2011-02-27
Avant le Big Bang
Nos vies sont bornées dans le temps, mais ce serait triste que l'Univers aussi ne soit pas éternel.
La pensée humaine rechigne à croire que l'Univers puisse être commensurable, que ce soit dans l'espace ou dans le temps. Treize ou quatorze milliards d'années, c'est trop peu de temps depuis le Big Bang. En dollars, la somme équivalente achèterait à peine une réfection complète des routes du Québec... Et même si l'avenir est plus long, et même si la fin des temps est plus éloignée, c'est encore trop peu.
Jadis, les philosophes ont imaginé un cosmos éternel, pur et immuable au-delà de la sphère sublunaire. Jadis, les croyants ont imaginé une divinité éternelle et immuable, qui pouvait créer un monde vieux de quelques milliers d'années au besoin, mais qui demeurait sans fin et sans commencement. Jadis, les plus imaginatifs ont fait sauter les notions de fin et de commencement en postulant des univers cycliques, renaissant comme le phénix de leurs cendres...
Aujourd'hui encore, nous refusons que l'Univers soit mortel. La preuve, c'est que, l'an dernier, Roger Penrose a proposé (ce qu'on retrouve sous une autre forme, il me semble, dans Suprématie) qu'il était possible de discerner dans la structure du bruit de fond cosmique des vestiges de l'Univers qui aurait précédé le nôtre. Et deux Univers, c'est tout de suite égal à une infinité d'Univers.
À condition de ne pas croire à des structures observables purement aléatoires...
La pensée humaine rechigne à croire que l'Univers puisse être commensurable, que ce soit dans l'espace ou dans le temps. Treize ou quatorze milliards d'années, c'est trop peu de temps depuis le Big Bang. En dollars, la somme équivalente achèterait à peine une réfection complète des routes du Québec... Et même si l'avenir est plus long, et même si la fin des temps est plus éloignée, c'est encore trop peu.
Jadis, les philosophes ont imaginé un cosmos éternel, pur et immuable au-delà de la sphère sublunaire. Jadis, les croyants ont imaginé une divinité éternelle et immuable, qui pouvait créer un monde vieux de quelques milliers d'années au besoin, mais qui demeurait sans fin et sans commencement. Jadis, les plus imaginatifs ont fait sauter les notions de fin et de commencement en postulant des univers cycliques, renaissant comme le phénix de leurs cendres...
Aujourd'hui encore, nous refusons que l'Univers soit mortel. La preuve, c'est que, l'an dernier, Roger Penrose a proposé (ce qu'on retrouve sous une autre forme, il me semble, dans Suprématie) qu'il était possible de discerner dans la structure du bruit de fond cosmique des vestiges de l'Univers qui aurait précédé le nôtre. Et deux Univers, c'est tout de suite égal à une infinité d'Univers.
À condition de ne pas croire à des structures observables purement aléatoires...
Libellés : Astronomie, Espace
2011-02-26
Rencontres à Bouquinville
Comme annoncé précédemment, c'était aujourd'hui au tour de Laurent McAllister de faire acte de présence au Salon du livre de l'Outaouais. Toutefois, les « deux corps » en un de Laurent McAllister ont semé la confusion chez notre distributeur, de sorte qu'une moitié de l'auteur s'est retrouvée en train de signer en compagnie de nul autre que Gilles Duceppe. Si si! La preuve suit...Mais comme la place manquait pour signer à deux, Laurent a changé de table pour se retrouver dans un recoin moins achalandé qui nous a néanmoins permis de faire quelques rencontres. Entre autres, nous avons eu le plaisir de revoir une ancienne participante à un de nos ateliers d'écriture. Avant de quitter pour un souper à Roquelune qui incluait une fondue chinoise à la viande de kangourou, du soda au gingembre jamaïcain et l'indéfinissable Marmite, j'ai croisé la Savante Folle, visité le kiosque des éditions Alire, salué une collègue (encore plus rapide à dégainer l'appareil photo que moi) et confirmé la présence sur place de mon recueil Les Marées à venir sur les étagères du Vermillon au RÉCF. Avis aux amateurs...
Le Salon m'a semblé un peu moins achalandé que certaines années le samedi, mais les bénévoles sont toujours aussi sympathiques. Le principal défi reste l'emplacement, toujours aussi étroit pour un salon qui craque aux entournures...
Le Salon m'a semblé un peu moins achalandé que certaines années le samedi, mais les bénévoles sont toujours aussi sympathiques. Le principal défi reste l'emplacement, toujours aussi étroit pour un salon qui craque aux entournures...
Libellés : Salon du livre
2011-02-25
Fraîcheur éternelle de la fiction pour les regards neufs
Aujourd'hui, double passage à Bouquinville. En matinée et début d'après-midi, c'était comme figurant dans le grand rituel annuel de la visite du Salon du livre de l'Outaouais par des hordes de jeunes. J'incarnais tout le contraire d'un rôle de composition : celui de l'auteur pour jeunes offert en pâture aux écoliers en maraude et qui pourrait être avantageusement remplacé à l'occasion par une statue de cire souriante. Ou un robot capable de signer des dédicaces sur le premier bout de papier ou carton venu... J'aurais volontiers signé des marque-pages — si j'en avais eu. Je me suis donc contenté de vendre ou essayer de vendre des livres, en faisant à l'occasion la conversation avec des fans de SF. J'avais à portée de main les étagères remplies de livres de la collection Jeunesse-Pop pour me rassurer que je n'étais pas seul de mon espèce dans ce coin du Salon.En soirée, je suis revenu dire bonjour aux amis et collègues, de l'invité d'honneur Christian Quesnel, reconnu pour une BD historique qui se passe du côté de Saint-André-Avellin, à Claude Bolduc et Jonathan Reynolds, entre autres. Et profiter d'un cocktail dînatoire pour me rappeler ma carrière de pique-assiette à temps partiel, du temps où j'étais journaliste étudiant de l'autre bord de la rivière des Outaouais...
Cela dit, un auteur ne peut pas rester désabusé longtemps dans un salon du livre. Même si l'abondance de livres souligne la vanité de certains espoirs, le regard brillant de curiosité des jeunes qui choisissent tel ou tel livre rappelle à point nommé que les livres conservent leur attrait pendant des années et que le plaisir de découvrir un nouvel auteur et un univers tout neuf reste toujours aussi vif d'une génération à l'autre...
Cela dit, un auteur ne peut pas rester désabusé longtemps dans un salon du livre. Même si l'abondance de livres souligne la vanité de certains espoirs, le regard brillant de curiosité des jeunes qui choisissent tel ou tel livre rappelle à point nommé que les livres conservent leur attrait pendant des années et que le plaisir de découvrir un nouvel auteur et un univers tout neuf reste toujours aussi vif d'une génération à l'autre...
Libellés : Salon du livre
2011-02-24
Au Québec, tout s'explique (2)
Au Québec, disais-je, tout s'explique et tout se justifie.
Lorsque Maclean's a fait sa une avec un court article sur la corruption au Québec, le tollé de récriminations et de dénégations était presque unanime, Charest étant le premier à s'y joindre (se sentait-il visé?) en s'empressant de réclamer des excuses. La revue s'est défendue, mais ce sont surtout les événements et révélations des derniers mois qui donnent raison au fond, sinon à la forme de la charge. Le problème, ce ne sont pas les accusations spécifiques ou la question de savoir si le Québec fait pire que les autres provinces canadiennes. La semaine dernière, par exemple, quatre politiciens provinciaux (dont trois en fonction) ont été accusés de malversation en Nouvelle-Écosse... mais ce qui frappe justement au Québec, c'est l'impunité quasi générale. Les scandales dans le monde municipal ou l'industrie de la construction font le bonheur des médias. Certes, l'opération Marteau a arrêté l'ancienne mairesse de Boisbriand. Mais les maires de Terrebonne ou Mascouche se cramponnent, celui de Laval se fait tout petit dans son coin, celui de Montréal ne sait jamais rien de ce qu'il devrait savoir et celui de Québec ne veut rien savoir. Seul ce dernier jouit encore d'une réputation d'honnêteté, même si l'affaire Rapaille fait encore rigoler et même si Labeaume semble déterminé à jouer le rôle d'un nouveau Duplessis à qui il ne manquerait qu'une bonne loi du cadenas...
L'accumulation est telle qu'on ne sait plus où donner de la tête : manigances douteuses à l'hôtel de ville de Montréal, ultimes tentatives du maire de Mascouche de rester en poste, affaiblissement des procureurs au Québec... et refus obstiné de Jean Charest de faire la lumière sur l'industrie de la construction.
La seule bonne nouvelle de la semaine, c'est que le site québécois QuébecLeaks est prêt à accueillir les documents qu'on voudra bien lui fournir...
Lorsque Maclean's a fait sa une avec un court article sur la corruption au Québec, le tollé de récriminations et de dénégations était presque unanime, Charest étant le premier à s'y joindre (se sentait-il visé?) en s'empressant de réclamer des excuses. La revue s'est défendue, mais ce sont surtout les événements et révélations des derniers mois qui donnent raison au fond, sinon à la forme de la charge. Le problème, ce ne sont pas les accusations spécifiques ou la question de savoir si le Québec fait pire que les autres provinces canadiennes. La semaine dernière, par exemple, quatre politiciens provinciaux (dont trois en fonction) ont été accusés de malversation en Nouvelle-Écosse... mais ce qui frappe justement au Québec, c'est l'impunité quasi générale. Les scandales dans le monde municipal ou l'industrie de la construction font le bonheur des médias. Certes, l'opération Marteau a arrêté l'ancienne mairesse de Boisbriand. Mais les maires de Terrebonne ou Mascouche se cramponnent, celui de Laval se fait tout petit dans son coin, celui de Montréal ne sait jamais rien de ce qu'il devrait savoir et celui de Québec ne veut rien savoir. Seul ce dernier jouit encore d'une réputation d'honnêteté, même si l'affaire Rapaille fait encore rigoler et même si Labeaume semble déterminé à jouer le rôle d'un nouveau Duplessis à qui il ne manquerait qu'une bonne loi du cadenas...
L'accumulation est telle qu'on ne sait plus où donner de la tête : manigances douteuses à l'hôtel de ville de Montréal, ultimes tentatives du maire de Mascouche de rester en poste, affaiblissement des procureurs au Québec... et refus obstiné de Jean Charest de faire la lumière sur l'industrie de la construction.
La seule bonne nouvelle de la semaine, c'est que le site québécois QuébecLeaks est prêt à accueillir les documents qu'on voudra bien lui fournir...
2011-02-23
Mes présences au Salon du livre de l'Outaouais
Sauf imprévu (ce qui n'est jamais souhaitable), je serai une fois de plus au Salon du livre de l'Outaouais. Je n'ai pas de nouveauté à offrir, mais les amateurs sont cordialement invités à passer me dire bonjour.
Mon horaire chez Prologue :
Vendredi (25 février 2011) : 10 h 30 - 12 h (pour Les insurgés de Tianjin et quelques autres livres)
Samedi (26 février 2011) : 14 h - 15 h 30 (en tant que Laurent McAllister, pour Le Maître des bourrasques et quelques autres livres)
Dimanche (27 février 2011) : 12 h - 13 h 30 (pour Les insurgés de Tianjin et quelques autres livres)
Mon horaire chez Prologue :
Vendredi (25 février 2011) : 10 h 30 - 12 h (pour Les insurgés de Tianjin et quelques autres livres)
Samedi (26 février 2011) : 14 h - 15 h 30 (en tant que Laurent McAllister, pour Le Maître des bourrasques et quelques autres livres)
Dimanche (27 février 2011) : 12 h - 13 h 30 (pour Les insurgés de Tianjin et quelques autres livres)
Libellés : Salon du livre
2011-02-22
Que veut Legault?
Le manifeste de la CAQ (ou CPAQ) dont je parlais hier ne comporte pas vraiment de nouvelles idées dont l'originalité pourrait provoquer la discussion. Par conséquent, la réaction populaire espérée par ses auteurs doit concerner leur crédibilité — et la crédibilité de ceux qui se proposent de les mettre en œuvre. Une idée ne compte que si sa réalisation est possible advenant une élection qui porterait ses partisans au pouvoir. Mais la probabilité qu'un Legault soit porté au pouvoir dans le contexte actuel n'est pas énorme — même si elle n'est pas nulle.
De sorte qu'il est permis de se demander si Legault ne caresse pas l'espoir que, durant l'intervalle censément alloué aux réactions du public, ses idées soient adoptées par un parti susceptible de les défendre, ce qui lui épargnerait toutes les peines qu'exigerait la création d'un nouveau parti.
Il y en a déjà qui (comme Jean Allaire) poussent à l'union sacrée de la droite, qui prendrait la forme d'un regroupement de l'ADQ et de la CPAQ. Mais ce n'est pas certain que l'ADQ soit favorable à un manifeste réformiste mais relativement respectueux du statu quo — qui écarte plus ou moins clairement certaines des lubies de la droite adéquiste.
Reste le PLQ. En apparence, Charest est bien en selle et il peut espérer que Legault contribue à diviser l'opposition aux Libéraux. Mais le manifeste de Legault est loin d'être incompatible avec les orientations des Libéaux de Charest. Du coup, il est permis de se demander si Legault ne souhaite pas alimenter ou attiser les dissensions au sein même du PLQ. De l'extérieur, le gouvernement du PLQ apparaît comme l'instrument d'un seul homme, Jean Charest, qui a mis à la porte tous les trouble-fête potentiels, d'une manière ou d'une autre: Pierre Paradis dès 2003, Marc Bellemare en 2004, Thomas Mulcair en 2006 et Philippe Couillard en 2008... Mais il en va sûrement de même au sein du PLQ qu'il en allait au sein des dictatures arabes les mieux assises, avant la chute de Ben Ali et Moubarak... la solidité et la solidarité sont de façade, mais il ne faudrait qu'un choc pour qu'émergent des solutions de rechange.
Est-ce la fin d'un cycle politique au Québec? Au début du cycle précédent, au siècle dernier, les trois principaux partis ont été dirigés par des chefs parachutés ou appelés à jouir d'une situation hors du commun dans leur rôle de par les circonstances de leur arrivée au sommet.
Mario Dumont était pratiquement le fondateur conjoint de l'ADQ quand il en est devenu le chef quelques mois après la fondation du parti en 1994. Lucien Bouchard a hérité du PQ en 1996. Et Jean Charest a été catapulté à la tête du PLQ en 1998. Bouchard est parti le premier, en 2001, imité par Dumont en 2009, mais Charest s'accroche encore.
En ce moment, le seul chef de parti dans la même situation que les Dumont, Bouchard et Charest d'antan, c'est Amir Khadir, que certains désignent comme le politicien le plus populaire du Québec. Ce n'est sans doute pas un hasard : le Québec francophone est enclin à un certain messianisme depuis fort longtemps et accorde volontiers plus d'attention aux personnages charismatiques qui peuvent se poser en sauveurs, en remontant au moins à Duplessis qui a pris le pouvoir en pleine Dépression.
Legault aspire-t-il à réaliser une OPA du PLQ en éliminant Jean Charest à la faveur d'un soulèvement sinon du peuple québécois (tout entier) du moins des Libéraux du PLQ?
De sorte qu'il est permis de se demander si Legault ne caresse pas l'espoir que, durant l'intervalle censément alloué aux réactions du public, ses idées soient adoptées par un parti susceptible de les défendre, ce qui lui épargnerait toutes les peines qu'exigerait la création d'un nouveau parti.
Il y en a déjà qui (comme Jean Allaire) poussent à l'union sacrée de la droite, qui prendrait la forme d'un regroupement de l'ADQ et de la CPAQ. Mais ce n'est pas certain que l'ADQ soit favorable à un manifeste réformiste mais relativement respectueux du statu quo — qui écarte plus ou moins clairement certaines des lubies de la droite adéquiste.
Reste le PLQ. En apparence, Charest est bien en selle et il peut espérer que Legault contribue à diviser l'opposition aux Libéraux. Mais le manifeste de Legault est loin d'être incompatible avec les orientations des Libéaux de Charest. Du coup, il est permis de se demander si Legault ne souhaite pas alimenter ou attiser les dissensions au sein même du PLQ. De l'extérieur, le gouvernement du PLQ apparaît comme l'instrument d'un seul homme, Jean Charest, qui a mis à la porte tous les trouble-fête potentiels, d'une manière ou d'une autre: Pierre Paradis dès 2003, Marc Bellemare en 2004, Thomas Mulcair en 2006 et Philippe Couillard en 2008... Mais il en va sûrement de même au sein du PLQ qu'il en allait au sein des dictatures arabes les mieux assises, avant la chute de Ben Ali et Moubarak... la solidité et la solidarité sont de façade, mais il ne faudrait qu'un choc pour qu'émergent des solutions de rechange.
Est-ce la fin d'un cycle politique au Québec? Au début du cycle précédent, au siècle dernier, les trois principaux partis ont été dirigés par des chefs parachutés ou appelés à jouir d'une situation hors du commun dans leur rôle de par les circonstances de leur arrivée au sommet.
Mario Dumont était pratiquement le fondateur conjoint de l'ADQ quand il en est devenu le chef quelques mois après la fondation du parti en 1994. Lucien Bouchard a hérité du PQ en 1996. Et Jean Charest a été catapulté à la tête du PLQ en 1998. Bouchard est parti le premier, en 2001, imité par Dumont en 2009, mais Charest s'accroche encore.
En ce moment, le seul chef de parti dans la même situation que les Dumont, Bouchard et Charest d'antan, c'est Amir Khadir, que certains désignent comme le politicien le plus populaire du Québec. Ce n'est sans doute pas un hasard : le Québec francophone est enclin à un certain messianisme depuis fort longtemps et accorde volontiers plus d'attention aux personnages charismatiques qui peuvent se poser en sauveurs, en remontant au moins à Duplessis qui a pris le pouvoir en pleine Dépression.
Legault aspire-t-il à réaliser une OPA du PLQ en éliminant Jean Charest à la faveur d'un soulèvement sinon du peuple québécois (tout entier) du moins des Libéraux du PLQ?
2011-02-21
Des solutions pour l'avenir du Québec?
Le manifeste (.PDF) de la nouvelle Coalition pour l'avenir du Québec fondée par François Legault et Charles Sirois est maintenant disponible. Idéologiquement, il tente de tracer une voie moyenne entre, d'une part, Québec Solidaire et, d'autre part, l'ADQ. Ce qui obligerait tout parti politique né de ce mouvement à passer sur le corps soit du PQ soit du PLQ.
A priori, toutefois, il ne s'agit pas de pêcher dans les eaux du PQ. Le manifeste dresse le constat d'une situation bloquée qui doit pousser le Québec à passer à autre chose : « À moins d’événements que rien ne laisse présager, ni un renouvellement constitutionnel qui satisferait une majorité de Québécois, ni la souveraineté n’adviendront dans un avenir prévisible. » Dans la mesure où le PQ continue à espérer le contraire, cela signifie qu'un parti « Legault » serait obligé d'oblitérer le PLQ afin de prendre le pouvoir.
En effet, la plupart des mesures préconisées sont (très) légèrement à droite du PQ et relèvent plus de nouvelles orientations dans la gestion de la chose publique que d'orientations politiques vraiment nouvelles.
Par exemple, en ce qui concerne l'éducation, le plan d'action propose, en premier lieu (au nom de la priorité absolue que constitue l'éducation), d'augmenter la rémunération des enseignants et de miser sur l'acquisition des connaissances (adieu, la réforme!) tout en réglant le sous-financement des universités en faisant appel tout à la fois au gouvernement et aux étudiants, et, en troisième lieu (au nom de l'accroissement de la performance des services publics), d'accorder plus d'indépendance aux établissements tout en soumettant les enseignants à une sélection et une évaluation plus exigeantes. Ceci heurtera une partie des enseignants et des étudiants, mais surtout ceux qui ne risquent pas de voter à droite du PQ...
Pour ce qui est de la défense du français, on reste fidèle au statu quo (appui des artistes et développement des industries culturelles), sauf pour ce qui est d'affecter plus de ressources que le PLQ à la francisation des immigrants (pas difficile !).
Au nom de l'amélioration de la performance des services publics, le manifeste propose de regrouper les médecins de famille « afin que tous les Québécois aient accès à un médecin de famille ». C'est une proposition cruciale, qui pourrait s'avérer payante électoralement... si les électeurs y croyaient. Il est aussi question d'assouplir le fonctionnement du système au terme d'un nouveau pacte avec les médecins. Certes, il suffirait que les dirigeants en aient la volonté. Et que les électeurs choisissent d'y croire, encore une fois...
L'assainissement des finances publiques est noté, ce qui fait du manifeste quelque chose de plus sérieux que tout document qui ferait comme si la dette québécoise n'existait pas.
Et ce qui pourrait également être payant dans le contexte actuel, c'est un engagement clair : « Il est nécessaire et urgent de faire la lumière sur la situation en ce qui a trait à la corruption dans le secteur de la construction car la confiance du public en dépend. La procédure d’octroi des contrats gouvernementaux pour les grands projets de construction et d’infrastructures doit également être beaucoup plus transparente. »
Le dernier point au programme pourrait être rassembleur du côté des gens d'affaire peu susceptibles de voter pour le PQ ou Québec Solidaire : « Créer une économie de propriétaires et non de succursales ». C'est l'imposition des entreprises et des individus qui serait révisée (comme travailleur autonome, j'aurais quelques suggestions...) et l'aide des gouvernments aux entreprises ne se ferait pas à l'aveuglette : « En évitant le saupoudrage et le mur-à-mur, il faut appuyer vigoureusement les meilleurs projets. » Ce qui pourrait éviter quelques gabegies dont on se souviendra...
Et, histoire de faire sérieux, le manifeste se termine sur un engagement en faveur du développement durable, respectueux de l'environnement.
Qu'est-ce qui manque? Tout dépend du point de vue. Si on veut un manifeste politique moyennement consensuel cherchant à rassembler autour d'un pôle de centre-droite, on trouvera qu'il ne lui manque pas grand-chose. Si on veut quelque chose de plus fondamental, qui soulèverait entre autres des questions démographiques (équité intergénérationnelle) et d'attractivité du français pour les immigrants, on cherchera ailleurs.
A priori, toutefois, il ne s'agit pas de pêcher dans les eaux du PQ. Le manifeste dresse le constat d'une situation bloquée qui doit pousser le Québec à passer à autre chose : « À moins d’événements que rien ne laisse présager, ni un renouvellement constitutionnel qui satisferait une majorité de Québécois, ni la souveraineté n’adviendront dans un avenir prévisible. » Dans la mesure où le PQ continue à espérer le contraire, cela signifie qu'un parti « Legault » serait obligé d'oblitérer le PLQ afin de prendre le pouvoir.
En effet, la plupart des mesures préconisées sont (très) légèrement à droite du PQ et relèvent plus de nouvelles orientations dans la gestion de la chose publique que d'orientations politiques vraiment nouvelles.
Par exemple, en ce qui concerne l'éducation, le plan d'action propose, en premier lieu (au nom de la priorité absolue que constitue l'éducation), d'augmenter la rémunération des enseignants et de miser sur l'acquisition des connaissances (adieu, la réforme!) tout en réglant le sous-financement des universités en faisant appel tout à la fois au gouvernement et aux étudiants, et, en troisième lieu (au nom de l'accroissement de la performance des services publics), d'accorder plus d'indépendance aux établissements tout en soumettant les enseignants à une sélection et une évaluation plus exigeantes. Ceci heurtera une partie des enseignants et des étudiants, mais surtout ceux qui ne risquent pas de voter à droite du PQ...
Pour ce qui est de la défense du français, on reste fidèle au statu quo (appui des artistes et développement des industries culturelles), sauf pour ce qui est d'affecter plus de ressources que le PLQ à la francisation des immigrants (pas difficile !).
Au nom de l'amélioration de la performance des services publics, le manifeste propose de regrouper les médecins de famille « afin que tous les Québécois aient accès à un médecin de famille ». C'est une proposition cruciale, qui pourrait s'avérer payante électoralement... si les électeurs y croyaient. Il est aussi question d'assouplir le fonctionnement du système au terme d'un nouveau pacte avec les médecins. Certes, il suffirait que les dirigeants en aient la volonté. Et que les électeurs choisissent d'y croire, encore une fois...
L'assainissement des finances publiques est noté, ce qui fait du manifeste quelque chose de plus sérieux que tout document qui ferait comme si la dette québécoise n'existait pas.
Et ce qui pourrait également être payant dans le contexte actuel, c'est un engagement clair : « Il est nécessaire et urgent de faire la lumière sur la situation en ce qui a trait à la corruption dans le secteur de la construction car la confiance du public en dépend. La procédure d’octroi des contrats gouvernementaux pour les grands projets de construction et d’infrastructures doit également être beaucoup plus transparente. »
Le dernier point au programme pourrait être rassembleur du côté des gens d'affaire peu susceptibles de voter pour le PQ ou Québec Solidaire : « Créer une économie de propriétaires et non de succursales ». C'est l'imposition des entreprises et des individus qui serait révisée (comme travailleur autonome, j'aurais quelques suggestions...) et l'aide des gouvernments aux entreprises ne se ferait pas à l'aveuglette : « En évitant le saupoudrage et le mur-à-mur, il faut appuyer vigoureusement les meilleurs projets. » Ce qui pourrait éviter quelques gabegies dont on se souviendra...
Et, histoire de faire sérieux, le manifeste se termine sur un engagement en faveur du développement durable, respectueux de l'environnement.
Qu'est-ce qui manque? Tout dépend du point de vue. Si on veut un manifeste politique moyennement consensuel cherchant à rassembler autour d'un pôle de centre-droite, on trouvera qu'il ne lui manque pas grand-chose. Si on veut quelque chose de plus fondamental, qui soulèverait entre autres des questions démographiques (équité intergénérationnelle) et d'attractivité du français pour les immigrants, on cherchera ailleurs.
2011-02-20
Du steampunk populaire
Une dernière visite peut-être au cinéma de la Place Charest, menacé de fermeture, pour voir (des mois après les spectateurs français) Les Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec.
D'emblée, les citations sont nombreuses. Dès les premières secondes, on a l'impression que Besson se plagie lui-même en évoquant Le Cinquième Élément. Plus tard, on aperçoit au passage la statuette à l'oreille cassée (ou non) de l'album de Tintin, L'Oreille cassée. D'ailleurs, certaines scènes avec le professeur Espérandieu font penser à la couverture des Sept boules de cristal. Toute une séquence est piquée au film L'Assassin habite au 21. Certaines ressemblances (entre une vue d'une cage d'escalier et un tableau de Balla) ne sont peut-être que des coïncidences. Et il y aurait un certain nombre de points commun entre le film et la série du même nom de Tardi en BD...
Blague à part, comme mes souvenirs de Tardi sont plus que flous (j'ignore même si j'ai terminé le seul album que j'aurais commencé), je n'ai pas été dérangé par la plus ou moins grande fidélité de Besson aux albums d'origine. Du point de vue d'un observateur extérieur, donc, cela donnait quelque chose comme un croisement d'Indiana Jones et du fantastique qui aboutit à quelque chose comme du steampunk... C'est léger, mais amusant. Comme toujours, Besson est toujours à deux doigts de livrer une fiction vraiment populaire, dans la veine de Cameron, disons, mais il y a sans cesse un poil qui dépasse, une référence de trop, un clin d'œil trop appuyé ou un soupçon d'auto-dérision qui fait décrocher parce qu'on a l'impression que Besson ne prend pas ce qu'il fait au sérieux. Alors, pourquoi devrait-on embarquer à fond?
Cela dit, le film reste amusant et le choix de miser sur un maximum de décors authentiques est pour beaucoup dans le charme du film. Mais il faut absolument s'y rendre sans aucune attente si on ne veut pas être déçu : ce n'est qu'un divertissement et cela ne vise pas plus haut.
D'emblée, les citations sont nombreuses. Dès les premières secondes, on a l'impression que Besson se plagie lui-même en évoquant Le Cinquième Élément. Plus tard, on aperçoit au passage la statuette à l'oreille cassée (ou non) de l'album de Tintin, L'Oreille cassée. D'ailleurs, certaines scènes avec le professeur Espérandieu font penser à la couverture des Sept boules de cristal. Toute une séquence est piquée au film L'Assassin habite au 21. Certaines ressemblances (entre une vue d'une cage d'escalier et un tableau de Balla) ne sont peut-être que des coïncidences. Et il y aurait un certain nombre de points commun entre le film et la série du même nom de Tardi en BD...
Blague à part, comme mes souvenirs de Tardi sont plus que flous (j'ignore même si j'ai terminé le seul album que j'aurais commencé), je n'ai pas été dérangé par la plus ou moins grande fidélité de Besson aux albums d'origine. Du point de vue d'un observateur extérieur, donc, cela donnait quelque chose comme un croisement d'Indiana Jones et du fantastique qui aboutit à quelque chose comme du steampunk... C'est léger, mais amusant. Comme toujours, Besson est toujours à deux doigts de livrer une fiction vraiment populaire, dans la veine de Cameron, disons, mais il y a sans cesse un poil qui dépasse, une référence de trop, un clin d'œil trop appuyé ou un soupçon d'auto-dérision qui fait décrocher parce qu'on a l'impression que Besson ne prend pas ce qu'il fait au sérieux. Alors, pourquoi devrait-on embarquer à fond?
Cela dit, le film reste amusant et le choix de miser sur un maximum de décors authentiques est pour beaucoup dans le charme du film. Mais il faut absolument s'y rendre sans aucune attente si on ne veut pas être déçu : ce n'est qu'un divertissement et cela ne vise pas plus haut.
Libellés : Fantastique, Films
2011-02-15
De la chiralité de l'intelligence
La gauche est-elle plus bête que la droite? Ou est-ce l'inverse?
Il me fallait éclaircir une contradiction. Certaines études démontrent qu'aux États-Unis, les électeurs du parti Républicain sont plus éduqués (plus intelligents?) que les électeurs du parti Démocrate. Pourtant, aux États-Unis comme au Canada, on retire de l'observation de la gent conservatrice la très nette impression que les rangs de la droite comptent plus de gens qui ne passeraient pas un test de culture scientifique — et qui couleraient aussi un hypothétique test portant sur les droits humains. Pensons à Sarah Palin... Ou à George W. Bush, détenteur d'un bac en histoire et d'un MBA, tandis que Clinton avait été boursier Rhodes avant de décrocher un doctorat en droit.
De plus, les sondages démontrent qu'aux États-Unis, les professionnels et les diplômés universitaires auraient voté en grand nombre pour Barack Obama lors de la présidentielle de 2008. Toutefois, si Obama l'a emporté à tous les niveaux d'éducation en 2008, il a réalisé son pire score auprès des détenteurs d'un diplôme universitaire, mais sans plus, alors qu'il a réalisé son deuxième meilleur score auprès de ceux qui ont étudié à l'université après le premier cycle. Son meilleur score? Auprès de ceux qui n'ont jamais fini l'école secondaire...
Ou peut-être faudrait-il tenir compte des électeurs indépendants aux États-Unis, qui auraient rejoint les électeurs du parti Démocrate afin de soutenir Obama, mais qui n'apparaîtraient pas nécessairement dans les autres études...
Il me fallait éclaircir une contradiction. Certaines études démontrent qu'aux États-Unis, les électeurs du parti Républicain sont plus éduqués (plus intelligents?) que les électeurs du parti Démocrate. Pourtant, aux États-Unis comme au Canada, on retire de l'observation de la gent conservatrice la très nette impression que les rangs de la droite comptent plus de gens qui ne passeraient pas un test de culture scientifique — et qui couleraient aussi un hypothétique test portant sur les droits humains. Pensons à Sarah Palin... Ou à George W. Bush, détenteur d'un bac en histoire et d'un MBA, tandis que Clinton avait été boursier Rhodes avant de décrocher un doctorat en droit.
De plus, les sondages démontrent qu'aux États-Unis, les professionnels et les diplômés universitaires auraient voté en grand nombre pour Barack Obama lors de la présidentielle de 2008. Toutefois, si Obama l'a emporté à tous les niveaux d'éducation en 2008, il a réalisé son pire score auprès des détenteurs d'un diplôme universitaire, mais sans plus, alors qu'il a réalisé son deuxième meilleur score auprès de ceux qui ont étudié à l'université après le premier cycle. Son meilleur score? Auprès de ceux qui n'ont jamais fini l'école secondaire...
Niveau d'éducation — Pour Obama — Pour McCain
sans diplôme secondaire — 63% — 35%
diplôme du secondaire — 52% — 46%
études universitaires — 51% — 47%
(sans diplôme)
études universitaires — 50% — 48%
(diplôme du 1er cycle)
études universitaires — 58% — 40%
(2e et 3e cycles)
Que faut-il conclure de cette désaffection relative mais apparemment constante (malgré le sursaut de 2008) des gens moyennement éduqués à l'égard de la gauche (autre terme assez relatif aux États-Unis) ?
Peut-être faudrait-il incriminer les différences de classe? Si une certaine classe moyenne favorise d'habitude (mais pas systématiquement) les Républicains, elle aurait plus de chances de compter de nombreux diplômés que des classes plus pauvres votant plus à gauche. Tandis que les plus éduqués ne seraient pas assez nombreux pour peser dans la balance.
diplôme du secondaire — 52% — 46%
études universitaires — 51% — 47%
(sans diplôme)
études universitaires — 50% — 48%
(diplôme du 1er cycle)
études universitaires — 58% — 40%
(2e et 3e cycles)
Que faut-il conclure de cette désaffection relative mais apparemment constante (malgré le sursaut de 2008) des gens moyennement éduqués à l'égard de la gauche (autre terme assez relatif aux États-Unis) ?
Peut-être faudrait-il incriminer les différences de classe? Si une certaine classe moyenne favorise d'habitude (mais pas systématiquement) les Républicains, elle aurait plus de chances de compter de nombreux diplômés que des classes plus pauvres votant plus à gauche. Tandis que les plus éduqués ne seraient pas assez nombreux pour peser dans la balance.
Ou peut-être faudrait-il tenir compte des électeurs indépendants aux États-Unis, qui auraient rejoint les électeurs du parti Démocrate afin de soutenir Obama, mais qui n'apparaîtraient pas nécessairement dans les autres études...
Libellés : Politique
2011-02-14
Les corporatismes professionnels
Le passage des médecins de famille ce matin à l'émission de Christiane Charette valait son pesant de cacahuètes si on aime le cirque.
Admirez les médecins sortir des statistiques sans rapport! Hop, un chiffre comme quoi ils travaillent plus que les spécialistes! Hop, un autre chiffre pour dire qu'ils travaillent une journée et demie à l'hôpital, en plus des trois journées par semaine travaillées au bureau! (Faites le total...) Et puis, hop, un chiffre de plus pour établir le manque d'attractivité de la profession — sans préciser si c'est parce que la génération Y trouve que ce n'est pas assez payé... Et sans nous parler non plus des médecins étrangers qui passent les examens, puis trouvent porte close au moment de faire leur résidence...
Admirez la flèche de Parthe qui consistait à lancer que les médecins de famille voient 1500 patients par an, preuve qu'ils ne sont pas des feignants. Sauf qu'à raison de cinq jours par semaine et 250 jours par an, cela correspondrait à 6 patients par jour, de sorte que chaque patient aurait droit à une bonne heure en compagnie de son médecin de famille. Ce serait fort louable, mais est-ce bien la réalité? Les patients ont-ils droit à autant d'attention? Comme je fais partie, depuis quinze ans que je suis au Québec, des cochons de payeurs qui paient pour les autres sans jamais bénéficier du moindre service, je ne saurais dire.
Admirez les passes d'armes dans le vide de l'animatrice qui meuble les silences sans jamais allonger de question qui porte! La vraie question, pourtant, n'avait rien de compliqué : les médecins de famille actuels — pré-retraités, femmes et membres de la génération Y confondus — travaillent-ils autant que leurs prédécesseurs d'il y a trente ans? Et l'autre vraie question, qui est restée tapie dans les coulisses pour n'effrayer personne, c'était de savoir si le vieillissement de la population depuis trente ans augmente le nombre de cas lourds (sans parler des diagnostics trop abondants parce que trop précautionneux) relativement à ce qu'il était il y a trente ans...
Ceci m'inspire de sombres pensées au sujet des professionnels qui défendent leur pré carré. Peut-on leur faire confiance pour concilier non pas travail et famille, mais leurs intérêts personnels et l'intérêt public? Les médecins aussi bien que les professeurs universitaires profitent de rentes de situation fort avantageuses : leurs heures ont été sans cesse revues à la baisse en pratique et l'accès à leurs rangs a été rationné, que ce soit par un numerus clausus (au nom des restrictions budgétaires) ou par la multiplication de postes subalternes comme les charges de cours, de sorte qu'ils disposent souvent d'un pouvoir de négociation accru pour en obtenir toujours plus.
La solution consisterait-elle à réduire leur autonomie? En général, toutefois, ce ne sont ni les médecins ni les profs qui ont poussé pour être moins nombreux, absolument ou relativement, même si c'est l'aboutissement logique de leurs revendications salariales. Ce sont les administrations successives qui ont réglementé à outrance, dans certains cas, et géré plus ou moins à courte vue. Un nouveau surcroît de paperasse pourrait inciter les professionnels à se désengager encore plus.
La question, en fin de compte, ce serait de savoir si, autrefois, les professionnels travaillaient plus — soignaient plus ou enseignaient plus — parce qu'ils jouissaient d'une plus grande autonomie, de sorte qu'ils étaient plus enclins à prendre leurs responsabilités parce que leur sens de l'honneur professionnel était en jeu, alors qu'aujourd'hui, c'est une mentalité de syndiqué qui prime...
Admirez les médecins sortir des statistiques sans rapport! Hop, un chiffre comme quoi ils travaillent plus que les spécialistes! Hop, un autre chiffre pour dire qu'ils travaillent une journée et demie à l'hôpital, en plus des trois journées par semaine travaillées au bureau! (Faites le total...) Et puis, hop, un chiffre de plus pour établir le manque d'attractivité de la profession — sans préciser si c'est parce que la génération Y trouve que ce n'est pas assez payé... Et sans nous parler non plus des médecins étrangers qui passent les examens, puis trouvent porte close au moment de faire leur résidence...
Admirez la flèche de Parthe qui consistait à lancer que les médecins de famille voient 1500 patients par an, preuve qu'ils ne sont pas des feignants. Sauf qu'à raison de cinq jours par semaine et 250 jours par an, cela correspondrait à 6 patients par jour, de sorte que chaque patient aurait droit à une bonne heure en compagnie de son médecin de famille. Ce serait fort louable, mais est-ce bien la réalité? Les patients ont-ils droit à autant d'attention? Comme je fais partie, depuis quinze ans que je suis au Québec, des cochons de payeurs qui paient pour les autres sans jamais bénéficier du moindre service, je ne saurais dire.
Admirez les passes d'armes dans le vide de l'animatrice qui meuble les silences sans jamais allonger de question qui porte! La vraie question, pourtant, n'avait rien de compliqué : les médecins de famille actuels — pré-retraités, femmes et membres de la génération Y confondus — travaillent-ils autant que leurs prédécesseurs d'il y a trente ans? Et l'autre vraie question, qui est restée tapie dans les coulisses pour n'effrayer personne, c'était de savoir si le vieillissement de la population depuis trente ans augmente le nombre de cas lourds (sans parler des diagnostics trop abondants parce que trop précautionneux) relativement à ce qu'il était il y a trente ans...
Ceci m'inspire de sombres pensées au sujet des professionnels qui défendent leur pré carré. Peut-on leur faire confiance pour concilier non pas travail et famille, mais leurs intérêts personnels et l'intérêt public? Les médecins aussi bien que les professeurs universitaires profitent de rentes de situation fort avantageuses : leurs heures ont été sans cesse revues à la baisse en pratique et l'accès à leurs rangs a été rationné, que ce soit par un numerus clausus (au nom des restrictions budgétaires) ou par la multiplication de postes subalternes comme les charges de cours, de sorte qu'ils disposent souvent d'un pouvoir de négociation accru pour en obtenir toujours plus.
La solution consisterait-elle à réduire leur autonomie? En général, toutefois, ce ne sont ni les médecins ni les profs qui ont poussé pour être moins nombreux, absolument ou relativement, même si c'est l'aboutissement logique de leurs revendications salariales. Ce sont les administrations successives qui ont réglementé à outrance, dans certains cas, et géré plus ou moins à courte vue. Un nouveau surcroît de paperasse pourrait inciter les professionnels à se désengager encore plus.
La question, en fin de compte, ce serait de savoir si, autrefois, les professionnels travaillaient plus — soignaient plus ou enseignaient plus — parce qu'ils jouissaient d'une plus grande autonomie, de sorte qu'ils étaient plus enclins à prendre leurs responsabilités parce que leur sens de l'honneur professionnel était en jeu, alors qu'aujourd'hui, c'est une mentalité de syndiqué qui prime...
2011-02-13
De la SF franco-canado-belge au cinéma?
Est-ce de la science-fiction?
Le film Mr Nobody de Jaco Van Dormael est un film qui m'avait échappé lors de sa sortie en 2009. D'une longueur essoufflante, il emmêle les intrigues parallèles d'une manière qui éclipse Inception (qui avait beaucoup plus à cœur de ne pas perdre les spectateurs) et qui m'a rappelé, un peu, 2046 de Wong Kar-wai, un peu plus La Double Vie de Véronique de Krzysztof Kieślowski, vaguement The Curious Case of Benjamin Button et, à retardement, Sliding Doors. Dans Mr Nobody, tout repose sur un train (anglais) que l'on attrape ou n'attrape pas — comme dans Sliding Doors, où c'était un métro qui changeait la vie de l'héroïne à Londres.
Du coup, nous voyons le jeune personnage de Van Dormael connaître plusieurs destins possibles. Un de ces destins le conduit-il à devenir le dernier mortel de l'an 2092, quand il a 118 ans? Pas clair. Il meurt plusieurs fois, y compris en orbite martienne. Il essaie de changer le cours des choses a posteriori, il devine l'avenir à quelques reprises (sans que cela joue un rôle dans la suite des choses) et il écrit de la science-fiction qui semble prendre vie sous la forme d'un voyage vers Mars (en passant par Uranus ou une nébuleuse?)... Le temps va-t-il s'inverser en 2092 à la faveur d'un Big Crunch anticipé? Retrouvera-t-il la seule femme qu'il a vraiment aimée?
Visuellement, le film est très léché. Les scènes individuelles sont souvent réussies. Mais c'est l'ensemble qui laisse perplexe.
La narration n'arrive pas à se choisir un ton. S'agit-il de verser dans l'anticipation satirique? (L'immortalité des humains de 2092 aurait été obtenue en blindant les télomères et en fournissant à chaque personne un cochon la fournissant au besoin en organes de rechange.) De signer une allégorie, comme le suggère ce nom improbable de Nemo Nobody porté par le personnage principal? De composer une comédie romantique? Certaines scènes nous font visiter l'envers des décors, ou mettent en scène des lotissements de banlieue si artificiels qu'ils ne sont guère plus que des décors.
En fin de compte, l'ensemble reste incohérent. Évidemment, le film entretient le doute quant à la réalité ultime des trames parallèles, car le spectateur pourrait décrocher s'il se disait que certaines intrigues ne sont que potentielles — jusqu'au moment où il se fait dire qu'aucune n'est réelle parce qu'elles sont imaginées. Du coup, seul le Nobody de 2092 serait réel, ou non... On a l'impression que Jaco Van Dormael a combiné des idées différentes sans jamais réussir à trancher. Tout faire reposer sur le choix qu'un enfant doit faire entre sa mère et son père au moment d'un divorce? D'accord, mais le film entasse ensuite les éléments incongrus.
Une des règles d'or de la science-fiction, c'est que l'intrigue doit reposer sur un seul « miracle », un seul élément d'étrangeté, et que les conséquences de cette altération de notre réalité doivent être traitées avec sérieux. Mais Van Dormael lève plusieurs lièvres et se lance sur les traces de l'effet papillon, du Big Crunch, de la prédiction du futur, de l'inversion du temps, de l'immortalité, etc. Qui trop embrasse mal étreint.
La conclusion, qui semble promettre au personnage la possibilité de vivre sa vie (mais laquelle?) à l'envers, ouvre certes des perspectives. Mais le film se termine, justement, sans pousser plus loin.
Vivre la vie à l'envers, ce serait faire de chaque fin un début, de chaque mort une résurrection... mais chaque début (d'une vie, d'une histoire d'amour, d'une carrière) est alors une fin et la naissance est une disparition. La causalité prendrait des formes étranges (régurgiter, au lieu de manger, si les événements s'inversaient), mais le choix ou l'illusion du choix pourrait demeurer. Quelle que soit l'action qu'on pose, on peut croire qu'on a le choix.
Sauf si on se souvient... Du coup, même s'il est tentant de trouver que l'univers manque de symétrie temporelle et qu'il serait plus logique de pouvoir parcourir sa vie dans les deux sens, de la vivre une fois à l'endroit et une fois à l'envers, il est clair qu'obtenir de vivre sa vie à l'envers après la mort (une forme de paradis ou d'enfer?) serait un châtiment puisque l'illusion du choix disparaîtrait — et que nos plus doux souvenirs, porteurs d'espoirs, se métamorphoseraient en fins doublement amères. Car, si les débuts que l'on choisit sont plus beaux et plus riches d'espérances que les fins, on ne gagnerait pas au change en les permutant...
Bref, c'est un film à classer dans les ratages intéressants. Du point de vue de la science-fiction, l'intérêt est carrément nul, malgré quelques effets spéciaux d'excellent niveau. Du point de vue de la réflexion sur le temps qui passe, la mortalité et les choix qui nous choisissent, il y a quelque chose, malgré tout... Enfin, je signale qu'en dépit d'investissements français, canadiens et belges, le film a été tourné en anglais. Mais le doublage en français était excellent et on a droit à de belles prises de vue de Montréal...
Le film Mr Nobody de Jaco Van Dormael est un film qui m'avait échappé lors de sa sortie en 2009. D'une longueur essoufflante, il emmêle les intrigues parallèles d'une manière qui éclipse Inception (qui avait beaucoup plus à cœur de ne pas perdre les spectateurs) et qui m'a rappelé, un peu, 2046 de Wong Kar-wai, un peu plus La Double Vie de Véronique de Krzysztof Kieślowski, vaguement The Curious Case of Benjamin Button et, à retardement, Sliding Doors. Dans Mr Nobody, tout repose sur un train (anglais) que l'on attrape ou n'attrape pas — comme dans Sliding Doors, où c'était un métro qui changeait la vie de l'héroïne à Londres.
Du coup, nous voyons le jeune personnage de Van Dormael connaître plusieurs destins possibles. Un de ces destins le conduit-il à devenir le dernier mortel de l'an 2092, quand il a 118 ans? Pas clair. Il meurt plusieurs fois, y compris en orbite martienne. Il essaie de changer le cours des choses a posteriori, il devine l'avenir à quelques reprises (sans que cela joue un rôle dans la suite des choses) et il écrit de la science-fiction qui semble prendre vie sous la forme d'un voyage vers Mars (en passant par Uranus ou une nébuleuse?)... Le temps va-t-il s'inverser en 2092 à la faveur d'un Big Crunch anticipé? Retrouvera-t-il la seule femme qu'il a vraiment aimée?
Visuellement, le film est très léché. Les scènes individuelles sont souvent réussies. Mais c'est l'ensemble qui laisse perplexe.
La narration n'arrive pas à se choisir un ton. S'agit-il de verser dans l'anticipation satirique? (L'immortalité des humains de 2092 aurait été obtenue en blindant les télomères et en fournissant à chaque personne un cochon la fournissant au besoin en organes de rechange.) De signer une allégorie, comme le suggère ce nom improbable de Nemo Nobody porté par le personnage principal? De composer une comédie romantique? Certaines scènes nous font visiter l'envers des décors, ou mettent en scène des lotissements de banlieue si artificiels qu'ils ne sont guère plus que des décors.
En fin de compte, l'ensemble reste incohérent. Évidemment, le film entretient le doute quant à la réalité ultime des trames parallèles, car le spectateur pourrait décrocher s'il se disait que certaines intrigues ne sont que potentielles — jusqu'au moment où il se fait dire qu'aucune n'est réelle parce qu'elles sont imaginées. Du coup, seul le Nobody de 2092 serait réel, ou non... On a l'impression que Jaco Van Dormael a combiné des idées différentes sans jamais réussir à trancher. Tout faire reposer sur le choix qu'un enfant doit faire entre sa mère et son père au moment d'un divorce? D'accord, mais le film entasse ensuite les éléments incongrus.
Une des règles d'or de la science-fiction, c'est que l'intrigue doit reposer sur un seul « miracle », un seul élément d'étrangeté, et que les conséquences de cette altération de notre réalité doivent être traitées avec sérieux. Mais Van Dormael lève plusieurs lièvres et se lance sur les traces de l'effet papillon, du Big Crunch, de la prédiction du futur, de l'inversion du temps, de l'immortalité, etc. Qui trop embrasse mal étreint.
La conclusion, qui semble promettre au personnage la possibilité de vivre sa vie (mais laquelle?) à l'envers, ouvre certes des perspectives. Mais le film se termine, justement, sans pousser plus loin.
Vivre la vie à l'envers, ce serait faire de chaque fin un début, de chaque mort une résurrection... mais chaque début (d'une vie, d'une histoire d'amour, d'une carrière) est alors une fin et la naissance est une disparition. La causalité prendrait des formes étranges (régurgiter, au lieu de manger, si les événements s'inversaient), mais le choix ou l'illusion du choix pourrait demeurer. Quelle que soit l'action qu'on pose, on peut croire qu'on a le choix.
Sauf si on se souvient... Du coup, même s'il est tentant de trouver que l'univers manque de symétrie temporelle et qu'il serait plus logique de pouvoir parcourir sa vie dans les deux sens, de la vivre une fois à l'endroit et une fois à l'envers, il est clair qu'obtenir de vivre sa vie à l'envers après la mort (une forme de paradis ou d'enfer?) serait un châtiment puisque l'illusion du choix disparaîtrait — et que nos plus doux souvenirs, porteurs d'espoirs, se métamorphoseraient en fins doublement amères. Car, si les débuts que l'on choisit sont plus beaux et plus riches d'espérances que les fins, on ne gagnerait pas au change en les permutant...
Bref, c'est un film à classer dans les ratages intéressants. Du point de vue de la science-fiction, l'intérêt est carrément nul, malgré quelques effets spéciaux d'excellent niveau. Du point de vue de la réflexion sur le temps qui passe, la mortalité et les choix qui nous choisissent, il y a quelque chose, malgré tout... Enfin, je signale qu'en dépit d'investissements français, canadiens et belges, le film a été tourné en anglais. Mais le doublage en français était excellent et on a droit à de belles prises de vue de Montréal...
Libellés : Films, Science-fiction
2011-02-12
Israël comme pays arabe
Dans le New York Times d'aujourd'hui, je note le passage suivant dans cet article sur les pays arabes d'aujourd'hui et les espoirs suscités par l'abdication du raïs Moubarak : « There are few examples of success in the Arab world. Nominally democratic places like Iraq and Lebanon are beholden to sectarian allegiances so visceral they promote toxic divisions. »
C'est difficile de ne pas songer du coup que, dans ce voisinage, Israël ne fait pas exception. Les divisions, sectaires ou autres, entre Juifs séculiers et (ultra-)orthodoxes ou entre Juifs et Arabes sont radicales. En apparence, Israël est une démocratie mieux enracinée et plus authentique que l'Irak ou le Liban. En réalité, certaines minorités ont beau être représentées, elles n'en sont pas moins dépossédées de tout pouvoir d'influence sur la chose publique, à ce qu'il semble. Elles ont le droit de faire de la figuration à condition de se taire. Le choix même d'Israël d'être un État juif ne permet pas de critiquer le choix d'autres États de la région d'être plus ou moins officiellement sectaire. C'est ce qui en ferait, en définitive, un État arabe comme les autres...
Parfois, on se dit que le rêve bushien de propager la démocratie pluraliste dans cette partie du monde était tout à fait pertinent...
C'est difficile de ne pas songer du coup que, dans ce voisinage, Israël ne fait pas exception. Les divisions, sectaires ou autres, entre Juifs séculiers et (ultra-)orthodoxes ou entre Juifs et Arabes sont radicales. En apparence, Israël est une démocratie mieux enracinée et plus authentique que l'Irak ou le Liban. En réalité, certaines minorités ont beau être représentées, elles n'en sont pas moins dépossédées de tout pouvoir d'influence sur la chose publique, à ce qu'il semble. Elles ont le droit de faire de la figuration à condition de se taire. Le choix même d'Israël d'être un État juif ne permet pas de critiquer le choix d'autres États de la région d'être plus ou moins officiellement sectaire. C'est ce qui en ferait, en définitive, un État arabe comme les autres...
Parfois, on se dit que le rêve bushien de propager la démocratie pluraliste dans cette partie du monde était tout à fait pertinent...
2011-02-11
L'écrivain de fantasy comme prédateur
On m'a récemment signalé un film de 2009 qui m'avait complètement échappé, Gentlemen Broncos. Vais-je essayer de le voir? C'est l'histoire, semble-t-il, des rapports entre un jeune écrivain — de science-fiction ou de fantasy, ce n'est pas entièrement clair — et un mentor potentiel qui a été un grand romancier de fantasy — ou un auteur de bestsellers de fantasy, ce n'est pas entièrement clair non plus. Dans le cadre d'un congrès de science-fiction — ou de fantasy, ce n'est toujours pas clair, à moins que ce ne soit un atelier d'écriture — qui rassemble son lot de geeks, le jeune écrivain apprend que son roman — ou sa novella — a été plagié par son mentor. Le tout serait traité comme une histoire hautement comique — visez-moi ces geeks qui se prennent trop au sérieux en écrivant de la fantasy ou de la science-fiction...
Passons sur le fait que l'inverse soit franchement plus fréquent...
Les critiques sont partagées, mais surtout négatives. Je suis moi-même partagé... Loin de moi l'idée de défendre la valeur et la qualité de toute la science-fiction et la fantasy. Et je sais bien qu'il arrive aux fans de SF de s'aveugler quant aux qualités de la SF — ou de leurs propres efforts. Mais j'ai quand même l'impression que l'archétype de l'artiste raté dans d'autres domaines (poésie, peinture, sculpture) est équilibré par l'archétype de l'artiste génial — ou, à tout le moins, que la représentation d'artistes pratiquant d'autres arts ou d'autres genres littéraires admet que l'artiste génial puisse être aussi une personne médiocre (ou carrément perturbée).
Hors les romans de SF, quelqu'un a-t-il déjà campé, au cinéma ou en littérature, un auteur de science-fiction présenté comme un artiste génial? Je crois que c'est ce que je vais attendre de voir...
Passons sur le fait que l'inverse soit franchement plus fréquent...
Les critiques sont partagées, mais surtout négatives. Je suis moi-même partagé... Loin de moi l'idée de défendre la valeur et la qualité de toute la science-fiction et la fantasy. Et je sais bien qu'il arrive aux fans de SF de s'aveugler quant aux qualités de la SF — ou de leurs propres efforts. Mais j'ai quand même l'impression que l'archétype de l'artiste raté dans d'autres domaines (poésie, peinture, sculpture) est équilibré par l'archétype de l'artiste génial — ou, à tout le moins, que la représentation d'artistes pratiquant d'autres arts ou d'autres genres littéraires admet que l'artiste génial puisse être aussi une personne médiocre (ou carrément perturbée).
Hors les romans de SF, quelqu'un a-t-il déjà campé, au cinéma ou en littérature, un auteur de science-fiction présenté comme un artiste génial? Je crois que c'est ce que je vais attendre de voir...
Libellés : Arts, Écriture, Fantasy
2011-02-10
De l'habitabilité des planètes vagabondes
Sur une liste à laquelle je suis abonné, Michael Kingsley a signalé la sortie d'un petit article par deux chercheurs de l'Université de Chicago, D. S. Abbot et E. R. Switzer. Ce pré-tirage s'intitule « The Steppenwolf: A Proposal for a habitable planet in interstellar space » (.PDF). Outre la référence à un roman de Hermann Hesse et un groupe des années soixante, le « loup des steppes » en question désigne les planètes vagabondes qui pourraient exister dans l'espace interstellaire, détachées de tout soleil.
Les auteurs s'intéressent à la possibilité de l'existence d'un océan sous la glace d'une planète vagabonde et ils concluent que, dans certains cas, un tel océan pourrait demeurer liquide pendant des centaines de millions, voire des milliards d'années, grâce au flux thermique produit par la désintégration des isotopes radioactifs présents dans la croûte rocheuse de la planète. La vie pourrait exister dans un tel océan si elle avait pris naissance avant l'éjection de la planète de son système solaire d'origine — ou si elle s'était développée aux abords de cheminées hydrothermales présentes au fond de cet océan emprisonné sous la glace.
Bien entendu, on peut aussi imaginer autre chose que du plancton dans un tel océan...
Les auteurs s'intéressent à la possibilité de l'existence d'un océan sous la glace d'une planète vagabonde et ils concluent que, dans certains cas, un tel océan pourrait demeurer liquide pendant des centaines de millions, voire des milliards d'années, grâce au flux thermique produit par la désintégration des isotopes radioactifs présents dans la croûte rocheuse de la planète. La vie pourrait exister dans un tel océan si elle avait pris naissance avant l'éjection de la planète de son système solaire d'origine — ou si elle s'était développée aux abords de cheminées hydrothermales présentes au fond de cet océan emprisonné sous la glace.
Bien entendu, on peut aussi imaginer autre chose que du plancton dans un tel océan...
Libellés : Astronomie, Espace
2011-02-09
Les squelettes de Furlong
C'est rare que je sois d'accord avec Christie Blatchford du Globe and Mail ou Réjean Tremblay de La Presse, mais c'est encore plus rare que le même jour et sur le même sujet, je sois du même avis qu'eux : John Furlong est un bien petit personnage.
Qui est Furlong? C'est l'homme qui, grâce aux milliards des contribuables canadiens, des compagnies canadiennes et des partenaires corporatifs internationaux, a offert au Canada les Jeux olympiques d'hiver en 2010. À plusieurs égards, en particulier sur le plan de la récolte de médailles d'or (et plus spécialement celles au hockey), ces Jeux ont laissé un excellent souvenir aux Canadiens, ce qui rejaillit sur leur organisateur. Mais le mérite propre de Furlong est mince. Il a dépensé de l'argent, mais il n'était pas obligé de dégager un profit. Et ce sont les athlètes (avec l'aide de fonds fédéraux et privés) qui se sont défoncés pour atteindre de nouveaux sommets. Ce qui a prouvé, une fois pour toutes, que les médailles s'achètent.
Ce qui relevait entièrement de Furlong, c'était la logistique, dont les installations olympiques et les cérémonies tant d'ouverture que de fermeture. Or, dans chaque cas, il y a eu ratage.
Ratage mortel dans le cas de la piste de luge et bobsleigh, qui a tué un jeune sportif alors que c'était envisageable, de l'avis de plusieurs experts, et même prévisible — comme on le sait maintenant, Furlong lui-même l'avait prévu. Mais rien n'avait été fait.
Et ratage symbolique dans le cas de la cérémonie d'ouverture gâchée par un problème mécanique (!) au moment suprême de l'allumage de la torche olympique — et par le manque de français. Je l'avais moi-même relevé, et toutes les tentatives de Furlong de se défendre n'ont pu lever les doutes de provincialisme qui pèsent sur sa conception de Jeux olympiques d'hiver au Canada.
En fin de compte, c'est pourtant un Québécois que Furlong devrait remercier pour ne pas avoir connu un pire sort médiatique : sans la médaille d'or d'Alexandre Bilodeau qui semble avoir inspiré des athlètes canadiens que l'on accusait déjà de craquer sous la pression, l'attention des médias ne l'aurait pas quitté. En fin de compte, même si Furlong essaie de refaire son image en lançant ce livre, j'espère bien que les squelettes dans son placard l'empêront de faire carrière en politique. On l'a assez vu.
Qui est Furlong? C'est l'homme qui, grâce aux milliards des contribuables canadiens, des compagnies canadiennes et des partenaires corporatifs internationaux, a offert au Canada les Jeux olympiques d'hiver en 2010. À plusieurs égards, en particulier sur le plan de la récolte de médailles d'or (et plus spécialement celles au hockey), ces Jeux ont laissé un excellent souvenir aux Canadiens, ce qui rejaillit sur leur organisateur. Mais le mérite propre de Furlong est mince. Il a dépensé de l'argent, mais il n'était pas obligé de dégager un profit. Et ce sont les athlètes (avec l'aide de fonds fédéraux et privés) qui se sont défoncés pour atteindre de nouveaux sommets. Ce qui a prouvé, une fois pour toutes, que les médailles s'achètent.
Ce qui relevait entièrement de Furlong, c'était la logistique, dont les installations olympiques et les cérémonies tant d'ouverture que de fermeture. Or, dans chaque cas, il y a eu ratage.
Ratage mortel dans le cas de la piste de luge et bobsleigh, qui a tué un jeune sportif alors que c'était envisageable, de l'avis de plusieurs experts, et même prévisible — comme on le sait maintenant, Furlong lui-même l'avait prévu. Mais rien n'avait été fait.
Et ratage symbolique dans le cas de la cérémonie d'ouverture gâchée par un problème mécanique (!) au moment suprême de l'allumage de la torche olympique — et par le manque de français. Je l'avais moi-même relevé, et toutes les tentatives de Furlong de se défendre n'ont pu lever les doutes de provincialisme qui pèsent sur sa conception de Jeux olympiques d'hiver au Canada.
En fin de compte, c'est pourtant un Québécois que Furlong devrait remercier pour ne pas avoir connu un pire sort médiatique : sans la médaille d'or d'Alexandre Bilodeau qui semble avoir inspiré des athlètes canadiens que l'on accusait déjà de craquer sous la pression, l'attention des médias ne l'aurait pas quitté. En fin de compte, même si Furlong essaie de refaire son image en lançant ce livre, j'espère bien que les squelettes dans son placard l'empêront de faire carrière en politique. On l'a assez vu.
2011-02-08
Charest et Taschereau
La perspective d'une campagne électorale au Québec ramène sur le tapis le nom de Louis-Alexandre Taschereau, dont le gouvernement libéral était resté au pouvoir de 1920 à 1936 en alignant les victoires électorales (1923, 1927, 1931, 1935). Si Jean Charest remportait de nouvelles élections, il concurrencerait les succès de Taschereau. Mais les triomphes électoraux successifs et la tolérance du copinage avec les pouvoirs d'argent, voire la tolérance de la corruption, ne préparent pas nécessairement le renouveau que certains espèrent en faisant des vœux pour le succès d'un autre parti. En soi, ce genre de stabilité est plutôt le symptôme d'une frilosité populaire, d'une lassitude, d'une apathie qui font le lit de l'inertie et du conservatisme.
Pour Taschereau hier comme pour Charest aujourd'hui, la roche tarpéienne n'est pas loin du Capitole : accumuler les victoires électorales ne fait que rapprocher l'échéance quand le public excédé se tournera vers une solution de rechange. Mais si le public aspire à la tranquillité, le pays risque de tomber de Charybde en Scylla. Car conjuguer des aspirations en apparence inconciliables, qui prennent la forme d'une recherche simultanée du statu quo et de l'assainissement des mœurs, c'est une prouesse qui peut être réussie — l'Histoire en a déjà fait la démonstration — par un tribun au verbe haut, distributeur de largesses ponctuelles et organisateur de la vie publique à son propre avantage... au besoin en flattant les instincts les plus populaciers. Et pour qui le renouveau espéré sera le cadet de ses soucis.
Pour Taschereau hier comme pour Charest aujourd'hui, la roche tarpéienne n'est pas loin du Capitole : accumuler les victoires électorales ne fait que rapprocher l'échéance quand le public excédé se tournera vers une solution de rechange. Mais si le public aspire à la tranquillité, le pays risque de tomber de Charybde en Scylla. Car conjuguer des aspirations en apparence inconciliables, qui prennent la forme d'une recherche simultanée du statu quo et de l'assainissement des mœurs, c'est une prouesse qui peut être réussie — l'Histoire en a déjà fait la démonstration — par un tribun au verbe haut, distributeur de largesses ponctuelles et organisateur de la vie publique à son propre avantage... au besoin en flattant les instincts les plus populaciers. Et pour qui le renouveau espéré sera le cadet de ses soucis.
2011-02-06
Incendies à éteindre
Incendies, le film de Denis Villeneuve, démontre — presque aussi implacablement que Waltz with Bashir — à quel point la guerre civile libanaise aura été une des tragédies humaines les plus inextricables du siècle dernier. Contrairement à Waltz with Bashir, le film de Villeneuve tiré d'un scénario de Wajdi Mouawad opte pour un léger décalage fictionnel : l'action est transposée dans un pays fictif, où Beyrouth devient Daresh, les camps de Sabra et Chatila celui de Deressa, la prison de Khiam celle de Kfar Ryat, l'invasion israélienne l'invasion « ennemie » et l'assassinat de Bachir Gemayel celui d'un chef des milices chrétiennes tué par la protagoniste pour venger les victimes de Deressa...
Là-dessus se greffe la double quête de deux jeunes Canadiens — pour un père qu'ils croyaient mort et pour un frère qu'ils ignoraient avoir. Jeanne et Simon sont des jumeaux, les enfants de Nawal Marwan, qui a voulu réécrire l'histoire de Roméo et Juliette en s'éprenant d'un réfugié (palestinien) alors qu'elle est une chrétienne (libanaise). Les enfants découvrent peu à les détails de la vie de leur mère tandis qu'à l'écran, son parcours au cœur de la guerre civile nous est donné à voir d'une manière plus immédiate et nettement plus brutale.
D'ailleurs, c'est une des nombreuses forces du film que de mettre en scène le fossé presque infranchissable entre la fureur des événements tels que vécus dans le feu de l'action et les conséquences ou retombées à plus long terme, quand les acteurs ont pris leur retraite, ont filé ailleurs, entretiennent leurs rancœurs ou se retrouvent exactement là où ils se trouvaient au début de tout — enfermés dans un camp de réfugiés. Quelle forme la fidélité à la mémoire doit-elle prendre quand elle se réduit à un inventaire d'horreurs? Comment fait-on pour fouler un sol qui a déjà bu tant de sang?
Comme dans une tragédie grecque (on songe à Œdipe roi), le nœud du drame est familial, inscrivant la tragédie libanaise dans les liens mêmes du sang au sein d'une seule famille. C'est ce qui en fait quelque chose de plus personnel, de plus détaché du contexte historique.
À première vue, on pourrait reprocher à Mouawad de trop exiger du hasard. Qu'un enfant perdu devienne un chien fou de la guerre, qu'il soit recueilli (recruté) par une milice pour ensuite passer de l'autre bord afin de devenir un tortionnaire, juste assez vieux pour avoir des rapports avec sa mère, cela bouscule la chronologie et frise l'invraisemblable.
Bien entendu, l'exceptionnel nous est imposé par la force des images et la logique de ce qui nous est montré, mais, dans ce contexte, il est avant tout symbolique. La guerre civile dresse depuis toujours le frère contre le frère, la femme contre le mari, les enfants contre les parents. Que la guerre dégénère, échappant à toutes règles, et que les atrocités s'y mêlent et il ne faudra guère plus pour qu'une simple histoire d'amour entre un homme et une femme se transforme en une série d'épreuves, aussi bien pour les principaux intéressés que pour leurs héritiers.
En un sens, Incendies n'est qu'une réécriture de l'histoire de Roméo et Juliette. Mais là où la destruction d'une amour adolescente suffisait à établir l'inanité de la vendetta opposant deux familles de Vérone, il en faut beaucoup plus à Mouawad (et Villeneuve) pour conclure, comme le prince de Vérone, que l'amour ne doit pas payer le prix de la haine si on ne veut pas perdre ce qu'on a de plus cher. Toutefois, je ne peux pas m'empêcher de penser que ce serait peut-être plus convaincant si, au lieu de nous montrer des atrocités extraordinaires de part et d'autre, on nous montrait des raisons pour les uns d'apprécier les autres, et inversement. De ce point de vue, les portraits de la vie ordinaire pourraient faire autant que l'intrigue incendiaire d'un brûlot comme Incendies. Je suis train de lire la Trilogie de Naguib Mahfouz (dont le prénom se prononce différemment en Égypte et au Liban) qui fait vivre le petit peuple du Caire au milieu du siècle dernier. La haine peut-elle enseigner l'amour? Nawal Marwan affirme le contraire dans Incendies : la haine lui a enseigné la haine. Peut-être faudrait-il essayer le contraire...
Là-dessus se greffe la double quête de deux jeunes Canadiens — pour un père qu'ils croyaient mort et pour un frère qu'ils ignoraient avoir. Jeanne et Simon sont des jumeaux, les enfants de Nawal Marwan, qui a voulu réécrire l'histoire de Roméo et Juliette en s'éprenant d'un réfugié (palestinien) alors qu'elle est une chrétienne (libanaise). Les enfants découvrent peu à les détails de la vie de leur mère tandis qu'à l'écran, son parcours au cœur de la guerre civile nous est donné à voir d'une manière plus immédiate et nettement plus brutale.
D'ailleurs, c'est une des nombreuses forces du film que de mettre en scène le fossé presque infranchissable entre la fureur des événements tels que vécus dans le feu de l'action et les conséquences ou retombées à plus long terme, quand les acteurs ont pris leur retraite, ont filé ailleurs, entretiennent leurs rancœurs ou se retrouvent exactement là où ils se trouvaient au début de tout — enfermés dans un camp de réfugiés. Quelle forme la fidélité à la mémoire doit-elle prendre quand elle se réduit à un inventaire d'horreurs? Comment fait-on pour fouler un sol qui a déjà bu tant de sang?
Comme dans une tragédie grecque (on songe à Œdipe roi), le nœud du drame est familial, inscrivant la tragédie libanaise dans les liens mêmes du sang au sein d'une seule famille. C'est ce qui en fait quelque chose de plus personnel, de plus détaché du contexte historique.
À première vue, on pourrait reprocher à Mouawad de trop exiger du hasard. Qu'un enfant perdu devienne un chien fou de la guerre, qu'il soit recueilli (recruté) par une milice pour ensuite passer de l'autre bord afin de devenir un tortionnaire, juste assez vieux pour avoir des rapports avec sa mère, cela bouscule la chronologie et frise l'invraisemblable.
Bien entendu, l'exceptionnel nous est imposé par la force des images et la logique de ce qui nous est montré, mais, dans ce contexte, il est avant tout symbolique. La guerre civile dresse depuis toujours le frère contre le frère, la femme contre le mari, les enfants contre les parents. Que la guerre dégénère, échappant à toutes règles, et que les atrocités s'y mêlent et il ne faudra guère plus pour qu'une simple histoire d'amour entre un homme et une femme se transforme en une série d'épreuves, aussi bien pour les principaux intéressés que pour leurs héritiers.
En un sens, Incendies n'est qu'une réécriture de l'histoire de Roméo et Juliette. Mais là où la destruction d'une amour adolescente suffisait à établir l'inanité de la vendetta opposant deux familles de Vérone, il en faut beaucoup plus à Mouawad (et Villeneuve) pour conclure, comme le prince de Vérone, que l'amour ne doit pas payer le prix de la haine si on ne veut pas perdre ce qu'on a de plus cher. Toutefois, je ne peux pas m'empêcher de penser que ce serait peut-être plus convaincant si, au lieu de nous montrer des atrocités extraordinaires de part et d'autre, on nous montrait des raisons pour les uns d'apprécier les autres, et inversement. De ce point de vue, les portraits de la vie ordinaire pourraient faire autant que l'intrigue incendiaire d'un brûlot comme Incendies. Je suis train de lire la Trilogie de Naguib Mahfouz (dont le prénom se prononce différemment en Égypte et au Liban) qui fait vivre le petit peuple du Caire au milieu du siècle dernier. La haine peut-elle enseigner l'amour? Nawal Marwan affirme le contraire dans Incendies : la haine lui a enseigné la haine. Peut-être faudrait-il essayer le contraire...
Libellés : Films
2011-02-03
L'ambition du premier
Pour les Canadiens ou les Français les plus anti-américains, le discours de Barack Obama sur l'état de l'Union se buvait comme du petit lait, servi avec une bonne dose de schadenfreude. Mais il serait risqué de prendre au sérieux la litanie d'Obama faisant des États-Unis un géant à genoux, bientôt dépassé par la Chine (a-t-il été question de l'Europe comme rival potentiel? hmmm...), car il convient de se rappeler qu'il s'agissait, quelle surprise, d'un discours politique.
Une main-d'œuvre sous-qualifiée, une élite hyper-éduquée, une classe moyenne prise à la gorge par l'endettement et menacée par le déclassement... Dans certaines circonstances, ce ne sont pas les symptômes d'un déclin inéluctable, mais les conditions d'une renaissance économique. À long terme, la démographie (même si elle est partie latino-américaine) joue en faveur des États-Unis et contre la Chine, tout comme la qualité de vie des chercheurs (même s'ils sont en partie canadiens, européens, indiens, chinois, etc.), le capital environnemental, la gouvernance (plus ou moins) démocratique, et ainsi de suite.
Non, on le sait bien désormais, les États-Unis n'investiront pas dans ce qui pourrait améliorer les conditions de vie de leur population (même la réforme des soins de santé est aussi une réforme des coûts de la santé) ou réduire l'inégalité : c'est en fait dans l'intérêt du pays de disposer d'une main-d'œuvre motivée par le spectre de la pauvreté, susceptible d'assurer au moindre coût le train de vie de l'American Dream à la classe moyenne déjà sous pression qui acceptera de faire tourner sans trop se plaindre certaines des industries les plus avancées de la planète (dont celles du secteur défense). Ce qui laisse le gouvernement libre d'investir dans la recherche et le soutien industriel. Selon le rapport 2010 de l'OCDE, OECD Science, Technology and Industry Outlook (.PDF), les États-Unis sont en deuxième place après le Japon pour ce qui est de la part des dépenses en recherche et développement proportionnellement au PIB — et le rapport note que les dépenses des États-Unis sont sans doute sous-estimées.
L'inégalité est peut-être (sans doute?) le résultat d'une monopolisation des gains de productivité et des gros salaires par les plus riches et les plus éduqués, mais si la croissance économique des États-Unis jusqu'au début des années 1973 a largement profité de l'éducation généralisée de la population (comme ailleurs, quoique un peu plus tard), rien ne dit qu'il s'agisse nécessairement d'une loi valable ad vitam aeternam dans tous les cas de figure. Rien ne permet de l'affirmer, à moins de connaître le futur... Tant que les ouvriers ne seront pas complètement supplantés par les robots, il restera peut-être une exigence incompressible de travailleurs moins éduqués. Sinon, on peut imaginer que la gestion de robots sera le boulot de l'avenir et qu'on découvrira alors que les fanas de jeux vidéos s'entraînaient sans le savoir à devenir des gestionnaires de robots...
Bref, il est possible d'entrevoir des raisons permettant de croire que les États-Unis pourraient revenir en lion. L'habitude d'être le premier en tout est aussi un incitatif à déployer de grands efforts pour maintenir son rang. C'est un aiguillon qui pousse les États-Unis à prendre des décisions qui défient le sens commun de certains économistes, mais qui pourraient rapporter gros. En tout cas, les Français et les Canadiens qui sont habitués au manque d'ambition de leurs gouvernants devraient se poser des questions sur les choix qui font que leurs pays ne risquent pas de rivaliser avec les États-Unis pour ce qui est de la richesse par habitant ou de la puissance brute.
D'un point de vue historique, parier contre les États-Unis est un jeu dangereux. Les Anglais y ont renoncé après s'être brûlé les doigts en 1776, 1812 et 1860 (quand ils avaient plus ou moins parié sur la Sécession du Sud). Les Allemands s'en sont repentis après leurs défaites en 1918 et 1945. Les Russes ont fini par plier en 1989 et Saddam Hussein a été pendu parce qu'il avait mal compris les instructions — en anglais, natürlich — d'une ambassadrice états-unienne et s'était obstiné dans l'erreur. Quant aux tenants du déclin des États-Unis après la guerre du Viêt-nam, Nixon, le choc pétrolier et Cartier, ils n'ont pas vu venir la chute de l'Empire soviétique et le boom des technos des années 1990.
L'idéologie propre aux États-Unis, ce n'est pas l'American Dream, c'est la destruction créative chère à Joseph Schumpeter. Trébucher, chuter et se relever. Errer et se racheter. Détruire pour mieux reconstruire. L'Amérique est le lieu des nouveaux commencements, mais on ne peut recommencer parfois qu'à la faveur de la destruction de ce qui a précédé. La mythique frontière n'était pas un non-lieu avant la colonisation par les pionniers américains : elle était habitée, mais elle a été dévastée (par les maladies, les guerres, la chasse allant jusqu'à l'extermination de certaines espèces) afin de devenir la scène d'une nouvelle construction, celle des fermes et des ranches. La grande Dépression a enchaîné les calamités naturelles et humaines avant de devenir le tremplin d'un pays victorieux à la guerre, prospère à l'interne et technologiquement à la fine pointe des biens de consommation.
Aujourd'hui, il y a de nouveaux lieux dévastés, comme les friches de Detroit, mais il pourrait s'agir aussi de la création d'une nouvelle frontière.
Les États-Unis préparent-ils un rebond similaire? Ce n'est pas impossible — même si l'Histoire ne se répète pas toujours. C'est le propre des préparatifs de ne pas révéler leurs résultats. Les États-Unis de demain pourraient devenir autre chose. Par exemple, un pays riche jouissant d'une croissance reposant désormais sur de nouvelles bases — dont la pauvreté persistante d'un prolétariat marginalisé, multiracial et issu en partie de l'immigration — qui existerait en symbiose avec des pays misant sur la solidarité sociale (Canada, France, Allemagne) lui servant d'incubateurs utiles en matière de ressources humaines et de partenaires scientifiques...
Une main-d'œuvre sous-qualifiée, une élite hyper-éduquée, une classe moyenne prise à la gorge par l'endettement et menacée par le déclassement... Dans certaines circonstances, ce ne sont pas les symptômes d'un déclin inéluctable, mais les conditions d'une renaissance économique. À long terme, la démographie (même si elle est partie latino-américaine) joue en faveur des États-Unis et contre la Chine, tout comme la qualité de vie des chercheurs (même s'ils sont en partie canadiens, européens, indiens, chinois, etc.), le capital environnemental, la gouvernance (plus ou moins) démocratique, et ainsi de suite.
Non, on le sait bien désormais, les États-Unis n'investiront pas dans ce qui pourrait améliorer les conditions de vie de leur population (même la réforme des soins de santé est aussi une réforme des coûts de la santé) ou réduire l'inégalité : c'est en fait dans l'intérêt du pays de disposer d'une main-d'œuvre motivée par le spectre de la pauvreté, susceptible d'assurer au moindre coût le train de vie de l'American Dream à la classe moyenne déjà sous pression qui acceptera de faire tourner sans trop se plaindre certaines des industries les plus avancées de la planète (dont celles du secteur défense). Ce qui laisse le gouvernement libre d'investir dans la recherche et le soutien industriel. Selon le rapport 2010 de l'OCDE, OECD Science, Technology and Industry Outlook (.PDF), les États-Unis sont en deuxième place après le Japon pour ce qui est de la part des dépenses en recherche et développement proportionnellement au PIB — et le rapport note que les dépenses des États-Unis sont sans doute sous-estimées.
L'inégalité est peut-être (sans doute?) le résultat d'une monopolisation des gains de productivité et des gros salaires par les plus riches et les plus éduqués, mais si la croissance économique des États-Unis jusqu'au début des années 1973 a largement profité de l'éducation généralisée de la population (comme ailleurs, quoique un peu plus tard), rien ne dit qu'il s'agisse nécessairement d'une loi valable ad vitam aeternam dans tous les cas de figure. Rien ne permet de l'affirmer, à moins de connaître le futur... Tant que les ouvriers ne seront pas complètement supplantés par les robots, il restera peut-être une exigence incompressible de travailleurs moins éduqués. Sinon, on peut imaginer que la gestion de robots sera le boulot de l'avenir et qu'on découvrira alors que les fanas de jeux vidéos s'entraînaient sans le savoir à devenir des gestionnaires de robots...
Bref, il est possible d'entrevoir des raisons permettant de croire que les États-Unis pourraient revenir en lion. L'habitude d'être le premier en tout est aussi un incitatif à déployer de grands efforts pour maintenir son rang. C'est un aiguillon qui pousse les États-Unis à prendre des décisions qui défient le sens commun de certains économistes, mais qui pourraient rapporter gros. En tout cas, les Français et les Canadiens qui sont habitués au manque d'ambition de leurs gouvernants devraient se poser des questions sur les choix qui font que leurs pays ne risquent pas de rivaliser avec les États-Unis pour ce qui est de la richesse par habitant ou de la puissance brute.
D'un point de vue historique, parier contre les États-Unis est un jeu dangereux. Les Anglais y ont renoncé après s'être brûlé les doigts en 1776, 1812 et 1860 (quand ils avaient plus ou moins parié sur la Sécession du Sud). Les Allemands s'en sont repentis après leurs défaites en 1918 et 1945. Les Russes ont fini par plier en 1989 et Saddam Hussein a été pendu parce qu'il avait mal compris les instructions — en anglais, natürlich — d'une ambassadrice états-unienne et s'était obstiné dans l'erreur. Quant aux tenants du déclin des États-Unis après la guerre du Viêt-nam, Nixon, le choc pétrolier et Cartier, ils n'ont pas vu venir la chute de l'Empire soviétique et le boom des technos des années 1990.
L'idéologie propre aux États-Unis, ce n'est pas l'American Dream, c'est la destruction créative chère à Joseph Schumpeter. Trébucher, chuter et se relever. Errer et se racheter. Détruire pour mieux reconstruire. L'Amérique est le lieu des nouveaux commencements, mais on ne peut recommencer parfois qu'à la faveur de la destruction de ce qui a précédé. La mythique frontière n'était pas un non-lieu avant la colonisation par les pionniers américains : elle était habitée, mais elle a été dévastée (par les maladies, les guerres, la chasse allant jusqu'à l'extermination de certaines espèces) afin de devenir la scène d'une nouvelle construction, celle des fermes et des ranches. La grande Dépression a enchaîné les calamités naturelles et humaines avant de devenir le tremplin d'un pays victorieux à la guerre, prospère à l'interne et technologiquement à la fine pointe des biens de consommation.
Aujourd'hui, il y a de nouveaux lieux dévastés, comme les friches de Detroit, mais il pourrait s'agir aussi de la création d'une nouvelle frontière.
Les États-Unis préparent-ils un rebond similaire? Ce n'est pas impossible — même si l'Histoire ne se répète pas toujours. C'est le propre des préparatifs de ne pas révéler leurs résultats. Les États-Unis de demain pourraient devenir autre chose. Par exemple, un pays riche jouissant d'une croissance reposant désormais sur de nouvelles bases — dont la pauvreté persistante d'un prolétariat marginalisé, multiracial et issu en partie de l'immigration — qui existerait en symbiose avec des pays misant sur la solidarité sociale (Canada, France, Allemagne) lui servant d'incubateurs utiles en matière de ressources humaines et de partenaires scientifiques...
Libellés : États-Unis, Futurisme
2011-02-01
Jean Charest, despote?
Il est amusant de constater que ce sont les politiciens les plus conservateurs qui prétendent s'arroger les pleins pouvoirs en tant que premiers ministres, oubliant qu'ils ne sont que des représentants du peuple : dans le contexte d'une monarchie constitutionnelle, en effet, un premier ministre n'est que le chef d'un gouvernement de passage, sans vocation à incarner toute la grandeur de l'État comme dans une république, bref, un simple député primus inter pares qui n'est que le premier serviteur de la Couronne.
La commission Bastarache aura eu l'avantage de révéler la centralisation du pouvoir et de l'influence dans les officines de Jean Charest à Québec, tout comme Stephen Harper gouverne ses propres ministres avec une poigne de fer. Dès 2003, Charest réclamait d'être informé des nominations de juges...
Maintenant, le projet de loi 130 laisse deviner une volonté semblable de centralisation et de contrôle absolu dans le cas des sciences et des techniques au Québec. Il faut lire le mémoire (.PDF) de l'ACFAS à ce sujet. (D'autres associations se manifestent aussi, dont la Commission citoyenne de la recherche scientifique du Québec.) Il s'agit d'une loi que l'on pourrait dire administrative tout comme on pourrait la dire obèse, car elle est gonflée à en crever d'une multitude de changements et de réformes. Ainsi, le Conseil de la science et de la technologie cesse d'avoir une existence séparée et sera incorporé au ministère dont il relève. (En principe, pour économiser des sous, même si on ne voit pas quelles économies réelles seront réalisées.) On sent la laisse qui devient plus courte...
Autre élément : une Commission sur l'éthique en science et en technologie est instituée. Mais cette commission composée de treize membres fonctionnera en huis clos. Certes, il est dit que le ministre pourra « rendre publics les avis, les recommandations, les constatations et les conclusions que lui fournit la Commission. » On pressent néanmoins qu'on attribue déjà à cette commission un rôle d'éteignoir pour tous les débats potentiels autour de la science et de la technologie...
Comme, par exemple, celui sur les gaz de schiste.
La commission Bastarache aura eu l'avantage de révéler la centralisation du pouvoir et de l'influence dans les officines de Jean Charest à Québec, tout comme Stephen Harper gouverne ses propres ministres avec une poigne de fer. Dès 2003, Charest réclamait d'être informé des nominations de juges...
Maintenant, le projet de loi 130 laisse deviner une volonté semblable de centralisation et de contrôle absolu dans le cas des sciences et des techniques au Québec. Il faut lire le mémoire (.PDF) de l'ACFAS à ce sujet. (D'autres associations se manifestent aussi, dont la Commission citoyenne de la recherche scientifique du Québec.) Il s'agit d'une loi que l'on pourrait dire administrative tout comme on pourrait la dire obèse, car elle est gonflée à en crever d'une multitude de changements et de réformes. Ainsi, le Conseil de la science et de la technologie cesse d'avoir une existence séparée et sera incorporé au ministère dont il relève. (En principe, pour économiser des sous, même si on ne voit pas quelles économies réelles seront réalisées.) On sent la laisse qui devient plus courte...
Autre élément : une Commission sur l'éthique en science et en technologie est instituée. Mais cette commission composée de treize membres fonctionnera en huis clos. Certes, il est dit que le ministre pourra « rendre publics les avis, les recommandations, les constatations et les conclusions que lui fournit la Commission. » On pressent néanmoins qu'on attribue déjà à cette commission un rôle d'éteignoir pour tous les débats potentiels autour de la science et de la technologie...
Comme, par exemple, celui sur les gaz de schiste.
Libellés : Politique, Québec, Sciences