2007-10-04
Iconographie de la SFCF (19)
Commençons par un rappel des livraisons précédentes : (1) l'iconographie de Surréal 3000; (2) l'iconographie du merveilleux pour les jeunes; (3) le motif de la soucoupe; (4) les couvertures de sf d'avant la constitution du milieu de la «SFQ»; (5) les aventures de Volpek; (6) les parutions SF en 1974; (7) les illustrations du roman Erres boréales de Florent Laurin; (8) les illustrations de la SFCF du XIXe siècle; (9) les couvertures de la série des aventures SF de l'agent IXE-13; (10) les couvertures de la micro-édition; (11) les couvertures des numéros 24; (12) les couvertures de fantasy; (13) une boule de feu historique; (14) une petite histoire de l'horreur en français au Canada; (15) l'instrumentalisation colonialiste de la modernité; (16) un roman fantastique pour jeunes de 1946; (17) le théâtre moderne de SFCF; et (18) la télé et la SFCF écrite.
Il y a cinquante ans, l'Union soviétique expédiait dans l'espace le premier satellite artificiel. Le lancement de Spoutnik était-il le premier envoi d'un objet de fabrication humaine dans l'espace? Non, car entre 1942 et 1956, de nombreux tests de fusées appartenant à la famille de la V-2 (A-4) des Nazis ont atteint l'espace (dont la limite est fixée à une altitude de 50 milles par les uns et de 100 km par les autres) en dépassant des altitudes de 300 à 500 km avant de retomber. On peut rapprocher ces vols des succès de SpaceShip One, qui ne se met pas en orbite même s'il atteint une altitude suffisante selon la définition officielle.
C'est pourquoi le lancement de Spoutnik le 4 octobre 1957 représentait une réelle performance technique. L'étape suivante aurait été atteinte le même mois, selon certains. Le 16 octobre 1957, une petite fusée Aerobee était lancée de White Sands par l'aviation des États-Unis; elle propulsait une ogive à 87 km d'altitude et cette ogive libérait, au moyen d'une explosion dirigée, des petites billes métalliques conçues pour strier la haute atmosphère comme des météorites. Le projet, conçu par l'astronome Fritz Zwicky dès la fin de la guerre, avait fait long feu en 1946, mais les observations réalisées en octobre 1957 suggèrent que des billes ont pu être propulsées dans l'espace avec une vitesse suffisante pour se satelliser. Toutefois, des semaines s'écouleraient avant que la nouvelle de cette expérience ne soit diffusée.
Pendant ce temps, les Soviétiques lançaient Spoutnik 2, moins d'un mois après Spoutnik, le 3 novembre 1957. La course à l'espace battait son plein. Spounik 2 transportait une passagère, la chienne Laïka qui ne survécut que quelques heures, même si les Soviétiques racontèrent à l'époque qu'elle avait été euthanasiée avant de périr dans la désintégration du satellite le 14 avril 1958. Or, le lancement de Spoutnik s'inscrivait officiellement dans le cadre de l'Année géophysique internationale consacrée à l'étude de l'environnement géophysique et surtout de l'Antarctique. En novembre 1957, Vivian Fuchs et Edmund Hillary entamaient la traversée de l'Antarctique avec des autoneiges Tucker. Ils arriveraient au but le 2 mars 1958. C'est en s'inspirant de ce contexte que Laurent Boisvert signe en 1963 aux Éditions Paulines le troisième volume des aventures d'un jeune inventeur montréalais surnommé Grain de Sel. Accompagné d'un professeur Rousseau de 35 ans, qui pourrait être modelé sur Jacques Rousseau (1905-1970), Grain de Sel est chargé de retrouver... Laïka. En effet, des savants auraient repéré le détachement d'une capsule de sauvetage juste avant la désintégration du deuxième Spoutnik. Il y aurait donc une course en plein Antarctique pour tenter de retrouver la nacelle occupée par la chienne russe, morte ou vive. Vengeant ainsi l'honneur des autoneiges de la compagnie Bombardier négligées par l'expédition du Commonwealth, Grain de Sel a inventé un véhicule tout terrain baptisé la Grenouillette. L'habitacle y est situé à l'intérieur des surfaces tractrices, comme on le voit dans l'illustration ci-contre par l'artiste Wim Huysecom, né en 1926, qui complèterait en 1976 une maîtrise en éducation de l'art à l'Université Concordia. L'appareil est original, et même futuriste. Il permet à l'ouvrage de se classer d'emblée dans le camp de la science-fiction. La découverte d'une enclave antarctique habitée par des animaux préhistoriques ne fait que renforcer cette conclusion, rattachant l'ouvrage au sous-genre des mondes perdus. C'est d'ailleurs l'occasion pour Huysecom de se distinguer, comme avec ce dessin ci-dessous qui est littéralement crevé par les ptérodactyles qui en surgissent pour s'acharner sur Laïka et surprendre le lecteur.
La course à l'espace avait déjà accouché d'une floraison d'ouvrages de SFCF, souvent par de jeunes auteurs comme Guy Bouchard qui rédige Vénus via Atlantide (1961) en 1960 alors qu'il a à peine dix-huit ans. On peut citer également les aventures d'IXE-13 dans l'espace ou le roman pour enfants de Jacques Sainte-Marie, Astra 1 appelle la Terre (1962). Ainsi, le roman de Boisvert s'inscrit dans le prolongement d'un phénomène déjà en marche et il permet à la maison Paulines de se mouiller un peu les pieds en tâtant de la science-fiction pour une première fois. Mais il clôt aussi le mouvement, en quelque sorte. Après ce titre, la SFCF va s'orienter vers les récits marqués par la crainte de la bombe nucléaire (Surréal 3000, Si la bombe m'était contée, Les Nomades, voire la série « Unipax ») ou les rebondissements de la guerre froide (les ultimes aventures d'IXE-13, la série « Volpek »). Il se passera des années avant que l'espace intéresse de nouveau. Cela dit, il faut bien admettre que la science-fiction de Laurent Boisvert reste assez terre à terre. L'idée de l'enclave préhistorique, utilisée par Conan Doyle, Burroughs, Obroutchev et King Kong, était déjà un cliché. Boisvert s'embrouille à plusieurs reprises dans sa chronologie, attribuant la date de lancement du premier Spoutnik à Spoutnik II, par exemple. Ou bien, on remarquera que ses personnages apprennent que l'expédition Fuchs et Hillary a rempli ses objectifs, alors que Grain de Sel a déjà récupéré une Laika bien vivante. Pourtant, l'expédition de Fuchs a pris fin avant la chute de Spoutnik 2. Mais il est vrai que Boisvert brouille les cartes en ne précisant pas quand la nacelle de Laika a quitté l'orbite...
Néanmoins, c'est un rare hommage à la conquête de l'espace par la littérature d'ici et il méritait d'être souligné en ce cinquantième anniversaire.
Il y a cinquante ans, l'Union soviétique expédiait dans l'espace le premier satellite artificiel. Le lancement de Spoutnik était-il le premier envoi d'un objet de fabrication humaine dans l'espace? Non, car entre 1942 et 1956, de nombreux tests de fusées appartenant à la famille de la V-2 (A-4) des Nazis ont atteint l'espace (dont la limite est fixée à une altitude de 50 milles par les uns et de 100 km par les autres) en dépassant des altitudes de 300 à 500 km avant de retomber. On peut rapprocher ces vols des succès de SpaceShip One, qui ne se met pas en orbite même s'il atteint une altitude suffisante selon la définition officielle.
C'est pourquoi le lancement de Spoutnik le 4 octobre 1957 représentait une réelle performance technique. L'étape suivante aurait été atteinte le même mois, selon certains. Le 16 octobre 1957, une petite fusée Aerobee était lancée de White Sands par l'aviation des États-Unis; elle propulsait une ogive à 87 km d'altitude et cette ogive libérait, au moyen d'une explosion dirigée, des petites billes métalliques conçues pour strier la haute atmosphère comme des météorites. Le projet, conçu par l'astronome Fritz Zwicky dès la fin de la guerre, avait fait long feu en 1946, mais les observations réalisées en octobre 1957 suggèrent que des billes ont pu être propulsées dans l'espace avec une vitesse suffisante pour se satelliser. Toutefois, des semaines s'écouleraient avant que la nouvelle de cette expérience ne soit diffusée.
Pendant ce temps, les Soviétiques lançaient Spoutnik 2, moins d'un mois après Spoutnik, le 3 novembre 1957. La course à l'espace battait son plein. Spounik 2 transportait une passagère, la chienne Laïka qui ne survécut que quelques heures, même si les Soviétiques racontèrent à l'époque qu'elle avait été euthanasiée avant de périr dans la désintégration du satellite le 14 avril 1958. Or, le lancement de Spoutnik s'inscrivait officiellement dans le cadre de l'Année géophysique internationale consacrée à l'étude de l'environnement géophysique et surtout de l'Antarctique. En novembre 1957, Vivian Fuchs et Edmund Hillary entamaient la traversée de l'Antarctique avec des autoneiges Tucker. Ils arriveraient au but le 2 mars 1958. C'est en s'inspirant de ce contexte que Laurent Boisvert signe en 1963 aux Éditions Paulines le troisième volume des aventures d'un jeune inventeur montréalais surnommé Grain de Sel. Accompagné d'un professeur Rousseau de 35 ans, qui pourrait être modelé sur Jacques Rousseau (1905-1970), Grain de Sel est chargé de retrouver... Laïka. En effet, des savants auraient repéré le détachement d'une capsule de sauvetage juste avant la désintégration du deuxième Spoutnik. Il y aurait donc une course en plein Antarctique pour tenter de retrouver la nacelle occupée par la chienne russe, morte ou vive. Vengeant ainsi l'honneur des autoneiges de la compagnie Bombardier négligées par l'expédition du Commonwealth, Grain de Sel a inventé un véhicule tout terrain baptisé la Grenouillette. L'habitacle y est situé à l'intérieur des surfaces tractrices, comme on le voit dans l'illustration ci-contre par l'artiste Wim Huysecom, né en 1926, qui complèterait en 1976 une maîtrise en éducation de l'art à l'Université Concordia. L'appareil est original, et même futuriste. Il permet à l'ouvrage de se classer d'emblée dans le camp de la science-fiction. La découverte d'une enclave antarctique habitée par des animaux préhistoriques ne fait que renforcer cette conclusion, rattachant l'ouvrage au sous-genre des mondes perdus. C'est d'ailleurs l'occasion pour Huysecom de se distinguer, comme avec ce dessin ci-dessous qui est littéralement crevé par les ptérodactyles qui en surgissent pour s'acharner sur Laïka et surprendre le lecteur.
La course à l'espace avait déjà accouché d'une floraison d'ouvrages de SFCF, souvent par de jeunes auteurs comme Guy Bouchard qui rédige Vénus via Atlantide (1961) en 1960 alors qu'il a à peine dix-huit ans. On peut citer également les aventures d'IXE-13 dans l'espace ou le roman pour enfants de Jacques Sainte-Marie, Astra 1 appelle la Terre (1962). Ainsi, le roman de Boisvert s'inscrit dans le prolongement d'un phénomène déjà en marche et il permet à la maison Paulines de se mouiller un peu les pieds en tâtant de la science-fiction pour une première fois. Mais il clôt aussi le mouvement, en quelque sorte. Après ce titre, la SFCF va s'orienter vers les récits marqués par la crainte de la bombe nucléaire (Surréal 3000, Si la bombe m'était contée, Les Nomades, voire la série « Unipax ») ou les rebondissements de la guerre froide (les ultimes aventures d'IXE-13, la série « Volpek »). Il se passera des années avant que l'espace intéresse de nouveau. Cela dit, il faut bien admettre que la science-fiction de Laurent Boisvert reste assez terre à terre. L'idée de l'enclave préhistorique, utilisée par Conan Doyle, Burroughs, Obroutchev et King Kong, était déjà un cliché. Boisvert s'embrouille à plusieurs reprises dans sa chronologie, attribuant la date de lancement du premier Spoutnik à Spoutnik II, par exemple. Ou bien, on remarquera que ses personnages apprennent que l'expédition Fuchs et Hillary a rempli ses objectifs, alors que Grain de Sel a déjà récupéré une Laika bien vivante. Pourtant, l'expédition de Fuchs a pris fin avant la chute de Spoutnik 2. Mais il est vrai que Boisvert brouille les cartes en ne précisant pas quand la nacelle de Laika a quitté l'orbite...
Néanmoins, c'est un rare hommage à la conquête de l'espace par la littérature d'ici et il méritait d'être souligné en ce cinquantième anniversaire.