2006-01-03

 

Iconographie de la SFCF (1)

Qu'est-ce que la SFCF? Quand je l'emploie, c'est pour désigner la science-fiction canadienne d'expression française. Pourquoi ne pas parler de SFQ, comme tout le monde? Parce que, d'abord, je n'ai jamais eu l'impression, comme écrivain franco-ontarien, d'être inclus par ce terme consacré de «science-fiction québécoise». Même si je suis maintenant établi à Montréal, je trouve que le terme est limitatif et fait mine d'ignorer les contributions d'une grande variété d'auteurs du Canada qui n'étaient ou ne sont pas spécialement québécois, ni par la naissance, ni par le lieu de résidence, ni par la culture. Je songe ici à des auteurs d'origine acadienne, à des Franco-Ontariens d'adoption, à des écrivains venus de France pour s'établir qui dans l'Ouest qui dans les Maritimes...

Comme je m'intéresse à l'histoire de la SFCF, disons que je crois avoir le droit de fixer les bornes de mon étude et que l'existence du Canada comme pays rend plus facile l'identification des auteurs canadiens (le statut de citoyen est suffisant) que celle des auteurs québécois.

Dois-je vraiment faire observer une fois de plus que la regrettée Année de la Science-Fiction et du Fantastique québécois ne recensait pas les textes signés par des auteurs québécois dans une autre langue, tout en incluant des auteurs francophones n'ayant jamais vécu au Québec, nés de parents et de grands-parents sans racines québécoises particulières (comme moi-même à une certaine époque)? La contradiction m'a toujours semblé aussi flagrante qu'absurde.

Quant à l'histoire de la SFCF, elle passe aussi par le Québec, bien entendu. Depuis que je m'intéresse à l'historique de ce recoin dédaigné de la littérature dite québécoise, je découvre souvent des livres intéressants en soi. C'est-à-dire que la maquette et l'iconographie sont presque aussi riches d'indices que le texte lui-même. Prenons cette couverture de ce que je crois être la première édition d'un classique de la science-fiction pour jeunes dans ce pays, Surréal 3000 de Suzanne Martel, aux Éditions du Jour. Tout d'abord, on constate évidemment que le titre d'origine était différent. Au lieu de s'exposer à l'incompréhension des lecteurs, le titre parle de Montréalais et précise bien que le chiffre 3000 indique une date.

Si l'intitulé renvoie à l'avenir, il semble qu'il faudrait s'étonner des personnages illustrés sur la couverture. Quand on a lu le roman, on peut à la rigueur les interpréter comme les personnages du livre engoncés dans leurs combinaisons protectrices. Mais le lecteur qui n'a pas eu le bénéfice de cette information cruciale sera plutôt porté à voir dans ces personnages des astronautes ou des cosmonautes comme ceux qui prenaient part à la conquête de l'espace (cette dernière battait alors son plein)... Le choix d'un fond noir comme les profondeurs de l'espace interplanétaire peut confirmer cette interprétation, ainsi que la disposition des personnages, qui semblent bel et bien flotter en apesanteur.

Il s'agissait sans doute d'appâter le chaland en rattachant le livre aux grandes heures de l'exploration spatiale, mais le choix de l'illustrateur n'était pas entièrement infidèle au livre qu'il décorait ainsi. Pour le grand public, les astronautes et les cosmonautes sont des personnages du futur. Par conséquent, s'en servir pour une couverture de roman jeunesse indique très clairement le genre du livre : de l'anticipation pour tous. Ainsi, l'illustration confirmait le sens de l'étiquette «science-fiction» qui apparaît sur la couverture sous le nom de l'autrice.

La couverture de l'édition de 1971 chez les Éditions Jeunesse fait des choix différents. Le titre est devenu nettement moins explicite. En revanche, l'illustration est légèrement plus parlante. Si les personnages sont toujours aussi stylisés, ils ont un visage, et il est possible de pressentir qu'il s'agit de jeunes en train de faire de l'exploration souterraine.

Il n'est plus question de préciser et de dire qu'il s'agit de «science-fiction». Le roman ne s'adresse pas aux fans. La preuve indubitable, c'est qu'il est édité par les Éditions Jeunesse. Il s'adresse donc aux jeunes eux-mêmes, voire aux prescripteurs (parents, enseignants, etc.) susceptibles de se procurer le livre comme cadeau. La science-fiction a-t-elle déjà si mauvaise presse qu'il est préférable de faire disparaître le mot et de faire confiance plutôt à l'illustration?

Les recherches se poursuivent...

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