espace

L'espace n'est plus ce qu'il était. L'astronaute le plus connu des médias en ce moment est sans doute le mari de la principale survivante de la tuerie de Tucson, Mark Kelly (un peu plus vieux que moi, comme quoi...). Et l'entretien d'une spation spatiale, la mise sur orbite de satellites artificiels ou le lancement de sondes spatiales, c'est devenu de la routine. (Depuis 1957, ce sont environ 6 600 satellites qui auraient été mis sur orbite ; de ce nombre, on estimerait que 560 environ fonctionnent encore. Mais la NASA traque près de 8 000 objets d'origine artificielle en orbite terrestre, un indice de la fragmentation des satellites ou de leurs fusées d'appoint.)

L'an dernier aurait dû débuter la construction d'un ascenseur spatial, du moins selon les projections les plus optimistes de ses promoteurs. Il n'en a rien été. Entre autres problèmes, la solidité des nanotubes de carbone demeure insuffisante, selon les mesures expérimentales, et on est encore loin d'être capable d'en faire des filaments d'une longueur respectable. Du coup, si on rêve encore du jour où on accèdera facilement à l'espace interplanétaire, on doit se tourner vers d'autres projets et d'autres chercheurs, comme par exemple les Britanniques qui travaillent sur un joli avion spatial, le Skylon...

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2011-01-18

 

Financement des partis politiques : la riposte

Puisque Stephen Harper relance l'idée de couper les vivres aux partis politiques bénéficiant d'une contribution directe du gouvernement en fonction des votes obtenus durant les élections, on peut rêver d'autres réformes du financement des partis politiques canadiens.

On pourrait par exemple moduler la subvention du gouvernement en fonction non seulement du nombre de votes obtenus, mais du nombre de candidats présentés. Un parti qui ne présenterait des candidats que dans un nombre limité de circonscriptions — comme le Bloc québécois, disons — obtiendrait moins qu'un parti présent dans toutes les circonscriptions du pays. (Puisque Gilles Duceppe soutient que le Bloc ne dépend pas de ces subventions, il ne pourrait s'objecter à une telle réforme...)

L'opposition pourrait aussi rétorquer à Harper que le système actuel subventionne non seulement les partis politiques mais aussi les contribuables les plus riches qui donnent aux partis politiques. En effet, le crédit d'impôt fédéral auquel donnent droit les contributions politiques aux partis fédéraux n'est pas progressif. Les contributions plus élevées comptent moins, et le total possible est plafonné, mais le crédit d'impôt, à ce que je vois, sera le même que le contribuable gagne 20 000 $ par année ou 80 000 $ par année. Comme ce sont les contribuables les plus riches qui peuvent se permettre de faire ce genre de contributions (et qu'il est permis de soupçonner qu'ils soutiennent préférentiellement les Conservateurs de Harper), ce crédit d'impôt est une subvention déguisée aux partisans des Conservateurs.

Si l'opposition avait des couilles, elle proposerait d'abolir cette subvention des contribuables les plus riches en établissant un seuil au-dessus duquel les contributions politiques ne donneraient plus droit à un crédit d'impôt. À nada au-dessus d'un revenu brut de 50 000 $, par exemple. Ceci permettrait d'ailleurs d'augmenter la valeur du crédit d'impôt pour les moins riches, ce qui pourrait augmenter la participation au jeu politique... Je serais curieux de connaître la réaction de Stephen Harper dans un tel cas...

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2011-01-15

 

Au Québec, tout s'explique (1)

Le Québec n'est pas la seule partie du monde à refuser de regarder les choses en face. Mais l'art de l'explication des réalités déplaisantes y atteint parfois des sommets. Je viens récemment de découvrir le site de l'Institut de recherche sur le français en Amérique (IRFA) dont la première publication annoncée en 2010 avait pour titre — assez délicieusement — Niveaux de participation aux études supérieures : les francophones du Québec ne sont pas anormaux. Notons le présupposé : parce qu'une étude récente (.PDF) de l'Institut de la Statistique du Québec (ISQ) concluait que les francophones du Québec sont proportionnellement moins nombreux que les allophones et les anglophones du Québec à détenir un grade universitaire et parce qu'ils sont également proportionnellement moins nombreux à détenir un grade universitaire que les Franco-Ontariens, cela veut dire que les Québécois francophones seraient anormaux (!)... à moins qu'on parvienne à noyer le poisson. Ce à quoi l'IRFA s'emploie avec diligence dans cette note technique.

Selon l'IRFA, les chiffres bruts (pour 2001) donnent ce qui suit pour la proportion des personnes de 25-34 ans qui détiennent un grade universitaire :

(langue maternelle) — QuébecOntario
anglais — 32,3 % — 25,8 %
français — 22,5 % — 26,7 %
autre(s) — 30,5 % — 36,3 %

En 2006, l'ISQ obtenait les chiffres suivants, guère différents à première vue (peut-être un peu gonflés parce que l'ISQ inclut les certificats universitaires tandis que l'IRFA s'en tient apparemment aux seuls grades universitaires) :

(langue maternelle) — QuébecOntario
anglais — 34,9 % — 29,2 %
français — 24,8 % — 31,3 %
autre(s) — 37,4 % — (indisponible)

L'ISQ avait noté que les immigrants, plus scolarisés que la moyenne, augmentait les chiffres de la scolarisation des allophones. L'IRFA fait remarquer dans sa note technique que, si on tient compte de l'immigration (interprovinciale et internationale, de première et seconde génération), les chiffres pour les populations nées sur place au Québec et en Ontario, de parents nés au Canada, sont les suivants (en date de 2001, parce que les données de 2006 ne permettent pas d'effectuer une telle analyse)

(langue maternelle) — QuébecOntario
anglais — 25,3 % — 21,2 %
français — 21,0 % — 18,8 %
autre(s) — 14,2 % — 13,6 %

Ce résultat est certainement intéressant. Il démontre que l'ISQ avait tort de tirer de la première série de chiffres des conclusions au sujet du système d'éducation de la Révolution tranquille et du rattrapage québécois dans ce domaine. Et dans la mesure où l'ISQ montrait en exemple les francophones ontariens (ce que je ne perçois pas dans le texte de l'ISQ, en fait), il faudrait en rabattre.

Cela dit, il est possible d'émettre certaines réserves en ce qui concerne le discours lénifiant de l'IRFA, qui tend à conclure qu'en raison de la similitude des taux d'obtention d'un grade universitaire des populations anglophones et francophones bien établies au Québec (21,0%) et en Ontario (21,2%), tout va très bien, madame la Marquise...

Tout d'abord, le jupon dépasse plus qu'un peu quand l'IRFA lance que « Les Québécois anglophones "de souche" sont concentrés dans les strates supérieures de la société québécoise » sans citer de source à l'appui. Les statistiques les plus récentes démontrent qu'à l'extérieur des centres urbains, là où l'immigration est plus faible, les revenus des anglophones et francophones québécois sont pratiquement égaux. En l'absence de données plus précises, il est possible de croire que l'écart de revenu (moyen, pas médian) qui subsiste en faveur des anglophones québécois relativement aux francophones serait essentiellement dû à une immigration fortement scolarisée (concentrée dans les villes) et que les anglophones québécois bien établis au Québec ne se distinguent guère des francophones, sauf peut-être par une pauvreté plus marquée dans certains cas. En termes clairs, ceci correspondrait à la division entre une élite anglophone internationale présente dans quelques hautes instances corporatives, récoltant de très forts salaires, et une communauté anglophone établie vivotant avec des salaires réduits (les Juifs d'Outremont, par exemple).

Ensuite, l'ensemble de la discussion de l'IRFA tend à noyer le poisson en ce qui concerne les conséquences d'une scolarisation en retard sur la productivité de l'économie québécoise. La rémunération moyenne par heure travaillée était, en 2009, de 27.72$ au Québec, de 29.43$ au Canada et de 29.90$ en Ontario. Malgré toutes les difficultés connues par l'Ontario en 2009, son économie restait donc plus productive de richesses que le Québec. Y aurait-il un rapport avec une scolarisation insuffisante de la majorité francophone? Voici la question qu'il faudrait poser.

On peut l'illustrer autrement en calculant l'augmentation de la population fortement scolarisée qui résulte de l'immigration pour chaque communauté linguistique dans les deux provinces.

(langue maternelle) — QuébecOntario
anglais — +27,7% — +21,7%
français — +7,1% — +42,0%
autre(s) — +114,8% — 166,9%

Alors que le Québec contrôle depuis déjà assez longtemps son immigration, il n'attire (ou ne retient) pas de francophones fortement scolarisés. En tout cas, nettement moins que l'Ontario n'attire d'anglophones fortement scolarisés. Ceci nous apprend-il quelque chose sur les causes de la productivité économique inférieure au Québec? Sur la réception québécoise des personnes scolarisées et l'ouverture à la connaissance? Voilà des questions qu'il faudrait poser.

Ensuite, il y a un élément de l'étude de l'ISQ que l'IRFA passe soigneusement sous silence : le niveau de faible scolarisation dans les différents groupes linguistiques au Québec. Globalement, le Québec se classe sous la moyenne canadienne pour ce qui est de la population de 25 ans et plus sans diplôme d'études secondaires, cette proportion étant de 22,9% au Québec, de 20,6% dans tout le Canada et de 18,7% en Ontario. Chez les héritiers de la Révolution tranquille, les 25-34 ans et les 35-44 ans, ce sont toujours et encore les francophones du Québec qui sont les plus nombreux à ne détenir aucun diplôme. Les chiffres sont les suivants:

(langue maternelle) — 25-34 ans35-44 ans
anglais — 8,7 % — 10,2 %
français — 12,2 %14,2 %
autre(s) — 11,8% — 13,2 %

Il semble peu probable qu'une immigration qui se démarque par sa forte scolarisation ait pu modifier les chiffres à l'autre extrême. Par conséquent, toute la démarche de l'IRFA tient plus de la justification que de l'analyse. Les faits demeurent : le Québec francophone est à la traîne pour ce qui est de l'éducation (ou fait tout au plus jeu égal) et, surtout, de la valorisation de l'éducation. L'IRFA est parvenue à identifier une sous-catégorie qui permet de voir les choses en rose, mais c'est tout.

Enfin, en ce qui concerne l'Ontario et ses francophones, notons que l'écart entre francophones établis du Québec et de l'Ontario est relativement petit (moins de 2 points de pourcentage) alors que les francophones québécois disposent d'un réseau universitaire très complet tandis que les francophones ontariens doivent soit étudier en anglais soit se satisfaire d'une université francophone et demie. Et que les francophones ontariens, de plus, doivent payer presque trois fois plus que les francophones québécois en frais de scolarité universitaire.

Ce qui peut relancer le débat au sujet de ce modèle québécois qui justifie les bas frais de scolarité universitaire au Québec au nom de l'accès à l'éducation... Que les Québécois francophones « de souche » fassent jeu égal avec les Ontariens anglophones « de souche » en ce qui concerne l'obtention d'un grade universitaire, alors que les frais universitaires ontariens représentent plus du double des frais québécois, est en fait assez inquiétant. Car il faudrait en déduire soit que l'importance des frais exigés n'ait absolument aucune incidence sur le taux de succès des études universitaires soit qu'il existe une différence culturelle entre les deux communautés quant à la valorisation de l'éducation universitaire... De ce point, le choix du gouvernement Charest d'augmenter les frais au Québec correspond à un choix — celui d'adopter la première hypothèse. Un choix obligé, peut-être, dans la mesure où il serait politiquement impossible d'aborder la seconde hypothèse en public. On se souviendra du brouhaha de dénégations qui s'est ensuivi quand Charest a osé avancer que les parents devaient accepter une part de responsabilité dans le décrochage ou non de leurs enfants...

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2011-01-14

 

Guerre asymétrique... ou symétrique?

Les armées occidentales présentes en Afghanistan ont du mal à se défendre des engins explosifs improvisés, tout comme les forces coalisées en Irak précédemment. En un sens, on peut interpréter ces succès comme la preuve de l'efficacité de la guerre asymétrique, dont j'ai déjà parlé. Toutefois, cette asymétrie est peut-être illusoire. Après tout, quand les Talibans adoptent le même rôle que les troupes de l'OTAN en Afghanistan en se montrant au grand jour et en revendiquant publiquement l'autorité sur un territoire donné, ils sont encore plus susceptibles de se faire écharper et décimer, cette fois par les moyens conventionnels et dévastateurs à la disposition des armées modernes. On l'a bien vu au moment de l'invasion de l'Afghanistan en 2001, qui n'a pris que cinq semaines environ.

Ce qui se dégage donc de ces constats, en fait, c'est une symétrie inquiétante dans la vulnérabilité d'une force armée visible si elle est exposée aux coups d'un ennemi déterminé — à condition que l'ennemi en question soit présent sur le même terrain. Pour l'instant, il demeure difficile pour une force sous-armée de projeter son action sur un terrain dont elle est absente, d'où la construction du Mur en Palestine et le contrôle des frontières exercé par les Israéliens de manière à obliger leurs ennemis à recourir à des roquettes primitives nettement moins efficaces que les attaques terroristes individuelles antérieures.

Néanmoins, cette symétrie est suffisante pour qu'on en revienne aux discours des années soixante, qui soulignait déjà l'impasse potentielle qui guette les adversaires en présence dans les guerres dites asymétriques : ni les forces conventionnelles ni les guérillas ne peuvent gagner, dans la plupart des cas, tout au plus peuvent-ils tenir, de part et d'autre, leur ennemi en échec. Du coup, on ne peut que s'en sortir en négociant... mais il faut être deux pour négocier.

Ou on peut renoncer à la violence comme recours, mais chaque génération doit apprendre de nouveau la leçon de son inutilité à long terme.

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2011-01-13

 

Le sexe du milieu

Middlesex, de Jeffrey Eugenides, est un roman qui a fait un certain bruit quand il est sorti, il y a presque dix ans. Je l'ai enfin lu et j'ai pu comprendre une des clés de son succès en constatant qu'Eugenides n'hésite pas à sacrifier aux conventions romanesques. C'est à la fois un des plaisirs et une des faiblesses du roman. Un peu comme dans le cas d'Atonement, j'ai l'impression d'avoir affaire à de la littérature middlebrow qui veut « épater le bourgeois » tout en faisant son petit numéro de charme, un ouvrage qui en jette du point de vue de l'écriture et qui se veut aussi une grande fresque historique, sociale et critique — mais qui est surtout une saga familiale. Certes, la ville de Detroit est dépeinte avec beaucoup d'énergie, de son apogée industrielle de l'entre-deux-guerres à son déclin actuel, qui a parsemé le tissu urbain de terrains vagues, de parcelles ensauvagées et de ruines très photogéniques. En même temps, c'est un peu le destin d'une communauté immigrante, celle des Grecs (anatoliens) exilés par la victoire des Turcs, qui est mis en scène. Il y a la première génération, arriviste, assimilée ou cramponnée à ses traditions. Il y a la seconde génération, carrément assimilée et de plus en plus détachée de sa terre d'origine. Puis, il y a la troisième génération, pour qui le pays ancestral n'est plus qu'un endroit qu'on visite — mais dont les traditions reprennent de l'importance dans les grands moments de l'existence (naissance, mariage, mort).

Les personnages sortent toujours de la moyenne. S'ils sont à Smyrne en 1922, lors de la prise de la ville par les Turcs et l'incendie du gros de l'agglomération, ils font partie des favorisés du sort qui échappent à la mort ou à l'attente de secours incertains. S'ils atterrissent à Detroit durant la Prohibition, ils sont nécessairement mêlés à la contrebande d'alcool, travaillent pour Ford et, de manière un peu plus étonnante, aboutissent dans le temple original de la secte connue sous le nom de Nation of Islam. Si leur commerce est au cœur des émeutes en 1967, ils en ressortent indemnes et plus riches. Et s'ils tombent amoureux, cela peut se passer entre cousins... et même entre frère et sœur. Ce qui fait du narrateur de Middlesex, avec l'aide d'un gène récessif, un pseudo-hermaphrodite.

En fait, tout se tient. Dans une certaine mesure, il faut que le cadre du roman soit baroque pour qu'on accepte un narrateur exceptionnel, et le caractère exceptionnel du narrateur atténue le caractère spectaculaire de certains rebondissements. Bref, si les ficelles peuvent sembler un peu grosses et un peu trop racoleuses, c'est quand même ce qui distingue un certain nombre de romans en anglais, qui conservent une certaine ambition narrative, des ouvrages en français plus ou moins inféodés à l'autofiction (voir le dernier Goncourt).

Néanmoins, tout en ayant lu le roman d'Eugenides avec plaisir, j'ai plus goûté les pages (plus ou moins) historiques que les événements plus récents de la vie de Calliope (à cheval sur les années 60 et 70), dont le récit rappelle de trop nombreux avatars de Bildungsroman. Et les rebondissements forcent parfois la crédulité.

Une des règles de l'écriture narrative, c'est que l'arme à feu présentée au début de l'histoire doit nécessairement servir avant la fin. Accident, meurtre, suicide, peu importe. L'auteur de Middlesex cite nommément cette convention en introduisant un pistolet dans le cadre de l'histoire de Calliope Stephanides — tout en faisant de la révélation de la sexualité ambiguë de son personnage principal, narrateur et narratrice à la fois, la détonation centrale du roman. Le pistolet lui-même ne sert jamais, ni pour défendre le bistro paternel durant les émeutes à Detroit en 1967 ni pour équiper le père de Calliope quand il part livrer une rançon à la personne qu'il croit être le ravisseur de sa fille.

Mais peut-être que l'utilisation d'une arme à feu serait trop banale désormais dans le contexte d'une fiction située aux États-Unis. Trop de duels, de fusillades, d'échanges de tir. Du coup, Eugenides se tourne vers la voiture la plus symbolique des années dorées aux États-Unis, la Cadillac de la famille Stephanides, une voiture qui est de fait une technologie beaucoup plus familière dans la vie de tous les jours. Et la poursuite en voiture est un point d'orgue nettement plus moderne, voie moderniste, que le duel au pistolet. Ce qui permet de faire d'une collision mortelle tout à la fois l'amorce d'un intermède fantastique, une fin tragique et un symbole du déclin de l'industrie automobile (déjà stigmatisée par Unsafe At Any Speed de Nader) qui entraîne celui d'une ville agonisante, Detroit.

Et si ceci nous vaut une agréable envolée fantastique, ce trait est presque trop outré, même s'il présente l'avantage de favoriser les retrouvailles de Calliope avec sa famille tout en lui évitant une confrontation avec son père, qui aurait pu mal finir. Pirouette? Peut-être, hein...

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2011-01-12

 

Gravures curieuses de Hogarth

Longtemps avant Escher, le graveur anglais William Hogarth s'était amusé à dépeindre des perspectives impossibles (si ce n'est que pour illustrer les erreurs des artistes maladroits). On lui connaît une célèbre « Satire on False Perspective » du milieu du XVIIIe s., mais il en existe une autre version, que je donne ci-dessous.Elle est tirée des Graphic Illustrations of Hogarth (1794) de Samuel Ireland, ainsi que ce portrait de famille des très étonnants habitants de la Lune. Il s'agit évidemment d'une allégorie imagée que l'on peut s'amuser à décoder (une pièce d'or ou d'argent tient lieu de visage au monarque à gauche, par exemple...).

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2011-01-11

 

Le beurre d'arachide, une invention québécoise ?

Un des plus anciens brevets décrivant la production d'une pâte à base d'arachides d'une consistance « like that of butter » est un brevet décerné par le bureau des brevets des États-Unis au Montréalais Marcellus Edson en octobre 1884. En tant que tel, ce brevet est plus ancien que le brevet de 1895 obtenu par les frères Kellogg en 1895, même si ceux-ci prétendaient avoir mis au point un beurre de cacahuètes dès 1876. Cela dit, avant l'ère des brevets, il semble bien que la fabrication d'une sorte de beurre était déjà pratiquée par les Aztèques et d'autres peuples ayant cultivé l'arachide.

Qui était Marcellus Gilmore Edson? Selon le recensement canadien de 1881, c'était un pharmacien montréalais du quartier Saint-Antoine (né en 1849 à Bedford au Québec) d'origine ethnique anglaise et marié à une Québécoise d'origine ethnique écossaise, Agnes, de deux ans plus âgée que lui. Ils avaient trois enfants : Herbert, Ivan et Mercer, âgés de 8, 6 et 3 ans respectivement. La famille appartenait à l'Église presbytérienne. Le recensement de 1891 nous apprend que Marcellus est toujours pharmacien, que la famille s'est enrichie d'une fille, Dolly (de son vrai nom Dorothea), et que le fils aîné, Herbert, travaille comme graveur. Et que les deux parents de Marcellus étaient nés aux États-Unis, ce qui explique sans doute pourquoi il s'était tourné vers les États-Unis pour obtenir un brevet (a priori, il ne semble pas avoir obtenu de brevet canadien, mais on ne peut pas savoir s'il avait fait une demande en ce sens). Une fiche généalogique indique qu'il avait épousé Agnes, dont le nom de jeune fille était Houliston, à Trois-Rivières le 7 janvier 1871 et qu'il est mort le 6 mars 1940 (enterré dans le cimetière du Mont-Royal).

Ou bien, pour ne rien savoir de plus mais pour rigoler un peu, il y a une petite vidéo comique en-ligne qui se moque des faits pour livrer une autre version du mythe de l'inventeur héroïque.

Surtout qu'en fin de compte, l'invention de Marcellus Edson avait pour but de fabriquer des bonbons aux arachides, et non une tartinade. La question de la priorité dans ce domaine reste donc ouverte.

Néanmoins, cette invention nous renvoie à une époque de l'histoire du Canada fertile en inventions dans le domaine. Après tout, quelques années p lus tard, deux frères canadiens lançaient la première barre de chocolat emballée et la première boîte de chocolats assortis en forme de cœur (d'abord pour Noël, puis pour la Saint-Valentin)...

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2011-01-10

 

Explorateurs du métro de Paris

Ce site sur l'exploration illicite du réseau de tunnels du Métro de Paris permet de distinguer les véritables audacieux des écrivains qui préfèrent les aventures imaginées. Même avec l'aide de cartes détaillées du réseau, j'avoue aisément que je n'aurais jamais envisagé de me lancer à l'aventure dans les tunnels. Au lieu, j'ai écrit un roman de science-fiction pour jeunes, 13,5 km sous Montréal, qui se passe dans les tunnels du Métro de Montréal après une autre guerre mondiale...

Sinon, je préfère l'archéologie urbaine « publique », à Québec, par exemple, ou à Montréal. Certes, j'ai déjà signalé ce site sur l'exploration des catacombes et autres souterrains de Paris. Et quand je m'étais promené dans le quartier montréalais de Griffintown, j'avais signalé les expéditions d'explorateurs montréalais de sites abandonnés. En ce qui concerne les métros canadiens, il y a aussi des personnes qui s'y risquent à l'occasion (dont celles-ci, qui ont visité deux fois la légendaire station de Lower Bay) et cette FAQ pour explorateurs urbains fait allusion au réseau torontois. Mais je ne trouve pas grand-chose sur des équipées illicites dans les tunnels du métro montréalais...

Par contre, la ville de Québec avait son duo d'explorateurs urbains, mais leur site semble être au point mort depuis plusieurs années, quoique le forum associé reste actif, tout comme le forum canadien.

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2011-01-05

 

Petit paradoxe sur la loi des moyennes

On se fait dire souvent qu'il n'y a pas de loi des moyennes. Pas plus tard qu'hier, dans le Globe and Mail, cet article rappelait que « “If I flip a coin and it comes up heads 10 times, people will say it’s likely to change to tails next time,” says Prof. Darke. “But one event does not relate to the next event. It’s always 50/50.” »

Ce n'est pas faux, mais c'est aussi une question de point de vue. Posons la question autrement. Supposons qu'on a tiré à pile ou face trois fois de suite et qu'on a obtenu face trois fois de suite. Les chances de tomber sur face de nouveau sont effectivement d'une sur deux. Toutefois, si on se demande quelles sont les chances d'obtenir face trois autres fois, la réponse sera différente. Les chances seront de 1 sur 8, car il y a huit enchaînements possibles de piles et de faces (PPP, PPF, PFP, PFF, FPP, FPF, FFP, FFF). Ce qui veut dire que les chances de ne pas obtenir face trois autres fois — de tomber pile au moins une fois — sont majoritaires (7 sur 8). Si on considère que tomber face correspond, par exemple, à compléter un voyage en avion sans accident trois fois de suite, on comprend que des gens s'inquiètent à l'idée que leur « chance » finisse par changer... (Heureusement, la probabilité intrinsèque qu'un avion de ligne ait un accident majeur est très faible de nos jours, de sorte qu'on peut prendre l'avion très souvent sans avoir à craindre un changement relatif important du risque encouru.) Ce qui marche dans les deux sens. On peut trouver encourageant de croire qu'il n'y a pas de lois des séries et qu'en fait, la régression vers la moyenne joue aussi en notre faveur.

Pourtant, même si les chances d'obtenir face trois fois de suite sont minces, la probabilité reste de 50% à chaque fois...

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2011-01-04

 

Le sonnet des surfaces (pour Dagognet)

Cent kilomètres pour composer un sonnet
qui ne serait qu'une simple observation
du Québec moderne et de ses constructions
vues d'un autocar et devenues un sujet

Partout, ce sont textures que je reconnais
Si c'est vieux, c'est rugueux, riche en frictions
Si c'est neuf, c'est lisse et sans granulation
— sauf si celles-ci faisaient partie du projet

Tout est d'emblée pensé, conçu, construit et lié
il n'y a plus l'imprévu de l'irrégulier

Adieu, nature et textures infinies !
Adieu, pierres équarries, chemin de terre
ardoise, briques pétries, planches mal finies !
Bonjour, béton, acier, alu, plastique et verre...

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2011-01-03

 

La minute de l'assaut par Leroy

Le roman de Jérôme Leroy, La Minute prescrite pour l'assaut (2008), est sans conteste de la science-fiction. Il est sans conteste à la page : tout ce qu'on pouvait imaginer comme raisons de s'en faire sur la suite des choses et l'avenir de la Terre s'y retrouve, ou presque, du pic pétrolier de Hubbert à Sarkozy. Il est sans conteste bien écrit : la plume de l'auteur a de la verve, de l'humour, de la poésie et une aptitude à la description en quelques lignes de personnages bien typés et d'emblée sympathiques. Normalement, j'aurais dû être conquis. Pourtant, le thème rebattu de la fin du monde ne m'a pas retenu. Et les personnages restent flous, mis à part Kléber, le hussard noir de la République (qui porte le nom d'un soldat qui débuta dans les hussards) et son amante, Sarah, la gendarme. C'est que, dans la typologie de l'auteur, il y a les bons et les cons, et les bons ont surtout pour supériorité de ne pas faire partie des cons qui poussent à la déliquescence du monde. Il s'agit donc d'une vertu essentiellement négative, car il est loin d'être clair en quoi les bons seraient le moindrement héroïques dans cette histoire. Surtout que Kléber n'a pas fait grand effort en ce sens : au moment où le monde bascule dans le chaos, ses plus glorieux souvenirs de sa vie d'avant sont des moments de pur hédonisme. Si la civilisation s'écroule, on ne peut pas dire que Kléber faisait barrage... En définitive, c'est un ouvrage confit dans ses certitudes (né en 1964, l'auteur fait partie des ultimes baby-boomers, ce n'est donc pas un hasard) et pétri de bonne conscience. Le sens critique n'est pas nécessairement au rendez-vous, toutefois : ainsi, quand l'ouvrage cite des statistiques censées confirmer l'effondrement des choses, il cède à l'erreur que je signalais précédemment qui consiste à prendre au pied de la lettre l'augmentation de l'incidence du cancer en France. Ou bien, il cite une concentration du gaz carbonique dans l'atmosphère qui est hautement improbable (« plusieurs milliers » de parties par million dans un futur à court terme, alors que nous en sommes actuellement à environ 390 ppm volumiques ou 590 ppm massiques) en mélangeant la concentration en parties par million volumiques (le chiffre de 280 étant correct pour le début de l'ère industrielle) et la concentration en parties par million massiques (le chiffre de 540 étant approximativement admissible pour les années soixante-dix). On ne devrait décidément pas laisser les littéraires parler de chiffres.

Néanmoins, l'insistance poétique de l'auteur a quelque chose de marquant. L'ouvrage évoque si amoureusement une certaine idée de la France (républicaine, cultivée, attachée au raffinement des plaisirs) qu'on ne peut pas s'empêcher de trouver de la grandeur dans sa chute même. Et de regretter cette idée de la France...

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2011-01-02

 

Des plongeurs sur la Lune

Avec un retard certain, j'en profite pour signaler que le blogue des futurs périmés (dont je donne le lien dans la colonne de gauche) a été remplacé par un site en bonne et due forme, www.paleofuture.com. C'est une référence au billet portant sur le livre First Men to the Moon (1960) de Wernher von Braun (et ses superbes illustrations techniques détaillées avec soin) qui m'en a rappelé l'existence. Ce qui m'a rappelé du coup un ouvrage pour enfants en ma possession, The First Book of Space Travel (1953) de Jeanne Bendick.Ce petit livre se veut un guide vulgarisé à quelque chose qui n'existait pas encore : l'exploration spatiale. Outre les explications de physique, il y a des illustrations déjà assez justes, comme celle-ci d'un scaphandre spatial...Mais j'ai aussi retenu le billet rappelant qu'en 1983, le Wall Street Journal rapportait qu'on ne robotiserait jamais certaines tâches, selon les experts. Comme le rasage, peut-être? Le blogue l'illustre avec une image tirée d'un petit film de 1937 mettant en vedette Donald Duck et illustrant un robot coiffeur (ou coiffeur robot). À quoi je joins cette gravure française du XVIIIe s. (extraite de La Nature, 1887, 128) illustrant un « moulin à barbe » sans doute relié à cette facétie de 1749, peut-être inspirée par une hâblerie du XVIIe s. du maréchal de Gramont selon Tallemant des Réaux, qui prétendait que le maréchal avait raconté qu'en ses terres, « il avoit un moulin à rasoirs, où ses vassaux se faisoient faire la barbe à la roue, en deux coups, en mettant la joue contre.» ...

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2011-01-01

 

Bonne Année 2011 !

Devant les remparts de la vieille ville de Québec, ce sapin de Noël brillait de tous ses feux la nuit dernière... Le temps était doux (pour tout dire, des pans de neige glacée se détachaient des toits et tombaient sur la voie publique) et le centre-ville abritait de nombreux merveilles visuelles à découvrir avant le début de l'an nouveau.

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