2008-05-30
La vie sauvage dans le jardin
À quelques occasions depuis la fin de l'hiver, j'ai testé le grossissement de mon appareil photo numérique. En général, il s'agissait de photographier des animaux dans un jardin de banlieue à Ottawa. Sortir dehors pour se rapprocher de l'animal en question, c'était risquer de l'effaroucher. Mais prendre une photo de la maison, c'était risquer de ne voir qu'une tache rouge dans les arbres. Néanmoins, j'ai fini par me résoudre à essayer le zoom de l'appareil. Contrairement aux appareils classiques, un appareil numérique dispose non seulement d'un zoom optique, dont la puissance est une fonction de la disposition des lentilles, mais aussi d'un zoom numérique qui manipule l'image pixellisée en sacrifiant une partie de la netteté possible avec une mise au point idéale. Dans le cas de ce cardinal rouge qui visitait le jardin en mars dernier, le résultat est moyen. Il demeure possible d'identifier l'oiseau, mais certainement pas de compter les plumes de ses ailes...
Dans le cas d'un lapin — ou plutôt un lapereau — observé cette semaine dans le jardin, le résultat est plus encourageant. Certes, dans la première photo à gauche, on pourrait presque confondre ce lapinot avec un écureuil. Par contre, dans la seconde photo à droite, le lapin a presque le profil typique du lapin en chocolat. Aucun risque d'erreur sur l'animal. (Est-ce un rejeton du lapin que j'avais aperçu dans la rue à quelques reprises cet hiver?) Néanmoins, j'avais atteint les limites du grossissement de l'appareil et, encore une fois, la netteté du cliché reste médiocre. Bref, si je veux prendre de meilleures photos de la vie sauvage urbaine, il faudra que j'adopte de nouvelles techniques...
Dans le cas d'un lapin — ou plutôt un lapereau — observé cette semaine dans le jardin, le résultat est plus encourageant. Certes, dans la première photo à gauche, on pourrait presque confondre ce lapinot avec un écureuil. Par contre, dans la seconde photo à droite, le lapin a presque le profil typique du lapin en chocolat. Aucun risque d'erreur sur l'animal. (Est-ce un rejeton du lapin que j'avais aperçu dans la rue à quelques reprises cet hiver?) Néanmoins, j'avais atteint les limites du grossissement de l'appareil et, encore une fois, la netteté du cliché reste médiocre. Bref, si je veux prendre de meilleures photos de la vie sauvage urbaine, il faudra que j'adopte de nouvelles techniques...
2008-05-29
Passeports de complaisance
L'ironie du jour : alors que le gouvernement canadien sous les Conservateurs a décidé de durcir les contrôles pour éviter d'accorder la citoyenneté canadienne aux bénéficiaires de mariages de complaisance entre citoyens canadiens et aspirants au passeport canadien, ces mêmes Conservateurs sont maintenant accusés d'avoir accordé, avec ou sans vérification, un passeport diplomatique de complaisance (vert ou rouge) à Julie Couillard...
Et comme si les carences possibles des procédures de contrôle ne suffisaient pas, il semblerait que le parallèle soit encore plus complet puisque la relation entre Maxime Bernier et Julie Couillard aurait été plus ou moins terminée lorsqu'elle avait commencé à voyager en tant qu'amie officielle. Autrement dit, un passeport spécial aurait été émis sur la base de fausses informations. Si les Conservateurs finissent par lâcher le morceau, on saura enfin si, comme d'habitude, il y avait deux poids, deux mesures pour les simples citoyens et pour ceux qui nous gouvernent — une loi pour les gouvernés et une loi pour les gouvernants.
Et comme si les carences possibles des procédures de contrôle ne suffisaient pas, il semblerait que le parallèle soit encore plus complet puisque la relation entre Maxime Bernier et Julie Couillard aurait été plus ou moins terminée lorsqu'elle avait commencé à voyager en tant qu'amie officielle. Autrement dit, un passeport spécial aurait été émis sur la base de fausses informations. Si les Conservateurs finissent par lâcher le morceau, on saura enfin si, comme d'habitude, il y avait deux poids, deux mesures pour les simples citoyens et pour ceux qui nous gouvernent — une loi pour les gouvernés et une loi pour les gouvernants.
Libellés : Politique
2008-05-27
Les braises de la mémoire
L'autre jour, la bande-annonce de City of Ember, le film tiré du roman jeunesse éponyme de Jeanne DuPrau, m'a tout de suite fait penser à Surréal 3000, le roman de Suzanne Martel paru au Québec en 1963 (sous un autre titre). Pourquoi? À cause des points communs les plus évidents...
— les personnages vivent dans une ville souterraine;
— cette cité souterraine est un refuge occupé à la suite d'une catastrophe ancienne;
— l'alimentation en électricité de cette ville est de plus en plus aléatoire;
— la source de cette électricité est quasi sacralisée;
— un des jeunes personnages est mêlé à l'entretien ou à la réparation des équipements fournissant la ville en électricité;
— un autre jeune personnage trouve un moyen de quitter la ville;
— quand les citoyens de la ville souterraine émergent à l'air libre, ils rencontrent des survivants du désastre qui ont constitué un village revenu à un mode de vie primitif (dans le cas des écrits de DuPrau, ceci se passe dans The People of Sparks, la suite de City of Ember)
Est-ce un cas de plagiat ou de cryptomnésie? Le roman de Suzanne Martel a bénéficié d'une traduction en anglais par Norah Smaridge et d'une édition aux États-Unis en 1964, sous le titre The City Under Ground. Née en 1944, DuPrau aurait donc pu lire le roman de Martel à l'âge de vingt ans environ.
City of Ember est paru en 2003, mais, sur son site, DuPrau affirme l'avoir écrit il y a de nombreuses années et avoir été inspirée par son expérience d'enfant des années cinquante marquées par la peur de la guerre nucléaire et la création d'abris. Mais la phrase cruciale est plus vague : « But I was also just interested in the idea of a city that had no light other than electricity. What would it be like to live in such darkness, and to know that light and food and supplies were all running out? And not to know about weather or trees or animals (except for a few rats and insects) or any other places? » Le « But » initial laisse entendre que cet intérêt n'était pas directement relié à son expérience des années cinquante et DuPrau n'indique pas ce qui aurait été à l'origine de cet intérêt... Elle reste vague aussi sur la date des premières ébauches du roman. Par conséquent, la question reste posée : plagiat, cryptomnésie ou coïncidence ?
— les personnages vivent dans une ville souterraine;
— cette cité souterraine est un refuge occupé à la suite d'une catastrophe ancienne;
— l'alimentation en électricité de cette ville est de plus en plus aléatoire;
— la source de cette électricité est quasi sacralisée;
— un des jeunes personnages est mêlé à l'entretien ou à la réparation des équipements fournissant la ville en électricité;
— un autre jeune personnage trouve un moyen de quitter la ville;
— quand les citoyens de la ville souterraine émergent à l'air libre, ils rencontrent des survivants du désastre qui ont constitué un village revenu à un mode de vie primitif (dans le cas des écrits de DuPrau, ceci se passe dans The People of Sparks, la suite de City of Ember)
Est-ce un cas de plagiat ou de cryptomnésie? Le roman de Suzanne Martel a bénéficié d'une traduction en anglais par Norah Smaridge et d'une édition aux États-Unis en 1964, sous le titre The City Under Ground. Née en 1944, DuPrau aurait donc pu lire le roman de Martel à l'âge de vingt ans environ.
City of Ember est paru en 2003, mais, sur son site, DuPrau affirme l'avoir écrit il y a de nombreuses années et avoir été inspirée par son expérience d'enfant des années cinquante marquées par la peur de la guerre nucléaire et la création d'abris. Mais la phrase cruciale est plus vague : « But I was also just interested in the idea of a city that had no light other than electricity. What would it be like to live in such darkness, and to know that light and food and supplies were all running out? And not to know about weather or trees or animals (except for a few rats and insects) or any other places? » Le « But » initial laisse entendre que cet intérêt n'était pas directement relié à son expérience des années cinquante et DuPrau n'indique pas ce qui aurait été à l'origine de cet intérêt... Elle reste vague aussi sur la date des premières ébauches du roman. Par conséquent, la question reste posée : plagiat, cryptomnésie ou coïncidence ?
2008-05-26
Promenade à Griffintown
Le projet Griffintown fait beaucoup jaser, et il a poussé L'Esprit Vagabond à nous offrir plusieurs photos du quartier actuel, ainsi que des photos prises en 2004 par Daniel Sernine. Comme je me suis accordé un congé hier, j'en ai profité pour me promener après un brunch généreux avec une amie sur Monkland. J'ai commencé par me rendre jusqu'aux restes du fort des Sulpiciens qui font maintenant partie du Grand Séminaire. Il s'agit de deux tours en pierre qui remontent à 1685 environ, selon ce rapport, quand le Sulpicien François Vachon de Belmont avait commandé la fortification d'une mission déjà dotée de résidences pour les Amérindiens, d'une chapelle en bois, d'un cimetière, d'une vigne et d'une fontaine, pour faire face à une reprise des hostilités franco-iroquoises. Les deux tours du côté sud ont survécu; elles servaient aux sœurs de la Congrégation à la fois comme résidence et comme local d'enseignement (utilisé entre autres par Marguerite Bourgeoys). Le Séminaire de Saint-Sulpice héritera des restes de la mission en 1696. Bref, ces deux tours sont parmi les plus anciens vestiges du Régime français à Montréal et elles mettent une petite touche propre à la campagne française dans le décor urbain du Montréal actuel.
En poursuivant vers l'ouest, j'ai profité de la journée des musées de Montréal pour visiter d'abord l'église St. Andrew and St. Paul, le résultat de la fusion en 1918 de deux paroisses remontant respectivement à 1803 et 1832. Toutefois, l'église actuelle ne date que de 1931, de sorte que l'édifice néogothique incorpore des touches nettement modernes même s'il est aussi rattaché au passé par son rôle de sanctuaire officiel du régiment d'origine écossaise des Black Watch au Canada. Des drapeaux régimentaires pendent des murs et le principal vitrail du chœur est consacré à la mémoire de Bartlett McLennan ainsi que des officiers et soldats du 42e bataillon morts durant la guerre. L'amorce de la nef conserve deux vitraux dignes d'attention, car ils ont été produits par la maison William Morris d'après des cartons de l'artiste préraphaélite Sir Edward Burne-Jones. De fait, la combinaison du hiératisme des personnages et du respect des conventions distinguent ces deux vitraux des autres dans l'église, qui trahissent l'influence de l'art contemporain et se veulent en général plus modernes. Le vitrail à gauche est consacré à la mémoire d'Andrew Allan, né en 1822, le quatrième fils d'Alexander Allan (1780-1854) qui avait fondé une compagnie de navigation entre le Bas-Canada et l'Écosse en 1819. Andrew Allan avait fondé avec son frère aîné Hugh Allan la Montreal (Ocean) Steamship Company en 1854, profitant des creusements répétés du chenal du Saint-Laurent qui permettait au port de Montréal d'accueillir des navires océaniques. (Au début, les navires de la compagnie aboutissaient l'hiver dans le port de Portland, au Maine, qui était relié par chemin de fer à Montréal quand les glaces bloquaient le passage sur le Saint-Laurent.) La compagnie, communément appelée la Allan Line, allait profiter d'un contrat gouvernemental pour le transport du courrier et opérer de nombreux voiliers et vapeurs jusqu'en 1915, quand elle fusionne avec la compagnie de navigation de la Canadian Pacific. D'ailleurs, le brigantin Jean du patriarche Alexander Allan est reproduit sur les grilles qui séparent le chœur du nef de l'église. Andrew Allan est mort en 1901 et n'a donc pas vu la cession de l'entreprise familiale. Mais la famille Allan avait été mêlée de près à la création du Canadien Pacifique, car Sir Hugh avait cherché à concurrencer le monopole canadien du Grand Tronc en investissant dans la voie ferrée qui relierait Montréal à l'océan Pacifique, au besoin en soudoyant les Conservateurs au pouvoir, ce qui est resté dans les mémoires comme le scandale du Pacifique qui entraîna la chute de John A. Macdonald. Le vitrail à droite est consacré à la mémoire d'Isabella Anne Smith, qu'Andrew Allan avait épousé en 1846, ce qui fait presque de l'église une chapelle familiale. En sortant, j'ai croisé Grimmwire tout à fait par hasard et nous avons visité ensemble l'exposition « ¡Cuba! Art et histoire de 1868 à nos jours », dont L'Esprit Vagabond a déjà parlé. Je n'ai pas pris de photos dans les locaux de l'exposition, puisque c'était interdit, mais en débutant ma descente vers Griffintown, j'ai commencé par prendre la photo ci-dessus d'un garage sur René-Lévesque; comme c'était dimanche, le garage était désert et donne comme un avant-goût des ruines urbaines de Montréal. À quelques pas, il y a d'ailleurs l'ancienne résidence de Louis-Hippolyte La Fontaine, qu'une association veut transformer en musée de l'histoire constitutionnelle du Canada. Mais comme le propriétaire refuse de coopérer et que les gouvernements refusent d'intervenir, la demeure tombe en ruine. Elle a servi de squat à des militants pour le logement abordable et elle est sans doute encore visitée régulièrement. Mais on peut voir par les fenêtres que le toit ouvre sur le ciel... Si la façade latérale n'a pas l'air de grand-chose, révélant que la belle façade de pierre devant est factice, celle-ci reste impressionnante et, face à la porte condamnée (au cadre balafré d'une signature baroque, « Legion of Dynamic Discord »), on se prend à songer aux émeutiers qui vinrent tempêter par deux fois sur ce seuil. Quant au projet du village Griffintown, il n'est pas aussi envahissant qu'on pourrait le croire. Ainsi, je n'ai pas trouvé l'ancienne brasserie Dow sur mon chemin, malgré tout son intérêt pour l'explorateur urbain, puisque le projet est borné au nord par la rue Ottawa. Et je ne me suis pas non plus rendu jusqu'aux écuries de la rue Basin des calèches du Vieux-Montréal puisque le projet est borné à l'ouest par la rue du Séminaire. Le quartier que j'ai quadrillé comporte moins de résidences ou d'édifices historiques que d'édifices commerciaux et d'entrepôts. Doit-on dépenser autant d'énergie pour conserver des hangars surdimensionnés comme celui dont on voit l'arrière ci-contre, quand des édifices véritablement historiques comme la maison de Louis-Hippolyte La Fontaine tombent dans l'oubli? Certes, le quartier compte de belles pièces, comme l'immeuble triangulaire ci-dessous qui se dresse au coin des rues du Séminaire et de la Montagne (toujours au nord du projet de redéveloppement, et donc hors d'atteinte), mais il compte aussi des friches, des terrains de stationnement et de véritables ruines.En revanche, le projet Griffintown conserverait le parc du Faubourg-Sainte-Anne, un bel oasis de verdure qui conserve la base des murs de l'ancienne église jadis élevée en ce lieu. Je dois avouer qu'il n'affecterait pas non plus le terrain vague que l'on trouve au coin des rues Murray et William, à droite. Sans doute qu'il y aurait de quoi créer un square public à cet endroit, mais il ne deviendrait fréquenté que si la population et l'achalandage de tout le quartier augmentaient. C'est l'avantage que je trouve au projet Griffintown. Dans la dernière version (.DOC) annoncée sur le site, il est question de 3 860 résidences, dont une part de logements abordables, en partie dans le secteur résidentiel à établir entre le parc Sainte-Anne et la rue du Séminaire. On parle de cinq à huit mille personnes de plus... Comme j'ai parcouru un quartier qui, par un dimanche en fin d'après-midi, semblait désespérément désert, j'ai du mal à rejeter d'emblée un projet qui augmenterait la population au centre-ville de Montréal, à des distances qui se marchent sans mal ou qui seraient franchies au moyen d'un tramway. Alors qu'on s'inquiète de l'étalement urbain, du développement des banlieues lointaines forcément dominées par les déplacements en automobile et de l'attirance exercée par le Quartier Dix30, n'aurait-on pas intérêt à privilégier une densification d'un quartier à deux pas du centre-ville? En plus, on faciliterait l'accès à un patrimoine urbain (le canal Lachine et ses environs) qui est difficilement accessible par les transports en commun actuellement... Est-ce tellement plus écologique de consacrer ces terrains à du stationnement et des hangars pour les autobus, entre un bel échantillon d'architecture municipale à droite (on notera le blason arborant la devise « Concordia Salus ») et une ruine au bord du canal Lachine, ci-dessous?Plusieurs édifices patrimoniaux, comme le poste de pompiers numéro 3 sur la rue Ottawa, seraient épargnés. Ce qu'on reproche au projet Griffintown, c'est de bâtir si grand que les nouveaux édifices écraseraient l'ancien tissu urbain avoisinant. Il est vrai que des tours de plus de dix étages plongeraient dans l'ombre cet ancien poste, malgré sa tour de guet. Il est vrai aussi que les écuries de Léo Léonard (le Griffintown Horse Palace) au sud de la rue Ottawa disparaîtraient, mais ce ne sont pas les seules écuries du quartier (ou de Montréal). Peut-être serait-il temps d'en construire de plus modernes... Certains signataires de la pétition pour sauver ces écuries soutiennent que Griffintown n'est pas abandonnée ou oubliée, que des fils et des filles du quartier reviennent régulièrement pour se souvenir de ce qui a disparu. Mais le fait est qu'ils sont partis. Ils ont choisi de ne pas habiter dans le quartier. Dans ce cas-ci comme dans d'autres, les absents ont tort.Quant aux calèches, on les croise nettement plus à l'ouest (ou au sud) du projet Griffintown... par exemple, dans ces deux photos, au coin des rues William et Ottawa, sans doute en chemin pour les écuries des Calèches Lucky Luc, à moins que ce ne soit pour l'Écurie de Montréal de l'autre côté du canal.Bref, dans un paysage urbain dominé localement par des silos qui restent encore à réhabiliter, on peut se demander si la création du projet Griffintown serait une telle catastrophe. C'est le point de vue adopté par Yves Boisvert de La Presse. Et même si un bon ami de Grimmwire fait partie des militants qui défendent Griffintown, je crois qu'il y a des batailles plus méritoires à mener à Montréal. Je serais plutôt partisan de protéger la montagne qu'un quartier dont il ne reste plus que des vestiges épars. Dans mes voyages, j'ai visité plusieurs quartiers nouveaux créés au bord de l'eau, que ce soit à Strasbourg, à Toronto (Harbourfront) ou à Vancouver (Granville Island). Tout n'a pas toujours marché à la perfection, mais on aura du mal à me convaincre que le projet Griffintown doit être sacrifié aux intérêts de la poignée d'habitants du quartier actuel, et des rues environnantes. Il suffit de s'éloigner de quelques rues pour trouver des édifices plus valables, comme cette ancienne succursale de la Banque de Montréal édifiée en 1894 sur Notre-Dame.Et, dans le genre ultra-urbain, je trouve plus intéressant à la limite les dessous de l'Autoroute Ville-Marie...
En poursuivant vers l'ouest, j'ai profité de la journée des musées de Montréal pour visiter d'abord l'église St. Andrew and St. Paul, le résultat de la fusion en 1918 de deux paroisses remontant respectivement à 1803 et 1832. Toutefois, l'église actuelle ne date que de 1931, de sorte que l'édifice néogothique incorpore des touches nettement modernes même s'il est aussi rattaché au passé par son rôle de sanctuaire officiel du régiment d'origine écossaise des Black Watch au Canada. Des drapeaux régimentaires pendent des murs et le principal vitrail du chœur est consacré à la mémoire de Bartlett McLennan ainsi que des officiers et soldats du 42e bataillon morts durant la guerre. L'amorce de la nef conserve deux vitraux dignes d'attention, car ils ont été produits par la maison William Morris d'après des cartons de l'artiste préraphaélite Sir Edward Burne-Jones. De fait, la combinaison du hiératisme des personnages et du respect des conventions distinguent ces deux vitraux des autres dans l'église, qui trahissent l'influence de l'art contemporain et se veulent en général plus modernes. Le vitrail à gauche est consacré à la mémoire d'Andrew Allan, né en 1822, le quatrième fils d'Alexander Allan (1780-1854) qui avait fondé une compagnie de navigation entre le Bas-Canada et l'Écosse en 1819. Andrew Allan avait fondé avec son frère aîné Hugh Allan la Montreal (Ocean) Steamship Company en 1854, profitant des creusements répétés du chenal du Saint-Laurent qui permettait au port de Montréal d'accueillir des navires océaniques. (Au début, les navires de la compagnie aboutissaient l'hiver dans le port de Portland, au Maine, qui était relié par chemin de fer à Montréal quand les glaces bloquaient le passage sur le Saint-Laurent.) La compagnie, communément appelée la Allan Line, allait profiter d'un contrat gouvernemental pour le transport du courrier et opérer de nombreux voiliers et vapeurs jusqu'en 1915, quand elle fusionne avec la compagnie de navigation de la Canadian Pacific. D'ailleurs, le brigantin Jean du patriarche Alexander Allan est reproduit sur les grilles qui séparent le chœur du nef de l'église. Andrew Allan est mort en 1901 et n'a donc pas vu la cession de l'entreprise familiale. Mais la famille Allan avait été mêlée de près à la création du Canadien Pacifique, car Sir Hugh avait cherché à concurrencer le monopole canadien du Grand Tronc en investissant dans la voie ferrée qui relierait Montréal à l'océan Pacifique, au besoin en soudoyant les Conservateurs au pouvoir, ce qui est resté dans les mémoires comme le scandale du Pacifique qui entraîna la chute de John A. Macdonald. Le vitrail à droite est consacré à la mémoire d'Isabella Anne Smith, qu'Andrew Allan avait épousé en 1846, ce qui fait presque de l'église une chapelle familiale. En sortant, j'ai croisé Grimmwire tout à fait par hasard et nous avons visité ensemble l'exposition « ¡Cuba! Art et histoire de 1868 à nos jours », dont L'Esprit Vagabond a déjà parlé. Je n'ai pas pris de photos dans les locaux de l'exposition, puisque c'était interdit, mais en débutant ma descente vers Griffintown, j'ai commencé par prendre la photo ci-dessus d'un garage sur René-Lévesque; comme c'était dimanche, le garage était désert et donne comme un avant-goût des ruines urbaines de Montréal. À quelques pas, il y a d'ailleurs l'ancienne résidence de Louis-Hippolyte La Fontaine, qu'une association veut transformer en musée de l'histoire constitutionnelle du Canada. Mais comme le propriétaire refuse de coopérer et que les gouvernements refusent d'intervenir, la demeure tombe en ruine. Elle a servi de squat à des militants pour le logement abordable et elle est sans doute encore visitée régulièrement. Mais on peut voir par les fenêtres que le toit ouvre sur le ciel... Si la façade latérale n'a pas l'air de grand-chose, révélant que la belle façade de pierre devant est factice, celle-ci reste impressionnante et, face à la porte condamnée (au cadre balafré d'une signature baroque, « Legion of Dynamic Discord »), on se prend à songer aux émeutiers qui vinrent tempêter par deux fois sur ce seuil. Quant au projet du village Griffintown, il n'est pas aussi envahissant qu'on pourrait le croire. Ainsi, je n'ai pas trouvé l'ancienne brasserie Dow sur mon chemin, malgré tout son intérêt pour l'explorateur urbain, puisque le projet est borné au nord par la rue Ottawa. Et je ne me suis pas non plus rendu jusqu'aux écuries de la rue Basin des calèches du Vieux-Montréal puisque le projet est borné à l'ouest par la rue du Séminaire. Le quartier que j'ai quadrillé comporte moins de résidences ou d'édifices historiques que d'édifices commerciaux et d'entrepôts. Doit-on dépenser autant d'énergie pour conserver des hangars surdimensionnés comme celui dont on voit l'arrière ci-contre, quand des édifices véritablement historiques comme la maison de Louis-Hippolyte La Fontaine tombent dans l'oubli? Certes, le quartier compte de belles pièces, comme l'immeuble triangulaire ci-dessous qui se dresse au coin des rues du Séminaire et de la Montagne (toujours au nord du projet de redéveloppement, et donc hors d'atteinte), mais il compte aussi des friches, des terrains de stationnement et de véritables ruines.En revanche, le projet Griffintown conserverait le parc du Faubourg-Sainte-Anne, un bel oasis de verdure qui conserve la base des murs de l'ancienne église jadis élevée en ce lieu. Je dois avouer qu'il n'affecterait pas non plus le terrain vague que l'on trouve au coin des rues Murray et William, à droite. Sans doute qu'il y aurait de quoi créer un square public à cet endroit, mais il ne deviendrait fréquenté que si la population et l'achalandage de tout le quartier augmentaient. C'est l'avantage que je trouve au projet Griffintown. Dans la dernière version (.DOC) annoncée sur le site, il est question de 3 860 résidences, dont une part de logements abordables, en partie dans le secteur résidentiel à établir entre le parc Sainte-Anne et la rue du Séminaire. On parle de cinq à huit mille personnes de plus... Comme j'ai parcouru un quartier qui, par un dimanche en fin d'après-midi, semblait désespérément désert, j'ai du mal à rejeter d'emblée un projet qui augmenterait la population au centre-ville de Montréal, à des distances qui se marchent sans mal ou qui seraient franchies au moyen d'un tramway. Alors qu'on s'inquiète de l'étalement urbain, du développement des banlieues lointaines forcément dominées par les déplacements en automobile et de l'attirance exercée par le Quartier Dix30, n'aurait-on pas intérêt à privilégier une densification d'un quartier à deux pas du centre-ville? En plus, on faciliterait l'accès à un patrimoine urbain (le canal Lachine et ses environs) qui est difficilement accessible par les transports en commun actuellement... Est-ce tellement plus écologique de consacrer ces terrains à du stationnement et des hangars pour les autobus, entre un bel échantillon d'architecture municipale à droite (on notera le blason arborant la devise « Concordia Salus ») et une ruine au bord du canal Lachine, ci-dessous?Plusieurs édifices patrimoniaux, comme le poste de pompiers numéro 3 sur la rue Ottawa, seraient épargnés. Ce qu'on reproche au projet Griffintown, c'est de bâtir si grand que les nouveaux édifices écraseraient l'ancien tissu urbain avoisinant. Il est vrai que des tours de plus de dix étages plongeraient dans l'ombre cet ancien poste, malgré sa tour de guet. Il est vrai aussi que les écuries de Léo Léonard (le Griffintown Horse Palace) au sud de la rue Ottawa disparaîtraient, mais ce ne sont pas les seules écuries du quartier (ou de Montréal). Peut-être serait-il temps d'en construire de plus modernes... Certains signataires de la pétition pour sauver ces écuries soutiennent que Griffintown n'est pas abandonnée ou oubliée, que des fils et des filles du quartier reviennent régulièrement pour se souvenir de ce qui a disparu. Mais le fait est qu'ils sont partis. Ils ont choisi de ne pas habiter dans le quartier. Dans ce cas-ci comme dans d'autres, les absents ont tort.Quant aux calèches, on les croise nettement plus à l'ouest (ou au sud) du projet Griffintown... par exemple, dans ces deux photos, au coin des rues William et Ottawa, sans doute en chemin pour les écuries des Calèches Lucky Luc, à moins que ce ne soit pour l'Écurie de Montréal de l'autre côté du canal.Bref, dans un paysage urbain dominé localement par des silos qui restent encore à réhabiliter, on peut se demander si la création du projet Griffintown serait une telle catastrophe. C'est le point de vue adopté par Yves Boisvert de La Presse. Et même si un bon ami de Grimmwire fait partie des militants qui défendent Griffintown, je crois qu'il y a des batailles plus méritoires à mener à Montréal. Je serais plutôt partisan de protéger la montagne qu'un quartier dont il ne reste plus que des vestiges épars. Dans mes voyages, j'ai visité plusieurs quartiers nouveaux créés au bord de l'eau, que ce soit à Strasbourg, à Toronto (Harbourfront) ou à Vancouver (Granville Island). Tout n'a pas toujours marché à la perfection, mais on aura du mal à me convaincre que le projet Griffintown doit être sacrifié aux intérêts de la poignée d'habitants du quartier actuel, et des rues environnantes. Il suffit de s'éloigner de quelques rues pour trouver des édifices plus valables, comme cette ancienne succursale de la Banque de Montréal édifiée en 1894 sur Notre-Dame.Et, dans le genre ultra-urbain, je trouve plus intéressant à la limite les dessous de l'Autoroute Ville-Marie...
Libellés : Histoire, Montréal, Photographie
2008-05-24
La fin de la novlangue nationaliste?
Enfin! On peut lire désormais le rapport (.PDF) de la Commission Bouchard-Taylor — de son vrai nom, la « Commission de consultation sur les pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles ». Ce serait trop facile de railler et de voir dans ce nom à rallonge un autre symptôme de la langue bureaucratique québécoise qui a transformé les collèges en CEGEP et les grands hôpitaux en CHU. Chou! En fait, la difficulté de nommer les choses peut témoigner aussi d'obstacles plus profonds à la possibilité de penser les choses autrement. En l'absence des mots adéquats, on est bien obligé d'avoir recours aux circonlocutions de ce genre. Mais pour qu'un nouveau mot s'impose, il faut que la société l'adopte.
Ainsi, hors du Québec, le multiculturalisme jouit d'une image de marque relativement positive, en particulier chez les moins de quarante ans. Ce que les gens d'un certain âge ne comprennent pas au Québec, c'est qu'il ne s'agit plus du multiculturalisme comme politique de proximité pratiquée durant les années soixante-dix, mais du multiculturalisme comme terme rassembleur et commode pour désigner une réalité de l'identité canadienne contemporaine, soit la diversité et la multiplicité des cultures. Au Québec, l'interculturalisme ne jouit pas de la même vogue. Et le terme d'« accommodement raisonnable » qui s'inscrit dans la lignée de la « tolérance » prônée autrefois souffre de la même tare, c'est-à-dire le sous-entendu que l'ouverture à l'altérité est de pure surface et refoule une certaine part de rejet, voire d'hostilité.
Le problème de la nomination n'est pas moins grand quand il s'agit de parler des francophones du Québec. Peut-on réserver le mot « Québécois » à leur seule description? Que l'on compte séparément ou non les Québécois de langue maternelle anglaise et ceux qui ont adopté l'anglais sur le tard, la minorité anglophone du Québec représente la deuxième minorité linguistique provinciale en importance au Canada après les francophones du Nouveau-Brunswick. Il semble difficile, donc, de restreindre l'emploi du terme « Québécois » aux seuls francophones puisqu'on se retrouve alors à ignorer un bon dixième de la population. (Et si on le réserve aux seuls Canadiens-français de souche, c'est une part encore plus importante de la population qui est exclue.) C'est pourquoi la précision additionnelle d'Anglo-Québécois et de Franco-Québécois s'est imposée dans certains contextes.
Au Nouveau-Brunswick, s'il est également possible de parler d'anglophones et de francophones, on peut aussi parler des Acadiens du Nouveau-Brunswick. Tous les francophones du Nouveau-Brunswick ne sont pas acadiens, et tous les Acadiens ne vivent pas au Nouveau-Brunswick, mais en première approximation, ça marche. La communauté acadienne déborde les frontières du Nouveau-Brunswick, mais la plupart y vivent bel et bien.
C'est de cette façon que Bouchard et Taylor ont été amenés à parler, comme l'avait déjà annoncé la Gazette, des Canadiens-français du Québec, encore qu'ils expliquent les choses autrement :
Comme tous les francophones du Québec ne sont pas d'origine canadienne-française et comme tous les Canadiens-français ne vivent pas au Québec, le terme a ses limites, mais il a l'avantage d'être plus honnête et, surtout, de ne pas occulter le fond du problème en cachant que les tensions qui ont mené à la création de la commission n'étaient pas le fait des Acadiens du Québec ou des francophones d'autres origines, mais bien des Québécois d'origine canadienne-française, d'ailleurs confortés dans leurs réactions par la novlangue nationaliste faisant d'eux les seuls vrais Québécois au moyen de l'équivalence tacite Québécois = francophone de souche. C'est dit un peu différemment dans le rapport :
Reste à voir si un changement de terminologie pourra ébranler certaines convictions...
Ainsi, hors du Québec, le multiculturalisme jouit d'une image de marque relativement positive, en particulier chez les moins de quarante ans. Ce que les gens d'un certain âge ne comprennent pas au Québec, c'est qu'il ne s'agit plus du multiculturalisme comme politique de proximité pratiquée durant les années soixante-dix, mais du multiculturalisme comme terme rassembleur et commode pour désigner une réalité de l'identité canadienne contemporaine, soit la diversité et la multiplicité des cultures. Au Québec, l'interculturalisme ne jouit pas de la même vogue. Et le terme d'« accommodement raisonnable » qui s'inscrit dans la lignée de la « tolérance » prônée autrefois souffre de la même tare, c'est-à-dire le sous-entendu que l'ouverture à l'altérité est de pure surface et refoule une certaine part de rejet, voire d'hostilité.
Le problème de la nomination n'est pas moins grand quand il s'agit de parler des francophones du Québec. Peut-on réserver le mot « Québécois » à leur seule description? Que l'on compte séparément ou non les Québécois de langue maternelle anglaise et ceux qui ont adopté l'anglais sur le tard, la minorité anglophone du Québec représente la deuxième minorité linguistique provinciale en importance au Canada après les francophones du Nouveau-Brunswick. Il semble difficile, donc, de restreindre l'emploi du terme « Québécois » aux seuls francophones puisqu'on se retrouve alors à ignorer un bon dixième de la population. (Et si on le réserve aux seuls Canadiens-français de souche, c'est une part encore plus importante de la population qui est exclue.) C'est pourquoi la précision additionnelle d'Anglo-Québécois et de Franco-Québécois s'est imposée dans certains contextes.
Au Nouveau-Brunswick, s'il est également possible de parler d'anglophones et de francophones, on peut aussi parler des Acadiens du Nouveau-Brunswick. Tous les francophones du Nouveau-Brunswick ne sont pas acadiens, et tous les Acadiens ne vivent pas au Nouveau-Brunswick, mais en première approximation, ça marche. La communauté acadienne déborde les frontières du Nouveau-Brunswick, mais la plupart y vivent bel et bien.
C'est de cette façon que Bouchard et Taylor ont été amenés à parler, comme l'avait déjà annoncé la Gazette, des Canadiens-français du Québec, encore qu'ils expliquent les choses autrement :
« Nous rejetons l’expression « Québécois de souche » pour désigner les Québécois d’origine canadienne-française. Cette expression est chargée d’une connotation négative, et ce, dans deux directions opposées : a) du point de vue des Québécois d’origine autre que canadienne-française, elle paraît affirmer une sorte de hiérarchie fondée sur l’ancienneté ; b) du point de vue des Québécois d’origine canadienne-française, elle peut évoquer une figure de repli, une image un peu folklorique et frileuse dont ils souhaitent se départir. Enfin, le terme est ambigu dans la mesure où les Autochtones aussi se qualifient comme « de souche », de même que les Anglo-Québécois. En ce sens (élargi), il vaudra mieux dire « Québécois canadiens-français » (ou d’origine canadienne-française) pour éviter toute connotation hiérarchique. »
Comme tous les francophones du Québec ne sont pas d'origine canadienne-française et comme tous les Canadiens-français ne vivent pas au Québec, le terme a ses limites, mais il a l'avantage d'être plus honnête et, surtout, de ne pas occulter le fond du problème en cachant que les tensions qui ont mené à la création de la commission n'étaient pas le fait des Acadiens du Québec ou des francophones d'autres origines, mais bien des Québécois d'origine canadienne-française, d'ailleurs confortés dans leurs réactions par la novlangue nationaliste faisant d'eux les seuls vrais Québécois au moyen de l'équivalence tacite Québécois = francophone de souche. C'est dit un peu différemment dans le rapport :
« On en voit un autre signe dans l’ambiguïté que recèle plus que jamais le terme de Québécois : pour les uns, il recouvre l’ensemble des citoyens du Québec, mais pour d’autres, il faut le réserver aux Québécois canadiens-français. D’autres, enfin, passent d’une acception à l’autre suivant les circonstances. Tout en reconnaissant la légitimité de ces différents marquages identitaires, nous y voyons une difficulté. Le fait, pour les Québécois canadiens-français, de s’approprier l’appellation de « Québécois » crée une ambivalence qui est une source de distanciation, sinon d’exclusion. Elle incite plusieurs membres des minorités ethniques à réserver (ou à concéder ?) le mot aux Francophones « de souche » et à se rabattre sur leur identité première, minoritaire sinon marginale. »
Reste à voir si un changement de terminologie pourra ébranler certaines convictions...
2008-05-23
Tourner en rond, ou non
Le dernier Indiana Jones boucle la boucle, et de plus d'une façon. Lucas et Spielberg ont saupoudré le film d'allusions visuelles (le logo de la Paramount s'effrite au début et à la fin du film) et de rappels de films précédents. Cette dernière aventure du héros vieillissant m'a rappelé cet album de Tintin qui avait longtemps été le dernier qui apparaissait sur les couvertures arrière des autres albums, Vol 714 pour Sydney. On retrouve la même convocation de personnages du passé et le mouvement circulaire d'une soucoupe volante illustre parfaitement le tournoiement de la narration qui revient sans cesse du passé au présent, et vice-versa. Il y a comme un désir de transcendance, qu'il soit symbolisé par des extraterrestres ou des visiteurs d'une autre dimension, mais les mortels n'ont pas le droit de voir ce qui les dépasse. Tout comme dans le premier film, les yeux ne peuvent pas le supporter (fantasme de cinéastes?) et les globes oculaires se désintègrent. Il y a des connaissances réservées aux seuls dieux... Le message est plus pessimiste que dans Close Encounters of the Third Kind, et il justifierait les accusations de conservatisme portées à l'endroit de Lucas par plusieurs auteurs de sf déjà rebutés par le néo-féodalisme et le providentialisme messianique de Star Wars.
Le film lui-même m'a semblé s'essouffler dans sa seconde partie, quand il aboutit dans la jungle trop familière d'innombrables récits d'aventures. La première partie du film jouait beaucoup plus habilement avec les clichés, avec l'âge du professeur Jones et avec des éléments de la culture de l'année 1957. Même la tombe péruvienne avait plus d'atmosphère que les ruines d'Akakor en Amazonie, que le film assimile à celles du royaume d'El Dorado. Dans la jungle, ce sont des périls éculés (sables mouvants, fourmis, chutes d'eau) qui ponctuent les poursuites et les bagarres. Et la cité précolombienne dont l'entrée se cache derrière une chute d'eau rappelle, tiens, encore Tintin et son Temple du Soleil... Bref, ce dernier Indiana Jones récapitule tout un pan de la culture du vingtième siècle, jusque dans ses excentricités (soucoupistes) les plus discutables, avec le détachement rendu possible par sa production au vingt-et-unième siècle.
Pour l'instant, on ne peut que rêver à ce que le vingt-deuxième siècle retiendra de la culture du vingt-et-unième...
Le film lui-même m'a semblé s'essouffler dans sa seconde partie, quand il aboutit dans la jungle trop familière d'innombrables récits d'aventures. La première partie du film jouait beaucoup plus habilement avec les clichés, avec l'âge du professeur Jones et avec des éléments de la culture de l'année 1957. Même la tombe péruvienne avait plus d'atmosphère que les ruines d'Akakor en Amazonie, que le film assimile à celles du royaume d'El Dorado. Dans la jungle, ce sont des périls éculés (sables mouvants, fourmis, chutes d'eau) qui ponctuent les poursuites et les bagarres. Et la cité précolombienne dont l'entrée se cache derrière une chute d'eau rappelle, tiens, encore Tintin et son Temple du Soleil... Bref, ce dernier Indiana Jones récapitule tout un pan de la culture du vingtième siècle, jusque dans ses excentricités (soucoupistes) les plus discutables, avec le détachement rendu possible par sa production au vingt-et-unième siècle.
Pour l'instant, on ne peut que rêver à ce que le vingt-deuxième siècle retiendra de la culture du vingt-et-unième...
Libellés : Films, Science-fiction
2008-05-22
Le gin, le whiskey, la télévision...
Dans un billet assez optimiste, Clay Shirky (le théoricien d'internet et l'auteur de Here Comes Everybody) compare la télévision à d'autres sources d'abrutissement dans l'histoire de nos sociétés industrielles — des sources auxquelles nos ancêtres ont finalement réussi à s'échapper.
Dans l'Angleterre du dix-huitième siècle, l'humble comptoir qui vendait du gin au verre aux pauvres était omniprésent et Hogarth, par exemple, a dépeint les maux causés par l'obsession du gin à rabais. (Si le whiskey est un alcool de grain, le gin en est un aussi, mais assaisonné d'un peu de genièvre ou de quelques autres herbes aromatiques pour lui donner un goût propre.) Selon Shirky, il a fallu qu'on se détourne du gin pris pour absorber le choc de l'urbanisation pour construire les institutions associées à la Révolution Industrielle. D'un point de vue historique, ce n'est pas entièrement convaincant : la folie du gin a pris fin au moment où débutait la Révolution industrielle... mais peut-être faudrait-il inclure cette rupture au nombre des conséquences de l'abandon du gin. Sauf que la coïncidence ne permet pas forcément d'attribuer les progrès de la Révolution industrielle à une cause particulière. L'appauvrissement des classes laborieuses ou l'enchérissement des biens d'importation pourraient également expliquer soit la baisse de popularité du gin soit le démarrage de la Révolution industrielle, en profitant d'une main-d'œuvre abondante et peu chère, ou en produisant des biens de substitution moins chers que les produits d'importation.
Pourtant, le raccourci est séduisant. L'urbanisation anglaise au début du XVIIIe s. aurait rapproché des masses de gens qui vivaient auparavant à part les uns des autres. Mais la promiscuité et le dépaysement auraient favorisé la consommation de gin, qui, dans ces conditions, agissait comme un stupéfiant. Une nouvelle génération émerge alors qui est habituée à la vie en ville et qui va profiter du brassage d'idées pour accoucher des innovations de la Révolution industrielle ou édifier de nouvelles institutions propres à favoriser la vie de l'esprit.
Shirky propose un parallèle entre ce décalage anglais et le décalage actuel. Les nouvelles technologies de l'information rapprochent des masses de gens qui menaient auparavant des existences distinctes, mais les exploitations premières (télévision, etc.) absorbent les loisirs des consommateurs stupéfiés et intoxiqués par l'abus d'images et d'intrigues. Une nouvelle génération émergerait cependant aujourd'hui qui est habituée à la circulation des informations et qui commence à accoucher de nouvelles institutions, comme Wikipedia. Est-ce bien le cas? Des phénomènes comme Facebook me semblent tout aussi intoxicants pour les jeunes générations. Mais il suffirait d'une fraction des temps libres absorbés par la télévision pour créer de nouvelles institutions de l'ère numérique.
Dans l'Angleterre du dix-huitième siècle, l'humble comptoir qui vendait du gin au verre aux pauvres était omniprésent et Hogarth, par exemple, a dépeint les maux causés par l'obsession du gin à rabais. (Si le whiskey est un alcool de grain, le gin en est un aussi, mais assaisonné d'un peu de genièvre ou de quelques autres herbes aromatiques pour lui donner un goût propre.) Selon Shirky, il a fallu qu'on se détourne du gin pris pour absorber le choc de l'urbanisation pour construire les institutions associées à la Révolution Industrielle. D'un point de vue historique, ce n'est pas entièrement convaincant : la folie du gin a pris fin au moment où débutait la Révolution industrielle... mais peut-être faudrait-il inclure cette rupture au nombre des conséquences de l'abandon du gin. Sauf que la coïncidence ne permet pas forcément d'attribuer les progrès de la Révolution industrielle à une cause particulière. L'appauvrissement des classes laborieuses ou l'enchérissement des biens d'importation pourraient également expliquer soit la baisse de popularité du gin soit le démarrage de la Révolution industrielle, en profitant d'une main-d'œuvre abondante et peu chère, ou en produisant des biens de substitution moins chers que les produits d'importation.
Pourtant, le raccourci est séduisant. L'urbanisation anglaise au début du XVIIIe s. aurait rapproché des masses de gens qui vivaient auparavant à part les uns des autres. Mais la promiscuité et le dépaysement auraient favorisé la consommation de gin, qui, dans ces conditions, agissait comme un stupéfiant. Une nouvelle génération émerge alors qui est habituée à la vie en ville et qui va profiter du brassage d'idées pour accoucher des innovations de la Révolution industrielle ou édifier de nouvelles institutions propres à favoriser la vie de l'esprit.
Shirky propose un parallèle entre ce décalage anglais et le décalage actuel. Les nouvelles technologies de l'information rapprochent des masses de gens qui menaient auparavant des existences distinctes, mais les exploitations premières (télévision, etc.) absorbent les loisirs des consommateurs stupéfiés et intoxiqués par l'abus d'images et d'intrigues. Une nouvelle génération émergerait cependant aujourd'hui qui est habituée à la circulation des informations et qui commence à accoucher de nouvelles institutions, comme Wikipedia. Est-ce bien le cas? Des phénomènes comme Facebook me semblent tout aussi intoxicants pour les jeunes générations. Mais il suffirait d'une fraction des temps libres absorbés par la télévision pour créer de nouvelles institutions de l'ère numérique.
Libellés : Histoire
2008-05-21
Prince Caspian
J'ai vu le second film dans ce qui menace effectivement de devenir une série aussi durable que celle des aventures de Harry Potter, mais je suis franchement incapable de livrer une véritable critique cinématographique de Prince Caspian. L'univers de Narnia est pour mon imaginaire quelque chose d'assez fondamental, même si cela ne paraît pas nécessairement dans ma fiction, et je suis donc résolument partial.
Je soupçonne d'ailleurs que les critiques les plus durs pour le film n'ont pas lu le livre quand ils étaient jeunes ou n'ont pas été conquis par le roman de C. S. Lewis. Moi, j'ai retrouvé avec émotion les premiers moments du livre quand les enfants Pevensie redécouvrent Narnia et se rendent compte que le château en ruines qu'ils explorent est celui de Cair Paravel, où ils avaient régné en monarques pendant de longues années. Le reste du roman s'était plus ou moins effacé de ma mémoire, mais l'adaptation filmique m'a semblé avoir des mérites certains. Le roi Miraz, quoique parfaitement détestable, n'est pas une caricature et l'assaut risqué de son château par les forces de Narnia n'est pas une manœuvre suicidaire dans le genre de la charge de Faramir imaginée par Peter Jackson dans le troisième film du Lord of the Rings. L'échec du coup de main ordonné par Peter est le résultat d'une série de circonstances qu'il ne pouvait prévoir. Et l'ultime affrontement des forces du prince Caspian et du roi Miraz comporte au moins une trouvaille originale (était-elle dans le livre? il faudra que je vérifie) et des effets spéciaux particulièrement réussis. Plus précisément, le film parvient à rendre crédible des arbres en marche et une divinité fluviale de manière nettement plus convaincante que le premier ou le second film de Jackson.
Évidemment, on finit par se demander comment des entités aussi puissantes ont été vaincues auparavant, et le film soulève des questions gênantes quant à la géographie qui permet aux Narnians de s'en prendre au château de Miraz tandis que son armée est bloquée par une rivière qui ne semble pas ralentir les Narnians... Mais ce ne sont que des détails. Sans nécessairement innover, le film comble nos attentes en racontant une aventure qui fait bonne place au courage, à la persévérance et à la générosité, ce qui comprend le courage d'avouer ses erreurs. Les allégories chrétiennes sont réduites au minimum et les décors sont splendides. Bref, même si ce n'est pas un film qui fera date, il ne décevra pas, je crois, les fans de Narnia.
Je soupçonne d'ailleurs que les critiques les plus durs pour le film n'ont pas lu le livre quand ils étaient jeunes ou n'ont pas été conquis par le roman de C. S. Lewis. Moi, j'ai retrouvé avec émotion les premiers moments du livre quand les enfants Pevensie redécouvrent Narnia et se rendent compte que le château en ruines qu'ils explorent est celui de Cair Paravel, où ils avaient régné en monarques pendant de longues années. Le reste du roman s'était plus ou moins effacé de ma mémoire, mais l'adaptation filmique m'a semblé avoir des mérites certains. Le roi Miraz, quoique parfaitement détestable, n'est pas une caricature et l'assaut risqué de son château par les forces de Narnia n'est pas une manœuvre suicidaire dans le genre de la charge de Faramir imaginée par Peter Jackson dans le troisième film du Lord of the Rings. L'échec du coup de main ordonné par Peter est le résultat d'une série de circonstances qu'il ne pouvait prévoir. Et l'ultime affrontement des forces du prince Caspian et du roi Miraz comporte au moins une trouvaille originale (était-elle dans le livre? il faudra que je vérifie) et des effets spéciaux particulièrement réussis. Plus précisément, le film parvient à rendre crédible des arbres en marche et une divinité fluviale de manière nettement plus convaincante que le premier ou le second film de Jackson.
Évidemment, on finit par se demander comment des entités aussi puissantes ont été vaincues auparavant, et le film soulève des questions gênantes quant à la géographie qui permet aux Narnians de s'en prendre au château de Miraz tandis que son armée est bloquée par une rivière qui ne semble pas ralentir les Narnians... Mais ce ne sont que des détails. Sans nécessairement innover, le film comble nos attentes en racontant une aventure qui fait bonne place au courage, à la persévérance et à la générosité, ce qui comprend le courage d'avouer ses erreurs. Les allégories chrétiennes sont réduites au minimum et les décors sont splendides. Bref, même si ce n'est pas un film qui fera date, il ne décevra pas, je crois, les fans de Narnia.
2008-05-20
Les instincteurs d'Ottawa
Tiens, pour changer, une photo quasi « historique », prise à Ottawa il y a quelques années. Des deux côtés de l'Atlantique (si je me fie à Google), on emploie en français le mot « instincteur » pour désigner soit un extincteur soit (plus rarement?) un pulvérisateur. Les dictionnaires semblent ignorer ce mot pourtant bien présent dans le français populaire. La preuve se retrouvait autrefois (je n'ai pas vérifié récemment) sur une porte dans une station d'autobus à Ottawa. On pouvait y lire « Chambre d'instincteurs », comme on le voit dans cette photo prise le 20 février 1993 par mon père. Cette inscription m'avait inspiré au début des années quatre-vingt-dix l'idée de la nouvelle publiée en 1992 sous le titre « Les instincteurs de cruauté ». Comme j'avais pris le mot « instincteur » pour un anglicisme ou une faute de traduction, j'avais eu envie de le prendre au pied de la lettre, pour un mot désignant des personnes chargées d'instiller ou d'implanter les instincts du combattant chez de jeunes clones. Et la nouvelle avait remporté le Prix Solaris en 1992! Mais sans cette porte, je ne l'aurais peut-être pas écrite. Comme quoi les voies de l'inspiration sont impénétrables...
Libellés : Photographie, Science-fiction
2008-05-19
Quand la traduction ne suffit pas
Edward Willett est un écrivain canadien des plus actifs, qui a signé des ouvrages pour les jeunes et des ouvrages de vulgarisation pour le grand public sur de nombreux sujets. Dans une certaine mesure, Lost in Translation (DAW, 2006) représentait pour lui une percée dans le monde de l'édition professionnelle de science-fiction aux États-Unis pour lecteurs adultes, même si je jurerais avoir entendu Ed parler en fin de semaine de ce roman comme d'un ouvrage pour jeunes lecteurs... Les critiques ont été parfois tièdes ou mitigées. De fait, en refermant le livre, je me suis demandé pourquoi j'étais plus soulagé que content de l'avoir terminé. Après tout, je l'avais lu d'une traite depuis son achat sur place à Winnipeg samedi — compte tenu de quelques interruptions mineures comme la remise des Prix Aurora ou mon retour en avion à Montréal. Si la première partie se borne à nous présenter les deux personnages principaux, Jarrikk et Kathryn, les péripéties s'enchaînent ensuite sans discontinuer et engendrent un suspense authentique. Jarrikk et Kathryn appartiennent à deux espèces intelligentes ennemies. Si la seconde est humaine, le premier est un S'sinn, membre d'une espèce carnivore et prédatrice. Ce qu'un long retour en arrière établit au début du roman, c'est que tous les deux ont souffert de la guerre qui a opposé les humains et les S'sinn. Kathryn a perdu ses parents et Jarrikk a perdu ses frères de chasse avant qu'une blessure le prive de toute possibilité de voler, l'acculant selon la tradition au suicide rituel... La Guilde des Traducteurs d'un Commonwealth interstellaire les a recueillis après la conclusion d'une paix imposée aux belligérents par les autres espèces au sein du Commonwealth, mais leurs loyautés vont être mises à rude épreuve par les menées de factions bellicistes tant chez les humains que chez les S'sinn.
Willett ne renouvelle pas le space-opéra. Les espèces, les planètes et les technologies mises en scène sont assez typées, voire stéréotypées (la colonie humaine qui rappelle beaucoup une petite ville du Midwest étatsunien, une espèce carnivore qui obéit à un code guerrier, etc.), de sorte que la vraisemblance n'est pas toujours au rendez-vous. La société des S'sinn pourrait-elle se passer de tous les individus qu'un accident (ou l'âge) empêche de voler? Et les différentes facultés empathiques ou télépathiques des personnages ne sont que moyennement convaincantes.
Mais le principal défaut du roman, c'est sans doute de rendre les protagonistes fort peu sympathiques. Je ne songe pas à Jarrikk et Kathryn, qui sont nobles, sages, courageux, etc. Mais nos deux héros se battent pour sauver les humains et les S'sinn d'un conflit meurtrier et, franchement, à voir aller humains et S'sinn dans le reste de l'histoire, on se demande bien en quoi ils méritent autant de dévouement. Willett décrit des sociétés dont l'aveuglement, les préjugés et la bêtise le disputent à la soif de sang et de vengeance. En quoi valent-elles d'être sauvées? Ses personnages sauvent la paix, mais ils n'achètent pas forcément un avenir meilleur pour leurs sociétés d'origine. Du coup, on a du mal à être content de leur triomphe.
Willett ne renouvelle pas le space-opéra. Les espèces, les planètes et les technologies mises en scène sont assez typées, voire stéréotypées (la colonie humaine qui rappelle beaucoup une petite ville du Midwest étatsunien, une espèce carnivore qui obéit à un code guerrier, etc.), de sorte que la vraisemblance n'est pas toujours au rendez-vous. La société des S'sinn pourrait-elle se passer de tous les individus qu'un accident (ou l'âge) empêche de voler? Et les différentes facultés empathiques ou télépathiques des personnages ne sont que moyennement convaincantes.
Mais le principal défaut du roman, c'est sans doute de rendre les protagonistes fort peu sympathiques. Je ne songe pas à Jarrikk et Kathryn, qui sont nobles, sages, courageux, etc. Mais nos deux héros se battent pour sauver les humains et les S'sinn d'un conflit meurtrier et, franchement, à voir aller humains et S'sinn dans le reste de l'histoire, on se demande bien en quoi ils méritent autant de dévouement. Willett décrit des sociétés dont l'aveuglement, les préjugés et la bêtise le disputent à la soif de sang et de vengeance. En quoi valent-elles d'être sauvées? Ses personnages sauvent la paix, mais ils n'achètent pas forcément un avenir meilleur pour leurs sociétés d'origine. Du coup, on a du mal à être content de leur triomphe.
Libellés : Livres, Science-fiction
2008-05-18
Prix Aurora 2008
Après les Prix Aurora 2007, les Prix Aurora 2008. Cela se passait ce soir à Winnipeg, à l'Hôtel Radisson qui accueillait le vingt-cinquième congrès KeyCon.
Mauvaise année pour les Prix Aurora, somme toute. Presque une année maudite... On se consolera en se disant que l'année prochaine sera forcément meilleure.
La soirée avait pourtant bien commencé. Les détenteurs de billets avaient droit à une consommation gratuite à prendre au bar, comme on le voit dans cette photo qui nous montre Hayden Trenholm, surpris un verre à la main. Comme le service des plats avait été retardé de quelques minutes, c'était l'occasion rêvée de bavarder, voire de faire connaissance avec des fans et des participants que l'on avait croisé sans jamais avoir eu l'occasion de leur parler. Une fois le repas essentiellement terminé, l'invitée d'honneur de la Canvention, Tanya Huff, avait prononcé un discours enflammé en faveur de la SF canadienne qu'il fallait honorer à la hauteur de ses indéniables mérites. « We're number one !» a-t-elle fait entonner à la foule. J'ai été à deux doigts de lancer « Numéro un ! » pour faire entendre un peu de français, mais j'ai hésité et raté l'occasion... Les organisateurs de KeyCon ont alors récompensé des bénévoles exceptionnels au sein de leur organisation.
Robert J. Sawyer a ensuite été invité par l'animatrice, Liana K, à présenter à Dennis Mullin un Prix Aurora pour l'ensemble de sa carrière de bénévole. Comme Dennis Mullin était absent et n'avait pas fait parvenir de discours, ce rare honneur a fait long feu.
Deux seuls prix ont été remis dans les catégories faniques. Paul Bobbitt, le rédacteur en chef du clubzine The Voyageur, a obtenu le prix du meilleur accomplissement fanique (autre), annoncé par Lance Sibley, mais Bobbitt était absent. Et Barb Schofield a accepté des mains de Randy McCharles le prix du meilleur accomplissement fanique organisationnel au nom et à la place de Penny Lipman, qui recevait le prix pour ses participations à des mascarades et concours de costumes. (En revanche, aucun prix n'était décerné dans la catégorie du meilleur fanzine, le public ayant refusé d'accorder un prix par défaut au seul concurrent en lice.)
Dans la catégorie de l'accomplissement artistique, le Prix Aurora a été décerné à Lar deSouza, qui avait réalisé des illustrations pour le numéro d'hiver 2007 d'On Spec et pour le numéro de printemps-été 2007 de Parsec. Il a fallu que je me réveille un peu : pour la première fois, un gagnant était dans la salle et montait déjà sur l'estrade. Je me suis dépêché d'aller prendre sa photo (mais de loin). Comme cela fait quelques années que Lar deSouza dessine et peint pour les publications canadiennes, on ne pouvait qu'être content pour lui. Je n'ai rien retenu de particulier de son discours de remerciement, mais sa présence était en soi un reproche pour les nombreux fans canadiens qui n'avaient pas pris la peine de voter ou de soumettre des mises en candidature... De fait, c'est ce qu'on retiendra de cette année, sans doute : les participations trop rares et en ordre dispersé au processus (qui s'était considérablement compliqué, il est vrai). De sorte qu'un seul fanzine avait obtenu le minimum requis tandis qu'en principe, aucun ouvrage francophone dans la catégorie des autres ouvrages (critiques, éditoriaux, etc.) n'avait obtenu ce même minimum.
Dans la catégorie du meilleur ouvrage (autre) en anglais, le prix a été décerné à Julie E. Czerneda et Jana Paniccia (toutes les deux absentes) pour leur travail sur le collectif Under Cover of Darkness. Dans la catégorie de la meilleure nouvelle en français, c'est Laurent McAllister qui a remporté le Prix Aurora (après avoir déjà remporté le Prix Boréal de la meilleure nouvelle, le vilain gourmand!) pour sa nouvelle « Sur la plage des épaves » parue dans Solaris. Contrairement au duo de Czerneda et Paniccia, Laurent était au moins à moitié présent et ne s'est pas privé de faire la bise à la jolie présentatrice (il n'existe aucune photo compromettante... enfin, je crois). Ensuite, dans la catégorie de la meilleure nouvelle en anglais, Brian Hades a remis le prix à Hayden Trenholm pour sa nouvelle « Like Water in the Desert ». Auteur d'Ottawa, Hayden Trenholm était tout de blanc vêtu. Il était aussi comblé, de toute évidence, et ce conseiller d'un sénateur va peut-être devoir lui annoncer qu'il est désormais un lauréat s'il veut en profiter pour solliciter une augmentation de salaire... C'est ensuite toutefois que les choses se sont gâtées puisque j'ai annoncé la remise du Prix Aurora du meilleur livre en français (roman ou nouvelle) à Diane Boudreau pour son roman jeunesse Le Cimetière du musée (Éditions du Phœnix). Naturellement, celle-ci était absente et elle n'avait prévenu personne de ses désirs en cas de victoire. Pourtant, elle avait encouragé sur sa page MySpace tant les mises en candidature par ses fans que la participation à la dernière ronde de votes...
Enfin, Dave Duncan aurait remis l'ultime prix de la soirée, le Prix Aurora du meilleur livre (roman ou recueil) en anglais à Nalo Hopkinson pour son roman The New Moon's Arms... si elle avait été là. Sans surprise, Nalo non plus n'était pas au rendez-vous.
En attendant qu'une grande réunion l'an prochain à la Convention mondiale se penche sur toutes les questions soulevées par ces problèmes, admirons dans la photo ci-dessous ce qui pourrait être un des derniers Prix Aurora confectionnés par l'artiste albertain Franklyn Johnson, qui est sur le point de prendre sa retraite...
Mauvaise année pour les Prix Aurora, somme toute. Presque une année maudite... On se consolera en se disant que l'année prochaine sera forcément meilleure.
La soirée avait pourtant bien commencé. Les détenteurs de billets avaient droit à une consommation gratuite à prendre au bar, comme on le voit dans cette photo qui nous montre Hayden Trenholm, surpris un verre à la main. Comme le service des plats avait été retardé de quelques minutes, c'était l'occasion rêvée de bavarder, voire de faire connaissance avec des fans et des participants que l'on avait croisé sans jamais avoir eu l'occasion de leur parler. Une fois le repas essentiellement terminé, l'invitée d'honneur de la Canvention, Tanya Huff, avait prononcé un discours enflammé en faveur de la SF canadienne qu'il fallait honorer à la hauteur de ses indéniables mérites. « We're number one !» a-t-elle fait entonner à la foule. J'ai été à deux doigts de lancer « Numéro un ! » pour faire entendre un peu de français, mais j'ai hésité et raté l'occasion... Les organisateurs de KeyCon ont alors récompensé des bénévoles exceptionnels au sein de leur organisation.
Robert J. Sawyer a ensuite été invité par l'animatrice, Liana K, à présenter à Dennis Mullin un Prix Aurora pour l'ensemble de sa carrière de bénévole. Comme Dennis Mullin était absent et n'avait pas fait parvenir de discours, ce rare honneur a fait long feu.
Deux seuls prix ont été remis dans les catégories faniques. Paul Bobbitt, le rédacteur en chef du clubzine The Voyageur, a obtenu le prix du meilleur accomplissement fanique (autre), annoncé par Lance Sibley, mais Bobbitt était absent. Et Barb Schofield a accepté des mains de Randy McCharles le prix du meilleur accomplissement fanique organisationnel au nom et à la place de Penny Lipman, qui recevait le prix pour ses participations à des mascarades et concours de costumes. (En revanche, aucun prix n'était décerné dans la catégorie du meilleur fanzine, le public ayant refusé d'accorder un prix par défaut au seul concurrent en lice.)
Dans la catégorie de l'accomplissement artistique, le Prix Aurora a été décerné à Lar deSouza, qui avait réalisé des illustrations pour le numéro d'hiver 2007 d'On Spec et pour le numéro de printemps-été 2007 de Parsec. Il a fallu que je me réveille un peu : pour la première fois, un gagnant était dans la salle et montait déjà sur l'estrade. Je me suis dépêché d'aller prendre sa photo (mais de loin). Comme cela fait quelques années que Lar deSouza dessine et peint pour les publications canadiennes, on ne pouvait qu'être content pour lui. Je n'ai rien retenu de particulier de son discours de remerciement, mais sa présence était en soi un reproche pour les nombreux fans canadiens qui n'avaient pas pris la peine de voter ou de soumettre des mises en candidature... De fait, c'est ce qu'on retiendra de cette année, sans doute : les participations trop rares et en ordre dispersé au processus (qui s'était considérablement compliqué, il est vrai). De sorte qu'un seul fanzine avait obtenu le minimum requis tandis qu'en principe, aucun ouvrage francophone dans la catégorie des autres ouvrages (critiques, éditoriaux, etc.) n'avait obtenu ce même minimum.
Dans la catégorie du meilleur ouvrage (autre) en anglais, le prix a été décerné à Julie E. Czerneda et Jana Paniccia (toutes les deux absentes) pour leur travail sur le collectif Under Cover of Darkness. Dans la catégorie de la meilleure nouvelle en français, c'est Laurent McAllister qui a remporté le Prix Aurora (après avoir déjà remporté le Prix Boréal de la meilleure nouvelle, le vilain gourmand!) pour sa nouvelle « Sur la plage des épaves » parue dans Solaris. Contrairement au duo de Czerneda et Paniccia, Laurent était au moins à moitié présent et ne s'est pas privé de faire la bise à la jolie présentatrice (il n'existe aucune photo compromettante... enfin, je crois). Ensuite, dans la catégorie de la meilleure nouvelle en anglais, Brian Hades a remis le prix à Hayden Trenholm pour sa nouvelle « Like Water in the Desert ». Auteur d'Ottawa, Hayden Trenholm était tout de blanc vêtu. Il était aussi comblé, de toute évidence, et ce conseiller d'un sénateur va peut-être devoir lui annoncer qu'il est désormais un lauréat s'il veut en profiter pour solliciter une augmentation de salaire... C'est ensuite toutefois que les choses se sont gâtées puisque j'ai annoncé la remise du Prix Aurora du meilleur livre en français (roman ou nouvelle) à Diane Boudreau pour son roman jeunesse Le Cimetière du musée (Éditions du Phœnix). Naturellement, celle-ci était absente et elle n'avait prévenu personne de ses désirs en cas de victoire. Pourtant, elle avait encouragé sur sa page MySpace tant les mises en candidature par ses fans que la participation à la dernière ronde de votes...
Enfin, Dave Duncan aurait remis l'ultime prix de la soirée, le Prix Aurora du meilleur livre (roman ou recueil) en anglais à Nalo Hopkinson pour son roman The New Moon's Arms... si elle avait été là. Sans surprise, Nalo non plus n'était pas au rendez-vous.
En attendant qu'une grande réunion l'an prochain à la Convention mondiale se penche sur toutes les questions soulevées par ces problèmes, admirons dans la photo ci-dessous ce qui pourrait être un des derniers Prix Aurora confectionnés par l'artiste albertain Franklyn Johnson, qui est sur le point de prendre sa retraite...
Libellés : Science-fiction
2008-05-17
Une fête fanique
Après le petit déjeuner pris à l'auberge de jeunesse (dont on aperçoit le restau-bistrot ci-dessus), le centre-ville de Winnipeg semble bien tranquille ce samedi matin. La circulation s'ébranle à peine et le vent commence tout juste à souffler. Sous peu, il va s'engouffrer entre les immeubles et dévaler l'avenue Portage et les autres rues avec une férocité implacable. Mais, pour l'instant, la brise n'est pas encore devenue la trombe dont les rafales balaieront les rues en fin d'après-midi... Quant au paysage urbain, il semble bien quelconque. Tout ce qu'il a de particulier, c'est la passerelle qui enjambe l'artère dans le but de protéger les clients des rigueurs de l'hiver. Comme à Edmonton, la ville a investi dans la construction d'un réseau de passerelles piétonnières qui facilite la circulation entre les commerces et les lieux de travail... On remarque aussi ce ciel bleu d'une pureté irréprochable...
Mais la rue n'est pas dépourvue d'attraits. Presque en face de l'hôtel Radisson, un édifice conçu par James Chisholm, soit en 1900 soit en 1911-1914 (selon les sources), et un gratte-ciel moderne font la paire, sauf que la paire en question illustre surtout l'évolution de l'architecture urbaine depuis un siècle. C'est le Sterling Building qui, à gauche, incarne encore les valeurs des architectes élevés dans le culte de l'École des Beaux-Arts. Il a survécu aux changements de mode et il est même devenu un monument historique. Le plus curieux, c'est à quel point la façade est factice. La photo permet de distinguer le palier du toit, mais l'intérêt est surtout dans le contraste des deux modèles de tours. Derrière l'édifice Sterling se dresse le Kensington Building, daté de 1975, que l'on doit à l'architecte J. Ross. Dans sa façade de verre se reflète la cime de l'édifice Sterling, mais quand elle reflète le ciel des Prairies, elle se confond presque avec celui-ci. Sans le quadrillage des cadres de fenêtre et les lisérés opaques, le Kensington Building s'effacerait presque... pour le plus grand risque des avions ou des oiseaux, sans doute. Même au niveau du sol, on remarque des différences entre les deux étages du Sterling Building qui restent proches des piétons et l'entrée du Kensington Building surplombée par une lourde et rébarbative corniche.
Et le congrès? Le vingt-cinquième KeyCon (que les organisateurs confondent avec le vingt-cinquième anniversaire de la fondation des congrès KeyCon... mais la même erreur fut faite en son temps par Élisabeth Vonarburg à la tête de Boréal 10) est un grand rassemblement des clans du fandom. Ce ne sont pas seulement les auteurs et leurs lecteurs qui se retrouvent à l'hôtel Radisson, mais aussi les artistes, les fans des films et séries télévisées, les amateurs et créateurs de costumes, les joueurs et de nombreuses autres personnes plus difficiles à classer. Dans un couloir, on retrouvait donc une galerie rétrospective des prospectus des congrès antérieurs, dont je n'ai pu photographier qu'une partie.
Si le programme de Boréal a pu sembler aligner trop d'événements parallèles, ce n'était rien en comparaison de KeyCon. Ce sont sept séries de rencontres et de tables rondes qui se déroulent en même temps, dispersées dans les petites et grandes salles au sommet de l'hôtel Radisson. Il y a donc des enfilades de tables rondes sur les jeux de rôle et jeux vidéo, sur l'écriture de SF, sur l'avenir, sur les dessins animés, sur les productions faniques et sur des sujets scientifiques comme le réchauffement climatique ou le changement de statut de Pluton, sans parler des événements spéciaux comme les concours de costumes (qui incluait une version pour les adultes seulement en milieu de nuit... je l'ai ratée) et la remise des Prix Aurora. Les écrivains sur place sont moyennement nombreux. L'Est du pays est représenté par Carolyn Clink, Tanya Huff, Liana K, Derwin Mak, Robert J. Sawyer, Hayden Trenholm et moi-même. L'Ouest par Dave Duncan, la jeune Lee Danielle Hubbard (l'autrice du roman Clan of the Dung-Sniffers chez Edge) et Ed Willett. Et les États-Unis par Nick DiChario, Eric Flint et Jane Yolen. Comme on le voit dans la photo ci-contre, la plupart des auteurs se sont retrouvés en milieu de journée pour une séance de dédicaces collective (naturellement dominée par les fans de Huff, Liana K et David Mattingly).
En fin de journée, je suis sorti prendre l'air, et me colleter avec les vents furieux de l'avenue Portage. J'en ai profité pour longer le centre des congrès qui avait accueilli la convention mondiale en 1994. Souvenirs, souvenirs... En bon historien curieux des origines de Winnipeg, je suis d'abord allé voir ce qui reste de l'ancien Fort Gibraltar de la compagnie du Nord-Ouest ensuite devenu l'Upper Fort Garry de la compagnie de la Baie d'Hudson. Cette entrée monumentale en pierre, conservée dans un petit square à proximité du grand hôtel ferroviaire qui porte aujourd'hui le nom de Fort Garry, n'était pas en fait l'entrée du fort lui-même, mais bien l'entrée de la propriété réservée à l'intérieur de l'enceinte au gouverneur désigné par la compagnie de la Baie d'Hudson au temps de son règne sur le Nord-Ouest. Ce vestige de l'ancien temps fait un peu pitié, plongé dans l'ombre par les formes imposantes de l'hôtel voisin et des condos tout proches. Le contraste est encore plus grand si on le compare aux quelques édifices du centre-ville qui ont fait le choix, comme le Kensington Building, de la modernité architecturale, avec des effets de reflets parfois intéressants...
Mais la rue n'est pas dépourvue d'attraits. Presque en face de l'hôtel Radisson, un édifice conçu par James Chisholm, soit en 1900 soit en 1911-1914 (selon les sources), et un gratte-ciel moderne font la paire, sauf que la paire en question illustre surtout l'évolution de l'architecture urbaine depuis un siècle. C'est le Sterling Building qui, à gauche, incarne encore les valeurs des architectes élevés dans le culte de l'École des Beaux-Arts. Il a survécu aux changements de mode et il est même devenu un monument historique. Le plus curieux, c'est à quel point la façade est factice. La photo permet de distinguer le palier du toit, mais l'intérêt est surtout dans le contraste des deux modèles de tours. Derrière l'édifice Sterling se dresse le Kensington Building, daté de 1975, que l'on doit à l'architecte J. Ross. Dans sa façade de verre se reflète la cime de l'édifice Sterling, mais quand elle reflète le ciel des Prairies, elle se confond presque avec celui-ci. Sans le quadrillage des cadres de fenêtre et les lisérés opaques, le Kensington Building s'effacerait presque... pour le plus grand risque des avions ou des oiseaux, sans doute. Même au niveau du sol, on remarque des différences entre les deux étages du Sterling Building qui restent proches des piétons et l'entrée du Kensington Building surplombée par une lourde et rébarbative corniche.
Et le congrès? Le vingt-cinquième KeyCon (que les organisateurs confondent avec le vingt-cinquième anniversaire de la fondation des congrès KeyCon... mais la même erreur fut faite en son temps par Élisabeth Vonarburg à la tête de Boréal 10) est un grand rassemblement des clans du fandom. Ce ne sont pas seulement les auteurs et leurs lecteurs qui se retrouvent à l'hôtel Radisson, mais aussi les artistes, les fans des films et séries télévisées, les amateurs et créateurs de costumes, les joueurs et de nombreuses autres personnes plus difficiles à classer. Dans un couloir, on retrouvait donc une galerie rétrospective des prospectus des congrès antérieurs, dont je n'ai pu photographier qu'une partie.
Si le programme de Boréal a pu sembler aligner trop d'événements parallèles, ce n'était rien en comparaison de KeyCon. Ce sont sept séries de rencontres et de tables rondes qui se déroulent en même temps, dispersées dans les petites et grandes salles au sommet de l'hôtel Radisson. Il y a donc des enfilades de tables rondes sur les jeux de rôle et jeux vidéo, sur l'écriture de SF, sur l'avenir, sur les dessins animés, sur les productions faniques et sur des sujets scientifiques comme le réchauffement climatique ou le changement de statut de Pluton, sans parler des événements spéciaux comme les concours de costumes (qui incluait une version pour les adultes seulement en milieu de nuit... je l'ai ratée) et la remise des Prix Aurora. Les écrivains sur place sont moyennement nombreux. L'Est du pays est représenté par Carolyn Clink, Tanya Huff, Liana K, Derwin Mak, Robert J. Sawyer, Hayden Trenholm et moi-même. L'Ouest par Dave Duncan, la jeune Lee Danielle Hubbard (l'autrice du roman Clan of the Dung-Sniffers chez Edge) et Ed Willett. Et les États-Unis par Nick DiChario, Eric Flint et Jane Yolen. Comme on le voit dans la photo ci-contre, la plupart des auteurs se sont retrouvés en milieu de journée pour une séance de dédicaces collective (naturellement dominée par les fans de Huff, Liana K et David Mattingly).
En fin de journée, je suis sorti prendre l'air, et me colleter avec les vents furieux de l'avenue Portage. J'en ai profité pour longer le centre des congrès qui avait accueilli la convention mondiale en 1994. Souvenirs, souvenirs... En bon historien curieux des origines de Winnipeg, je suis d'abord allé voir ce qui reste de l'ancien Fort Gibraltar de la compagnie du Nord-Ouest ensuite devenu l'Upper Fort Garry de la compagnie de la Baie d'Hudson. Cette entrée monumentale en pierre, conservée dans un petit square à proximité du grand hôtel ferroviaire qui porte aujourd'hui le nom de Fort Garry, n'était pas en fait l'entrée du fort lui-même, mais bien l'entrée de la propriété réservée à l'intérieur de l'enceinte au gouverneur désigné par la compagnie de la Baie d'Hudson au temps de son règne sur le Nord-Ouest. Ce vestige de l'ancien temps fait un peu pitié, plongé dans l'ombre par les formes imposantes de l'hôtel voisin et des condos tout proches. Le contraste est encore plus grand si on le compare aux quelques édifices du centre-ville qui ont fait le choix, comme le Kensington Building, de la modernité architecturale, avec des effets de reflets parfois intéressants...
Libellés : Science-fiction, Voyages
2008-05-16
Arrivée à Winnipeg
Pendant que l'Esprit Vagabond se rend dans les Pays-Bas, je visite les plats pays de l'Ouest. Plus précisément, je suis de retour à Winnipeg, terre de mes ancêtres (enfin, de quelques-uns) pour un autre retour aux sources. Quoique j'y sois surtout pour la Convention nationale canadienne de science-fiction accueillie cette année par Keycon 25... mais franchement je me sens surtout en vacances. Tellement que j'ai décidé de marcher de l'aéroport au centre-ville, pour voir. Et j'ai vu. Malgré la ressemblance de toutes les banlieues commerciales et zones industrielles nord-américaine, on sent tout de suite qu'on est au milieu des Plaines. Rien ne sépare les édifices, que des espaces ouverts, et la voie ferrée s'allonge à perte de vue.Décidément, Winnipeg est une petite « grande ville ». Il m'a suffi de quatre-vingt-dix minutes pour atteindre l'auberge de jeunesse qui se trouve à deux pas de l'hôtel de la convention. En chemin, j'ai croqué quelques photos de rues caractéristiques du Winnipeg des années quarante et cinquante, faites de petits bungalows et de longs alignements d'arbres qui bourgeonnent à peine. (Ici aussi, l'hiver a été long.)J'imagine sans peine que mon père a parcouru ces mêmes rues pour aller chez des amis — ou des amies. Ce qui frappe, c'est bien l'espacement et la petitesse des maisons, très différentes des grandes résidences banlieusardes de l'après-guerre ou des McMansions encore plus récentes. Ce qui frappe forcément aussi, c'est le ciel bleu des Plaines, toujours aussi vaste. C'est sans doute en partie subjectif, mais cela doit aussi tenir à la largeur de certaines rues, et plus particulièrement au fait que la plupart des édifices n'ont qu'un rez-de-chaussée et tout au plus un étage ou deux. Disons que les tours du centre-ville se voyaient sans peine de l'aéroport, et m'ont permis de me repérer quand j'ai dévié des itinéraires fournis par le site de l'auberge...
En chemin, j'ai aussi pris une photo d'un Safeway, c'est-à-dire d'un supermarché qu'on ne trouve guère que dans l'ouest du pays. C'est un souvenir d'enfance que cette première découverte de la non-universalité des grands magasins. Quoi, les supermarchés d'Ottawa ne régnaient pas non plus sur les porte-monnaie de Winnipeg? Eh bien, non, et le Safeway que l'on voit ci-dessous affiche en prime une façade qui fleure bon le design des années cinquante ou soixante...
En chemin, j'ai aussi pris une photo d'un Safeway, c'est-à-dire d'un supermarché qu'on ne trouve guère que dans l'ouest du pays. C'est un souvenir d'enfance que cette première découverte de la non-universalité des grands magasins. Quoi, les supermarchés d'Ottawa ne régnaient pas non plus sur les porte-monnaie de Winnipeg? Eh bien, non, et le Safeway que l'on voit ci-dessous affiche en prime une façade qui fleure bon le design des années cinquante ou soixante...
Libellés : Voyages
2008-05-15
Le dieu d'Einstein
Jacques Languirand et Jean Proulx viennent de faire paraître un livre intitulé Le Dieu cosmique : à la recherche du dieu d'Einstein, dont Languirand nous rebat d'ailleurs les oreilles le dimanche soir depuis quelques mois, voire quelques années. Sans acheter le livre, c'est assez difficile de savoir où ils veulent en venir. Mes souvenirs des émissions de Languirand sur le sujet sont assez flous, et le tout me semblait assez fumeux et difficile à cerner. On se référait à Spinoza, qui n'était pas loin je crois de diviniser l'univers ou son architecture sans nécessairement chercher à les personnifier. Pourquoi ne pas vénérer la nature, en effet? Mais ce serait au prix d'altérer la notion même de divinité, il me semble.
De fait, le titre du livre de Languirand et Proulx invoque deux fois le mot « dieu » et une fois le nom d'Einstein. Or, ironie du sort, une lettre d'Einstein sur le sujet vient de faire surface. Il y déclare : « The word god is for me nothing more than the expression and product of human weaknesses, the Bible a collection of honourable, but still primitive legends which are nevertheless pretty childish. No interpretation no matter how subtle can (for me) change this. » Le Guardian publie d'ailleurs une tentative d'arracher Einstein aux athées...
Ce que je retiens, c'est que la lettre d'Einstein date de l'année avant sa mort. La fin de sa vie et la conscience de sa mortalité ne le poussaient pas à retourner à la foi de ses ancêtres, contrairement à ce qui arrive parfois. Mais je crois qu'effectivement, on ne peut pas exclure qu'il trouvait l'Univers digne d'inspirer un sentiment religieux. De nombreux scientifiques, dont Einstein lui-même dans des aphorismes fameux, utilisent le vocabulaire religieux pour nommer leur conviction d'un étant nouménal attribut de la nature. Mais ce n'est pas tout à fait la même chose que la vision religieuse du commun des mortels.
De fait, le titre du livre de Languirand et Proulx invoque deux fois le mot « dieu » et une fois le nom d'Einstein. Or, ironie du sort, une lettre d'Einstein sur le sujet vient de faire surface. Il y déclare : « The word god is for me nothing more than the expression and product of human weaknesses, the Bible a collection of honourable, but still primitive legends which are nevertheless pretty childish. No interpretation no matter how subtle can (for me) change this. » Le Guardian publie d'ailleurs une tentative d'arracher Einstein aux athées...
Ce que je retiens, c'est que la lettre d'Einstein date de l'année avant sa mort. La fin de sa vie et la conscience de sa mortalité ne le poussaient pas à retourner à la foi de ses ancêtres, contrairement à ce qui arrive parfois. Mais je crois qu'effectivement, on ne peut pas exclure qu'il trouvait l'Univers digne d'inspirer un sentiment religieux. De nombreux scientifiques, dont Einstein lui-même dans des aphorismes fameux, utilisent le vocabulaire religieux pour nommer leur conviction d'un étant nouménal attribut de la nature. Mais ce n'est pas tout à fait la même chose que la vision religieuse du commun des mortels.
Libellés : Philosophie
2008-05-13
Le futur de Paris... en 1803
Dans Le Nouveau Diable boiteux (1799, 1803), Pierre-Jean-Baptiste Chaussard (1766-1823) signe un grand tour du Paris de l'époque, en s'inspirant sans doute du Tableau de Paris (1781) de Louis-Sébastien Mercier. Il exprime dans un passage futuriste son agacement face à la manie des monuments de Paris, au détriment d'ouvrages plus humbles mais plus utiles. Notons qu'en s'en prenant aux architectes de son temps, il rejetait son père, Jean-Baptiste Chaussard (1729-1818), lui-même architecte de métier.
Dans le roman, le bachelier qui visite Paris en compagnie d'un démon s'exclame : « Paris, toujours infect, manque d'eau et une rivière le traverse! » Le démon réplique : « Mais vous avez les pompes à feu, chef-d'œuvre de mécanisme et de spéculation ; mais le métier de porter de l'eau dans l'intérieur des habitations, offre un moyen d'existence à dix mille hommes enlevés à l'agriculture et aux métiers. » La machine à vapeur commençait tout juste à être appliquée au pompage de l'eau pour alimenter les aqueducs, mais Londres avait montré l'exemple un bon demi-siècle plus tôt. Depuis 1782, les frères Périer alimentait en eau une partie de Chaillot et des environs du quai d'Orsay grâce à des machines plus modernes, mais ils étaient bien seuls.
Le bachelier se lamente sur l'absence de monuments utiles tandis que les travailleurs se consacrent à autre chose : « Blanchir des palais, élever des colosses de plâtre, des obélisques de planches, des décorations de toiles, sublime emploi des arts! » Quant aux architectes, leurs projets n'impressionnent pas plus : « Les uns ont proposé de réunir le Louvre et les Tuileries par une galerie parallèle à celle du Muséum; de prolonger une rue jusqu'à la porte Antoine, etc. [...] D'autres ont tracé des cirques, des amphithéâtres, etc. ... Mais, avant ces magnifiques entreprises, vous êtes-vous occupé des cloaques, qui formèrent une partie du luxe de Rome naissante, qui fixèrent l'attention de Tarquin le superbe, consacrèrent sa mémoire, et dont les débris et la construction sont un objet d'admiration pour l'artiste qui les visite? »
« Vous êtes-vous occupé des fontaines? Et il ne s'agit pas seulement d'élever des rochers ou de creuser des bassins, de dessiner des cascades, des fleuves, des dieux marins, des naïades coifées de roseaux, des tritons, jeux charmans de l'imagination, tableaux poétiques et pittoresques. Je vous demande un monument plus simple. Qu'une machine hydraulique élève et verse de l'eau sur nos pas dans nos promenades; pour nos plaisirs, pour tous les besoins domestiques, dans l'intérieur des habitations; dans les rues, pour entretenir leur propreté. Si j'étais administrateur, ou si j'avais l'honneur de gouverner un état, je préférerais l'artiste qui ferait couler un pouce d'eau de plus, à l'artiste qui m'offrirait le plan d'un arc de triomphe. » (1803, III:170-173)
Les égouts de Paris comptaient alors une vingtaine de kilomètres; leur expansion ne datera que du milieu du XIXe siècle. Par contre, Napoléon semble avoir écouté Chaussard ou ceux qui partageaient ses vues. Si l'empereur a approuvé la construction d'un arc de triomphe, il place tous les services d'adduction d'eau dans la région parisienne sous juridiction municipale en 1803 et lance en 1805 la construction du canal de l'Ourcq qui apportera plus d'eau à Paris..
Dans le roman, le bachelier qui visite Paris en compagnie d'un démon s'exclame : « Paris, toujours infect, manque d'eau et une rivière le traverse! » Le démon réplique : « Mais vous avez les pompes à feu, chef-d'œuvre de mécanisme et de spéculation ; mais le métier de porter de l'eau dans l'intérieur des habitations, offre un moyen d'existence à dix mille hommes enlevés à l'agriculture et aux métiers. » La machine à vapeur commençait tout juste à être appliquée au pompage de l'eau pour alimenter les aqueducs, mais Londres avait montré l'exemple un bon demi-siècle plus tôt. Depuis 1782, les frères Périer alimentait en eau une partie de Chaillot et des environs du quai d'Orsay grâce à des machines plus modernes, mais ils étaient bien seuls.
Le bachelier se lamente sur l'absence de monuments utiles tandis que les travailleurs se consacrent à autre chose : « Blanchir des palais, élever des colosses de plâtre, des obélisques de planches, des décorations de toiles, sublime emploi des arts! » Quant aux architectes, leurs projets n'impressionnent pas plus : « Les uns ont proposé de réunir le Louvre et les Tuileries par une galerie parallèle à celle du Muséum; de prolonger une rue jusqu'à la porte Antoine, etc. [...] D'autres ont tracé des cirques, des amphithéâtres, etc. ... Mais, avant ces magnifiques entreprises, vous êtes-vous occupé des cloaques, qui formèrent une partie du luxe de Rome naissante, qui fixèrent l'attention de Tarquin le superbe, consacrèrent sa mémoire, et dont les débris et la construction sont un objet d'admiration pour l'artiste qui les visite? »
« Vous êtes-vous occupé des fontaines? Et il ne s'agit pas seulement d'élever des rochers ou de creuser des bassins, de dessiner des cascades, des fleuves, des dieux marins, des naïades coifées de roseaux, des tritons, jeux charmans de l'imagination, tableaux poétiques et pittoresques. Je vous demande un monument plus simple. Qu'une machine hydraulique élève et verse de l'eau sur nos pas dans nos promenades; pour nos plaisirs, pour tous les besoins domestiques, dans l'intérieur des habitations; dans les rues, pour entretenir leur propreté. Si j'étais administrateur, ou si j'avais l'honneur de gouverner un état, je préférerais l'artiste qui ferait couler un pouce d'eau de plus, à l'artiste qui m'offrirait le plan d'un arc de triomphe. » (1803, III:170-173)
Les égouts de Paris comptaient alors une vingtaine de kilomètres; leur expansion ne datera que du milieu du XIXe siècle. Par contre, Napoléon semble avoir écouté Chaussard ou ceux qui partageaient ses vues. Si l'empereur a approuvé la construction d'un arc de triomphe, il place tous les services d'adduction d'eau dans la région parisienne sous juridiction municipale en 1803 et lance en 1805 la construction du canal de l'Ourcq qui apportera plus d'eau à Paris..
Libellés : France, Futurisme, Histoire
2008-05-12
Les rencontres de l'étrange
Le vingt-cinquième congrès Boréal a vécu. Vu de l'extérieur, il aura été un événement des plus intimes. Dans cette photo, on voit le pavillon Hall de l'Université Concordia, à l'intérieur duquel le congrès n'occupait qu'une partie du septième étage... Alors, à l'échelle de la mégalopole montréalaise et de sa grande couronne, ce n'était guère qu'une réunion de café. (Mais la valeur tient-elle au nombre ou à la qualité des participants?)Vu de l'intérieur, le congrès est une rencontre des plus étranges et des plus complètes. Étrange parce qu'on y parle beaucoup d'ouvrages et d'idées qui passeraient pour complètement bizarres hors de ces murs. J'écoutais récemment à la radio une actrice qui avait participé au tournage de L'Âge des ténèbres d'Arcand et qui confiait qu'à la lecture du scénario, elle avait cru que l'épisode avec les jeux de rôles grandeur nature était purement fantaisiste. Et il n'y a qu'à écouter les Québécois se plaindre de l'augmentation des prix de l'essence tandis qu'ils se disent toujours en faveur de l'environnement pour saisir qu'on ne fait pas souvent le lien entre des faits fondamentaux, de l'espèce de ceux dont traite la science-fiction.
Alors, les gens qui se retrouvent à Boréal sont étranges parce que, justement, ils refusent l'étrangeté. Je suis humain et rien de ce qui est humain ne m'est étranger, disait Térence. À Boréal, ce sont des citoyens de l'Univers qui se rencontrent et rien de ce qui existe ne doit leur être étranger. Ou, mieux encore, rien de ce qui peut s'imaginer ne doit nous être étranger.
Mais c'est cette ouverture à l'étrange qui rend nos rencontres complètes, car toutes les idées et toutes les réalités ont droit de cité à Boréal, dans la mesure où elles contribuent justement à la vie de la cité...
Alors, les gens qui se retrouvent à Boréal sont étranges parce que, justement, ils refusent l'étrangeté. Je suis humain et rien de ce qui est humain ne m'est étranger, disait Térence. À Boréal, ce sont des citoyens de l'Univers qui se rencontrent et rien de ce qui existe ne doit leur être étranger. Ou, mieux encore, rien de ce qui peut s'imaginer ne doit nous être étranger.
Mais c'est cette ouverture à l'étrange qui rend nos rencontres complètes, car toutes les idées et toutes les réalités ont droit de cité à Boréal, dans la mesure où elles contribuent justement à la vie de la cité...
Libellés : Boréal
2008-05-08
Québec et la Chine
Ce n'est pas d'hier que la Chine fait parler au Canada. En 1893, dans son opuscule Québec en 1900, Arthur Buies témoignait d'une époque de misère pour la Chine, quand sa force de travail était exportée, et non gardée dans ses foyers pour travailler à bas prix sur place. Le 3 mai 1893, Québec était sur le chemin de Cuba pour la Chine, car le Canadien Pacifique arrivait à Québec et il était alors possible de prendre le traversier jusqu'au terminus de Lévis pour aller en train jusqu'aux ports de l'Atlantique. Buies écrit : « je me suis trouvé à la traverse justement comme il arrivait par le Pacifique une cargaison de Chinois en destination de Cuba, disait-on. Ils venaient dans les grandes voitures express de Campbell, par lots de vingt-cinq successivement, et on les dirigeait au fur et à mesure sur le quai de la traverse. Cette migration inouïe chez nous avait attiré, bien entendu, tous les curieux disponibles, lesquels forment une légion redoutable dans Québec, quand ils ont seulement le temps de se rassembler. »
Après avoir déploré l'encombrement résultant des petites rues entre la gare et le quai, Buies arrête un instant sa pensée sur le sujet des Chinois :
« Quel singulier peuple que ces Chinois! Personne n'en veut et l'on ne peut s'en passer nulle part. On les demande à cor et à cris et, en même temps, on veut les renvoyer! Il leur suffit de passer pour causer de l'émoi et pour embarrasser les voies publiques. Et dire qu'ils sont quatre cent millions comme cela, en Chine, tous avec une queue derrière la tête! Trois cent-quatre-vingt-dix-huit millions de plus que de Canadiens! Est-ce que c'est juste, cela?
« Mais ne craignons pas toutefois de les voir nous déborder. Nous allons bien, de notre côté, nous aussi. Nous sommes en pleine période de peuplement, de reproduction à outrance, et Dieu sait quand ça va finir et jusqu'où cela va nous mener! Il s'agit de peupler de Canadiens tout le continent américain... le monde entier, quoi! Il faut que nous allions jusqu'en Chine même. Puisque les Chinois viennent chez nous, allons leur faire concurrence jusque chez eux, mais... avec des Canadiennes. » (pp. 42-43)
Il s'agit clairement de remarques en l'air, tracées au fil de la plume, sans approfondir la réflexion plus qu'il ne faut. Ce qui peut frapper, c'est que les commentaires qu'on entend aujourd'hui quand il est question de la Chine, de sa concurrence et des moyens à prendre ne sont guère différents...
Après avoir déploré l'encombrement résultant des petites rues entre la gare et le quai, Buies arrête un instant sa pensée sur le sujet des Chinois :
« Quel singulier peuple que ces Chinois! Personne n'en veut et l'on ne peut s'en passer nulle part. On les demande à cor et à cris et, en même temps, on veut les renvoyer! Il leur suffit de passer pour causer de l'émoi et pour embarrasser les voies publiques. Et dire qu'ils sont quatre cent millions comme cela, en Chine, tous avec une queue derrière la tête! Trois cent-quatre-vingt-dix-huit millions de plus que de Canadiens! Est-ce que c'est juste, cela?
« Mais ne craignons pas toutefois de les voir nous déborder. Nous allons bien, de notre côté, nous aussi. Nous sommes en pleine période de peuplement, de reproduction à outrance, et Dieu sait quand ça va finir et jusqu'où cela va nous mener! Il s'agit de peupler de Canadiens tout le continent américain... le monde entier, quoi! Il faut que nous allions jusqu'en Chine même. Puisque les Chinois viennent chez nous, allons leur faire concurrence jusque chez eux, mais... avec des Canadiennes. » (pp. 42-43)
Il s'agit clairement de remarques en l'air, tracées au fil de la plume, sans approfondir la réflexion plus qu'il ne faut. Ce qui peut frapper, c'est que les commentaires qu'on entend aujourd'hui quand il est question de la Chine, de sa concurrence et des moyens à prendre ne sont guère différents...
2008-05-07
La productivité du Québec
Depuis quelques années, on entend des voix dire au Québec qu'il faudrait se satisfaire de la prospérité actuelle au Québec, en particulier si on retient des paramètres comme le revenu disponible après impôt, en corrigeant pour le coût de la vie dans chaque province. Mais si ce revenu personnel disponible augmente, il n'augmente pas aussi vite qu'ailleurs et il ne faudrait pas s'illusionner. Les différences de revenu se traduisent par des différences de richesse collective et personnelle. Peut-être bien que les Québécois paient moins pour se nourrir ou se loger, ce qui leur laisse presque autant d'argent qu'en Ontario, mais il faudrait savoir ce qu'ils obtiennent pour ce qu'ils paient. Des routes cratérisées et des ponts qui s'effritent? Des taudis aux loyers réglementés? De la nourriture achetée chez Maxi? Des universités en partie subventionnées par les paiements de peréquation de l'Alberta et de l'Ontario, et pourtant au bord de la faillite? La qualité n'apparaît pas nécessairement dans les chiffres qui se contentent de comparer les frais de scolarité des étudiants au Québec et en Ontario, par exemple...
C'est pourquoi cela vaut la peine de revenir sur les données de Statistique Canada en ce qui concerne les gains médians des travailleurs employés à temps plein. La figure ci-dessus illustre non seulement qu'en matière de gains bruts, le Québec demeurait en 2005 loin derrière les trois autres grandes provinces (Alberta, Colombie-Britannique, Ontario) mais qu'il se fait talonner par le Manitoba et Terre-Neuve (!). La différence est si grande que le Québec ne semble pas appartenir au même club.
Mais peut-être la capacité de déni de certaines élites québécoises s'expliquent par la concentration de la prospérité au Québec. Dans la liste des dix communautés de 10 000 personnes ou plus au Canada, classées dans l'ordre du revenu familial médian, on retrouve quatre communautés québécoises sur dix (Westmount, Mont-Royal, Beaconsfield, Kirkland), deux communautés albertaines, deux communautés ontariennes, West Vancouver en Colombie-Britannique et Yellowknife. On pourrait sans doute pinailler sur la comparabilité de ces communautés, mais, dans une province en quatrième place, la capacité des nantis à vivre à part pourrait expliquer une certaine propension à sous-estimer les difficultés des autres...
C'est pourquoi cela vaut la peine de revenir sur les données de Statistique Canada en ce qui concerne les gains médians des travailleurs employés à temps plein. La figure ci-dessus illustre non seulement qu'en matière de gains bruts, le Québec demeurait en 2005 loin derrière les trois autres grandes provinces (Alberta, Colombie-Britannique, Ontario) mais qu'il se fait talonner par le Manitoba et Terre-Neuve (!). La différence est si grande que le Québec ne semble pas appartenir au même club.
Mais peut-être la capacité de déni de certaines élites québécoises s'expliquent par la concentration de la prospérité au Québec. Dans la liste des dix communautés de 10 000 personnes ou plus au Canada, classées dans l'ordre du revenu familial médian, on retrouve quatre communautés québécoises sur dix (Westmount, Mont-Royal, Beaconsfield, Kirkland), deux communautés albertaines, deux communautés ontariennes, West Vancouver en Colombie-Britannique et Yellowknife. On pourrait sans doute pinailler sur la comparabilité de ces communautés, mais, dans une province en quatrième place, la capacité des nantis à vivre à part pourrait expliquer une certaine propension à sous-estimer les difficultés des autres...
Libellés : Canada, Économie, Statistiques
2008-05-06
Le savoir et l'histoire
Passage rapide à Québec hier pour présider à une séance du 76e congrès de l'ACFAS, qui s'appelle maintenant l'Association francophone pour le savoir, histoire de faire oublier qu'elle s'appelait autrefois l'Association canadienne-française pour l'avancement des sciences... (Bel exemple de pensée magique : à défaut de gagner des référendums, on fera disparaître le Canada en se débarrassant du mot partout où c'est possible de le faire.) Comme la version annoncée du programme ne correspond pas nécessairement à la réalité, notons pour l'histoire qu'il y eut six présentations, et non sept ou huit. Pour une fois, j'étais en avance — la salle du Centre des congrès, deux étages sous le niveau utilisé par le Salon du Livre, était vide!
Et la combinaison des absences et des retards a également bouleversé l'ordre prévu. En fin de compte, Karine Lalancette de l'UQÀM est passée en premier avec sa communication « Fragmentation, désir, infini et totalité : la figure du livre dans The Logogryph. A bibliography of Imaginary Books de Thomas Wharton ». Elle m'a d'ailleurs donné envie de lire ce livre, mais il me reste encore à m'attaquer au roman de Danielewski, House of Leaves, dans un genre un peu voisin.
En second lieu, Philippe Gauthier (aucun rapport avec l'ancien fan de sf qui avait co-fondé Samizdat) de l'Université de Montréal nous a présenté sa communication « La salle de cinéma comme lieu institutionnel et cadre de signification : l'exemple des "Hale's Tours" dans l'historiographie traditionnelle », qui m'a appris l'existence d'un fort ancien exemple de réalité virtuelle, les Hale's Tours qui offraient aux clients la simulation d'un voyage en train loin de chez eux.
Ce fut ensuite au tour de Geneviève Cloutier, également de l'Université de Montréal, qui présenta une des plus belles présentations de la séance sur « La récupération de l'avant-garde dans la culture contemporaine ». J'ai relevé pour consultation ultérieure plusieurs des projets de récupération de l'ancienne avant-garde du XXe s., dont l'architecture inspirée de l'avant-garde russo-soviétique dans un projet d'Erik Van Egeraat, la musique concrète de Structural Resistance inspirée de Tatline et l'Action futuriste FTM 2007 inspirée, naturellement, des Futuristes. Tandis que des créateurs comme Kourliandski et commentateurs comme Manovich mériteraient aussi le détour.
Marian Misdrahi-Flores, étudiante en sociologie à l'Université de Montréal, a enchaîné avec les résultats d'une étude sur les boursiers et jurys du CALQ qui avait retenu l'attention du Devoir. Sa communication intitulée « Le profil de l'excellence en lettres québécoises contemporaines : l'évaluation de la qualité littéraire au Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) » incluait des chiffres fascinants. Durant la période étudiée, les femmes avaient non seulement obtenu plus de bourses que les hommes, mais leur taux de réussite était également plus élevé. Durant cette même période, les créateurs originaires de la grande région de Montréal (qui représente tout au plus 40-50% de la population québécoise) avaient non seulement déposé la grande majorité des demandes, mais aussi obtenu la grande majorité des bourses. Et l'immense majorité des écrivains n'étaient pas des autodidactes, mais des produits de nos universités, parfois au plus haut niveau. (Par contre, le taux de réussite des diplômés en littérature étaient assez bas.)
Laure Miranda, de l'Université de Sherbrooke, a présenté à son tour les résultats d'un dépouillement minutieux, celui des livres dédicacés dans la bibliothèque d'Anne Hébert. Sa communication intitulée « Formalisation d’un réseau d’auteur(e)s autour d’Anne Hébert à travers les ouvrages dédicacés de sa bibliothèque personnelle » révélait non seulement quelques aperçus de sa bibliothèque personnelle (beaucoup de Simenon) mais aussi des personnes qui lui avaient dédicacé des livres, dont Marie-Claire Blais, Mavis Gallant, Hélène Cixous, Paul Zumthor, Gilbert Choquette, Émile Martel et Jacques Godbout parmi les principaux.
Enfin, Fabienne Soldini-Bagci, chercheuse au CNRS, a expliqué les fonctionnements observés au sein de bibliothèques marseilles. Sa communication, « Bibliothèques à Marseille : la notion d’institution culturelle confrontée aux pratiques non conformes des jeunes usagers », était un témoignage extrêmement vivant des défis observés sur le terrain.
Avant de repartir, j'ai croqué quelques photos de Québec. Tout d'abord, un cliché classique des remparts, mais surtout des deux grands édifices qui dominent le vieux Québec.Ensuite, je suis entré par la porte Saint-Jean, non sans noter la présence de neige dans quelques encoignures et zones ombragées des remparts. Comme la photo de la porte le montre bien, il faisait très beau... Mais les dernières poches de neige établissaient au-delà de tout doute que l'hiver avait été dur... mais peut-être qu'à mon retour jeudi pour parler de Québec en 1900, il n'en restera plus.
Et la combinaison des absences et des retards a également bouleversé l'ordre prévu. En fin de compte, Karine Lalancette de l'UQÀM est passée en premier avec sa communication « Fragmentation, désir, infini et totalité : la figure du livre dans The Logogryph. A bibliography of Imaginary Books de Thomas Wharton ». Elle m'a d'ailleurs donné envie de lire ce livre, mais il me reste encore à m'attaquer au roman de Danielewski, House of Leaves, dans un genre un peu voisin.
En second lieu, Philippe Gauthier (aucun rapport avec l'ancien fan de sf qui avait co-fondé Samizdat) de l'Université de Montréal nous a présenté sa communication « La salle de cinéma comme lieu institutionnel et cadre de signification : l'exemple des "Hale's Tours" dans l'historiographie traditionnelle », qui m'a appris l'existence d'un fort ancien exemple de réalité virtuelle, les Hale's Tours qui offraient aux clients la simulation d'un voyage en train loin de chez eux.
Ce fut ensuite au tour de Geneviève Cloutier, également de l'Université de Montréal, qui présenta une des plus belles présentations de la séance sur « La récupération de l'avant-garde dans la culture contemporaine ». J'ai relevé pour consultation ultérieure plusieurs des projets de récupération de l'ancienne avant-garde du XXe s., dont l'architecture inspirée de l'avant-garde russo-soviétique dans un projet d'Erik Van Egeraat, la musique concrète de Structural Resistance inspirée de Tatline et l'Action futuriste FTM 2007 inspirée, naturellement, des Futuristes. Tandis que des créateurs comme Kourliandski et commentateurs comme Manovich mériteraient aussi le détour.
Marian Misdrahi-Flores, étudiante en sociologie à l'Université de Montréal, a enchaîné avec les résultats d'une étude sur les boursiers et jurys du CALQ qui avait retenu l'attention du Devoir. Sa communication intitulée « Le profil de l'excellence en lettres québécoises contemporaines : l'évaluation de la qualité littéraire au Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) » incluait des chiffres fascinants. Durant la période étudiée, les femmes avaient non seulement obtenu plus de bourses que les hommes, mais leur taux de réussite était également plus élevé. Durant cette même période, les créateurs originaires de la grande région de Montréal (qui représente tout au plus 40-50% de la population québécoise) avaient non seulement déposé la grande majorité des demandes, mais aussi obtenu la grande majorité des bourses. Et l'immense majorité des écrivains n'étaient pas des autodidactes, mais des produits de nos universités, parfois au plus haut niveau. (Par contre, le taux de réussite des diplômés en littérature étaient assez bas.)
Laure Miranda, de l'Université de Sherbrooke, a présenté à son tour les résultats d'un dépouillement minutieux, celui des livres dédicacés dans la bibliothèque d'Anne Hébert. Sa communication intitulée « Formalisation d’un réseau d’auteur(e)s autour d’Anne Hébert à travers les ouvrages dédicacés de sa bibliothèque personnelle » révélait non seulement quelques aperçus de sa bibliothèque personnelle (beaucoup de Simenon) mais aussi des personnes qui lui avaient dédicacé des livres, dont Marie-Claire Blais, Mavis Gallant, Hélène Cixous, Paul Zumthor, Gilbert Choquette, Émile Martel et Jacques Godbout parmi les principaux.
Enfin, Fabienne Soldini-Bagci, chercheuse au CNRS, a expliqué les fonctionnements observés au sein de bibliothèques marseilles. Sa communication, « Bibliothèques à Marseille : la notion d’institution culturelle confrontée aux pratiques non conformes des jeunes usagers », était un témoignage extrêmement vivant des défis observés sur le terrain.
Avant de repartir, j'ai croqué quelques photos de Québec. Tout d'abord, un cliché classique des remparts, mais surtout des deux grands édifices qui dominent le vieux Québec.Ensuite, je suis entré par la porte Saint-Jean, non sans noter la présence de neige dans quelques encoignures et zones ombragées des remparts. Comme la photo de la porte le montre bien, il faisait très beau... Mais les dernières poches de neige établissaient au-delà de tout doute que l'hiver avait été dur... mais peut-être qu'à mon retour jeudi pour parler de Québec en 1900, il n'en restera plus.
Libellés : Université, Voyages
2008-05-05
La productivité des villes
Les données récemment fournies par Statistique Canada sur l'évolution des revenus au Canada et du pouvoir d'achat depuis 1980 ont relancé le débat sur les avantages des politiques économiques conduites au Canada. Depuis 1980, la croissance a été au rendez-vous (le PIB par habitant aurait augmenté de moitié environ), le dollar est fort et les finances publiques n'ont jamais tout à fait dérapé. Mais la situation de 80% de la population employée à temps plein a empiré ou s'est tout au plus infinitésimalement amélioré — les gains médians augmentant de 53$ en vingt-cinq ans, en dollars constants. Et c'est la situation des salariés supérieurs qui s'est améliorée, tandis que celle des moins rémunérés s'est dégradée.
Est-ce un problème de redistribution ou de croissance? Puisqu'il y a eu croissance, il est difficile de refuser un débat sur la redistribution. L'amélioration de la situation des salariés supérieurs est-elle purement le résultat de phénomènes organiques? Depuis l'élection de Brian Mulroney en 1984, il y a eu une pression à la baisse sur l'imposition des gains en capitaux, la taxation des entreprises et les prélèvements sur les revenus les plus élevés.
Comme Statistique Canada fait uniquement état des gains bruts sur ce quart de siècle, les effets de ces politiques fiscales devraient être indirects puisque seuls les revenus bruts des emplois entrent dans le calcul de ces gains. Néanmoins, si la courbe de rendement des augmentations salariales a été libérée là où elle était nettement plus aplatie auparavant, on peut comprendre qu'une dynamique d'augmentation des hauts salaires aurait pu s'enclencher dans une fourchette où les avantages des augmentations étaient plus grands, même si les gains diminuaient dans les fourchettes plus élevées.
L'augmentation des salaires supérieurs est-elle liée à une pénurie relative des personnes hautement qualifiées? Ceci renverrait aux politiques de formation au Canada, et au financement de l'éducation, ou plutôt à nos carences dans ces domaines. Est-ce lié à une transformation de l'immigration? Pendant longtemps, le Canada a remédié aux carences de son système d'éducation en acceptant des immigrants européens (que les guerres et dictatures européennes avaient la générosité de nous envoyer). Depuis trente ans, l'immigration est plus variée et, si les revenus des immigrants n'augmentent plus aussi vite, il se pourrait que ce soit imputable à des problèmes d'intégration (racisme) ou que ce soit aussi parce que les qualifications de ces nouveaux immigrants soient moins adaptées aux besoins de l'économie canadienne. Du coup, les salariés hautement qualifiés auraient bénéficié d'une prime...
Toutefois, on ne peut pas écarter entièrement la question de la croissance. À moins d'une redistribution entièrement confiscatoire, la croissance augmentera toujours une partie des gains et on peut soutenir que si les revenus du quintile supérieur ont augmenté, c'est toujours mieux que si le décile supérieur avait été le seul à profiter de la croissance. Donc, peut-on accepter l'équation voulant que plus de croissance donne plus de gains?
Si oui, comme on le souligne dans les journaux, il va falloir se pencher sur la productivité du travail au Canada, un sujet récurrent sur ce blogue. Les économistes ne s'entendent toujours pas sur les raisons de la piètre performance canadienne en matière de productivité, mais il semble clair que l'innovation n'est pas au rendez-vous quand il s'agit de réagir à des défis tels que l'exploitation de ressources plus difficiles d'accès ou l'exportation de biens manufacturés dans un contexte économique (dollar fort) plus difficile.
On en revient donc aux sources de l'innovation. Pour Jane Jacobs, à qui Richard Florida rendait hommage dans le Globe and Mail en fin de semaine, les grandes villes étaient des creusets de l'innovation. Dans The Economy of Cities, Jacobs aurait écrit : « The diversity, of whatever kind, that is generated by cities rests on the fact that in cities so many people are so close together, and among them contain so many different tastes, skills, needs, supplies, and bees in their bonnets. » À première vue, ceci laisserait entendre que la densité est aussi importante que le nombre, et je me suis demandé si le manque d'innovation canadien s'expliquerait par l'étalement urbain plus grand des agglomérations canadiennes, comme dans la région du Golden Horseshoe. Toutefois, un article (.PDF) de John R. Miron en 2003 indique au contraire que l'étalement urbain est plus grand aux États-Unis et que les grandes villes canadiennes sont plus densément peuplées ou de manière plus concentrée que les grandes villes comparables aux États-Unis.
Par conséquent, si les grandes villes des États-Unis favorisent l'innovation plus qu'au Canada, ce ne peut être le fait que des métropoles dont il n'existe pas l'équivalent au Canada : Los Angeles, New York, Chicago, San Francisco à la rigueur... Le nombre serait donc plus important que la densité, mais il resterait à prouver que les innovations responsables d'une meilleure productivité aux États-Unis proviennent effectivement de ces grandes villes, comme le voudrait Jacobs, et non de concentrations d'institutions innovantes (centrées sur des universités et des industries comme au Massachusetts ou en Californie).
Auquel cas on en reviendrait au problème de l'éducation et de son financement...
Est-ce un problème de redistribution ou de croissance? Puisqu'il y a eu croissance, il est difficile de refuser un débat sur la redistribution. L'amélioration de la situation des salariés supérieurs est-elle purement le résultat de phénomènes organiques? Depuis l'élection de Brian Mulroney en 1984, il y a eu une pression à la baisse sur l'imposition des gains en capitaux, la taxation des entreprises et les prélèvements sur les revenus les plus élevés.
Comme Statistique Canada fait uniquement état des gains bruts sur ce quart de siècle, les effets de ces politiques fiscales devraient être indirects puisque seuls les revenus bruts des emplois entrent dans le calcul de ces gains. Néanmoins, si la courbe de rendement des augmentations salariales a été libérée là où elle était nettement plus aplatie auparavant, on peut comprendre qu'une dynamique d'augmentation des hauts salaires aurait pu s'enclencher dans une fourchette où les avantages des augmentations étaient plus grands, même si les gains diminuaient dans les fourchettes plus élevées.
L'augmentation des salaires supérieurs est-elle liée à une pénurie relative des personnes hautement qualifiées? Ceci renverrait aux politiques de formation au Canada, et au financement de l'éducation, ou plutôt à nos carences dans ces domaines. Est-ce lié à une transformation de l'immigration? Pendant longtemps, le Canada a remédié aux carences de son système d'éducation en acceptant des immigrants européens (que les guerres et dictatures européennes avaient la générosité de nous envoyer). Depuis trente ans, l'immigration est plus variée et, si les revenus des immigrants n'augmentent plus aussi vite, il se pourrait que ce soit imputable à des problèmes d'intégration (racisme) ou que ce soit aussi parce que les qualifications de ces nouveaux immigrants soient moins adaptées aux besoins de l'économie canadienne. Du coup, les salariés hautement qualifiés auraient bénéficié d'une prime...
Toutefois, on ne peut pas écarter entièrement la question de la croissance. À moins d'une redistribution entièrement confiscatoire, la croissance augmentera toujours une partie des gains et on peut soutenir que si les revenus du quintile supérieur ont augmenté, c'est toujours mieux que si le décile supérieur avait été le seul à profiter de la croissance. Donc, peut-on accepter l'équation voulant que plus de croissance donne plus de gains?
Si oui, comme on le souligne dans les journaux, il va falloir se pencher sur la productivité du travail au Canada, un sujet récurrent sur ce blogue. Les économistes ne s'entendent toujours pas sur les raisons de la piètre performance canadienne en matière de productivité, mais il semble clair que l'innovation n'est pas au rendez-vous quand il s'agit de réagir à des défis tels que l'exploitation de ressources plus difficiles d'accès ou l'exportation de biens manufacturés dans un contexte économique (dollar fort) plus difficile.
On en revient donc aux sources de l'innovation. Pour Jane Jacobs, à qui Richard Florida rendait hommage dans le Globe and Mail en fin de semaine, les grandes villes étaient des creusets de l'innovation. Dans The Economy of Cities, Jacobs aurait écrit : « The diversity, of whatever kind, that is generated by cities rests on the fact that in cities so many people are so close together, and among them contain so many different tastes, skills, needs, supplies, and bees in their bonnets. » À première vue, ceci laisserait entendre que la densité est aussi importante que le nombre, et je me suis demandé si le manque d'innovation canadien s'expliquerait par l'étalement urbain plus grand des agglomérations canadiennes, comme dans la région du Golden Horseshoe. Toutefois, un article (.PDF) de John R. Miron en 2003 indique au contraire que l'étalement urbain est plus grand aux États-Unis et que les grandes villes canadiennes sont plus densément peuplées ou de manière plus concentrée que les grandes villes comparables aux États-Unis.
Par conséquent, si les grandes villes des États-Unis favorisent l'innovation plus qu'au Canada, ce ne peut être le fait que des métropoles dont il n'existe pas l'équivalent au Canada : Los Angeles, New York, Chicago, San Francisco à la rigueur... Le nombre serait donc plus important que la densité, mais il resterait à prouver que les innovations responsables d'une meilleure productivité aux États-Unis proviennent effectivement de ces grandes villes, comme le voudrait Jacobs, et non de concentrations d'institutions innovantes (centrées sur des universités et des industries comme au Massachusetts ou en Californie).
Auquel cas on en reviendrait au problème de l'éducation et de son financement...
Libellés : Canada, Économie, Statistiques