2008-12-30

 

De l'uranium au thorium

Les fans de science-fiction d'un certain âge se rappelleront que, dans les ouvrages d'une certaine époque, il était question à l'occasion des mines de thorium du futur, qui faisaient parfois aussi office de bagnes... Il y avait une raison à cela : dès cette époque, on savait bien que l'avenir du nucléaire n'était pas nécessairement l'uranium — dont les réserves exploitables sont limitées, à moins d'apprendre à l'extraire de l'eau de mer — mais bien le thorium, qui serait trois fois plus abondant que l'uranium et plus facile (pour l'instant?) à extraire.

Depuis quelques années, la perspective d'une relance du nucléaire pour minimiser les émissions de gaz à effet de serre ranime l'intérêt du développement de la filière du thorium. Ainsi, dans la lettre (.PDF) que James Hansen adressait à Barack Obama le 21 novembre dernier, il recommandait de financer le développement aux États-Unis de réacteurs nucléaires utilisant les neutrons rapides produits par la fission et de réacteurs nucléaires à base de thorium.

Dans les deux cas, les partisans de ces nouvelles technologies sous-estiment peut-être les désavantages de l'utilisation de sels et de métaux liquides, mais les avantages sont tels qu'ils justifient peut-être les soins additionnels requis pour gérer ces réacteurs de quatrième génération.

Dans sa lettre, Hansen souligne qu'il ne se prononce pas en faveur du déploiement de ces réacteurs, mais du soutien de la recherche nécessaire pour savoir ce qui est possible ou non avant de trancher.

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2008-12-29

 

La chorale du pigiste

Pendant que le Japon succombe sans doute en fin d'année, une fois de plus, au phénomène du daiku, c'est-à-dire à la performance répétée de la neuvième symphonie de Beethoven (une tradition qui remonterait à la Première Guerre mondiale), je ne peux résister à ce recyclage de l'hymne à la joie par un écrivain pigiste:

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2008-12-25

 

Joyeux Noël !

Ce n'est qu'une fête païenne, ce qui revient tout simplement à dire que ce n'est qu'une fête religieuse... mais que cela ne nous empêche pas de nous retrouver en famille et de célébrer la victoire de la vie et de la lumière sur l'entropie et les ténèbres.Bref, Joyeuse Néguentropie!

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2008-12-24

 

Lumières de Noël

Voici une photo prise dans ma rue avant-hier soir... J'étais frappé par le jeu des lumières, les sapins bleus se détachant de la blancheur du décor et de la façade enténébrée, par le froid mordant aussi et la neige couinant sous les semelles.Mais l'image n'arrive sans doute pas à véhiculer, sauf dans mon esprit, tout ce qui faisait la beauté du moment.

Les images photographiques ne font pas toujours mieux que la madeleine de Proust.

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2008-12-23

 

Choisir les meilleurs

C'est risqué pour un critique littéraire de se transformer en anthologiste ou directeur littéraire. C'est risquer de s'exposer... à la critique.

J'ai fini par lire l'antho de Rich Horton, Science Fiction: The Best of the Year (2007 Edition), publiée chez Prime Books. Horton était mieux connu de moi comme critique (dans Locus et Tangent, par exemple). Sur la foi de cette anthologie, je suis enclin à dire qu'il aurait dû s'en tenir à la critique. Parce que, maintenant, je vais lire d'un autre œil ses propres critiques.

D'autres anthos parviennent à procurer aux lecteurs une qualité minimale soutenue (c'est souvent le cas des anthos de David Hartwell). Par contre, j'ai trouvé que cette anthologie combinait des textes dont je me demandais ce qu'ils faisaient dans une sélection et des textes pleinement méritants. (Selon mes propres appréciations, pareillement subjectives, bien sûr!)

Parmi les réussites, je citerai « Another Word for Map is Faith » de Christopher Rowe, la nouvelle qui ouvre l'anthologie et qui nous plonge dans un monde en proie à un fanatisme religieux glaçant. Ce n'est peut-être pas tout à fait de la science-fiction dans les règles de l'art, mais le fanatisme a trop souvent façonné notre monde pour que l'intrigue ne nous semble pas parfaitement réaliste.

Une autre réussite, « Incarnation Day », est signé par un nom connu, Walter Jon Williams. À la croisée de la science-fiction heinleinienne (telle que pratiquée dans ses romans pour jeunes) et de la science-fiction moderne (avec ses enfances passées dans des mondes virtuels, comme dans la trilogie récente de Nick Sagan), la nouvelle met en scène un monde en apparence avancé, mais qui a réinventé une forme d'esclavage déguisé mais tout aussi cruel.

Il me faut dire du bien aussi de la nouvelle cosmologico-cyberpunk de Benjamin Rosenbaum, « The House beyond your Sky ». Univers virtuels, manipulation d'univers embryonnaires, duels entre post-humains et puissances transcendantes... rien que du bon. Et j'admire d'autant plus que ce sont des thèmes sur lesquels Laurent McAllister bossait ces derniers temps.

Enfin, il me faut dire du mal d'une nouvelle de (surprise!) Robert Reed, « A Billion Eves » — un auteur que j'aime lire, d'ordinaire. Comme d'habitude, on ne peut critiquer ses personnages, les surprises d'une intrigue pleine de rebondissements ou l'impact de ses descriptions... Seulement, il pousse un peu trop loin le bouchon en suggérant la survie pendant dix ou quinze siècles (ou vingt mille ans? ce n'est pas toujours clair) d'une même société patriarcale et religieuse. Et ce, même quand les fondateurs ont accouché d'une population de plus de cinq milliards de personnes au bout du compte... Que l'on songe un peu à toutes les réformes et toutes les hérésies qui ont bouleversé nos civilisations terrestres depuis deux mille ans! Bref, si on reproche souvent aux auteurs de science-fiction de créer des planètes partout semblables, Reed se rend coupable de la même faute en étalant la similitude dans le temps. Outre cette absence de diversité, il faut sans doute être étatsunien pour communier dans le culte du pionnier et partager le fantasme de la terra nullius. Si Williams rajeunissait Heinlein, Reed n'arrive pas tout à fait à sortir des vieilles ornières dans ce texte qui se veut subversif mais qui semble un peu trop complaisant, comme dans les textes les moins aboutis de Heinlein, justement.

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2008-12-22

 

Le jupon se montre enfin

S'il était possible de douter que le réseau CTV était devenu l'équivalent de Fox aux États-Unis, même après l'embuscade réservée à Stéphane Dion, tout doute sera dissipé par l'envoi de deux reporters du réseau, Mike Duffy et Pamela Wallin, au Sénat par Stephen Harper. Ceux-ci auraient d'ailleurs annoncé qu'ils siègeraient au sein du caucus conservateur, et non comme sénateurs indépendants sans affiliation politique, ce qui aurait au moins préservé la fiction de leur neutralité politique antérieure.

La pire décision de la gouverneure-générale Michaëlle Jean porte maintenant ses fruits. En choisissant d'accorder une prorogation sans limiter les pouvoirs du premier ministre, elle lui a permis d'opérer des nominations qui se font dans le contexte de ce qui reste une crise de confiance parlementaire.

Dans l'immédiat, les conséquences sont relativement mineures. Le pouvoir politique au Sénat restera entre les mains du caucus libéral, mais le fonctionnement du Sénat sera tout de suite amélioré par l'arrivée de nouveaux sénateurs de l'Opposition.

Ce qu'il faut retenir de cet envoi massif de sénateurs nommés dans les heures avant le congé des Fêtes, c'est qu'il est une autre conséquence de l'intransigeance des Conservateurs de Harper, qui se sont entêtés, depuis deux ans, à ne pas reconnaître qu'ils ne représentaient qu'une minorité de la population et que la réforme du Sénat exigerait un amendement constitutionnel approuvé par les deux Chambres et par les assemblées législatives d'au moins les deux tiers des provinces — à la condition que celles-ci représentent au moins la moitié de la population des provinces du pays. Or, tant que l'Ontario et le Québec représenteront les deux tiers de la population canadienne, cette condition ne sera pas satisfaite sans leur accord et s'il leur serait possible d'accepter un Sénat élu, ces deux provinces n'accepteront jamais sans contrepartie un Sénat où toutes les provinces auraient le même poids.

Bref, Harper pratiquait un refus de la réalité politique du pays qu'on a beaucoup vu chez les Républicains de Bush dans d'autres circonstances.

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2008-12-21

 

Pour sauver la planète

Neuf milliards de personnes sur Terre pourront-elles survivre en n'utilisant que des bicyclettes? Le voudront-elles? Ce sont les questions fondamentales posées par notre croissance démographique et la consommation actuelle des ressources de l'écosphère. Malgré les rêves de certains puristes, il est loin d'être clair qu'il serait possible d'assurer ne serait-ce que l'alimentation de tous sans engrais et pesticides artificiels. Et même si c'était possible, tout le monde ne serait pas d'accord pour se consacrer à l'agriculture de subsistance. Mais si la consommation d'hydrocarbones restera nécessaire, il semble certain qu'il faudra également la minimiser dans l'espoir d'enrayer le réchauffement du climat. D'où l'intérêt, voire l'urgence, de réfléchir sur nos options énergétiques.

Du point de vue des émissions de gaz à effet de serre, il convient de noter que c'est difficile de comparer les performances des sources d'énergie. En juin dernier, dans le Bulletin of Science, Technology & Society, Chris Lund et Wahidul Biswas ont néanmoins réuni les données disponibles sur ces performances, mesurées en tonnes de bioxyde de carbone (ou leur équivalent) émises par gigawatts-heures d'énergie, le tout rapporté sur le cycle de vie complet de chaque système technologique. Les évaluations disponibles diffèrent un peu, mais le portrait global semble assez clair dans la figure ci-dessous.On y voit que, sans surprise, la combustion de carburants fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel) génère le plus de gaz à effet de serre. Le gaz naturel un peu moins que les deux autres, mais la différence est mince. Les trois meilleures solutions, ce sont le nucléaire, l'éolien et l'hydro-électricité. Et de loin, si on a soin de noter que l'échelle verticale est logarithmique, de sorte que les carburants fossiles engendrent cent fois plus de gaz à effet de serre que ces solutions!

L'énergie solaire se situe entre les deux, ce qui veut quand même dire qu'elle produirait plusieurs fois ce que produisent les énergies plus propres. Évidemment, dans le cas du nucléaire, tout dépend de la façon de calculer le coût de l'entreposage sécuritaire (de très longue durée) des déchets radioactifs et de prévoir l'évolution du coût d'extraction de l'uranium (ou des autres combustibles potentiels). Mais si le nucléaire n'est pas exempt de problèmes, l'énergie éolienne et l'hydro-électricité ne le sont pas non plus. Les sites hydro-électriques exploitables sont de plus en plus rares et, comme dans le cas des sites de production d'énergie éolienne, les distances sont parfois grandes entre les sites de production et les sites de consommation, d'oû l'exigence de construire des lignes à haute tension très longues, exposées au verglas comme aux contacts avec des branches d'arbres... ou aux éruptions solaires. De plus, la production éolienne n'est pas aussi stable que la production d'énergie nucléaire, ce qui impose des contraintes supplémentaires à un réseau qui dépend de l'éolien.

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2008-12-18

 

Je l'avais prédit!

Barack Obama n'est pas encore président et, pourtant, de nombreux électeurs de gauche aux États-Unis sont déçus. Les personnes désignées par Obama à des postes dans son cabinet présidentiel sont de moins en moins progressistes, ce qui culmine avec la désignation aux Transport d'un Républicain de l'Illinois qui semble plus enclin à construire des autoroutes qu'à relancer le rail. Venant après un secrétaire de l'Agriculture de l'Iowa, gagné d'avance aux intérêts de l'agro-industrie, et un secrétaire de l'Intérieur qui est un rancher du Colorado plus ou moins soucieux de l'environnement, le portrait commence à se préciser. Dans plusieurs domaines, le statu quo sera de mise; si Obama lance des batailles progressistes, elles seront soigneusement ciblées : la réforme du système de santé, le retrait de l'Iraq (au ralenti ou non), la fermeture de Guantánamo et la réforme de la production énergétique (et encore, je considère que le nucléaire fait partie des choix progressistes, ce qui n'est pas l'avis de tous).

Dans une certaine mesure, je l'avais prévu dès le 4 novembre, quand j'écrivais : « De toute manière, le suspense persistera encore longtemps. Les deux candidats ont revendiqué des positions occupant presque tout le spectre politique. Que donnera l'effondrement de leur fonction d'onde quand ils ne pourront plus se cacher dans un nuage de possibilités? [...] Avec George W. Bush, l'incertitude avait duré jusqu'aux premières nominations. Plus précisément, il avait commencé par présenter Powell et Rice... avant de glisser dans son cabinet des paléo-conservateurs et des fossiles de droite qui n'ont pas perdu de temps avant de retirer les États-Unis du protocole de Kyoto et de planifier une guerre en Irak. »

D'ailleurs, dès le 3 janvier, je me montrais sceptique : « Quand un commentateur comme Paul Krugman (gauche) se méfie d'Obama tandis qu'un David Brooks (droite) est pratiquement disposé à voter pour lui, j'ai du mal à croire que Barack Obama incarne un changement de cap véritablement prometteur. » Depuis, Paul Krugman a remporté un prix de la banque royale suédoise pour les sciences économiques commémorant Alfred Nobel — bref, une sorte de Prix Nobel (je fais la distinction puisque les médias semblent l'oublier). Et Krugman ne fait pas partie du cabinet d'Obama, qui semble donner la préférence au centre politique, aux copains de Chicago et Harvard, et aux hommes.

Est-ce nécessairement mauvais de concentrer ses réformes dans trois ou quatre domaines? Non, mais des signes d'espoir dans certains autres domaines (l'environnement et le réchauffement de la planète) doivent s'appuyer sur la collaboration de tout le cabinet; si les responsables du transport ou de l'exploitation du territoire ne sont pas sur la même longueur d'onde, les efforts les mieux intentionnés pourraient ne rien donner.

Enfin, on verra bien...

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2008-12-17

 

Les lieux de l'écrivain

Chaque projet d'écriture accumule ses associations propres. Tel roman a été écrit en écoutant (ou plus justement, en n'écoutant plus vraiment) un album qui joue en boucle en arrière-plan : des chants de moines bouddhistes, par exemple, pour Fièvres sur Serendib, ou de la musique traditionnelle au shamisen pour La Lune des jardins sans soleil. Tel autre a été écrit en partie dans un café — ou sur les terminaux du département d'astronomie de l'Université de Toronto, tard la nuit, en utilisant TeX et vi.

Comme le roman en cours a été débuté il y a si longtemps qu'il remonte pratiquement à la préhistoire, il est associé dans ma mémoire à de nombreux lieux. Un local du centre étudiant de l'Université Carleton où se tenait le congrès Maplecon. La maison de Candas Jane Dorsey à Edmonton en 1991, où les participants à un atelier d'écriture (voir la photo ci-contre) s'étaient réunis en fin de journée et où il avait été question du projet... Le café de l'IRTS de Nancy durant les Galaxiales (en 1996?) quand Laurent McAllister avait enregistré les avis d'Ayerdunyach sur le projet. Plus récemment, il y aura eu la salle H-763 du congrès Boréal qui a vu la conclusion des négociations, le café qui a vu la signature du contrat le 27 juin dernier, le chalet dans les Laurentides qui a accueilli une importante réunion de travail... Et sans doute que Laurent McAllister n'oubliera pas de sitôt les tables qu'il s'est réservées à son usage particulier dans un café de la place Dupuis. Reste à voir quels lieux seront associés avec la suite de l'histoire.

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2008-12-16

 

Jésus dans la rue

Dans un grand bac à fleurs, un nouveau-né qui crie...
Veillée par son mari, la jeune accouchée dort
sur des sacs rebondis bourrés de ses trésors,
le plastique emballant des rebuts et débris

Il n'y aura pas de fuite à Alexandrie,
pas de rois chaldéens pour apporter de l'or,
pas d'éclats de trompette à réveiller les morts,
rien qu'un homme et une femme sans abri,
seuls dans la neige sale du parc bétonné,
brûlant de vieux chiffons pour que la maisonnée
en plein vent s'égaie tel un logis à Noël.

Le père est à la rue, la mère pas si sage :
saluent-ils leur sauveur, l'homme atteint par le gel,
la femme endormie riant de tous ses perçages?

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2008-12-09

 

Et c'est le plus jeune qui débarque!

On se plaint du manque de participation électorale au Québec, en particulier chez les jeunes. Et qu'arrive-t-il? La moyenne d'âge des chefs de parti vient d'augmenter. Cherchez l'erreur!

En effet, de tous les chefs (ou porte-parole) de parti, c'est Mario Dumont (né en 1970) qui se retire, et non Guy Rainville (né en 1963), Amir Khadir (né en 1961), Jean Charest (né en 1958), Pauline Marois (né en 1949) ou Françoise David (né en 1948)... Bref, avec le départ de Dumont, toutes les directions de partis provinciaux restent entre les mains des baby-boomers. Certes, contrairement à Dumont, Khadir est un visage neuf et non une vieille godasse, mais s'il est traité avec une telle complaisance, c'est peut-être parce qu'il incarne des idées de gauche familières aux têtes vieillissantes qui dominent les médias et dont a vu la nostalgie soixante-huitarde cette année.

Bref, le renouvellement se fait attendre et il ne faudrait pas s'étonner qu'une partie grandissante de la population (comme à Montréal-Nord) se sente déconnectée d'une société qui les ignore. Si la baisse de la participation électorale hier correspond à une désaffection des jeunes électeurs adéquistes de la dernière fois, c'est peut-être parce que, une fois l'ADQ éliminée pour cause d'impéritie, ils ne se retrouvaient pas dans les autres partis.

En effet, comme on l'a fait remarquer hier soir, ce sont 730 477 votes de moins qu'en 2007 qui ont été exprimés. Le Parti Libéral du Québec a obtenu 49 137 voix de plus et le Parti Québécois 13 639 voix de plus (toute une renaissance!). Malgré l'élection de Khadir, Québec Solidaire a perdu 21 357 voix et le Parti Vert 82 200 voix. Bref, on a au moins le droit de soupçonner que les abstentionnistes avaient voté en grande partie pour l'ADQ et les deux petits partis en 2008.

Ceci suggère qu'il existe une réserve substantielle de votes pour un parti capable d'offrir un programme plus inclusif et plus à l'écoute des nouvelles forces du Québec. Car, si l'analyse initiale suggère une désaffection du vote adéquiste, un second regard suggère surtout une désaffection du vote urbain, en particulier montréalais.

Taux de participation provincial : 57.33%

Moyenne des taux de participation dans les villes du Québec, selon mon propre calcul qui retient les villes québécoises parmi les 100 plus peuplées au Canada et les circonscriptions associées : 55.54%

Moyenne des taux de participation sur l'île de Montréal, selon mon propre calcul : 48.89%

Certes, les jeunes sont souvent plus nombreux dans les villes et dans certains centre-villes, mais ils ne sont pas les seuls. Les souverainistes québécois fantasment toujours au sujet du « vote ethnique », mais ce vote semble s'exprimer beaucoup moins lourdement qu'ils le croient. Pourquoi?

Selon ce site (.PDF), les immigrants représentaient 9,9% de la population québécoise en 2001 et les minorités visibles représentaient 6,9% de la population. Ces deux chiffres ne se confondent pas entièrement mais doivent s'additionner au moins en partie. Or, chez les nouveaux élus, si je cherche des représentants des nouveaux immigrants et des minorités visibles, je ne vois guère qu'Amir Khadir, Maka Kotto, Fatima Houda-Pépin, Emmanuel Dubourg, Yolande James et Sam Hamad, soit 5% de l'Assemblée nationale. Ce n'est pas tant un problème de sous-représentation humaine (car la participation dans les circonscriptions correspondantes a généralement été au-dessous de la moyenne provinciale) que de sous-représentation des priorités de cette population urbaine dans les programmes politiques, encore dominés par les besoins des circonscriptions rurales qui, rappelons-le encore, sont souvent sur-représentées.

Bref, j'ai l'impression que la piètre participation signifie surtout que le Québec attend son Obama...

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2008-12-05

 

Le yin et le yang

L'affrontement des deux Stéphane est franchement cosmique. Les polarités sont rarement aussi opposées que dans le choc de Stephen Harper et Stéphane Dion. Ils incarnent à un degré rarement vu la complémentarité du yin et du yang. L'émotion et la froideur. La franchise et le calcul. La compassion et l'égoïsme bien compris.

Autrement dit, ce sont deux facettes du caractère national qui s'affrontent et l'issue du conflit pourrait déterminer l'allure de la politique nationale pour un bon moment. La position de Harper est à la fois très forte et très vulnérable; il a remporté l'élection et il incarne la légitimité du pouvoir. En revanche, Dion doit s'appuyer sur la seule expression de la volonté populaire qui a réparti ses voix de manière à accorder aux partis de l'opposition la majorité des sièges et des votes. En principe, la volonté populaire est le fondement de la démocratie, mais le système britannique matérialise encore aujourd'hui la tension entre le pouvoir régalien brut de la Couronne, dont Stephen Harper est le serviteur et le bras armé, et le pouvoir latent du peuple, dont le Parlement est à la fois l'arène et le carcan. C'est dans le cadre de cette tension perpétuelle que le Parlement est une institution potentiellement révolutionnaire, comme on l'a vu à quelques reprises dans l'histoire des institutions parlementaires, mais c'est aussi le défi pour un chef de l'opposition — incarner la révolution inspire toujours plus de méfiance qu'incarner le statu quo, et il serait préférable de pouvoir convaincre le peuple du bien-fondé de son opposition. Dion le pourra-t-il?

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La mort d'une mémoire morte

Le New York Times annonce la mort de Henry Gustav Molaison.

De qui? Il s'agit du patient plus connu grâce à ses initiales : H.M. J'ai déjà parlé de lui sur ce blogue, car il était intéressant à plus d'un titre. À l'époque, j'avais consacré quelques heures en-ligne à découvrir son nom au moyen des indices fournis par l'auteur Philip J. Hilts dans son livre Memory's Ghost et j'avais tiré de ce nom un acrostiche en prose caché dans le texte du billet. (On peut le chercher...) J'avais aussi cru trouver le prénom de sa mère, qui est également dissimulé dans le texte du billet, mais sous une forme un peu plus vicieuse.

Né le 26 février 1926, quelques jours avant mon père, Molaison est mort ce mardi 2 décembre 2008 — mais toute la question, c'est de savoir s'il n'était pas réellement mort, ou du moins en grande partie, le 25 août 1953, sur une table d'opération à Hartford, au Connecticut. Dans les annales de la médecine aveugle et sans conscience, il est difficile de ne pas classer l'ablation de l'hippocampe de Molaison au dernier rang des expériences infernales, dans la compagnie des études des médecins nazis dans les camps de concentration. Hilts décrit ainsi l'opération conduite par le docteur Scoville, qui espérait guérir Molaison de ses accès d'épilepsie :

« Dr Scoville inserted a silver straw into Mr. M's brain and sucked out nearly the entire grayish-pink mass of the hippocampus and the regions leading up to it. On both sides. He drew out altogether a fist-sized piece of the center of the brain. In neuroanatomical terms, it was the area between the midlines of the two temporal lobes, and backward for eight to nine centimeters—thus removing most of the hippocampus, the parahippocampal gyrus, and the associated formations called the entorhinal and perirhinal cortexes, as well as the amygdala.

« The bony young man on the table was awake through this, so say the surgeon's notes. And at what moment did memory slip away? Suddenly, as the lovely cells were sucked out? Or slowly, as fewer and fewer answers were raised from those regions? Did the feeling of power wane, the room close, and the ceiling drop? Was it a moment, as in the film 2001: A Space Odyssey, in which Hal's memory cartridges were removed and he began to protest, but finally merely said, Oh! The answer is permanently dark, for the young man's awareness of that moment was flushed through the silver tube with his cells. In one sharp intake of air, he lost the world. » (p. 97)

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2008-12-04

 

La pire décision

On a beaucoup parlé de coup d'État cette semaine, mais la décision de la gouverneure-générale aura été ce qui nous en rapproche le plus.

Il faut faire abstraction de toutes les considérations purement politiques du moment (mauvaise performance de Dion, délégitimation du Bloc Québécois, incitations démagogiques dans l'Ouest) pour s'en tenir aux considérations purement institutionnelles. Il s'agissait, selon les experts, d'un geste sans précédent que cette demande de prorogation dans le contexte d'un vote de confiance appréhendé et de la mise sur pied d'un gouvernement potentiel de remplacement.

La gouverneure-générale avait trois choix : elle pouvait dire oui, elle pouvait dire non et elle pouvait adopter une solution intermédiaire (suspendre la session pour une période plus courte que voulue et/ou limiter les pouvoirs du gouvernement durant la levée de la séance). Ce qu'elle fait en disant oui, c'est refuser de reconnaître le caractère d'exception de la situation alors qu'elle l'aurait fait implicitement dans l'un ou l'autre cas.

Elle accorde au premier ministre en place une présomption de légitimité qui n'existait pas auparavant dans les conventions constitutionnelles. Il s'agit donc d'un agrandissement objectif des pouvoirs du premier ministre, ce qui signifie par contrecoup l'affaiblissement des pouvoirs de nos élus. Pour qui se soucie vraiment de démocratie au Canada, c'est la pire décision possible.

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2008-12-03

 

L'effet de fronde

J'ai déjà connu une crise de foi scientifique.

Pendant dix ans environ, j'ai baigné dans le milieu de la physique et de l'astronomie. J'ai décroché deux diplômes, entamé un autre. J'ai fait paraître un article, j'ai côtoyé des scientifiques, confirmés ou non, j'ai travaillé dans des laboratoires ou des observatoires et j'ai trimé sur des problèmes d'astronomie ou de physique. Ma vision du monde reste encore aujourd'hui profondément façonnée par cette partie de ma vie.

C'est pourquoi j'ai été renversé quand je suis tombé sur un article du Journal of the British Interplanetary Society qui présentait un programme d'ordinateur capable de calculer l'excès de vitesse obtenu grâce à l'effet de fronde, et qui appliquait ce programme au cas d'un vaisseau spatial frôlant le Soleil pour s'élancer vers les étoiles avec un surcroît de vitesse (sans nécessairement allumer ses moteurs au périhélie, ce qui offre un certain intérêt). Or, l'effet de fronde n'est intéressant que si l'astre qu'un vaisseau frôle est en mouvement par rapport à la destination du vaisseau — et que si le vaisseau n'est pas captif de cet astre. C'est le cas d'une sonde interplanétaire qui, sur le chemin d'une autre planète, s'approche d'une planète afin d'être accélérée ou ralentie par l'attraction de cette planète par rapport au Soleil. Mais, à l'intérieur du système solaire, on ne retire aucun avantage balistique d'un passage à proximité du Soleil. (Et si on a déjà la vélocité requise pour échapper à l'attraction solaire, je ne suis pas sûr que le gain soit tellement significatif.)

Mais il n'était question que de vaisseaux dotés de vitesses orbitales. Par conséquent, s'attendre à accélérer en faisant le tour du Soleil en chute libre, c'était une violation de la loi de la conservation de l'énergie. Comme si un joueur de hockey expédiant, d'un bon coup, la rondelle le long de la bande dans la zone adverse verrait ressortir la rondelle de la zone, de l'autre côté de la patinoire, avec une vitesse supérieure à celle dont il l'avait dotée au départ...

Très grossièrement, on peut comparer l'effet de fronde à une activité très canadienne, le ski-bottine. Celle-ci consiste (consistait?), pour les gamins qui n'ont pas froid aux yeux l'hiver, à courir derrière un autobus ou un camion qui démarre afin de s'accrocher au pare-choc arrière et de se laisser traîner pendant quelques instants sur la chaussée glacée d'une rue canadienne. (Dans cette vidéo, on voit une vache jouer le rôle de l'autobus... et cette vidéo montre une version moins dangereuse.) En frôlant une planète en mouvement, la sonde spatiale est plus ou moins remorquée par l'attraction de la planète et, selon la géométrie des corps en interaction, peut en retirer un excédent de vitesse.

Certes, à première vue, on ne devrait pas gagner de la vitesse en rattrapant une planète dans son orbite puisque la vitesse acquise en tombant dans son puits gravitationnel serait nécessairement rendue en ressortant de l'entonnoir. Du point de vue de la planète, c'est effectivement le cas. Comme l'explique cette page, toutefois, il faut se placer du point de vue du soleil. Cette autre page fournit une animation pour illustrer l'effet de fronde.

Ainsi, cet article paru dans le Journal of the British Interplanetary Society m'obligeait à remettre en question ma compréhension des principes les plus fondamentaux de la physique et de la mécanique céleste. Pendant quelques moments, j'ai connu un vertige intellectuel comme je n'en ai jamais connu... puis j'ai continué à feuilleter les volumes de la revue et je suis tombé quelques numéros plus loin sur une rétraction des auteurs de l'article, expliquant qu'ils s'étaient trompés... Comme quoi il vaut mieux placer sa foi dans la science que dans l'informatique.

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