2009-02-16

 

Une thèse sur la science-fiction canadienne (et quelques autres)

Les vétérans du milieu de la science-fiction au Canada se souviennent peut-être des recherches conduites par Henry Leperlier vers le milieu des années quatre-vingt-dix afin de mener à bien sa thèse de doctorat en littérature canadienne comparée à l'Université de Sherbrooke. Il avait profité de l'existence des premières listes de distribution électronique et de l'acquisition d'adresses de courriel par un nombre grandissant d'auteurs pour communiquer directement avec les principaux acteurs et intervenants du milieu, de sorte que sa thèse s'appuie non seulement sur les ouvrages imprimés mais sur les témoignages et points de vue des membres du milieu.

Intitulée Canadian Science Fiction: A Reluctant Genre (.PDF), cette thèse est disponible sur le site des thèses canadiennes. Leperlier n'est pas un historien ou un théoricien, et il ne faut pas compter sur ce texte pour faire des découvertes sur le passé de la SF canadienne, ou pour en savoir plus sur la définition de la science-fiction. Mais il livre, dans cette thèse relativement courte (212 pages), une description fouillée de la situation de la science-fiction canadienne vers 1996, alors riche d'une évolution de vingt ans et porteuse d'un certain nombre de discours. C'est à la fois la force et la faiblesse de l'œuvre, qui ne transcende pas son époque d'origine même si elle en dresse un portrait fidèle.

L'insularité de la SFQ n'échappe pas au regard de l'auteur, car Leperlier relève aussi bien la revendication de l'appartenance québécoise dans le sigle le plus usité pour une littérature qui déborde le Québec que l'exclusion de tout texte en anglais (même du Québec) traduit dans les anthologies de « SFQ », tandis qu'une anthologie canadienne-anglaise comme Tesseracts est ouverte aux traductions du français. En même temps, il reconnaît que l'inclusion des auteurs francophones par les ouvrages en anglais tient aussi du désir de se démarquer de la science-fiction des États-Unis — besoin que les anthologistes francophones n'éprouvent pas. Et il relève que cet insularisme n'est que la rançon de la cohérence du milieu de la SFCF dont les institutions éditoriales et critiques demeuraient fort enviables à cette époque pour les auteurs anglophones du reste du Canada.

Leperlier, né en France de parents d'origine viêtnamienne et réunionnaise, est une incarnation du multiculturalisme. La biographie fournie par sa thèse spécifie qu'en 1998, il enseignait le français et l'espagnol à Dublin, ainsi que la traduction, au terme d'études en anglais, allemand et économie à Grenoble. Après avoir pratiqué la traduction du français et du néerlandais à l'anglais, et enseigné le gaélique irlandais à Bruxelles, il a travaillé comme informaticien à l'adaptation des logiciels à des langues comme le chinois et l'inuktitut. Bref, il se présente comme parlant couramment l'anglais, le français, l'espagnol, le gaélique irlandais, le breton et l'allemand, en plus d'avoir une bonne connaissance du chinois, du néerlandais, du russe, de l'italien, du catalan, du créole, du danois et du suédois... De quoi flanquer un complexe d'infériorité à la plupart des Canadiens.

L'année 1998 a d'ailleurs été fertile en thèses sur la science-fiction au Canada puisque, la même année, celle de Salvatore Proietti, The Cyborg, Cyberspace, and North American Science Fiction (.PDF), était acceptée par le département d'anglais de l'Université McGill. L'année précédente, Donna Louise Harris avait soumis une thèse de maîtrise au département d'anglais de l'Université du Manitoba sur le sujet de la maternité dans la science-fiction: Acts of Genesis: A Feminist Look at the Changing Face of the Mother in Selected Works of Science Fiction by Women (.PDF). Toujours en 1997, Ann F. Howey avait remis une thèse de doctorat, Once and Future Women: Popular Fiction, Feminism and Four Arthurian Rewritings (.PDF), au département d'Anglais de l'Université de l'Alberta, qui portait sur plusieurs autrices, dont Marion Zimmer Bradley.

Une autre thèse de maîtrise était soumise en 2000 au département des littératures de l'Université Laval par Daniel Laforest, Un fantôme dans la machine : Questionnement sur la déshumanisation postmoderne en lien avec le thème de la machine (.PDF); malgré le titre, il n'était pas question de Ghost in the Shell, l'auteur s'intéressant plutôt à Crash, Microserfs et Blade Runner. En 2000 aussi, Lucie Lalonde signait une thèse sur l'utilisation de la science-fiction pour la communication scientifique, An Examination of Science Fiction with a View Towards Improving Scientific Literacy (.PDF), au département d'Éducation de l'Université Concordia.

Plus récemment encore, Jocelyn Lefèvre a soumis en 2002 une thèse de maîtrise au département de Lettres anglaises de l'Université d'Ottawa qui portait sur le cyborg : Caught in the Mirror: Fictional Representation of "Cyborgs" and "Serials" in Postmodern American Technoculture (.PDF). Mais ce ne sont que les thèses disponibles sous forme électronique : le répertoire complet comprend une cinquantaine de thèses dont le titre comprend le mot « science-fiction », dont des thèses de Carine Tremblay, Sandrine Nicolas et Julie Dallaire sur Esther Rochon ou Élisabeth Vonarburg, la thèse de Kim G. Kofmel (dont j'ai connu quelques travaux préliminaires fascinants) sur les lecteurs de science-fiction, les thèses de Pamela Bedore, Tara Aletha Dentry, Ross Edward Glanfield, Jessica Georgina Harvey, Cara L. James, Maureen C. LaPerrière, Patrica Ellen Mascaro, Christine Mary Reed, Athanassia Spillios et Annegret Johanne Wiemer sur la sf féministe, la thèse de Ruth A. Dyck Fehderau sur Monica Hughes, l'analyse typologique de la science-fiction canadienne par la thèse de maîtrise de Randy Woods, la thèse de Patricia Anne Wilson sur les croyants catholiques en science-fiction (!), la thèse de Fernando « Nando » Michaud, la thèse de Rita Painchaud sur la « Constitution du champ de la science-fiction au Québec, 1974-1984 », la thèse de Matthew David Brock Rose sur la science-fiction russe et soviétique, la thèse de Roger Francis Bakes sur Brian Aldiss, celle de Timothy Newman sur Ursula K. Le Guin, la recension de la science-fiction allemande dans les revues d'Hugo Gernsback (1926-1935) par Linda Jordan en 1987, les deux thèses de Sophie Beaulé et les deux thèses de Veronica Hollinger, la thèse d'Adam Nichols sur la science-fiction comme littérature d'idées de 1911 à 1979, la thèse sur la science-fiction française de Jean-Marc Gouanvic, la thèse d'Isa Ulrike Gabbe sur Auf zwei Planeten (1897) de Kurd Lasswitz et, enfin, la thèse de Gouanvic sur Vian et la science-fiction en 1976 qui semble être la plus ancienne dans ce répertoire à mentionner la science-fiction dans son énoncé.

Concluons sur quelques thèses récentes qui n'ont pas l'air ennuyeuses : celle de Jordan Fouts sur les cataclysmes dans la science-fiction russe depuis la Pérestroïka, After the end of the line: apocalypse, post- and proto- in Russian science since Perestroika (.PDF); la thèse de maîtrise de Daniel Racicot à l'UQTR en 2007 sur les discours de la science postmoderne dans Dune; celle de Meighan Sarah C. McCrae sur les ouvrages de Zukunftskrieg et les peurs d'invasion en Grande-Bretagne; et celle d'André Caron à Concordia sur la « xénopsie ».

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Comments:
Et pour une réflexion en cours (du côté français) : http://yannickrumpala.wordpress.com/category/science-fiction-et-theorie-politique/
 
j'espere qui certains de ces personnes impressionnantes viennent à Worldcon . . .
 
J'aimerais bien, mais je ne connais qu'à peine une poignée de ces personnes.

Mais si l'une d'elles tombe sur mon blogue, j'en profite pour rappeler ici la tenue du congrès mondial de science-fiction à Montréal en août 2009, Anticipation.
 
wowwwww... bravo à votre blogue culture des futurs
dont le témoignage universitaire
illustre bien paradoxalement
cette question de doctorat qui est mienne
en phénoménologie:)))

Si une personne
prend soin
de la beauté du monde
se peut-il que
la beauté du monde
prenne soin
de cette personne?)))

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DANS LA BEAUTE DU MONDE

dans la beauté du monde
dans la beauté du monde
je marcherai

deux âmes sioux m’inondent
deux âmes sioux m’inondent

dans votre beauté du monde
France et Jean-René
je marcherai

suis devenu

un arbre qui marche
parce qu’il relève ses racines

un doux vieillard
qui le soir délasse ses bottines

une belle jeune fille
qui r’trousse sa jupe
parce qu’elle dessine

le bout d’ses pieds
dans la rivière

dejà fini
l’été d’hier

reste le canot de Jean-René
les fruits de France et sa bonté

sur leur galerie
de Notre-Dame de Montaubant

je me prépare pour l’hiver
tel un enfant

car mes deux ames sioux
ont fait de moi
un arbre-fou

comme le canot de Jean-René
sur la rivière Batiscan

comme les fruits de sa belle France
de Notre-Dame de Montauban

je traverserai
l’éternité
en marchant
la neige et le vent

Pierrot
vagabond céleste

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http://www.enracontantpierrot.blogspot.com
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http://www.demers.qc.ca
chansons de pierrot
paroles et musique

sur YOUTUBE,
Simon Gauthier, conteur, video vagabond celeste

MONSIEUR 2.7K
roman philosophique
relié à la recherche doctorale
www.reveursequitables.com, presse, MONSIEUR 2.7K
 
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