2010-02-17

 

McLuhanesque

McLuhan l'avait prévu et les Jeux Olympiques le démontrent : à l'ère des communications électroniques, le tribalisme se porte bien.

Sauf peut-être dans un domaine dont la réinvention de la tribu a longtemps fasciné les anthropologues, celui des fans de science-fiction. Depuis plusieurs années, pourtant, ces tribus de fans attachés à des créations littéraires ou médiatiques bien particulières s'étiolent. Leurs membres vieillissent et cessent de se déplacer pour reconstituer comme avant des tribus instantanées et éphémères. Mais se pourrait-il que McLuhan soit également capable de expliquer ce phénomène? Ou du moins, que ses théories puissent nous éclairer en fournissant une interprétation possible?

Dans le monde anglophone, le fandom attaché à Star Trek et au Doctor Who a longtemps constitué le noyau dur de la relève des années soixante-dix, quand les congrès ont commencé à gonfler et qu'il a fallu des fans actifs pour soutenir les clubs, les congrès et les zines. Il est frappant de constater qu'en dépit du succès presque ininterrompu de nombreux films et séries depuis cette époque, on n'a pas nécessairement revu une telle vague de fond. Serait-ce justement parce que les effets spéciaux bas de gamme et l'image en noir et blanc (tout le monde n'avait pas encore une télé couleur) favorisaient cette participation tactile du spectateur que décrivait McLuhan pour expliquer l'engagement politique de la génération des années soixante? De ce point de vue, la basse résolution de la télévision de cette époque lointaine en aurait fait un média cool, au sens mcluhanien du terme, obligeant les spectateurs à se projeter dans les failles de l'image pour les combler et construire eux-mêmes l'univers pré-supposé par ce qu'ils entrevoyaient. Une telle construction active étant nettement plus valorisante que la simple immersion dans un univers à haute résolution (comme Avatar), les fans auraient naturellement poursuivi sur la lancée pour se mêler d'organiser des congrès, de publier des fanzines ou d'adhérer à des clubs...

Par contre, depuis les effets spéciaux perfectionnés de 2001, Star Wars, Battlestar Galactica et l'avènement de la télé en couleurs pour tous (en attendant la haute définition), la science-fiction cinématographique ou télévisuelle bénéficierait d'un effet de réel qui en ferait un média hot, toujours au sens mcluhanien du terme. Un mode de communication dont la perfection même incline à la passivité.

Mais il existe un espoir... Les anime japonais demeurent résolument attachés à un graphisme vieux jeu dont l'esthétisme peut faire oublier qu'ils représentent le monde en (très) basse résolution. Au petit comme au grand écran, ils ramèneraient donc les spectateurs vers les médias cool d'antan... Est-ce un hasard si le fandom des séries japonaises est particulièrement dynamique et prompt à sortir de chez soi? L'avenir appartient-ils aux otaku?

En ce qui concerne la chose écrite, cette analyse pourrait également s'appliquer, qui sait? Dans l'histoire du genre, ce sont parfois les romans et les nouvelles rédigés dans un style primaire, à la va-vite, qui ont suscité le plus de fans actifs... Il faudrait donc blâmer le déclin de la science-fiction sur le perfectionnement de son écriture par ses auteurs!

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