2007-08-25
Fissures du réel
Entendu à la radio ce matin : Joël Le Bigot vantait l'impertubabilité de Francine Grimaldi, qu'il n'était pas possible de faire pleurer tant elle avait les émotions en « béton armé ». Comme la Grimaldi admettait avoir été émue par une chanson qui lui avait été dédiée, il devait s'agir de béton armé québécois, qui craque facilement. Et vlan! (À condition de ne pas se trouver dessous... ou dessus... quand ça tombe.)
Hier soir, avant de faire le tour à pied du périmètre de sécurité érigé autour des fissures du boulevard de Maisonneuve, au-dessus des voûtes bétonnées des tunnels de La Baie, je suis allé voir le nouveau film de Raoul Ruiz, Klimt.
Celui-ci est moins réussi en ce qui me concerne que Le Temps retrouvé. Pourtant, il traite de la même Belle Époque à l'aube du siècle dernier et il nous montre les mêmes milieux, qui fréquentent aussi bien la société salonnière que les bordels de luxe. L'inventivité visuelle et cinématographique n'est pas moindre.
Et pourtant, l'accumulation d'images et de séquences frappantes ne composaient pas une fresque aussi cohérente. Le caractère fragmentaire des réminiscences pourrait refléter la perte de contact avec la réalité propre à la démence syphilitique, car Klimt (joué par John Malkovich) est à l'agonie. Mais cette déliquescence progressive de la narration pourrait aussi refléter un manque d'inspiration du scénariste, qui tente de le camoufler en faisant de l'incohérence un principe de cohérence.
C'est visuellement somptueux, mais il me manquait les clés fournies à l'avance par la lecture de Proust dans le cas du film précédent et j'en étais réduit aux conjectures. L'importance du double, du nu féminin et du rejet des conventions ressortait clairement, mais la signification de ces thèmes dans le film ou dans la vie de Klimt, dans son œuvre ou dans le cadre de l'époque m'a échappé. Faut-il ramener le film à la dichotomie énoncée par un interlocuteur imaginaire de Klimt? Pour ce personnage qui hante l'artiste, le nouveau style adopté par Klimt passera pour scandaleusement décadent à Vienna ou pour simplement poétique à Paris. L'alternative ne semble pas satisfaire Klimt, qui conçoit ses tableaux comme des allégories. Le beau doit-il être utile? Au tout début du film, Klimt réfute cette proposition en écrasant un gâteau (un palacsintas hongrois?) en plein visage d'un critique.
Faut-il donc se contenter d'admirer la beauté inutile de ce film? Ou faut-il y chercher des allégories qui en feraient quelque chose de plus que de la pure poésie pour esthètes français — une thèse reliant la décadence gratuite de la Belle Époque et la boucherie gratuite de la Grande Guerre?
Il y a sans doute quelque part en-ligne les déclarations de Raoul Ruiz lui-même sur le sens de son film. Je ne les ai pas cherchées avant de rédiger ce qui précède.
Hier soir, avant de faire le tour à pied du périmètre de sécurité érigé autour des fissures du boulevard de Maisonneuve, au-dessus des voûtes bétonnées des tunnels de La Baie, je suis allé voir le nouveau film de Raoul Ruiz, Klimt.
Celui-ci est moins réussi en ce qui me concerne que Le Temps retrouvé. Pourtant, il traite de la même Belle Époque à l'aube du siècle dernier et il nous montre les mêmes milieux, qui fréquentent aussi bien la société salonnière que les bordels de luxe. L'inventivité visuelle et cinématographique n'est pas moindre.
Et pourtant, l'accumulation d'images et de séquences frappantes ne composaient pas une fresque aussi cohérente. Le caractère fragmentaire des réminiscences pourrait refléter la perte de contact avec la réalité propre à la démence syphilitique, car Klimt (joué par John Malkovich) est à l'agonie. Mais cette déliquescence progressive de la narration pourrait aussi refléter un manque d'inspiration du scénariste, qui tente de le camoufler en faisant de l'incohérence un principe de cohérence.
C'est visuellement somptueux, mais il me manquait les clés fournies à l'avance par la lecture de Proust dans le cas du film précédent et j'en étais réduit aux conjectures. L'importance du double, du nu féminin et du rejet des conventions ressortait clairement, mais la signification de ces thèmes dans le film ou dans la vie de Klimt, dans son œuvre ou dans le cadre de l'époque m'a échappé. Faut-il ramener le film à la dichotomie énoncée par un interlocuteur imaginaire de Klimt? Pour ce personnage qui hante l'artiste, le nouveau style adopté par Klimt passera pour scandaleusement décadent à Vienna ou pour simplement poétique à Paris. L'alternative ne semble pas satisfaire Klimt, qui conçoit ses tableaux comme des allégories. Le beau doit-il être utile? Au tout début du film, Klimt réfute cette proposition en écrasant un gâteau (un palacsintas hongrois?) en plein visage d'un critique.
Faut-il donc se contenter d'admirer la beauté inutile de ce film? Ou faut-il y chercher des allégories qui en feraient quelque chose de plus que de la pure poésie pour esthètes français — une thèse reliant la décadence gratuite de la Belle Époque et la boucherie gratuite de la Grande Guerre?
Il y a sans doute quelque part en-ligne les déclarations de Raoul Ruiz lui-même sur le sens de son film. Je ne les ai pas cherchées avant de rédiger ce qui précède.
Libellés : Films, Québec, Structures