2008-12-23

 

Choisir les meilleurs

C'est risqué pour un critique littéraire de se transformer en anthologiste ou directeur littéraire. C'est risquer de s'exposer... à la critique.

J'ai fini par lire l'antho de Rich Horton, Science Fiction: The Best of the Year (2007 Edition), publiée chez Prime Books. Horton était mieux connu de moi comme critique (dans Locus et Tangent, par exemple). Sur la foi de cette anthologie, je suis enclin à dire qu'il aurait dû s'en tenir à la critique. Parce que, maintenant, je vais lire d'un autre œil ses propres critiques.

D'autres anthos parviennent à procurer aux lecteurs une qualité minimale soutenue (c'est souvent le cas des anthos de David Hartwell). Par contre, j'ai trouvé que cette anthologie combinait des textes dont je me demandais ce qu'ils faisaient dans une sélection et des textes pleinement méritants. (Selon mes propres appréciations, pareillement subjectives, bien sûr!)

Parmi les réussites, je citerai « Another Word for Map is Faith » de Christopher Rowe, la nouvelle qui ouvre l'anthologie et qui nous plonge dans un monde en proie à un fanatisme religieux glaçant. Ce n'est peut-être pas tout à fait de la science-fiction dans les règles de l'art, mais le fanatisme a trop souvent façonné notre monde pour que l'intrigue ne nous semble pas parfaitement réaliste.

Une autre réussite, « Incarnation Day », est signé par un nom connu, Walter Jon Williams. À la croisée de la science-fiction heinleinienne (telle que pratiquée dans ses romans pour jeunes) et de la science-fiction moderne (avec ses enfances passées dans des mondes virtuels, comme dans la trilogie récente de Nick Sagan), la nouvelle met en scène un monde en apparence avancé, mais qui a réinventé une forme d'esclavage déguisé mais tout aussi cruel.

Il me faut dire du bien aussi de la nouvelle cosmologico-cyberpunk de Benjamin Rosenbaum, « The House beyond your Sky ». Univers virtuels, manipulation d'univers embryonnaires, duels entre post-humains et puissances transcendantes... rien que du bon. Et j'admire d'autant plus que ce sont des thèmes sur lesquels Laurent McAllister bossait ces derniers temps.

Enfin, il me faut dire du mal d'une nouvelle de (surprise!) Robert Reed, « A Billion Eves » — un auteur que j'aime lire, d'ordinaire. Comme d'habitude, on ne peut critiquer ses personnages, les surprises d'une intrigue pleine de rebondissements ou l'impact de ses descriptions... Seulement, il pousse un peu trop loin le bouchon en suggérant la survie pendant dix ou quinze siècles (ou vingt mille ans? ce n'est pas toujours clair) d'une même société patriarcale et religieuse. Et ce, même quand les fondateurs ont accouché d'une population de plus de cinq milliards de personnes au bout du compte... Que l'on songe un peu à toutes les réformes et toutes les hérésies qui ont bouleversé nos civilisations terrestres depuis deux mille ans! Bref, si on reproche souvent aux auteurs de science-fiction de créer des planètes partout semblables, Reed se rend coupable de la même faute en étalant la similitude dans le temps. Outre cette absence de diversité, il faut sans doute être étatsunien pour communier dans le culte du pionnier et partager le fantasme de la terra nullius. Si Williams rajeunissait Heinlein, Reed n'arrive pas tout à fait à sortir des vieilles ornières dans ce texte qui se veut subversif mais qui semble un peu trop complaisant, comme dans les textes les moins aboutis de Heinlein, justement.

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