2011-09-25
Des livres et de l'art à la sauce des sciences
Dernière journée de mon second colloque de la Society for Literature, Science, and the Arts.
Après les communications d'un prof et de ses étudiants du groupe Hexagram de l'Université Concordia (plus de théorie que d'art, à tel point que c'en est souffrant), j'assiste à la présentation
de Kelly Ladd, de l'Université York, intitulée « What the Anthropocene Smells Like: Biohybrid Noses ». Elle s'intéresse aux nez artificiels dont le développement est de plus en plus commandité par l'industrie de la défense et de la sécurité depuis 2001. Souvent, il s'agit
d'assemblages hybridant des composantes machiniques et biologiques, qu'il s'agisse d'ADN humain ou de cellules animales. Dans le cas particulier d'un nez japonais, son fonctionnement fait appel à des ovocytes d'une grenouille de l'Afrique du Sud (Xenopus laevis) et à des phéromones
d'insectes afin de produire le courant voulu quand une odeur spécifique est détectée. Le capteur en question est placé à l'intérieur d'une tête de mannequin en plastique qui est motorisée de telle façon qu'elle réagit quand le capteur repère l'odeur en cause. L'effet est particulièrement
troublant quand le buste qui cache le capteur se met à tourner la tête comme pour chercher la source de l'odeur...
La grenouille africaine, nous explique Ladd, n'en est pas à sa première mise à contribution par l'humanité technoscientifique. Ses cellules reproductrices sont particulièrement grosses, ce qui permet de les observer assez facilement avec un microscope ordinaire. Du coup, elles ont beaucoup servi dans les tests de grossesse, mais aussi pour étudier l'embryologie, etc. En 1994, une mission spatiale japonaise a procédé à la fertilisation en orbite des œufs de cette grenouille et il s'agirait du premier animal de cette taille à être cloné avec succès. Il s'agit aussi d'une espèce qui est un vecteur privilégié d'une maladie mortelle pour les grenouilles qui serait en partie responsable du déclin des populations de grenouilles de toute la planète. De plus, c'est une espèce envahissante particulièrement redoutable. Elle est vorace, décime les autres variétés de grenouilles, n'a pas de prédateur naturel à part le crocodile africain et survit à l'asséchement total des environnements humides où elle s'implante — après tout, elle a évolué de manière à résister aux sécheresses africaines. Bref, si jamais elle déferle sur les milieux naturels nord-américains, ce sera la catastrophe. Ce qui ne l'empêche pas d'être une espèce que les laboratoires continuent à élever et étudier.
Ladd a défini l'anthropocène comme les connectivités « situées » de telle façon qu'elles nous unissent et réunissent au sein de communautés d'espèces plurielles (situated connectivities that bind us in multispecies communities). Un nez qui réunit des œufs de grenouille, des phéromones d'insectes, des circuits électroniques et une apparence humaine est bien parti pour nous dire
ce que va sentir l'anthropocène.
Cela dit, il ne s'agit pas d'une nouveauté absolue. On pourrait songer à des assemblages antérieurs des êtres humains et d'autres espèces vivantes. Une jambe de bois, après tout, c'est une prothèse en partie végétale...
Pour conclure la matinée et le colloque, j'ai assisté au gros de la communication d'Elliott King, « Stairway to Heaven: Dali's Nuclear Mysticism and the History of Catalan Science ». Il ne s'agit pas nécessairement de la science catalane la plus récente, même au vingtième siècle. Dans le cadre de la résurgence culturelle catalane connue sous le nom de Noucentisme (parce qu'il avait débuté avec le nouveau siècle vers 1900), Dali a pris comme inspiration le grand Francesc Pujols — grand auteur et philosophe — et, accessoirement, Eugeni d'Ors, un personnage plus fuyant quoique essentiel pour le lancement du Noucentisme.
Dans ses écrits philosophiques, Pujols a développé l'idée de l'ascension morale et intellectuelle symbolisée par l'Escalier de la vie, l'Escala de la vida, qui résumait ce qu'il appelait en catalan son hiparxiologi, une science de l'existence.
Mais toutes ces personnes, de Pujols à Dali, se référaient aussi au grand savant catalan du XIIIe s., Ramon Llull. D'autres noms parfois anciens ont surgi, dont celui de Raymond de Sebond (Ramon de Sibiuda) et Juan de Herrera, l'architecte de l'Escorial qui a signé un traité sur la forme cubique, en s'inspirant lui aussi de Llull. La machine combinatoire de Llull aurait inspiré en partie Leibniz et serait dans une certaine mesure à l'origine des premiers tâtonnements en Occident sur la voie de la mécanisation de la pensée. Ceci n'était pas encore clair, je crois, quand Pujols et Dali se sont intéressés à Llull, de sorte que l'histoire de l'apport catalan à l'évolution des sciences et des techniques pourrait encore être réécrit...
Avant de prendre l'autobus pour Toronto, je suis passé au musée. Le musée de Kitchener (qui s'appelle, oui, The Museum) accueillait l'exposition RAM, Rethinking Art & Machine. Si je me fie à mes notes, on y retrouvait une poignée d'artistes dont les créations artistiques faisaient appel à des machines et mécanismes plus ou moins complexes. Il y avait d'abord Manfred Mohr, un cubiste numérique qui avait programmé certaines des premières imprimantes afin de produire des variations sur un thème. La seconde salle était consacrée à Jim Campbell, dont les œuvres étaient nettement plus intéressantes. Certaines produisaient des effets en négatif, en créant des ombres mouvantes en éteignant des lumières, par exemple. Une photo de sa mère était placée derrière une plaque qui s'obscurcit périodiquement (ou quand on se rapproche) et une photo de son père était illuminée au rythme des battements de coeur de l'artiste. Une lecture de la Bible une lettre à la fois (par un logiciel) était moins émouvante, ainsi qu'une image énigmatique produite en faisant la moyenne de l'illumination de chaque pixel de chaque pose d'un film
de Hitchcock (si j'ai bien compris).
J'ai aussi retenu les œuvres de Daniel Rozin : des miroirs interactifs où l'image se convertit en ombres chinoise sur une mosaïque de détritus, se décompose en confettis ou spaghettis numériques, ou en vecteurs schématiques, de telle sorte qu'on se sent beaucoup plus surveillé
que par les yeux (interactifs?) d'Alan Rath. Les sculptures en quelque sorte synesthésiques de Peter Vogel m'ont fasciné puisqu'elles invitent à produire de la musique en projetant son ombre sur des photodétecteurs, ou de la lumière en faisant du bruit. Au sous-sol de l'édifice se trouvaient les sculptures sonores de David Rokeby, le projet « Dark Matter », mais comme elles sont du genre à créer soi-même, il aurait sans doute fallu quelqu'un de plus habile que moi pour en tirer des effets véritablement intéressants. Ou peut-être que je n'étais pas assez sensible aux attraits de l'idée.
Après les communications d'un prof et de ses étudiants du groupe Hexagram de l'Université Concordia (plus de théorie que d'art, à tel point que c'en est souffrant), j'assiste à la présentation
de Kelly Ladd, de l'Université York, intitulée « What the Anthropocene Smells Like: Biohybrid Noses ». Elle s'intéresse aux nez artificiels dont le développement est de plus en plus commandité par l'industrie de la défense et de la sécurité depuis 2001. Souvent, il s'agit
d'assemblages hybridant des composantes machiniques et biologiques, qu'il s'agisse d'ADN humain ou de cellules animales. Dans le cas particulier d'un nez japonais, son fonctionnement fait appel à des ovocytes d'une grenouille de l'Afrique du Sud (Xenopus laevis) et à des phéromones
d'insectes afin de produire le courant voulu quand une odeur spécifique est détectée. Le capteur en question est placé à l'intérieur d'une tête de mannequin en plastique qui est motorisée de telle façon qu'elle réagit quand le capteur repère l'odeur en cause. L'effet est particulièrement
troublant quand le buste qui cache le capteur se met à tourner la tête comme pour chercher la source de l'odeur...
La grenouille africaine, nous explique Ladd, n'en est pas à sa première mise à contribution par l'humanité technoscientifique. Ses cellules reproductrices sont particulièrement grosses, ce qui permet de les observer assez facilement avec un microscope ordinaire. Du coup, elles ont beaucoup servi dans les tests de grossesse, mais aussi pour étudier l'embryologie, etc. En 1994, une mission spatiale japonaise a procédé à la fertilisation en orbite des œufs de cette grenouille et il s'agirait du premier animal de cette taille à être cloné avec succès. Il s'agit aussi d'une espèce qui est un vecteur privilégié d'une maladie mortelle pour les grenouilles qui serait en partie responsable du déclin des populations de grenouilles de toute la planète. De plus, c'est une espèce envahissante particulièrement redoutable. Elle est vorace, décime les autres variétés de grenouilles, n'a pas de prédateur naturel à part le crocodile africain et survit à l'asséchement total des environnements humides où elle s'implante — après tout, elle a évolué de manière à résister aux sécheresses africaines. Bref, si jamais elle déferle sur les milieux naturels nord-américains, ce sera la catastrophe. Ce qui ne l'empêche pas d'être une espèce que les laboratoires continuent à élever et étudier.
Ladd a défini l'anthropocène comme les connectivités « situées » de telle façon qu'elles nous unissent et réunissent au sein de communautés d'espèces plurielles (situated connectivities that bind us in multispecies communities). Un nez qui réunit des œufs de grenouille, des phéromones d'insectes, des circuits électroniques et une apparence humaine est bien parti pour nous dire
ce que va sentir l'anthropocène.
Cela dit, il ne s'agit pas d'une nouveauté absolue. On pourrait songer à des assemblages antérieurs des êtres humains et d'autres espèces vivantes. Une jambe de bois, après tout, c'est une prothèse en partie végétale...
Pour conclure la matinée et le colloque, j'ai assisté au gros de la communication d'Elliott King, « Stairway to Heaven: Dali's Nuclear Mysticism and the History of Catalan Science ». Il ne s'agit pas nécessairement de la science catalane la plus récente, même au vingtième siècle. Dans le cadre de la résurgence culturelle catalane connue sous le nom de Noucentisme (parce qu'il avait débuté avec le nouveau siècle vers 1900), Dali a pris comme inspiration le grand Francesc Pujols — grand auteur et philosophe — et, accessoirement, Eugeni d'Ors, un personnage plus fuyant quoique essentiel pour le lancement du Noucentisme.
Dans ses écrits philosophiques, Pujols a développé l'idée de l'ascension morale et intellectuelle symbolisée par l'Escalier de la vie, l'Escala de la vida, qui résumait ce qu'il appelait en catalan son hiparxiologi, une science de l'existence.
Mais toutes ces personnes, de Pujols à Dali, se référaient aussi au grand savant catalan du XIIIe s., Ramon Llull. D'autres noms parfois anciens ont surgi, dont celui de Raymond de Sebond (Ramon de Sibiuda) et Juan de Herrera, l'architecte de l'Escorial qui a signé un traité sur la forme cubique, en s'inspirant lui aussi de Llull. La machine combinatoire de Llull aurait inspiré en partie Leibniz et serait dans une certaine mesure à l'origine des premiers tâtonnements en Occident sur la voie de la mécanisation de la pensée. Ceci n'était pas encore clair, je crois, quand Pujols et Dali se sont intéressés à Llull, de sorte que l'histoire de l'apport catalan à l'évolution des sciences et des techniques pourrait encore être réécrit...
Avant de prendre l'autobus pour Toronto, je suis passé au musée. Le musée de Kitchener (qui s'appelle, oui, The Museum) accueillait l'exposition RAM, Rethinking Art & Machine. Si je me fie à mes notes, on y retrouvait une poignée d'artistes dont les créations artistiques faisaient appel à des machines et mécanismes plus ou moins complexes. Il y avait d'abord Manfred Mohr, un cubiste numérique qui avait programmé certaines des premières imprimantes afin de produire des variations sur un thème. La seconde salle était consacrée à Jim Campbell, dont les œuvres étaient nettement plus intéressantes. Certaines produisaient des effets en négatif, en créant des ombres mouvantes en éteignant des lumières, par exemple. Une photo de sa mère était placée derrière une plaque qui s'obscurcit périodiquement (ou quand on se rapproche) et une photo de son père était illuminée au rythme des battements de coeur de l'artiste. Une lecture de la Bible une lettre à la fois (par un logiciel) était moins émouvante, ainsi qu'une image énigmatique produite en faisant la moyenne de l'illumination de chaque pixel de chaque pose d'un film
de Hitchcock (si j'ai bien compris).
J'ai aussi retenu les œuvres de Daniel Rozin : des miroirs interactifs où l'image se convertit en ombres chinoise sur une mosaïque de détritus, se décompose en confettis ou spaghettis numériques, ou en vecteurs schématiques, de telle sorte qu'on se sent beaucoup plus surveillé
que par les yeux (interactifs?) d'Alan Rath. Les sculptures en quelque sorte synesthésiques de Peter Vogel m'ont fasciné puisqu'elles invitent à produire de la musique en projetant son ombre sur des photodétecteurs, ou de la lumière en faisant du bruit. Au sous-sol de l'édifice se trouvaient les sculptures sonores de David Rokeby, le projet « Dark Matter », mais comme elles sont du genre à créer soi-même, il aurait sans doute fallu quelqu'un de plus habile que moi pour en tirer des effets véritablement intéressants. Ou peut-être que je n'étais pas assez sensible aux attraits de l'idée.
Libellés : Congrès, Livres, Sciences
2011-09-24
Un congrès avec salsa...
Salsa... ou SLSA, la Society for Literature, Science, and the Arts. Cette fois, je me réveillais au centre-ville de Kitchener dans un excellent café-couette, bien différent de mon hôtel exigu à New York en 2006.
En début de matinée, j'ai opté pour la session sur les représentations de la technologie dans la littérature. La technologie ou les techniques sont des sujets relativement rares dans le programme du colloque. C'est plus cool de se réclamer de la science ou de la technoscience. Même les littéraires (ou surtout eux) ne sont pas à l'épreuve de l'attrait de l'autorité revendiquée par la science. Kevin LaGrandeur commence par récapituler l'histoire des automates, en relatant les légendes chinoises et indiennes où apparaissent des automates. Il rappelle les nombreuses légendes grecques antérieures qui évoquaient des automates ou la création des humains par des démiurges comme Prométhée, sans oublier le mythe de Pygmalion qui combine en quelque sorte les deux. Si LaGrandeur interprète ces histoires dans le sens d'un avertissement soulignant le danger des techniques, l'association des récits mythifiant la création d'automates tant par des dieux (Héphaïstos) que par des héros (Dédale) et des récits réservant la création d'êtres vivants aux dieux laisse aussi percer un certain dualisme, entre les apparences de corps et les corps pleinement vivants parce qu'une divinité leur a insufflé une âme qui les anime — leur donne à la fois le mouvement et la capacité de le diriger. En même temps, LaGrandeur fait de la capacité des mécaniciens de l'Antiquité à produire des effets surprenants un moyen utilisé par les temples pour entretenir les croyances des fidèles. Si ceci semble probable dans le cas des époques plus reculées, où les religions détenaient un monopole d'État, comme en Égypte, on peut se demander si c'était encore le cas à l'époque hellénistique où des religions multiples se côtoient et s'affrontent dans les grands ports comme Alexandrie, dans la mesure où la croyance devient moins importante que la dimension spectaculaire des prodiges déployés par les prêtres. Plus tard, les faiseurs de miracles, comme Apollonios de Tyane et Jésus, auraient peut-être pris le relais en tant qu'agents libres...
La communication de Narin Hassan, « Industrial Revolution, Empire, and the Novel », a été lue en son absence. Elle ne s'attardait pas sur l'impérialisme et le roman anglais, un sujet traité ailleurs. Elle s'intéressait surtout aux rapports des romans anglais du XIXe s. et de la Révolution industrielle, de Hard Times de Dickens, où l'école fait appel à des instruments pour l'enseignement, aux romans à sensation des années 1860 qui étaient aussi appelés des "railway novels" parce qu'ils profitaient d'un nouveau lectorat. Les trains et les télégraphes figuraient souvent dans les intrigues de ces nouveaux romans qui s'adressaient aux "nerfs" et non au cœur. Hassan incluait Dracula dans cette catégorie en raison de sa narration composée d'une combinaison de lettres, d'extraits médicaux et d'autres documents.
Enfin, Carol Colatrella a conclu en livrant sa communication intitulée « Technology, Citizenship, and Social Improvement in Works by Douglass, Melville, Gilman, and Edson ». Ces auteurs américains du XIXe s. ont mis en scène la technique (la technologie de l'esclavage chez Douglass, qui n'oublie pas les outils de la plantation et du chantier naval, ainsi que la lecture). Ils ont mis en scène la technologie domestique qu'un personnage féminin de Gilman améliore en permettant aux servantes de récupérer leur liberté d'action. Ils ont aussi mis en scène la technologie la plus intime : dans un récit d'Edson, le personnage principal est une prof agonisante, tourmentée par la chimiothérapie et les mesures extrêmes infligées à son corps pour la sauver sans égard à sa dignité. En fin de compte, la technologie réduit l'effort humain, mais elle risque aussi d'entraver l'humanité. De la discussion qui suit ressort la recommandation d'un ouvrage pour jeunes de Bryan Selznick, The Invention of Hugo Cabret.
En fin de matinée, je me suis posé pour une session sur la fiction contemporaine. Alicia Rivero a évoqué la féminisation de la nature chez des autrices d'origine latino-américaine, Belli et Castillo. Jenni Halpin a offert une analyse d'une pièce bien connue, « (Un)Friendly (Mis)Understandings in Michael Frayn's 'Copenhagen' », qui porte sur la rencontre entre Bohr et Heisenberg durant la Seconde Guerre mondiale. Elle a offert une analyse très serrée, mais qui ne m'a pas convaincu qu'elle (ou l'analyse ou la pièce) procurait une révélation d'importance. En dernier lieu, Laura Wiebe s'est penchée sur une nouvelle série de livres par Justina Robson, Quantum Gravity. Même s'il semble clair qu'une partie des personnages doivent gérer une condition posthumaine assez lourde à porter, l'invocation du multivers semble surtout tenir du prétexte pour faire coexister des cyborgs et des elfes dans la veine de certains jeux post-cyberpunk d'il y a longtemps (Shadowrun).
La session sur l'extinction a été des plus stimulantes. Gerry Canavan a ouvert le bal en discutant du roman Oryx and Crake de Margaret Atwood, en faisant allusion à son pessimisme radical et quelque peu déprimant — comme quoi il n'a sans doute pas beaucoup lu Houellebecq... Dans cette communication intitulée « Hope, But Not For Us: Ecological Science Fiction and the End of the World », il a abordé l'éco-apocalypse, qui campe la fin de l'écologie et la fin du capitalisme, la dégradation de l'environnement devant mener au déclin et à l'effondrement du capitalisme. (En fait, depuis la crise environnementale des années soixante-dix, le capitalisme n'a cessé de se faire plus âpre et plus dominant — peut-être parce que des ressources plus rares stimulent une compétition toujours plus serrée.)
De la communication intitulée « Plastic, Fantastic: Creaturely (Cellular) Immortality in Popular Science » par Beatrice Marovich, je n'ai retenu que la référence à Long for this World: The Strange Science of Immortality de Jonathan Weiner.
La communication de Joshua Schuster, « What is Extinction? », a porté sur un seul livre, un ouvrage philosophique de Ray Brassier, Nihil Unbound: Enlightenment and Extinction. Il a commencé par faire remarquer que l'extinction est un sujet paradoxal puisque c'est la
négation de tous les sujets, l'événement qui met fin à tous les événements. Toutefois, si Brassier fait reposer l'argument de son livre (l'insignifiance de l'humanité et l'absence de sens de l'existence humaine) sur la perspective de la fin de l'univers dans quelques trillions d'années, Schuster s'intéresse à toutes les formes d'extinction. Il fait allusion aux récits dit du dernier de son espèce, ce qui comprendrait aussi bien l'ouvrage de Hugh Edwin Strickland, The Dodo and its Kindred (1848) que Frankenstein de Mary Shelley (le monstre étant le premier et le dernier de son espèce), voire Le dernier des Mohicans (1826) de Fenimore Cooper, même si ce titre n'a pas été cité. Le sombre plaisir des ruines (Volney) et les fins de races sont des sujets dont se délectent les Romantiques, mais l'extinction vue par Brassier n'a rien de romantique. Celui-ci martèle que l'être ou que le fait d'être (the state of being) n'a aucune association particulière avec la vie, la pensée ou la conscience. Croire le contraire verserait dans le vitalisme, alors que la science n'a découvert aucune ligne de démarcation essentielle entre la matière et la matière vivante. La vie n'est qu'une forme d'être de la matière, si je puis paraphraser.
Schuster soulève quelques objections. La principale concerne l'argument voulant que l'extinction future de toutes les étoiles, voire de tous les hadrons (protons), ce qui reste à démontrer, soit dit en passant, entraîne rétrospectivement l'annihilation du sens pour toutes les formes d'existence antérieures. La démonstration reste à faire. De plus, même si les étoiles en viennent à s'éteindre et les protons à se désintégrer, la matière subatomique et l'énergie ne cesseront pas d'exister. Par conséquent, l'extinction annoncée ne correspond pas à l'avènement du néant. De plus, en prenant d'emblée comme cadre l'univers matériel, Brassier négligerait toutes les autres entités de moindre envergure, telles que les espèces vivantes, les écosystèmes, etc. Enfin, à plus petite échelle, il convient de noter que les extinctions peuvent accoucher de nouveaux débuts : l'extinction d'une espèce peut accompagner l'apparition ou la prolifération d'une autre.
L'après-midi, j'ai choisi d'assister à la fin de la session sur le post-humanisme et le transhumanisme. Karen Mizell livrait sa communication intitulée « Justice, Enhancement Technologies, and the Biosovereignty of Nonhuman Animals » en appelant, comme Rawls, à faire entrer les non-humains dans le cercle des privilégiés qui relèvent des règles morales ordinaires. Les droits des animaux ont souvent été ignorés parce qu'ils n'avaient pas de devoirs non plus, mais Mizell est d'accord pour fonder les relations morales entre individus non pas sur l'appartenance à une espèce ou une autre, mais sur les capacités. Ce qui soulève, il me semble, des questions extrêmement délicates quant aux droits accordés aux êtres humains (les bébés, les déficients intellectuels, les personnes malades) dont les capacités seraient inférieures à celles de certains primates ou cétacés.
La communication de Leslie Simon, « Transhumanism, Mathematics, and the Limits of Time », était plus ambitieuse. Inspirée par le film Never Let Me Go, elle portait sur les espoirs des transhumanistes comme Nick Bostrom, qui espère affranchir l'humanité de l'âge et de la souffrance, entre autres. En parlant des personnages du film, Simon fait le rapprochement avec
les orphelins omniprésents dans les romans victoriens. Parce que des posthumains seraient nécessairement orphelins? Il ne me semble pas qu'elle l'ait exprimé ainsi, mais ce serait défendable. Une citation à retenir, tirée de George Eliot : « Men can do nothing without the make-believe of a beginning. »
La journée s'est terminée dans une galerie d'art moderne sur le thème qui était aussi celui du congrès : Pharmakon. Et je suis passé voir de quoi les congressistes causaient au théâtre réservé pour accueillir tous les intervenants désireux de faire la fête...
En début de matinée, j'ai opté pour la session sur les représentations de la technologie dans la littérature. La technologie ou les techniques sont des sujets relativement rares dans le programme du colloque. C'est plus cool de se réclamer de la science ou de la technoscience. Même les littéraires (ou surtout eux) ne sont pas à l'épreuve de l'attrait de l'autorité revendiquée par la science. Kevin LaGrandeur commence par récapituler l'histoire des automates, en relatant les légendes chinoises et indiennes où apparaissent des automates. Il rappelle les nombreuses légendes grecques antérieures qui évoquaient des automates ou la création des humains par des démiurges comme Prométhée, sans oublier le mythe de Pygmalion qui combine en quelque sorte les deux. Si LaGrandeur interprète ces histoires dans le sens d'un avertissement soulignant le danger des techniques, l'association des récits mythifiant la création d'automates tant par des dieux (Héphaïstos) que par des héros (Dédale) et des récits réservant la création d'êtres vivants aux dieux laisse aussi percer un certain dualisme, entre les apparences de corps et les corps pleinement vivants parce qu'une divinité leur a insufflé une âme qui les anime — leur donne à la fois le mouvement et la capacité de le diriger. En même temps, LaGrandeur fait de la capacité des mécaniciens de l'Antiquité à produire des effets surprenants un moyen utilisé par les temples pour entretenir les croyances des fidèles. Si ceci semble probable dans le cas des époques plus reculées, où les religions détenaient un monopole d'État, comme en Égypte, on peut se demander si c'était encore le cas à l'époque hellénistique où des religions multiples se côtoient et s'affrontent dans les grands ports comme Alexandrie, dans la mesure où la croyance devient moins importante que la dimension spectaculaire des prodiges déployés par les prêtres. Plus tard, les faiseurs de miracles, comme Apollonios de Tyane et Jésus, auraient peut-être pris le relais en tant qu'agents libres...
La communication de Narin Hassan, « Industrial Revolution, Empire, and the Novel », a été lue en son absence. Elle ne s'attardait pas sur l'impérialisme et le roman anglais, un sujet traité ailleurs. Elle s'intéressait surtout aux rapports des romans anglais du XIXe s. et de la Révolution industrielle, de Hard Times de Dickens, où l'école fait appel à des instruments pour l'enseignement, aux romans à sensation des années 1860 qui étaient aussi appelés des "railway novels" parce qu'ils profitaient d'un nouveau lectorat. Les trains et les télégraphes figuraient souvent dans les intrigues de ces nouveaux romans qui s'adressaient aux "nerfs" et non au cœur. Hassan incluait Dracula dans cette catégorie en raison de sa narration composée d'une combinaison de lettres, d'extraits médicaux et d'autres documents.
Enfin, Carol Colatrella a conclu en livrant sa communication intitulée « Technology, Citizenship, and Social Improvement in Works by Douglass, Melville, Gilman, and Edson ». Ces auteurs américains du XIXe s. ont mis en scène la technique (la technologie de l'esclavage chez Douglass, qui n'oublie pas les outils de la plantation et du chantier naval, ainsi que la lecture). Ils ont mis en scène la technologie domestique qu'un personnage féminin de Gilman améliore en permettant aux servantes de récupérer leur liberté d'action. Ils ont aussi mis en scène la technologie la plus intime : dans un récit d'Edson, le personnage principal est une prof agonisante, tourmentée par la chimiothérapie et les mesures extrêmes infligées à son corps pour la sauver sans égard à sa dignité. En fin de compte, la technologie réduit l'effort humain, mais elle risque aussi d'entraver l'humanité. De la discussion qui suit ressort la recommandation d'un ouvrage pour jeunes de Bryan Selznick, The Invention of Hugo Cabret.
En fin de matinée, je me suis posé pour une session sur la fiction contemporaine. Alicia Rivero a évoqué la féminisation de la nature chez des autrices d'origine latino-américaine, Belli et Castillo. Jenni Halpin a offert une analyse d'une pièce bien connue, « (Un)Friendly (Mis)Understandings in Michael Frayn's 'Copenhagen' », qui porte sur la rencontre entre Bohr et Heisenberg durant la Seconde Guerre mondiale. Elle a offert une analyse très serrée, mais qui ne m'a pas convaincu qu'elle (ou l'analyse ou la pièce) procurait une révélation d'importance. En dernier lieu, Laura Wiebe s'est penchée sur une nouvelle série de livres par Justina Robson, Quantum Gravity. Même s'il semble clair qu'une partie des personnages doivent gérer une condition posthumaine assez lourde à porter, l'invocation du multivers semble surtout tenir du prétexte pour faire coexister des cyborgs et des elfes dans la veine de certains jeux post-cyberpunk d'il y a longtemps (Shadowrun).
La session sur l'extinction a été des plus stimulantes. Gerry Canavan a ouvert le bal en discutant du roman Oryx and Crake de Margaret Atwood, en faisant allusion à son pessimisme radical et quelque peu déprimant — comme quoi il n'a sans doute pas beaucoup lu Houellebecq... Dans cette communication intitulée « Hope, But Not For Us: Ecological Science Fiction and the End of the World », il a abordé l'éco-apocalypse, qui campe la fin de l'écologie et la fin du capitalisme, la dégradation de l'environnement devant mener au déclin et à l'effondrement du capitalisme. (En fait, depuis la crise environnementale des années soixante-dix, le capitalisme n'a cessé de se faire plus âpre et plus dominant — peut-être parce que des ressources plus rares stimulent une compétition toujours plus serrée.)
De la communication intitulée « Plastic, Fantastic: Creaturely (Cellular) Immortality in Popular Science » par Beatrice Marovich, je n'ai retenu que la référence à Long for this World: The Strange Science of Immortality de Jonathan Weiner.
La communication de Joshua Schuster, « What is Extinction? », a porté sur un seul livre, un ouvrage philosophique de Ray Brassier, Nihil Unbound: Enlightenment and Extinction. Il a commencé par faire remarquer que l'extinction est un sujet paradoxal puisque c'est la
négation de tous les sujets, l'événement qui met fin à tous les événements. Toutefois, si Brassier fait reposer l'argument de son livre (l'insignifiance de l'humanité et l'absence de sens de l'existence humaine) sur la perspective de la fin de l'univers dans quelques trillions d'années, Schuster s'intéresse à toutes les formes d'extinction. Il fait allusion aux récits dit du dernier de son espèce, ce qui comprendrait aussi bien l'ouvrage de Hugh Edwin Strickland, The Dodo and its Kindred (1848) que Frankenstein de Mary Shelley (le monstre étant le premier et le dernier de son espèce), voire Le dernier des Mohicans (1826) de Fenimore Cooper, même si ce titre n'a pas été cité. Le sombre plaisir des ruines (Volney) et les fins de races sont des sujets dont se délectent les Romantiques, mais l'extinction vue par Brassier n'a rien de romantique. Celui-ci martèle que l'être ou que le fait d'être (the state of being) n'a aucune association particulière avec la vie, la pensée ou la conscience. Croire le contraire verserait dans le vitalisme, alors que la science n'a découvert aucune ligne de démarcation essentielle entre la matière et la matière vivante. La vie n'est qu'une forme d'être de la matière, si je puis paraphraser.
Schuster soulève quelques objections. La principale concerne l'argument voulant que l'extinction future de toutes les étoiles, voire de tous les hadrons (protons), ce qui reste à démontrer, soit dit en passant, entraîne rétrospectivement l'annihilation du sens pour toutes les formes d'existence antérieures. La démonstration reste à faire. De plus, même si les étoiles en viennent à s'éteindre et les protons à se désintégrer, la matière subatomique et l'énergie ne cesseront pas d'exister. Par conséquent, l'extinction annoncée ne correspond pas à l'avènement du néant. De plus, en prenant d'emblée comme cadre l'univers matériel, Brassier négligerait toutes les autres entités de moindre envergure, telles que les espèces vivantes, les écosystèmes, etc. Enfin, à plus petite échelle, il convient de noter que les extinctions peuvent accoucher de nouveaux débuts : l'extinction d'une espèce peut accompagner l'apparition ou la prolifération d'une autre.
L'après-midi, j'ai choisi d'assister à la fin de la session sur le post-humanisme et le transhumanisme. Karen Mizell livrait sa communication intitulée « Justice, Enhancement Technologies, and the Biosovereignty of Nonhuman Animals » en appelant, comme Rawls, à faire entrer les non-humains dans le cercle des privilégiés qui relèvent des règles morales ordinaires. Les droits des animaux ont souvent été ignorés parce qu'ils n'avaient pas de devoirs non plus, mais Mizell est d'accord pour fonder les relations morales entre individus non pas sur l'appartenance à une espèce ou une autre, mais sur les capacités. Ce qui soulève, il me semble, des questions extrêmement délicates quant aux droits accordés aux êtres humains (les bébés, les déficients intellectuels, les personnes malades) dont les capacités seraient inférieures à celles de certains primates ou cétacés.
La communication de Leslie Simon, « Transhumanism, Mathematics, and the Limits of Time », était plus ambitieuse. Inspirée par le film Never Let Me Go, elle portait sur les espoirs des transhumanistes comme Nick Bostrom, qui espère affranchir l'humanité de l'âge et de la souffrance, entre autres. En parlant des personnages du film, Simon fait le rapprochement avec
les orphelins omniprésents dans les romans victoriens. Parce que des posthumains seraient nécessairement orphelins? Il ne me semble pas qu'elle l'ait exprimé ainsi, mais ce serait défendable. Une citation à retenir, tirée de George Eliot : « Men can do nothing without the make-believe of a beginning. »
La journée s'est terminée dans une galerie d'art moderne sur le thème qui était aussi celui du congrès : Pharmakon. Et je suis passé voir de quoi les congressistes causaient au théâtre réservé pour accueillir tous les intervenants désireux de faire la fête...
2011-09-21
Les hivers qui s'adoucissent
En 1744, Charlevoix affirme dans son Histoire et description générale de la Nouvelle-France (volume III, page 165) qu'à cette époque, on croyait que les hivers n'étaient plus aussi rigoureux qu'autrefois :
Cette croyance va en nourrir d'autres. Les Anglais au Canada vont se cramponner avec acharnement à la conviction que le défrichement pourrait entraîner un réchauffement local du climat, en se basant entre autres sur des observations remontant au XVIIe siècle, sur le constat (affligeant) que Montréal est à la même latitude que Bordeaux mais ne jouit pas du même climat et sur des théories développées entre autres par Humboldt. Pour l'instant, je cherche encore des traces de la même croyance au réchauffement anthropogénique du climat canadien chez les auteurs canadiens-français, ce qui expliquerait en partie l'élan que beaucoup de penseurs du XIXe s. au Québec ont voulu donner à la colonisation du nord...
Pour l'instant, je cherche encore. Peut-être que les Anciens Canadiens avaient passé suffisamment de temps sur leurs terres pour constater que l'agriculture ne réchauffait pas le climat.
Cette croyance va en nourrir d'autres. Les Anglais au Canada vont se cramponner avec acharnement à la conviction que le défrichement pourrait entraîner un réchauffement local du climat, en se basant entre autres sur des observations remontant au XVIIe siècle, sur le constat (affligeant) que Montréal est à la même latitude que Bordeaux mais ne jouit pas du même climat et sur des théories développées entre autres par Humboldt. Pour l'instant, je cherche encore des traces de la même croyance au réchauffement anthropogénique du climat canadien chez les auteurs canadiens-français, ce qui expliquerait en partie l'élan que beaucoup de penseurs du XIXe s. au Québec ont voulu donner à la colonisation du nord...
Pour l'instant, je cherche encore. Peut-être que les Anciens Canadiens avaient passé suffisamment de temps sur leurs terres pour constater que l'agriculture ne réchauffait pas le climat.
2011-09-20
La trilogie de Mahfouz
Les révoltes du Printemps arabe m'ont incité à me plonger dans la lecture de la Trilogie cairote de Naguib Mahfouz, dont j'avais acheté l'édition en un volume chez le Livre de Poche, il y a quelques années, au Salon du livre de Montréal.
L'ouvrage, rédigé dans les années cinquante, fait figure de classique dans les lettres arabes. Bien entendu, ce n'est pas si facile de juger de ses mérites littéraires en traduction française. Néanmoins, ce que le préfacier dit de l'évolution du style de Mahfouz, clairement partagé entre arabe littéraire et arabe dialectal dans le premier volume, puis de plus en plus proche de la langue parlée dans les volumes suivants, m'a semblé se retrouver dans la traduction. Dans le premier volume, les dialogues se détachent des descriptions, un peu comme des mélanges de morceaux de bravoure et de pièces rapportées. Dans le troisième volume, les dialogues se fondent mieux dans l'ensemble, mais c'est en partie parce que Mahfouz révèle plus souvent le monologue intérieur de ses personnages. Du coup, la parole des uns et des autres prend le dessus sur les observations plus détachées de l'auteur au démarrage de la trilogie. En revanche, il se dégageait une grande tendresse des pages consacrées à la petite famille d'Ahmed Abd el-Gawwad, au coin des rues al-Nahhasin et Bayn al-Qasrayn au Caire, et aussi à l'enfance du jeune Kamal, le plus proche sans doute de l'auteur. Plus on avance dans la trilogie, plus la douceur de vivre et d'espérer de la famille est remise en cause. Les héros vieillissent, les pleutres ne se corrigent pas, les enfants déçoivent les espérances de leurs parents et la libération du pays se fait attendre.
Mahfouz trace un portrait sans grande complaisance de la vie égyptienne du tournant du siècle jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. Quand on tourne les ultimes pages du roman, on découvre un Kamal vieillissant qui a choisi la vie de l'intelligence et de la culture, mais qui oscille entre le doute et la foi dans la vie comme dans les hommes. Ses questionnements se superposent aux gestes du quotidien, alors qu'il s'occupe autant de la naissance que de la mort de ses proches. Le temps est souvent au cœur des sagas familiales et historiques. Quand l'auteur ne s'attache pas à une seule vie, il est bien obligé de s'intéresser au sens de la succession des existences, de leurs fins et de leurs recommencements.
Temps linéaire et vieillissement sans retour. Temps cyclique et ininterrompu. La trilogie de Naguib Mahfouz fait écho aux grands romans modernes du vingtième siècle, mais il se distingue d'un ouvrage comme À la Recherche du temps perdu. Alors que Proust faisait de toutes les subtilités du temps qui passe (et des façons de passer le temps) son sujet, Mahfouz est plus soucieux de souligner comment le temps passe, mais sans vraiment renouveler les petits et grands faits de nos existences : amours, ambitions, aspirations, déconvenues, mariages, naissances et pertes des êtres chers. Il met en scène l'immuabilité du changement dans un cadre qui est assez peu familier pour un lecteur occidental, en nous faisant apprécier ou à tout le moins comprendre un peu mieux les conventions sociales de la société égyptienne. C'est un peu l'autre face de l'Égypte que Lawrence Durrell décrivait dans le Quatuor d'Alexandrie. Les deux sommes ont été rédigées durant les mêmes années : la Trilogie cairote en 1956 et 1957 et le Quatuor d'Alexandrie de 1957 à 1960. Les deux auteurs se sont ignorés dans la mesure où Mahfouz ne pouvait pas avoir lu Durrell et où je ne crois pas Durrell lisait l'arabe. Ensemble, ces deux ouvrages aux tonalités très différentes (exoticisme et romantisme chez Durrell, réalisme et réflexion philosophique chez Mahfouz) permettent certainement de mieux comprendre les racines du Printemps égyptien et la tradition cairote de la révolte populaire.
L'ouvrage, rédigé dans les années cinquante, fait figure de classique dans les lettres arabes. Bien entendu, ce n'est pas si facile de juger de ses mérites littéraires en traduction française. Néanmoins, ce que le préfacier dit de l'évolution du style de Mahfouz, clairement partagé entre arabe littéraire et arabe dialectal dans le premier volume, puis de plus en plus proche de la langue parlée dans les volumes suivants, m'a semblé se retrouver dans la traduction. Dans le premier volume, les dialogues se détachent des descriptions, un peu comme des mélanges de morceaux de bravoure et de pièces rapportées. Dans le troisième volume, les dialogues se fondent mieux dans l'ensemble, mais c'est en partie parce que Mahfouz révèle plus souvent le monologue intérieur de ses personnages. Du coup, la parole des uns et des autres prend le dessus sur les observations plus détachées de l'auteur au démarrage de la trilogie. En revanche, il se dégageait une grande tendresse des pages consacrées à la petite famille d'Ahmed Abd el-Gawwad, au coin des rues al-Nahhasin et Bayn al-Qasrayn au Caire, et aussi à l'enfance du jeune Kamal, le plus proche sans doute de l'auteur. Plus on avance dans la trilogie, plus la douceur de vivre et d'espérer de la famille est remise en cause. Les héros vieillissent, les pleutres ne se corrigent pas, les enfants déçoivent les espérances de leurs parents et la libération du pays se fait attendre.
Mahfouz trace un portrait sans grande complaisance de la vie égyptienne du tournant du siècle jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. Quand on tourne les ultimes pages du roman, on découvre un Kamal vieillissant qui a choisi la vie de l'intelligence et de la culture, mais qui oscille entre le doute et la foi dans la vie comme dans les hommes. Ses questionnements se superposent aux gestes du quotidien, alors qu'il s'occupe autant de la naissance que de la mort de ses proches. Le temps est souvent au cœur des sagas familiales et historiques. Quand l'auteur ne s'attache pas à une seule vie, il est bien obligé de s'intéresser au sens de la succession des existences, de leurs fins et de leurs recommencements.
Temps linéaire et vieillissement sans retour. Temps cyclique et ininterrompu. La trilogie de Naguib Mahfouz fait écho aux grands romans modernes du vingtième siècle, mais il se distingue d'un ouvrage comme À la Recherche du temps perdu. Alors que Proust faisait de toutes les subtilités du temps qui passe (et des façons de passer le temps) son sujet, Mahfouz est plus soucieux de souligner comment le temps passe, mais sans vraiment renouveler les petits et grands faits de nos existences : amours, ambitions, aspirations, déconvenues, mariages, naissances et pertes des êtres chers. Il met en scène l'immuabilité du changement dans un cadre qui est assez peu familier pour un lecteur occidental, en nous faisant apprécier ou à tout le moins comprendre un peu mieux les conventions sociales de la société égyptienne. C'est un peu l'autre face de l'Égypte que Lawrence Durrell décrivait dans le Quatuor d'Alexandrie. Les deux sommes ont été rédigées durant les mêmes années : la Trilogie cairote en 1956 et 1957 et le Quatuor d'Alexandrie de 1957 à 1960. Les deux auteurs se sont ignorés dans la mesure où Mahfouz ne pouvait pas avoir lu Durrell et où je ne crois pas Durrell lisait l'arabe. Ensemble, ces deux ouvrages aux tonalités très différentes (exoticisme et romantisme chez Durrell, réalisme et réflexion philosophique chez Mahfouz) permettent certainement de mieux comprendre les racines du Printemps égyptien et la tradition cairote de la révolte populaire.
2011-09-19
Une cartographie des autres mondes
Les découvertes d'exoplanètes s'accumulent à une telle vitesse qu'on ne peut plus suivre. Cette semaine, c'était une planète (subjovienne) en orbite autour de soleils jumeaux, une étoile binaire tout ce qu'il y a plus ordinaire, composée de quelque chose comme une naine orange et une naine rouge, ou deux naines oranges. Les planètes potentiellement habitables commencent également à poser leur candidature... Pour s'y retrouver, on peut faire confiance à l'encyclopédie des exoplanètes dont s'occupe l'astronome français Jean Schneider (dont il existe d'ailleurs une version française).
Pour visualiser ce nouvel univers rempli de systèmes solaires et de mondes semblables à ceux de notre système solaire, il existe désormais un nouvel outil, une carte tridimensionnelle. Non seulement on peut obtenir une rotation de l'image qui fait apparaître la profondeur ainsi qu'un grossissement qui permet de trouver notre Soleil au centre du volume, mais on peut aussi obtenir des animations et images supplémentaires en cliquant sur chaque étoile. Quand on songe qu'avant 1992, aucune exoplanète n'était connue avec certitude, la multiplication des systèmes solaires est un des plus grands changements de paradigme des dernières années.
Pour visualiser ce nouvel univers rempli de systèmes solaires et de mondes semblables à ceux de notre système solaire, il existe désormais un nouvel outil, une carte tridimensionnelle. Non seulement on peut obtenir une rotation de l'image qui fait apparaître la profondeur ainsi qu'un grossissement qui permet de trouver notre Soleil au centre du volume, mais on peut aussi obtenir des animations et images supplémentaires en cliquant sur chaque étoile. Quand on songe qu'avant 1992, aucune exoplanète n'était connue avec certitude, la multiplication des systèmes solaires est un des plus grands changements de paradigme des dernières années.
Libellés : Astronomie, Espace
2011-09-17
L'immigration et le vieillissement du Québec
Qui se souvient qu'à une certaine époque, on craignait au Québec d'avoir trop de médecins, de sorte qu'on a contingenté les programmes d'études de manière à réduire le nombre de docteurs ? Ce qui est passé comme dans du beurre...
Maintenant, tout le monde s'entend pour dire qu'on a trop d'immigrants et qu'il faudrait une baisse des niveaux actuels, voire une pause ou un moratoire... Ceci se base en partie sur l'affirmation répétée selon laquelle l'immigration ne peut pas grand-chose pour la vitalité économique du Québec, ou pour contrer le vieillissement de sa population. Le vieillissement est inévitable, selon des publications officielles comme celle-ci (.PDF).
Pourtant, le résultat de l'édition 2009 des Perspectives démographiques du Québec et des régions, 2006-2056 devrait nous rassurer. Pour la première fois depuis plusieurs années, la prévision la plus probable n'annonce pas de déclin de la population avant 2056. Une stabilisation et un plafonnement, tout au plus.C'est ce dont il est question dans ce bulletin du mois de mai dernier... Sans l'immigration, la population du Québec baisserait et le vieillissement serait plus marqué.
D'autre part, il ne faut pas confondre l'immigration et le solde migratoire net, c'est-à-dire les personnes qui restent au Québec. Si on tient compte des personnes qui émigrent du Québec pour un pays étranger ou qui quittent la province pour une autre province, le solde migratoire peut avoir l'air assez différent. J'ai pris à ce rapport (.PDF) les données depuis 1991 pour l'immigration et le solde migratoire au Québec afin de produire le diagramme qui suit :
Si le niveau de l'immigration est resté relativement constant durant cette période en variant entre 30 000 et 50 000, le solde migratoire a fluctué nettement plus en variant entre un solde négatif de 1815 et un solde positif de plus de 30 000. Du coup, on peut en conclure que le niveau de l'immigration brute importe moins que l'attractivité du Québec. Si l'immigration est devenue dérangeante, c'est justement parce que le Québec retient de plus en plus d'immigrants. Pour l'avenir du Québec, c'est précisément le but recherché. Du coup, il va falloir que les Québécois se posent sérieusement la question de savoir s'ils veulent un Québec condamné à la contraction démographique avant 2050 ou s'ils veulent une province qui ne sera pas entièrement dominée par les vieux... De leur réponse dépendra l'avenir de l'immigration — et celui de leurs enfants.
Maintenant, tout le monde s'entend pour dire qu'on a trop d'immigrants et qu'il faudrait une baisse des niveaux actuels, voire une pause ou un moratoire... Ceci se base en partie sur l'affirmation répétée selon laquelle l'immigration ne peut pas grand-chose pour la vitalité économique du Québec, ou pour contrer le vieillissement de sa population. Le vieillissement est inévitable, selon des publications officielles comme celle-ci (.PDF).
Pourtant, le résultat de l'édition 2009 des Perspectives démographiques du Québec et des régions, 2006-2056 devrait nous rassurer. Pour la première fois depuis plusieurs années, la prévision la plus probable n'annonce pas de déclin de la population avant 2056. Une stabilisation et un plafonnement, tout au plus.C'est ce dont il est question dans ce bulletin du mois de mai dernier... Sans l'immigration, la population du Québec baisserait et le vieillissement serait plus marqué.
D'autre part, il ne faut pas confondre l'immigration et le solde migratoire net, c'est-à-dire les personnes qui restent au Québec. Si on tient compte des personnes qui émigrent du Québec pour un pays étranger ou qui quittent la province pour une autre province, le solde migratoire peut avoir l'air assez différent. J'ai pris à ce rapport (.PDF) les données depuis 1991 pour l'immigration et le solde migratoire au Québec afin de produire le diagramme qui suit :
Si le niveau de l'immigration est resté relativement constant durant cette période en variant entre 30 000 et 50 000, le solde migratoire a fluctué nettement plus en variant entre un solde négatif de 1815 et un solde positif de plus de 30 000. Du coup, on peut en conclure que le niveau de l'immigration brute importe moins que l'attractivité du Québec. Si l'immigration est devenue dérangeante, c'est justement parce que le Québec retient de plus en plus d'immigrants. Pour l'avenir du Québec, c'est précisément le but recherché. Du coup, il va falloir que les Québécois se posent sérieusement la question de savoir s'ils veulent un Québec condamné à la contraction démographique avant 2050 ou s'ils veulent une province qui ne sera pas entièrement dominée par les vieux... De leur réponse dépendra l'avenir de l'immigration — et celui de leurs enfants.
Libellés : Québec
2011-09-15
Archéologie domestique
Le temps n'existe pas vraiment dans le monde de l'internet. De très vieilles blagues et légendes urbaines ont été relancées par la formidable capacité de retransmission du réseau. Parfois, ce sont des nouvelles périmées qui continuent de circuler (comme l'annonce du rapprochement de Mars de la Terre en août 2003, devenue un serpent de mer récurrent presque chaque été).
Ainsi, deux annonces ressorties ces jours-ci nous rappellent que l'histoire se cache parfois derrière des portes fermées. La redécouverte d'un appartement condamné depuis 2010 a permis d'exhumer les vestiges d'une existence interrompue par la Seconde Guerre mondiale. Et c'est aussi la Seconde Guerre mondiale qui avait entraîné la fermeture d'une cuisine victorienne dans un manoir anglais, de nouveau mise au jour cette année.
Ceci me rappelle qu'à mes premiers jours au musée des sciences et de la technologie du Canada, on m'avait offert un assortiment de flacons pharmaceutiques du début du siècle dernier, retrouvés dans l'annexe longtemps condamnée d'une pharmacie de village (lors de la démolition?). Du coup, on se dit que pour chaque musée public, il doit exister des multiples fragments de musée éparpillés derrière qui sait combien de portes fermées...
Ainsi, deux annonces ressorties ces jours-ci nous rappellent que l'histoire se cache parfois derrière des portes fermées. La redécouverte d'un appartement condamné depuis 2010 a permis d'exhumer les vestiges d'une existence interrompue par la Seconde Guerre mondiale. Et c'est aussi la Seconde Guerre mondiale qui avait entraîné la fermeture d'une cuisine victorienne dans un manoir anglais, de nouveau mise au jour cette année.
Ceci me rappelle qu'à mes premiers jours au musée des sciences et de la technologie du Canada, on m'avait offert un assortiment de flacons pharmaceutiques du début du siècle dernier, retrouvés dans l'annexe longtemps condamnée d'une pharmacie de village (lors de la démolition?). Du coup, on se dit que pour chaque musée public, il doit exister des multiples fragments de musée éparpillés derrière qui sait combien de portes fermées...
Libellés : Histoire
2011-09-13
La nébuleuse du Lynx
Que de mots! Le nouveau roman de Louis Hamelin, La Constellation du lynx, a fait grand bruit quand il est sorti l'an dernier au Boréal. L'auteur ne promettait-il pas de révéler les dessous de la crise d'octobre 1970 au Québec et de proposer une relecture radicale de l'histoire? Le lecteur doit toutefois s'armer de patience puisque Hamelin en profite pour récapituler aussi des épisodes relativement connus (assez longuement) et mettre en scène sa propre enquête. Bref, il faut tourner beaucoup de pages pour tomber sur du neuf...
Faut-il classer cet ouvrage parmi les titres de la SFCF? Le fantôme de Paul Lavoie (l'équivalent de Pierre Laporte) intervient à quelques reprises, mais de telle manière que l'hésitation demeure quant au statut de cette manifestation, ce qui permettrait de ranger tout au moins ce texte dans la catégorie du fantastique todorovien. L'action se déroule au Québec et cite des personnages historiques comme René Lévesque, Pierre Trudeau, Pauline Julien et plusieurs autres. Elle fait aussi intervenir des personnages relativement reconnaissables qui portent un nom inventé et qui jouent, pour la plupart, les rôles qu'ils ont joué dans l'histoire connue. Les quelques écarts s'expliquent soit par les partis pris de l'auteur, soit par les versions contradictoires qui subsistent quant au déroulement des événements (en ce qui concerne la mort de Pierre Laporte, par exemple), soit par la thèse défendue in fine par l'ouvrage. Il ne s'agit donc pas d'une allégorie, comme dans Les Paradis de sable de Jean-Charles Harvey, ou d'une uchronie, mais d'un roman à clefs qui esquisse une timide histoire secrète présentée comme si c'était la vraie.
Hamelin ressuscite toute une époque d'une manière convaincante, du moins pour moi qui ne l'ai pas vraiment connue, même si je garde des souvenirs des années immédiatement postérieures. De ce point de vue, certaines scènes sont parfaitement réussies, même si je me demande ce que des lecteurs plus jeunes en retiendraient. D'autres scènes, plus proches de l'époque actuelle, sont moins convaincantes. La quête du narrateur prend le dessus sur un certain réalisme.(La nébuleuse planétaire Jones-Emberson 1 (PK164+31.1) dans la constellation du Lynx photographiée le 12 novembre 2009 avec un télescope d'amateur par Hewholooks)
Né en 1959, Hamelin est en quelque sorte le petit frère générationnel de ses personnages principaux. Il a pour eux beaucoup de sympathie — suffisamment en tout cas pour faire sienne l'hypothèse qu'une nébuleuse de militaires, de policiers, d'agents infiltrés, de provocateurs, d'informations et d'entremetteurs aux allégeances troubles broutant à tous les râteliers aurait tout fait pour faciliter la tâches des felquistes. Mais s'ils leur ont donné la corde pour se pendre, il fallait quand même trouver une poignée de naïfs et d'illuminés capables de s'en servir pour pendre autrui. Les personnages de Sam Nihilo, porte-parole de l'auteur, et de Chevalier Branlequeue, poète dans le genre de Gaston Miron, ont beau tenter de suggérer que le récit officiel de la crise d'octobre pourrait représenter un grand mensonge couvrant la plus grande manipulation politique de l'histoire canadienne (voire des annales mondiales, laisse échapper un obsédé particulièrement grandiloquent, il me semble), il convient de reconnaître qu'en définitive, les révélations promises se réduisent à un tissu de supputations dont la confirmation se trouverait fort commodément dans des archives secrètes et la mémoire faillible de personnes dont le rôle est demeuré ambigu jusqu'au bout. Quand il ne faudrait pas réussir à faire parler les morts...
Même si on fait abstraction des fondements de l'interprétation des événements proposée par Hamelin, il est permis de douter de l'importance qu'il accorde à l'incident. À l'en croire, cette manipulation aurait empêché quelque chose. Or, pour accepter la thèse d'une révolution manquée ou d'une indépendance retardée, il faudrait accepter une uchronie que Hamelin se refuse obstinément à esquisser. Il faudrait croire... quoi donc, au juste? Que tous les attentats et toutes les victimes des terroristes québécois depuis 1963 auraient été entièrement téléguidés par l'armée et la police? Ce que Hamelin ne s'aventure pas à soutenir, ce qui veut dire que si les militaires auraient poussé le FLQ dans le dos pour lui faire sauter le pas en 1970, les factions armées de l'indépendantisme resteraient responsables de leurs crimes antérieurs.
Alors, il faudrait croire... quoi encore? Que le mouvement indépendantiste se serait mieux porté si son armée de l'ombre avait continué à donner dans le vandalisme et le banditisme dans l'éventualité où des agents de l'ombre n'auraient pas joué la provocation ? Que la lutte armée aurait mené à l'indépendance du Québec ?
À moins que Hamelin veuille suggérer que le FLQ serait allé jusqu'au bout de certaines de ses intentions, même sans être poussé dans la voie la plus aventureuse ou la plus extrême par des agents doubles. Auquel cas, il faudrait croire... quoi? Que le PQ aurait obtenu plus de voix ou aurait été carrément élu en 1973 si le FLQ avait pu procéder à l'enlèvement et à l'exécution au besoin de diplomates britanniques et américains, en échappant à toute forme de surveillance policière? Que le référendum de 1980— ou d'une date plus rapprochée encore de 1970 — aurait été gagné si le PQ était apparu comme l'équivalent du Sinn Féin ou de Herri Batasuna, le prolongement présentable d'une armée secrète toujours active parce qu'elle n'aurait pas reçu un coup fatal en 1970 ? Ce sont des scénarios qu'il suffit d'énoncer pour douter de leur vraisemblance. S'il y a eu manipulation, elle aurait très bien pu rendre service à l'indépendantisme québécois en fin de compte en éliminant le boulet qu'était devenue sa branche armée.
Dans l'histoire du Québec, la ferveur indépendantiste se nourrit souvent des espoirs déçus. En 1995, les premières heures du dépouillement du vote ont pu laisser croire à certains que la victoire était dans le sac, d'où l'acharnement à croire qu'elle a été volée. En 1970, la sympathie acquise par le FLQ après l'enlèvement de Cross et l'enthousiasme entendu dans l'aréna Paul-Sauvé laissent croire à certains que le peuple aurait pu être mobilisé pour de bon s'il n'y avait pas eu ensuite l'enlèvement et l'assassinat d'un politicien québécois, revendiqué comme une exécution par le FLQ lui-même. Ce qui oblige Hamelin à monter tout un échafaudage pour disculper les felquistes, au moins moralement, même si ceux-ci ont toujours assumé la responsabilité morale de la mort de Pierre Laporte, justement.
L'intervention de l'armée, de la GRC ou de la CIA (voire du MI-6 et du Mossad, que l'auteur invite aussi dans la danse) n'avait pas été nécessaire pour que les actions antérieures des groupuscules indépendantistes entraînent la mort de cinq personnes (moins connues que Pierre Laporte et presque oubliées) et fassent plus de trente blessés (entièrement oubliés). En fait, qu'est-ce que la mort de Pierre Laporte est censé avoir eu comme conséquence, à part le nom d'un pont sur le Saint-Laurent? A-t-elle porté le coup de grâce au FLQ? Peut-être, mais pas immédiatement puisqu'il a continué de sévir jusqu'en 1971, s'essayant même à une véritable opération de guérilla urbaine à Saint-Henri-de-Mascouche en septembre pour mettre la main sur l'argent de la banque, ce qui avait coûté la vie d'un étudiant de vingt ans, Pierre-Louis Bourret. Pour Hamelin, la police savait et elle est donc responsable, un syllogisme à tout le moins douteux qui enlèverait toute imputabilité aux véritables acteurs.
La mort de Laporte a-t-elle déconsidéré à jamais le PQ? Si peu : aux élections suivantes, il augmentait sa part des suffrages et il se faisait élire en 1976. Six ans et moins d'un mois après la mort de Laporte...
En fait, si la mort de Laporte a desservi la cause indépendantiste, l'invocation de la loi des mesures de guerre a fait au moins autant de mal à la cause fédéraliste. Si le complot de barbouzes postulé par Hamelin avait tout prévu, on se demande bien pourquoi les conspirateurs auraient eu besoin de pousser leurs maîtres politiques à autoriser une grande rafle fondée en partie sur des listes de sympathisants communistes et d'indépendantistes de presque toutes les tendances — sauf la plus violente?
Bien entendu, l'idiotie des felquistes qui croyaient faire avancer la cause par des bombes, des enlèvements et des morts n'exclut pas l'idiotie des autres. Mais l'aveuglement des policiers et militaires canadiens dans le cas de cette rafle est difficilement réconciliable avec le degré d'infiltration supposé par Hamelin. S'il y a eu manipulation, elle servait plutôt les intérêts immédiats des manipulateurs, et non ceux de leurs maîtres politiques. Du coup, l'adage d'Upton Sinclair pourrait s'appliquer : « It is difficult to get a man to understand something, when his salary depends upon his not understanding it! » Hamelin laisse entendre que les marionettistes dans les coulisses auraient agi sciemment et malhonnêtement — ce n'est sans doute pas par hasard que les délires de la conspiration touchent souvent des poètes et des écrivains qui n'ont jamais essayé d'organiser quelque chose de plus compliqué qu'un lancement de livre (avec l'aide d'une attachée de presse)... En fait, Hamelin néglige une autre interprétation : celle de la sincérité intéressée. Felquistes et barbouzes auraient alors été des alliés objectifs qui auraient été les premiers surpris de se faire dire qu'ils collaboraient main dans la main.
Quant au reste, le roman est assez inégal. Pour un certain nombre d'excellentes scènes, on en compte aussi qui ne vont nulle part, avec ou sans style, et les rebondissements de l'investigation par Sam Nihilo semblent souvent plaqués sans grande conviction sur le récit pseudo-historique. Les abondantes recherches de l'auteur n'excluent pas les erreurs. Quand il évoque la loi des mesures de guerre, Hamelin parle d'une vieille loi alors qu'en 1970, elle avait cinquante-six ans et qu'elle avait été invoquée en 1941, moins de trente ans plus tôt. Alors qu'il évoque des événements d'il y a quarante ans, ceux-ci peuvent sembler presque aussi anciens — et donc aussi surannés que la loi en cause est censée l'être... En chemin, Hamelin signe aussi quelques bourdes parfois ahurissantes. Non, lynx en latin ne se dit pas lynz (p. 186). Non, les Grecs n'emploient pas l'alphabet cyrillique pour écrire (p. 409). Et je doute fort que la compagnie Air Transat ait pu noliser une Caravelle au tournant du vingt-et-unième siècle (p. 498).
Bref, il s'agit d'un roman qui restitue les zones d'ombre et les ambiguïtés d'octobre 1970. La thèse plus ou moins explicite de Hamelin convainc peu : elle tient trop de l'apologie pro domo. Mais l'impression demeure que pas grand-monde avait les mains nettes dans l'affaire, ce qui était déjà ressorti assez clairement en 1979. L'indulgence dont ont bénéficié les felquistes s'expliquent ainsi, et non seulement par des raisons de basse politique. Ce qui n'empêchera pas les esprits pondérés de considérer que la fin du FLQ a été salutaire pour la vie politique au Canada.
Faut-il classer cet ouvrage parmi les titres de la SFCF? Le fantôme de Paul Lavoie (l'équivalent de Pierre Laporte) intervient à quelques reprises, mais de telle manière que l'hésitation demeure quant au statut de cette manifestation, ce qui permettrait de ranger tout au moins ce texte dans la catégorie du fantastique todorovien. L'action se déroule au Québec et cite des personnages historiques comme René Lévesque, Pierre Trudeau, Pauline Julien et plusieurs autres. Elle fait aussi intervenir des personnages relativement reconnaissables qui portent un nom inventé et qui jouent, pour la plupart, les rôles qu'ils ont joué dans l'histoire connue. Les quelques écarts s'expliquent soit par les partis pris de l'auteur, soit par les versions contradictoires qui subsistent quant au déroulement des événements (en ce qui concerne la mort de Pierre Laporte, par exemple), soit par la thèse défendue in fine par l'ouvrage. Il ne s'agit donc pas d'une allégorie, comme dans Les Paradis de sable de Jean-Charles Harvey, ou d'une uchronie, mais d'un roman à clefs qui esquisse une timide histoire secrète présentée comme si c'était la vraie.
Hamelin ressuscite toute une époque d'une manière convaincante, du moins pour moi qui ne l'ai pas vraiment connue, même si je garde des souvenirs des années immédiatement postérieures. De ce point de vue, certaines scènes sont parfaitement réussies, même si je me demande ce que des lecteurs plus jeunes en retiendraient. D'autres scènes, plus proches de l'époque actuelle, sont moins convaincantes. La quête du narrateur prend le dessus sur un certain réalisme.(La nébuleuse planétaire Jones-Emberson 1 (PK164+31.1) dans la constellation du Lynx photographiée le 12 novembre 2009 avec un télescope d'amateur par Hewholooks)
Né en 1959, Hamelin est en quelque sorte le petit frère générationnel de ses personnages principaux. Il a pour eux beaucoup de sympathie — suffisamment en tout cas pour faire sienne l'hypothèse qu'une nébuleuse de militaires, de policiers, d'agents infiltrés, de provocateurs, d'informations et d'entremetteurs aux allégeances troubles broutant à tous les râteliers aurait tout fait pour faciliter la tâches des felquistes. Mais s'ils leur ont donné la corde pour se pendre, il fallait quand même trouver une poignée de naïfs et d'illuminés capables de s'en servir pour pendre autrui. Les personnages de Sam Nihilo, porte-parole de l'auteur, et de Chevalier Branlequeue, poète dans le genre de Gaston Miron, ont beau tenter de suggérer que le récit officiel de la crise d'octobre pourrait représenter un grand mensonge couvrant la plus grande manipulation politique de l'histoire canadienne (voire des annales mondiales, laisse échapper un obsédé particulièrement grandiloquent, il me semble), il convient de reconnaître qu'en définitive, les révélations promises se réduisent à un tissu de supputations dont la confirmation se trouverait fort commodément dans des archives secrètes et la mémoire faillible de personnes dont le rôle est demeuré ambigu jusqu'au bout. Quand il ne faudrait pas réussir à faire parler les morts...
Même si on fait abstraction des fondements de l'interprétation des événements proposée par Hamelin, il est permis de douter de l'importance qu'il accorde à l'incident. À l'en croire, cette manipulation aurait empêché quelque chose. Or, pour accepter la thèse d'une révolution manquée ou d'une indépendance retardée, il faudrait accepter une uchronie que Hamelin se refuse obstinément à esquisser. Il faudrait croire... quoi donc, au juste? Que tous les attentats et toutes les victimes des terroristes québécois depuis 1963 auraient été entièrement téléguidés par l'armée et la police? Ce que Hamelin ne s'aventure pas à soutenir, ce qui veut dire que si les militaires auraient poussé le FLQ dans le dos pour lui faire sauter le pas en 1970, les factions armées de l'indépendantisme resteraient responsables de leurs crimes antérieurs.
Alors, il faudrait croire... quoi encore? Que le mouvement indépendantiste se serait mieux porté si son armée de l'ombre avait continué à donner dans le vandalisme et le banditisme dans l'éventualité où des agents de l'ombre n'auraient pas joué la provocation ? Que la lutte armée aurait mené à l'indépendance du Québec ?
À moins que Hamelin veuille suggérer que le FLQ serait allé jusqu'au bout de certaines de ses intentions, même sans être poussé dans la voie la plus aventureuse ou la plus extrême par des agents doubles. Auquel cas, il faudrait croire... quoi? Que le PQ aurait obtenu plus de voix ou aurait été carrément élu en 1973 si le FLQ avait pu procéder à l'enlèvement et à l'exécution au besoin de diplomates britanniques et américains, en échappant à toute forme de surveillance policière? Que le référendum de 1980— ou d'une date plus rapprochée encore de 1970 — aurait été gagné si le PQ était apparu comme l'équivalent du Sinn Féin ou de Herri Batasuna, le prolongement présentable d'une armée secrète toujours active parce qu'elle n'aurait pas reçu un coup fatal en 1970 ? Ce sont des scénarios qu'il suffit d'énoncer pour douter de leur vraisemblance. S'il y a eu manipulation, elle aurait très bien pu rendre service à l'indépendantisme québécois en fin de compte en éliminant le boulet qu'était devenue sa branche armée.
Dans l'histoire du Québec, la ferveur indépendantiste se nourrit souvent des espoirs déçus. En 1995, les premières heures du dépouillement du vote ont pu laisser croire à certains que la victoire était dans le sac, d'où l'acharnement à croire qu'elle a été volée. En 1970, la sympathie acquise par le FLQ après l'enlèvement de Cross et l'enthousiasme entendu dans l'aréna Paul-Sauvé laissent croire à certains que le peuple aurait pu être mobilisé pour de bon s'il n'y avait pas eu ensuite l'enlèvement et l'assassinat d'un politicien québécois, revendiqué comme une exécution par le FLQ lui-même. Ce qui oblige Hamelin à monter tout un échafaudage pour disculper les felquistes, au moins moralement, même si ceux-ci ont toujours assumé la responsabilité morale de la mort de Pierre Laporte, justement.
L'intervention de l'armée, de la GRC ou de la CIA (voire du MI-6 et du Mossad, que l'auteur invite aussi dans la danse) n'avait pas été nécessaire pour que les actions antérieures des groupuscules indépendantistes entraînent la mort de cinq personnes (moins connues que Pierre Laporte et presque oubliées) et fassent plus de trente blessés (entièrement oubliés). En fait, qu'est-ce que la mort de Pierre Laporte est censé avoir eu comme conséquence, à part le nom d'un pont sur le Saint-Laurent? A-t-elle porté le coup de grâce au FLQ? Peut-être, mais pas immédiatement puisqu'il a continué de sévir jusqu'en 1971, s'essayant même à une véritable opération de guérilla urbaine à Saint-Henri-de-Mascouche en septembre pour mettre la main sur l'argent de la banque, ce qui avait coûté la vie d'un étudiant de vingt ans, Pierre-Louis Bourret. Pour Hamelin, la police savait et elle est donc responsable, un syllogisme à tout le moins douteux qui enlèverait toute imputabilité aux véritables acteurs.
La mort de Laporte a-t-elle déconsidéré à jamais le PQ? Si peu : aux élections suivantes, il augmentait sa part des suffrages et il se faisait élire en 1976. Six ans et moins d'un mois après la mort de Laporte...
En fait, si la mort de Laporte a desservi la cause indépendantiste, l'invocation de la loi des mesures de guerre a fait au moins autant de mal à la cause fédéraliste. Si le complot de barbouzes postulé par Hamelin avait tout prévu, on se demande bien pourquoi les conspirateurs auraient eu besoin de pousser leurs maîtres politiques à autoriser une grande rafle fondée en partie sur des listes de sympathisants communistes et d'indépendantistes de presque toutes les tendances — sauf la plus violente?
Bien entendu, l'idiotie des felquistes qui croyaient faire avancer la cause par des bombes, des enlèvements et des morts n'exclut pas l'idiotie des autres. Mais l'aveuglement des policiers et militaires canadiens dans le cas de cette rafle est difficilement réconciliable avec le degré d'infiltration supposé par Hamelin. S'il y a eu manipulation, elle servait plutôt les intérêts immédiats des manipulateurs, et non ceux de leurs maîtres politiques. Du coup, l'adage d'Upton Sinclair pourrait s'appliquer : « It is difficult to get a man to understand something, when his salary depends upon his not understanding it! » Hamelin laisse entendre que les marionettistes dans les coulisses auraient agi sciemment et malhonnêtement — ce n'est sans doute pas par hasard que les délires de la conspiration touchent souvent des poètes et des écrivains qui n'ont jamais essayé d'organiser quelque chose de plus compliqué qu'un lancement de livre (avec l'aide d'une attachée de presse)... En fait, Hamelin néglige une autre interprétation : celle de la sincérité intéressée. Felquistes et barbouzes auraient alors été des alliés objectifs qui auraient été les premiers surpris de se faire dire qu'ils collaboraient main dans la main.
Quant au reste, le roman est assez inégal. Pour un certain nombre d'excellentes scènes, on en compte aussi qui ne vont nulle part, avec ou sans style, et les rebondissements de l'investigation par Sam Nihilo semblent souvent plaqués sans grande conviction sur le récit pseudo-historique. Les abondantes recherches de l'auteur n'excluent pas les erreurs. Quand il évoque la loi des mesures de guerre, Hamelin parle d'une vieille loi alors qu'en 1970, elle avait cinquante-six ans et qu'elle avait été invoquée en 1941, moins de trente ans plus tôt. Alors qu'il évoque des événements d'il y a quarante ans, ceux-ci peuvent sembler presque aussi anciens — et donc aussi surannés que la loi en cause est censée l'être... En chemin, Hamelin signe aussi quelques bourdes parfois ahurissantes. Non, lynx en latin ne se dit pas lynz (p. 186). Non, les Grecs n'emploient pas l'alphabet cyrillique pour écrire (p. 409). Et je doute fort que la compagnie Air Transat ait pu noliser une Caravelle au tournant du vingt-et-unième siècle (p. 498).
Bref, il s'agit d'un roman qui restitue les zones d'ombre et les ambiguïtés d'octobre 1970. La thèse plus ou moins explicite de Hamelin convainc peu : elle tient trop de l'apologie pro domo. Mais l'impression demeure que pas grand-monde avait les mains nettes dans l'affaire, ce qui était déjà ressorti assez clairement en 1979. L'indulgence dont ont bénéficié les felquistes s'expliquent ainsi, et non seulement par des raisons de basse politique. Ce qui n'empêchera pas les esprits pondérés de considérer que la fin du FLQ a été salutaire pour la vie politique au Canada.
2011-09-07
Le passé et le futur de l'édition ?
Je m'en voudrais de ne pas souligner la réussite de la souscription des éditions Les Six Brumes pour le roman de science-fiction québécoise Noir Azur de Dave Côté. Il s'agit d'une stratégie qui renoue avec un procédé ancien, usité aux dix-septième et dix-huitième siècles, et peut-être avant. Comme il est devenu plus facile de financer l'édition d'un livre par souscription qu'en le vendant par les canaux de la distribution conventionnelle, c'est une stratégie qui est sans doute appelée à devenir plus populaire encore, surtout quand un éditeur peut compter sur un bassin de lecteurs potentiels. Dans le cas de Dave Côté, celui-ci avait l'avantage de s'être fait connaître de ces lecteurs potentiels en signant des nouvelles percutantes dans Solaris et dans Brins d'éternité. C'est en partie sur la foi de ces textes que j'ai souscrit. Les Six Brumes ont offert la flexibilité nécessaire pour rejoindre des acheteurs qui ne disposaient (pas encore?) de tous les moyens de paiement possibles. Du coup, je ne suis pas surpris du succès de la tentative, même si la création d'une page Facebook râtissait peut-être un peu large...
En attendant, il semble clair qu'une écologie de la SFCF se met en place, qui permet aux auteurs de se lancer dans les revues pour ensuite faire leurs premiers pas chez un éditeur comme Les Six Brumes. Ceci rend toute leur pertinence aux revues comme Solaris, qui avaient perdu du terrain comme marchepied littéraire depuis la disparition presque complète du recueil de nouvelles comme produit d'édition. Mais Dave Côté a fait le saut en signant un roman, pas un recueil. Comme quoi la question de la place des nouvelles dans cette écologie de la SFCF va demeurer en suspens...
En attendant, il semble clair qu'une écologie de la SFCF se met en place, qui permet aux auteurs de se lancer dans les revues pour ensuite faire leurs premiers pas chez un éditeur comme Les Six Brumes. Ceci rend toute leur pertinence aux revues comme Solaris, qui avaient perdu du terrain comme marchepied littéraire depuis la disparition presque complète du recueil de nouvelles comme produit d'édition. Mais Dave Côté a fait le saut en signant un roman, pas un recueil. Comme quoi la question de la place des nouvelles dans cette écologie de la SFCF va demeurer en suspens...
Libellés : Québec, Science-fiction
2011-09-04
Il pleuvait et...
L'accordéon pleurait en grinçant aigrement
ses tons vrillant l'air frais de la soirée humide
sa complainte attisant, pour une nuit torride,
l'amour des cœurs lacérés par son raclement
Qui s'effleuraient de près, en s'aimant simplement
et disant des mots vrais, toujours verts et sans ride,
tracés ni à la craie, ni d'une main rapide,
car prononcés pour durer éternellement
L'accordéon veillait sur un nid de tendresse,
sous les chevrons, il n'y a pas meilleure adresse :
plus qu'un toit entre les amoureux et le ciel
L'accordéon se tait et la douceur si douce
du plaisir partagé sous la pluie qui martèle
les comble d'un bonheur qui jamais ne s'émousse
ses tons vrillant l'air frais de la soirée humide
sa complainte attisant, pour une nuit torride,
l'amour des cœurs lacérés par son raclement
Qui s'effleuraient de près, en s'aimant simplement
et disant des mots vrais, toujours verts et sans ride,
tracés ni à la craie, ni d'une main rapide,
car prononcés pour durer éternellement
L'accordéon veillait sur un nid de tendresse,
sous les chevrons, il n'y a pas meilleure adresse :
plus qu'un toit entre les amoureux et le ciel
L'accordéon se tait et la douceur si douce
du plaisir partagé sous la pluie qui martèle
les comble d'un bonheur qui jamais ne s'émousse
Libellés : Poème
2011-09-01
La science-fiction racontée aux enfants
Sur la recommandation d'un ami, je suis allé feuilleter une version sf d'un célèbre album illustré pour mettre les petits enfants au lit, Goodnight Moon (1947). La version en question s'inspirait de l'une des cinq couvertures de livres pour enfants créées en imaginant des adaptations enfantines du nombre correspondant d'ouvrages phares de la science-fiction (surtout à la télé ou au cinéma). Outre le ré-emploi de grands récits de la science-fiction, il y avait des allusions à des ouvrages connus de la littérature enfantine anglo-américaine.
Une certaine Julia Yu a développé l'idée initiale pour accoucher d'un album complet faisant de Goodnight Moon un livre pour enfants qu'on pourrait retrouver sur Arrakis ou Caladan, bref, sur Dune. Ainsi Goodnight Dune fait intervenir un certain nombre d'éléments de l'univers de Frank Herbert. Est-ce entièrement légal? Peut-être pas, mais en attendant d'acquérir une certitude qui se révélera peut-être bien fâcheuse, le plus simple, c'est encore d'aller feuilleter la version de Julia Yu en faisant attention à tous les petits détails qui font partie des illustrations...
Une certaine Julia Yu a développé l'idée initiale pour accoucher d'un album complet faisant de Goodnight Moon un livre pour enfants qu'on pourrait retrouver sur Arrakis ou Caladan, bref, sur Dune. Ainsi Goodnight Dune fait intervenir un certain nombre d'éléments de l'univers de Frank Herbert. Est-ce entièrement légal? Peut-être pas, mais en attendant d'acquérir une certitude qui se révélera peut-être bien fâcheuse, le plus simple, c'est encore d'aller feuilleter la version de Julia Yu en faisant attention à tous les petits détails qui font partie des illustrations...
Libellés : Science-fiction