2006-08-05
L'aéroport introuvable
Depuis les débuts, l'ère de l'aviation n'a pas été simple à Montréal... Mais passons sur l'éphémère mât d'amarrage de Saint-Hubert destiné aux dirigeables façon Zeppelin de l'entre-deux-guerres qui a perdu toute utilité après la série d'accidents arrivés aux dirigeables des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de l'Allemagne, qui ont essentiellement mis fin à la navigation aérienne par dirigeable après 1937... (On peut voir ci-contre le dirigeable britannique R-100 amarré le 1er août 1930 à Saint-Hubert dans une photo du Bureau de cinématographie du gouvernement canadien/Bibliothèque et Archives Canada / PA-117693. L'auteur canadien de science-fiction Emmanuel Desrosiers fut du nombre des visiteurs qui affluèrent pour le contempler de près et il rédigea d'ailleurs un petit billet sur l'aérostat. Il existe toujours un petit aérodrome dans cette partie de la Rive Sud, mais elle est plus connue maintenant pour être le siège de l'Agence spatiale canadienne.)
Plus tard, il y a eu Dorval, que je me souviens d'avoir fréquenté dans mon enfance avant l'ouverture de Mirabel, lequel reste pour moi l'idéal d'un aéroport moderne — exception faite des navettes qu'il fallait emprunter au début pour se rendre de l'aérogare aux avions. Mais la simplicité et la lisibilité de la conception, ainsi que son développement en hauteur qui empêchait de se sentir à l'étroit, en faisaient un aéroport spacieux où on ne perdait pas son temps dans les couloirs.
Évidemment, Mirabel avait été prévu pour accueillir des foules qui justifieraient cette débauche d'espace et un tel nombre d'avions que les jetées auraient dû s'étirer sur des distances que les concepteurs ont refusé de faire couvrir par les voyageurs, leur substituant donc des navettes... Il est devenu l'éléphant blanc par excellence lorsque ce futur ne s'est jamais réalisé. Exemple donc d'un fiasco de la planification, il avait été imaginé avant le premier choc pétrolier et avant l'électrochoc de l'élection du PQ, quand on prévoyait que la croissance des vols internationaux, reposant sur le combustible à bon marché, ne s'arrêterait jamais et que la seule région de Montréal compterait sept millions d'habitants en l'an 2000! (Cette dernière prévision datait sans doute des dernières années du baby-boom et ne tenait pas compte de l'aggravation du déficit migratoire qui se produirait après 1976, réduisant la population et affectant sa croissance future.)
L'aéroport de Mirabel a donc été construit par des gens qui voyaient grand (ce dont témoignent les expropriations massives dans la région), mais pas au point de le relier au cœur de l'agglomération par quelque liaison ferroviaire que ce soit. On ne réclamait pas un maglev, mais il n'y a jamais rien eu. Pendant près de trente ans, les voyageurs ont dû se satisfaire de l'autobus, du taxi ou de la voiture pour aller prendre l'avion à Mirabel.
Depuis, retour à Dorval. Et nouvelle démonstration de l'incapacité très répandue au Canada à penser l'intégration des aéroports dans la trame des transports urbains. À Ottawa, ville moyenne dont la population régionale est grosso modo le tiers de l'agglomération montréalaise, il y a un autobus qui, à raison de deux ou trois fois l'heure, ramasse et dépose les voyageurs à la porte de l'aérogare en faisant le lien avec le cœur de l'agglomération.
Rien de tel pour Dorval, qui est un chef-d'œuvre d'inaccessibilité. On peut bien critiquer l'esthétique des agrandissements de l'aérogare, mais l'accès à l'aéroport Trudeau reste un tel calvaire qu'on soupçonne une conspiration des chauffeurs de taxi pour décourager tous les concurrents potentiels.
Par la route, à l'arrivée comme au départ, il faut triompher d'une signalétique routière déficiente et d'une succession de changements de voie et de route — en moins d'un kilomètre à vol d'oiseau! Les ingénieurs responsables n'ont pas manqué d'infliger au pauvre chauffeur la spécialité locale des bretelles enchaînées de si près que les voitures survenant par une rampe doivent ruser avec celles qui veulent quitter par la rampe suivante. Sans parler du non-sens d'un rond-point découpé par des feux successifs... Une fois à l'aéroport, l'automobiliste doit verser des sommes pharamineuses pour se garer et s'il reste le moindrement longtemps sur place, il ne s'en tirera pas à moins d'une dizaine de dollars pour le stationnement.
Quant au voyageur qui voudrait arriver du centre-ville en train ou en autobus, il débarquera à moins d'un kilomètre de l'aérogare, parfaitement visible et parfaitement inaccessible. Pas moyen de marcher. Du terminus de la gare Dorval, il faut prendre un autobus qui franchira le kilomètre restant. Sauf que d'abord, il faut l'attendre... On touche là au comble de l'absurde : en partant du centre-ville de Montréal, on peut emprunter un autobus ou en train qui couvrira plus de 95% de la distance jusqu'à l'aéroport, mais qui forcera le passager à attendre un autre autobus pour franchir les quelques centaines de mètres qui restent. On est loin des aéroports européens qui offrent souvent une liaison directe par le métro ou le train de banlieue ou l'autobus municipal entre l'aérogare et la ville proprement dite.
Bref, si les abords de l'aéroport Trudeau rappellent le Kazakhstan au consultant Simon Anholt, ce n'est peut-être pas seulement la traversée de banlieues quelconques et des friches industrielles qui le séparent du centre-ville qui lui a inspiré cette comparaison dévastatrice, mais il a peut-être remarqué aussi tout ce qui a été accompli pour compliquer la tâche du voyageur...
Plus tard, il y a eu Dorval, que je me souviens d'avoir fréquenté dans mon enfance avant l'ouverture de Mirabel, lequel reste pour moi l'idéal d'un aéroport moderne — exception faite des navettes qu'il fallait emprunter au début pour se rendre de l'aérogare aux avions. Mais la simplicité et la lisibilité de la conception, ainsi que son développement en hauteur qui empêchait de se sentir à l'étroit, en faisaient un aéroport spacieux où on ne perdait pas son temps dans les couloirs.
Évidemment, Mirabel avait été prévu pour accueillir des foules qui justifieraient cette débauche d'espace et un tel nombre d'avions que les jetées auraient dû s'étirer sur des distances que les concepteurs ont refusé de faire couvrir par les voyageurs, leur substituant donc des navettes... Il est devenu l'éléphant blanc par excellence lorsque ce futur ne s'est jamais réalisé. Exemple donc d'un fiasco de la planification, il avait été imaginé avant le premier choc pétrolier et avant l'électrochoc de l'élection du PQ, quand on prévoyait que la croissance des vols internationaux, reposant sur le combustible à bon marché, ne s'arrêterait jamais et que la seule région de Montréal compterait sept millions d'habitants en l'an 2000! (Cette dernière prévision datait sans doute des dernières années du baby-boom et ne tenait pas compte de l'aggravation du déficit migratoire qui se produirait après 1976, réduisant la population et affectant sa croissance future.)
L'aéroport de Mirabel a donc été construit par des gens qui voyaient grand (ce dont témoignent les expropriations massives dans la région), mais pas au point de le relier au cœur de l'agglomération par quelque liaison ferroviaire que ce soit. On ne réclamait pas un maglev, mais il n'y a jamais rien eu. Pendant près de trente ans, les voyageurs ont dû se satisfaire de l'autobus, du taxi ou de la voiture pour aller prendre l'avion à Mirabel.
Depuis, retour à Dorval. Et nouvelle démonstration de l'incapacité très répandue au Canada à penser l'intégration des aéroports dans la trame des transports urbains. À Ottawa, ville moyenne dont la population régionale est grosso modo le tiers de l'agglomération montréalaise, il y a un autobus qui, à raison de deux ou trois fois l'heure, ramasse et dépose les voyageurs à la porte de l'aérogare en faisant le lien avec le cœur de l'agglomération.
Rien de tel pour Dorval, qui est un chef-d'œuvre d'inaccessibilité. On peut bien critiquer l'esthétique des agrandissements de l'aérogare, mais l'accès à l'aéroport Trudeau reste un tel calvaire qu'on soupçonne une conspiration des chauffeurs de taxi pour décourager tous les concurrents potentiels.
Par la route, à l'arrivée comme au départ, il faut triompher d'une signalétique routière déficiente et d'une succession de changements de voie et de route — en moins d'un kilomètre à vol d'oiseau! Les ingénieurs responsables n'ont pas manqué d'infliger au pauvre chauffeur la spécialité locale des bretelles enchaînées de si près que les voitures survenant par une rampe doivent ruser avec celles qui veulent quitter par la rampe suivante. Sans parler du non-sens d'un rond-point découpé par des feux successifs... Une fois à l'aéroport, l'automobiliste doit verser des sommes pharamineuses pour se garer et s'il reste le moindrement longtemps sur place, il ne s'en tirera pas à moins d'une dizaine de dollars pour le stationnement.
Quant au voyageur qui voudrait arriver du centre-ville en train ou en autobus, il débarquera à moins d'un kilomètre de l'aérogare, parfaitement visible et parfaitement inaccessible. Pas moyen de marcher. Du terminus de la gare Dorval, il faut prendre un autobus qui franchira le kilomètre restant. Sauf que d'abord, il faut l'attendre... On touche là au comble de l'absurde : en partant du centre-ville de Montréal, on peut emprunter un autobus ou en train qui couvrira plus de 95% de la distance jusqu'à l'aéroport, mais qui forcera le passager à attendre un autre autobus pour franchir les quelques centaines de mètres qui restent. On est loin des aéroports européens qui offrent souvent une liaison directe par le métro ou le train de banlieue ou l'autobus municipal entre l'aérogare et la ville proprement dite.
Bref, si les abords de l'aéroport Trudeau rappellent le Kazakhstan au consultant Simon Anholt, ce n'est peut-être pas seulement la traversée de banlieues quelconques et des friches industrielles qui le séparent du centre-ville qui lui a inspiré cette comparaison dévastatrice, mais il a peut-être remarqué aussi tout ce qui a été accompli pour compliquer la tâche du voyageur...