2008-02-13
Iconographie de la SFCF (21)
Commençons par un rappel des livraisons précédentes : (1) l'iconographie de Surréal 3000; (2) l'iconographie du merveilleux pour les jeunes; (3) le motif de la soucoupe; (4) les couvertures de sf d'avant la constitution du milieu de la «SFQ»; (5) les aventures de Volpek; (6) les parutions SF en 1974; (7) les illustrations du roman Erres boréales de Florent Laurin; (8) les illustrations de la SFCF du XIXe siècle; (9) les couvertures de la série des aventures SF de l'agent IXE-13; (10) les couvertures de la micro-édition; (11) les couvertures des numéros 24; (12) les couvertures de fantasy; (13) une boule de feu historique; (14) une petite histoire de l'horreur en français au Canada; (15) l'instrumentalisation colonialiste de la modernité; (16) un roman fantastique pour jeunes de 1946; (17) le théâtre moderne de SFCF; (18) la télé et la SFCF écrite; (19) l'anniversaire de Spoutnik; et (20) les premières guerres imaginaires de la SFCF.
Le sujet du chimérisme intéresse Philippe-Aubert Côté depuis un moment et c'est lui qui m'a signalé le roman Chimères (2006) de Normand Lester et Corinne de Vailly. Les auteurs s'inspirent d'un cas que l'on pourrait croire légendaire, mais qui correspond à d'authentiques expériences soviétiques d'avant la Seconde Guerre mondiale. Toutefois, avant Chimères, il y avait eu au Québec un roman de Pierre Desrochers en 1990, Le Canissimius, qui imaginait un autre genre d'hybride, combinant le chimpanzé et le chien. Un certain Dan Brazeau était crédité de l'idée d'origine, sous forme de scénario pour un projet de long métrage financé par Tropic-Films. Je n'ai toujours pas lu l'ouvrage au complet, car l'écriture est assez ordinaire et les éléments science-fictifs n'interviennent que dans la dernière partie de l'œuvre. Néanmoins, on peut constater que les auteurs ont bien fait leur travail de recherche. La mise en scène du milieu scientifique est convaincante. En revanche, l'illustration de couverture l'est moins. Elle est attribuée à la firme « Ose huit 10 », qui aurait aussi tenu une galerie-studio à l'époque. Même s'il existe des hybrides réels issus de croisements entre espèces différentes, comme le chabin, le lounard ou le mouchèvre, Desrochers nous plonge ici dans l'imaginaire (.PDF), et donc dans la science-fiction puisque le chien et le chimpanzé sont des espèces nettement moins compatibles que les tigres et lions que l'on accouple pour faire des ligres ou tigrons. (Bien entendu, la critique de l'époque avait évité d'utiliser le mot, comme dans cet extrait de La Presse, le 14 novembre 1990 : « Le canissimius! Une drôle de bibitte imaginée par Dan Brazeau il y a sept ans, un sympathique animal issu d'un croisement entre un berger allemand et un chimpanzé. Très attachant. Tellement que Dan Brazeau en a fait le sujet central de son scénario de film futuriste sur la manipulation génétique, à partir d'une histoire d'amour, celle d'un couple sans enfant. Ce genre de film coûte très cher à réaliser. ») De fait, aucun film n'est jamais sorti de ce projet, mais il reste un ouvrage assez intéressant puisque le fin mot de l'histoire n'est pas seulement de créer un hybride mais de s'en servir pour créer des anticorps afin de combattre diverses maladies (d'après ma lecture en diagonale).
Science-fiction ou pas science-fiction? Cette sempiternelle question se pose beaucoup plus nettement dans le cas de Chimères. L'essentiel du roman tourne autour d'une enquête policière et des sombres agissements d'un militant des droits des animaux prêt à sacrifier des vies humaines. On ne découvre que dans les derniers chapitres que ce Powell tente de produire des êtres hybrides, mi-humains mi-bonobo. L'héroïne est capturée et promise au rôle de cobaye chargée d'enfanter le premier hybride de ce type. Toutefois, l'insémination artificielle n'aura pas lieu puisque le héros, non sans l'aide providentielle d'un bonobo sur place, réussira à la sauver. Néanmoins, on sort de la réalité connue dans la mesure où il y a eu fécondation d'un ovule humain par du sperme simien, comme le constate Powell : « Dans l'éprouvette qu'il examinait pour la dixième fois de la journée, les cellules humaines et simiennes avaient formé un amas gélatineux. La fécondation avait été un succès. » (p. 272) Normand Lester fournit ses sources en appendice, ce qui correspond aussi à la démarche de la science-fiction telle que je la définissais dans le numéro actuel de Québec français. On pourrait également soutenir qu'il y a un soupçon d'uchronie dans la mise en scène du fils d'un personnage de scientifique anglais associé aux recherches des savants soviétiques avant la Seconde Guerre mondiale, mais ce serait exagéré... Néanmoins, de par son sujet qui le rattache au grand classique de Vercors, Les Animaux dénaturés, que Powell semble évoquer en parlant des « tumultueux débats en perspective pour les théologiens et les philosophes » et des « protections constitutionnelles » à accorder aux grands singes, le roman s'inscrit clairement dans la veine de la science-fiction.
Le sujet du chimérisme intéresse Philippe-Aubert Côté depuis un moment et c'est lui qui m'a signalé le roman Chimères (2006) de Normand Lester et Corinne de Vailly. Les auteurs s'inspirent d'un cas que l'on pourrait croire légendaire, mais qui correspond à d'authentiques expériences soviétiques d'avant la Seconde Guerre mondiale. Toutefois, avant Chimères, il y avait eu au Québec un roman de Pierre Desrochers en 1990, Le Canissimius, qui imaginait un autre genre d'hybride, combinant le chimpanzé et le chien. Un certain Dan Brazeau était crédité de l'idée d'origine, sous forme de scénario pour un projet de long métrage financé par Tropic-Films. Je n'ai toujours pas lu l'ouvrage au complet, car l'écriture est assez ordinaire et les éléments science-fictifs n'interviennent que dans la dernière partie de l'œuvre. Néanmoins, on peut constater que les auteurs ont bien fait leur travail de recherche. La mise en scène du milieu scientifique est convaincante. En revanche, l'illustration de couverture l'est moins. Elle est attribuée à la firme « Ose huit 10 », qui aurait aussi tenu une galerie-studio à l'époque. Même s'il existe des hybrides réels issus de croisements entre espèces différentes, comme le chabin, le lounard ou le mouchèvre, Desrochers nous plonge ici dans l'imaginaire (.PDF), et donc dans la science-fiction puisque le chien et le chimpanzé sont des espèces nettement moins compatibles que les tigres et lions que l'on accouple pour faire des ligres ou tigrons. (Bien entendu, la critique de l'époque avait évité d'utiliser le mot, comme dans cet extrait de La Presse, le 14 novembre 1990 : « Le canissimius! Une drôle de bibitte imaginée par Dan Brazeau il y a sept ans, un sympathique animal issu d'un croisement entre un berger allemand et un chimpanzé. Très attachant. Tellement que Dan Brazeau en a fait le sujet central de son scénario de film futuriste sur la manipulation génétique, à partir d'une histoire d'amour, celle d'un couple sans enfant. Ce genre de film coûte très cher à réaliser. ») De fait, aucun film n'est jamais sorti de ce projet, mais il reste un ouvrage assez intéressant puisque le fin mot de l'histoire n'est pas seulement de créer un hybride mais de s'en servir pour créer des anticorps afin de combattre diverses maladies (d'après ma lecture en diagonale).
Science-fiction ou pas science-fiction? Cette sempiternelle question se pose beaucoup plus nettement dans le cas de Chimères. L'essentiel du roman tourne autour d'une enquête policière et des sombres agissements d'un militant des droits des animaux prêt à sacrifier des vies humaines. On ne découvre que dans les derniers chapitres que ce Powell tente de produire des êtres hybrides, mi-humains mi-bonobo. L'héroïne est capturée et promise au rôle de cobaye chargée d'enfanter le premier hybride de ce type. Toutefois, l'insémination artificielle n'aura pas lieu puisque le héros, non sans l'aide providentielle d'un bonobo sur place, réussira à la sauver. Néanmoins, on sort de la réalité connue dans la mesure où il y a eu fécondation d'un ovule humain par du sperme simien, comme le constate Powell : « Dans l'éprouvette qu'il examinait pour la dixième fois de la journée, les cellules humaines et simiennes avaient formé un amas gélatineux. La fécondation avait été un succès. » (p. 272) Normand Lester fournit ses sources en appendice, ce qui correspond aussi à la démarche de la science-fiction telle que je la définissais dans le numéro actuel de Québec français. On pourrait également soutenir qu'il y a un soupçon d'uchronie dans la mise en scène du fils d'un personnage de scientifique anglais associé aux recherches des savants soviétiques avant la Seconde Guerre mondiale, mais ce serait exagéré... Néanmoins, de par son sujet qui le rattache au grand classique de Vercors, Les Animaux dénaturés, que Powell semble évoquer en parlant des « tumultueux débats en perspective pour les théologiens et les philosophes » et des « protections constitutionnelles » à accorder aux grands singes, le roman s'inscrit clairement dans la veine de la science-fiction.