2019-09-22
Comment combiner créativité et loisirs de l'imaginaire
La classe de maître que j'offre la fin de semaine des 5-6 octobre prochains permettra de combiner un apprentissage de la créativité en science-fiction et de profiter des activités de loisirs que la région de Québec offre en même temps dans les genres de l'imaginaire.
Ainsi, le 5 octobre, le Patro de Lévis invite les amateurs de frissons à une soirée de film horrifiants. Du 4 au 6 octobre, le centre-ville de Québec accueille un nouveau festival, les Sorcelleries de Québec, pour toute la famille. À deux pas de la Maison de la littérature, les amateurs pourront participer à un bal costumé au Château Frontenac. En journée, on pourra aussi se rendre au parc de l'Esplanade.
Au programme de ma classe de maître, il y aura deux grands axes. La construction d'une intrigue et la recherche d'idées nouvelles. La science-fiction peut très bien accueillir des histoires palpitantes qui se contentent de faire du neuf avec du vieux : par exemple, le roman primé aux Prix Hugo de cette année, Calculating Stars de Mary Robinette Kowal, réécrit la course à l'espace dans un contexte uchronique où la côte Est des États-Unis a été frappée par un petit astéroïde, provoquant le débat d'un réchauffement planétaire dont l'emballement serait plus rapide et plus inquiétant que même celui qui nous pend au bout du nez. Quitter le sol terrestre et viser un alunissage, c'est désormais une partie de l'histoire du vingtième siècle. Pour renouveler le sujet, Kowal imagine que des femmes luttent pour devenir astronautes bien plus rapidement que dans notre réalité (même s'il y a bel et bien eu des femmes qui ont fait des pieds et des mains pour être enrôlées dans le programme Apollo). Le tout se lit d'une traite et représente un modèle de construction d'intrigue, car les péripéties s'enchaînent avec rigueur et même les sous-intrigues découlent des prémisses du roman.
Même si elle réécrit une histoire familière, Kowal a eu l'idée d'une uchronie inédite. Elle reste un peu vague sur l'origine de l'idée, toutefois. En revanche, dans le cas de la série Fondation d'Asimov, l'auteur a expliqué qu'il avait puisé l'idée de départ dans sa lecture de l'ouvrage célèbre d'Edward Gibbon, The History of the Decline and Fall of the Roman Empire (1776-1788). Comme quoi un ouvrage ancien peut inspirer une vision futuriste. Dans un roman comme Blindsight de Peter Watts, l'auteur exploite des idées inspirées par ses connaissances en biologie pour imaginer une espèce humaine inédite et une espèce extraterrestre originale. La situation de base, qui est celle d'un premier contact entre l'humanité et des visiteurs extraterrestres, n'est pas neuve en soi, mais Watts renouvelle le récit qui en résulte parce que les acteurs de cette rencontre se démarquent de leurs prédécesseurs dans le genre.
Ces trois cas nous fourniront donc trois pistes pour comprendre la genèse des idées originales en science-fiction...
Ainsi, le 5 octobre, le Patro de Lévis invite les amateurs de frissons à une soirée de film horrifiants. Du 4 au 6 octobre, le centre-ville de Québec accueille un nouveau festival, les Sorcelleries de Québec, pour toute la famille. À deux pas de la Maison de la littérature, les amateurs pourront participer à un bal costumé au Château Frontenac. En journée, on pourra aussi se rendre au parc de l'Esplanade.
Au programme de ma classe de maître, il y aura deux grands axes. La construction d'une intrigue et la recherche d'idées nouvelles. La science-fiction peut très bien accueillir des histoires palpitantes qui se contentent de faire du neuf avec du vieux : par exemple, le roman primé aux Prix Hugo de cette année, Calculating Stars de Mary Robinette Kowal, réécrit la course à l'espace dans un contexte uchronique où la côte Est des États-Unis a été frappée par un petit astéroïde, provoquant le débat d'un réchauffement planétaire dont l'emballement serait plus rapide et plus inquiétant que même celui qui nous pend au bout du nez. Quitter le sol terrestre et viser un alunissage, c'est désormais une partie de l'histoire du vingtième siècle. Pour renouveler le sujet, Kowal imagine que des femmes luttent pour devenir astronautes bien plus rapidement que dans notre réalité (même s'il y a bel et bien eu des femmes qui ont fait des pieds et des mains pour être enrôlées dans le programme Apollo). Le tout se lit d'une traite et représente un modèle de construction d'intrigue, car les péripéties s'enchaînent avec rigueur et même les sous-intrigues découlent des prémisses du roman.
Même si elle réécrit une histoire familière, Kowal a eu l'idée d'une uchronie inédite. Elle reste un peu vague sur l'origine de l'idée, toutefois. En revanche, dans le cas de la série Fondation d'Asimov, l'auteur a expliqué qu'il avait puisé l'idée de départ dans sa lecture de l'ouvrage célèbre d'Edward Gibbon, The History of the Decline and Fall of the Roman Empire (1776-1788). Comme quoi un ouvrage ancien peut inspirer une vision futuriste. Dans un roman comme Blindsight de Peter Watts, l'auteur exploite des idées inspirées par ses connaissances en biologie pour imaginer une espèce humaine inédite et une espèce extraterrestre originale. La situation de base, qui est celle d'un premier contact entre l'humanité et des visiteurs extraterrestres, n'est pas neuve en soi, mais Watts renouvelle le récit qui en résulte parce que les acteurs de cette rencontre se démarquent de leurs prédécesseurs dans le genre.
Ces trois cas nous fourniront donc trois pistes pour comprendre la genèse des idées originales en science-fiction...
Libellés : Écriture, Science-fiction
2019-09-21
Classe de maître (5-6 octobre) : Horaire préliminaire
Encore aujourd'hui, les auteurs de science-fiction se font parfois poser la question de la genèse ou de l'origine de leurs idées. Où les trouvent-ils? Comment les transforment-ils en histoire? De nos jours, l'art de raconter une histoire est connu de tous, ou devrait l'être. Les sources ne manquent pas, en tout cas. Il est certes possible de perfectionner cet art tout au long d'une carrière littéraire, mais ce n'est pas si difficile de mettre le pied à l'étrier. Beaucoup d'auteurs s'arrêtent d'écrire après avoir signé un livre ou deux, soit parce qu'ils avaient couché sur papier tout ce qu'ils avaient à dire, soit parce qu'ils se rendent compte que le véritable défi, c'est de trouver des idées.
De fait, à en juger par la production hollywoodienne, le problème n'est pas limité aux écrivains. Évidemment, quand un film coûte des millions de dollars, il est tentant de recycler des idées familières ou de prolonger ad infinitum les aventures de personnages déjà connus du public. Proposer du neuf, c'est risqué.
En science-fiction, il existe plusieurs sources d'idées. D'abord, il est parfaitement possible de s'inspirer de ce qui a déjà été fait, de combiner des histoires distinctes (le principe du mash-up) et d'introduire des variantes pour créer quelque chose d'inédit. Selon un principe similaire, la transposition est un procédé valable : à certains égards, la série Babylon 5 transposait le Seigneur des anneaux dans un cadre science-fictif tout comme Isaac Asimov avait transféré dans Caves of Steel les bases d'une histoire de détective dans un futur science-fictif. La science-fiction classique appliquait aussi le procédé de l'extrapolation (« Et si...») qui consiste à extrapoler, de manière plus ou moins déductive, les conséquences d'une nouveauté (scientifique, technique, sociale, politique) dans un cadre familier. La nature de ce novum varie, car il peut s'agir d'une inspiration spontanée ou d'un emprunt à des innovations techniques ou découvertes scientifiques récentes.
L'idéation en science-fiction est parfois dépréciée. En apparence, il n'est pas si difficile de générer des idées ou des canevas initiaux pour des histoires plus ou moins longues, comme le faisait la personne responsable de ce Tumblr apparemment arrêté en 2014. Les idées sont partout, mais l'écrivain de science-fiction doit (i) les trouver suffisamment intéressantes pour commencer et terminer une histoire, (ii) les rendre intéressantes pour ses lecteurs, et (iii) savoir comment les intégrer à l'histoire pour que la résolution de l'intrigue en dépende ainsi que le sort des personnages.
Si le thème de cette classe de maître est l'idéation, elle ne se limitera pas à la recherche d'idées, car la manière de les exploiter compte aussi. Voici l'horaire préliminaire :
Horaire préliminaire
(i) samedi matin (10 h – 12 h) : conférence de l’auteur sur l’idéation en science-fiction en prenant des exemples connus, récents et moins récents;
(ii) samedi après-midi (13 h – 14 h 55) : exercice d’idéation à partir de contraintes tirées au hasard (technologies actuelles ou proches) dans la veine de la série Black Mirror
(iii) samedi après-midi (15 h 05 – 17 h) : partage des ébauches et tours de table
(iv) dimanche matin (10 h – 12 h) : conférence de l’auteur sur l’idéation en science-fiction en prenant des exemples dans ses propres textes, publiés ou en cours d’écriture, ainsi que dans des problématiques techno-scientifiques des sociétés actuelles
(v) dimanche après-midi (13 h – 14 h 25) : exercice d’idéation à partir de thèmes généraux plus ou moins familiers (dystopie, post-apocalyptique, exploration spatiale, invasion extraterrestre) en imposant comme condition de les renouveler
(vi) dimanche après-midi (14 h 35 – 16 h) : partage des ébauches et tours de table
(vii) dimanche après-midi (16 h – 17 h) : conclusion générale sur l'écriture d'histoires
De fait, à en juger par la production hollywoodienne, le problème n'est pas limité aux écrivains. Évidemment, quand un film coûte des millions de dollars, il est tentant de recycler des idées familières ou de prolonger ad infinitum les aventures de personnages déjà connus du public. Proposer du neuf, c'est risqué.
En science-fiction, il existe plusieurs sources d'idées. D'abord, il est parfaitement possible de s'inspirer de ce qui a déjà été fait, de combiner des histoires distinctes (le principe du mash-up) et d'introduire des variantes pour créer quelque chose d'inédit. Selon un principe similaire, la transposition est un procédé valable : à certains égards, la série Babylon 5 transposait le Seigneur des anneaux dans un cadre science-fictif tout comme Isaac Asimov avait transféré dans Caves of Steel les bases d'une histoire de détective dans un futur science-fictif. La science-fiction classique appliquait aussi le procédé de l'extrapolation (« Et si...») qui consiste à extrapoler, de manière plus ou moins déductive, les conséquences d'une nouveauté (scientifique, technique, sociale, politique) dans un cadre familier. La nature de ce novum varie, car il peut s'agir d'une inspiration spontanée ou d'un emprunt à des innovations techniques ou découvertes scientifiques récentes.
L'idéation en science-fiction est parfois dépréciée. En apparence, il n'est pas si difficile de générer des idées ou des canevas initiaux pour des histoires plus ou moins longues, comme le faisait la personne responsable de ce Tumblr apparemment arrêté en 2014. Les idées sont partout, mais l'écrivain de science-fiction doit (i) les trouver suffisamment intéressantes pour commencer et terminer une histoire, (ii) les rendre intéressantes pour ses lecteurs, et (iii) savoir comment les intégrer à l'histoire pour que la résolution de l'intrigue en dépende ainsi que le sort des personnages.
Si le thème de cette classe de maître est l'idéation, elle ne se limitera pas à la recherche d'idées, car la manière de les exploiter compte aussi. Voici l'horaire préliminaire :
Horaire préliminaire
(i) samedi matin (10 h – 12 h) : conférence de l’auteur sur l’idéation en science-fiction en prenant des exemples connus, récents et moins récents;
(ii) samedi après-midi (13 h – 14 h 55) : exercice d’idéation à partir de contraintes tirées au hasard (technologies actuelles ou proches) dans la veine de la série Black Mirror
(iii) samedi après-midi (15 h 05 – 17 h) : partage des ébauches et tours de table
(iv) dimanche matin (10 h – 12 h) : conférence de l’auteur sur l’idéation en science-fiction en prenant des exemples dans ses propres textes, publiés ou en cours d’écriture, ainsi que dans des problématiques techno-scientifiques des sociétés actuelles
(v) dimanche après-midi (13 h – 14 h 25) : exercice d’idéation à partir de thèmes généraux plus ou moins familiers (dystopie, post-apocalyptique, exploration spatiale, invasion extraterrestre) en imposant comme condition de les renouveler
(vi) dimanche après-midi (14 h 35 – 16 h) : partage des ébauches et tours de table
(vii) dimanche après-midi (16 h – 17 h) : conclusion générale sur l'écriture d'histoires
Libellés : Écriture, Science-fiction
2019-09-20
Les changements climatiques, le mur de Trump et le Brexit
Au lieu de faire grève pour le climat, je vais signer un billet de blogue. Je m'intéresse au sujet des changements climatiques depuis si longtemps que j'utilise encore « Effet de serre » comme libellé de mes billets correspondants... J'assume mon âge et je marcherai la semaine prochaine à Québec, mais je crains que le futur que l'on veut éviter ne soit plus si lointain.
Même si le mur de Trump à la frontière sud des États-Unis tient du bluff et du prétexte électoraliste, faut-il croire pour autant que tous les électeurs de Trump n'étaient motivés que par la xénophobie et le racisme ? La France a exporté avec un certain succès la théorie du grand remplacement remise au goût du jour par Renaud Camus et l'idée a trouvé des adhérents aux États-Unis. Même si elle profite d'une répugnance viscérale à l'arrivée de personnes d'autres origines chez certains blancs, elle bénéficie aussi d'autres discours. Depuis le temps que les climatologues lancent des avertissements au sujet des réfugiés climatiques, faut-il s'étonner que même les indécis ou les climato-sceptiques qui ne croient pas à la contribution humaine au réchauffement aient intégré que les changements climatiques chasseraient des milliers de personnes de chez eux ? Voire des millions ?
En Amérique centrale, la croissance démographique fait partie du problème. Entre 1988 et 2018, la population des États-Unis a augmenté de 33%, celle du Canada de 37%, celle du Mexique de 54% et celle de l'Amérique centrale de 71%. Ou pour le dire autrement, la population du Canada était de 27 millions de personnes en 1988 et celle de l'Amérique centrale de 28 millions, soit presque la même. L'an dernier, la population du Canada atteignait 37 millions de personnes, mais celle de l'Amérique centrale était passée à 48 millions de personnes.
Comme les changements climatiques compliquent l'agriculture de subsistance et l'agriculture commerciale (du café, par exemple), la Banque mondiale évalue que le nombre de migrants climatiques en provenance de l'Amérique centrale pourrait atteindre les 2 à 4 millions de personnes d'ici 2050. Il s'agirait d'un chiffre en soi majeur : ce serait dans le pire des scénarios l'équivalent des réfugiés et migrants qui ont quitté le Vénézuela ces dernières années. Et ce ne serait qu'une part des réfugiés climatiques originaires d'autres régions des Amériques ou du monde.
Tandis que les experts se demandent s'il faudrait traiter les réfugiés climatiques comme des réfugiés politiques et si les mesures humanitaires habituelles, qui présupposent un retour éventuel dans le pays d'origine quand une crise s'apaise, seraient adaptées aux migrations climatiques, les électeurs de Trump se sont opposés à une immigration massive appréhendée... même si, dans les faits, le nombre de personnes interceptées à la frontière des États-Unis baisse depuis le début du siècle. Mais ce sont de moins en moins des travailleurs illégaux qui essaient d'entrer aux États-Unis et de plus en plus des familles qui sollicitent l'asile.
La réaction des États-Unis incorpore-t-elle une inquiétude latente au sujet des migrants climatiques de demain ? Ce n'est pas entièrement clair, mais le vote pro-Trump annonce la couleur pour après-demain. Si on ne réfléchit pas aujourd'hui à la gestion de la migration climatique, la majorité votera pour qu'on ferme la porte et construise des murs.
Ce qui est plus clair, c'est que le vote pour le Brexit au Royaume-Uni a profité amplement d'une campagne de peur orchestrée par les partisans de la sortie de l'Union européenne qui attisait la crainte de l'arrivée de réfugiés syriens. Comme dans le cas de l'Amérique centrale, le réchauffement planétaire n'est qu'un facteur parmi plusieurs autres qui peuvent expliquer l'éclatement de la guerre civile et le départ de millions de réfugiés. (La croissance démographique syrienne n'est qu'approximativement connue, mais on croit que la population syrienne était passée de 12 millions vers 1990 à 22 millions vers 2012, ce qui représenterait une augmentation de 83%.) Pour l'instant, il faut qu'un pays soit fragilisé par la croissance démographique et par des dissensions internes pour que les changements climatiques déclenchent un exode. Dans les années à venir, les événements climatiques extrêmes pourraient l'emporter sur les autres facteurs.
Du coup, la réaction anglaise n'est pas sans rappeler le fantasme présent chez certains milliardaires d'un départ de la Terre pour Mars afin d'échapper à l'effondrement. Ne trouvait-on pas dans les discours britanniques l'idée que le Brexit permettrait à la Grande-Bretagne de larguer les amarres et de voguer vers le grand large ? Quand Johnson soutenait que « Britain thinks it is time to talk about the future. It is time to float this ship down the slipway and on to open seas and get it moving. », c'était bien entendu une métaphore, mais une métaphore révélatrice. Pour échapper aux réfugiés et aux effets du réchauffement climatique, la population britannique aimerait pouvoir se détacher de l'Europe et s'éloigner des sources de migrants climatiques.
Elle ne le pourra pas, bien entendu, mais elle peut compter sur la Manche comme fossé, à défaut d'un mur. En outre, de la même façon que le Canada peut interposer les États-Unis entre lui et les pays du sud, les Brexiteers du Royaume-Uni comptent au fond sur l'Europe continentale pour absorber les flux migratoires. À long terme, ce ne sera qu'un pis-aller et même les pays du nord les plus à l'abri devront réagir. En attendant, les conséquences du réchauffement climatique commencent à nous pendre au nez et il serait temps que l'aveuglement cesse.
Même si le mur de Trump à la frontière sud des États-Unis tient du bluff et du prétexte électoraliste, faut-il croire pour autant que tous les électeurs de Trump n'étaient motivés que par la xénophobie et le racisme ? La France a exporté avec un certain succès la théorie du grand remplacement remise au goût du jour par Renaud Camus et l'idée a trouvé des adhérents aux États-Unis. Même si elle profite d'une répugnance viscérale à l'arrivée de personnes d'autres origines chez certains blancs, elle bénéficie aussi d'autres discours. Depuis le temps que les climatologues lancent des avertissements au sujet des réfugiés climatiques, faut-il s'étonner que même les indécis ou les climato-sceptiques qui ne croient pas à la contribution humaine au réchauffement aient intégré que les changements climatiques chasseraient des milliers de personnes de chez eux ? Voire des millions ?
En Amérique centrale, la croissance démographique fait partie du problème. Entre 1988 et 2018, la population des États-Unis a augmenté de 33%, celle du Canada de 37%, celle du Mexique de 54% et celle de l'Amérique centrale de 71%. Ou pour le dire autrement, la population du Canada était de 27 millions de personnes en 1988 et celle de l'Amérique centrale de 28 millions, soit presque la même. L'an dernier, la population du Canada atteignait 37 millions de personnes, mais celle de l'Amérique centrale était passée à 48 millions de personnes.
Comme les changements climatiques compliquent l'agriculture de subsistance et l'agriculture commerciale (du café, par exemple), la Banque mondiale évalue que le nombre de migrants climatiques en provenance de l'Amérique centrale pourrait atteindre les 2 à 4 millions de personnes d'ici 2050. Il s'agirait d'un chiffre en soi majeur : ce serait dans le pire des scénarios l'équivalent des réfugiés et migrants qui ont quitté le Vénézuela ces dernières années. Et ce ne serait qu'une part des réfugiés climatiques originaires d'autres régions des Amériques ou du monde.
Tandis que les experts se demandent s'il faudrait traiter les réfugiés climatiques comme des réfugiés politiques et si les mesures humanitaires habituelles, qui présupposent un retour éventuel dans le pays d'origine quand une crise s'apaise, seraient adaptées aux migrations climatiques, les électeurs de Trump se sont opposés à une immigration massive appréhendée... même si, dans les faits, le nombre de personnes interceptées à la frontière des États-Unis baisse depuis le début du siècle. Mais ce sont de moins en moins des travailleurs illégaux qui essaient d'entrer aux États-Unis et de plus en plus des familles qui sollicitent l'asile.
La réaction des États-Unis incorpore-t-elle une inquiétude latente au sujet des migrants climatiques de demain ? Ce n'est pas entièrement clair, mais le vote pro-Trump annonce la couleur pour après-demain. Si on ne réfléchit pas aujourd'hui à la gestion de la migration climatique, la majorité votera pour qu'on ferme la porte et construise des murs.
Ce qui est plus clair, c'est que le vote pour le Brexit au Royaume-Uni a profité amplement d'une campagne de peur orchestrée par les partisans de la sortie de l'Union européenne qui attisait la crainte de l'arrivée de réfugiés syriens. Comme dans le cas de l'Amérique centrale, le réchauffement planétaire n'est qu'un facteur parmi plusieurs autres qui peuvent expliquer l'éclatement de la guerre civile et le départ de millions de réfugiés. (La croissance démographique syrienne n'est qu'approximativement connue, mais on croit que la population syrienne était passée de 12 millions vers 1990 à 22 millions vers 2012, ce qui représenterait une augmentation de 83%.) Pour l'instant, il faut qu'un pays soit fragilisé par la croissance démographique et par des dissensions internes pour que les changements climatiques déclenchent un exode. Dans les années à venir, les événements climatiques extrêmes pourraient l'emporter sur les autres facteurs.
Du coup, la réaction anglaise n'est pas sans rappeler le fantasme présent chez certains milliardaires d'un départ de la Terre pour Mars afin d'échapper à l'effondrement. Ne trouvait-on pas dans les discours britanniques l'idée que le Brexit permettrait à la Grande-Bretagne de larguer les amarres et de voguer vers le grand large ? Quand Johnson soutenait que « Britain thinks it is time to talk about the future. It is time to float this ship down the slipway and on to open seas and get it moving. », c'était bien entendu une métaphore, mais une métaphore révélatrice. Pour échapper aux réfugiés et aux effets du réchauffement climatique, la population britannique aimerait pouvoir se détacher de l'Europe et s'éloigner des sources de migrants climatiques.
Elle ne le pourra pas, bien entendu, mais elle peut compter sur la Manche comme fossé, à défaut d'un mur. En outre, de la même façon que le Canada peut interposer les États-Unis entre lui et les pays du sud, les Brexiteers du Royaume-Uni comptent au fond sur l'Europe continentale pour absorber les flux migratoires. À long terme, ce ne sera qu'un pis-aller et même les pays du nord les plus à l'abri devront réagir. En attendant, les conséquences du réchauffement climatique commencent à nous pendre au nez et il serait temps que l'aveuglement cesse.
Libellés : Effet de serre, Futurisme
2019-09-18
Un avatar québécois d'Arsène Lupin
J'ai déjà eu l'occasion de rendre hommage à un de mes héros favoris au temps de mes lectures de jeunesse : Arsène Lupin, si ce n'est qu'en signant un pastiche intitulé « Legacies » en anglais, devenu la nouvelle « Le trésor des Romanoff » en français.
Dès ses débuts, Lupin tranche sur les détectives qui l'ont précédé, de l'Auguste Dupin d'Edgar Allan Poe au Sherlock Holmes d'Arthur Conan Doyle. Le nom du gentleman-cambrioleur inventé par Maurice Leblanc rime avec celui de l'enquêteur de Poe et Lupin se mesurera à Holmes sans trop tarder. Néanmoins, il se transforme rapidement en un justicier plus proche du prince Rodolphe des Mystères de Paris. Séduisant coureur de jupons, Lupin ne plaît pas toujours, mais il est prêt à tout pour plaire.
Un épigone jusqu'ici inconnu de Leblanc est un Français immigré au Canada, Louis Roland (1881-1972). Ce frère des Écoles chrétiennes sous le nom de Rolland-Germain se consacre un peu à la littérature à partir des années 1910 dans les pages du Samedi, une revue montréalaise destinée à un lectorat bourgeois, sans doute majoritairement féminin. Il en est d'ailleurs le rédacteur en chef de 1911 à 1944, sous le nom de Fernand de Verneuil.
Parmi ses premiers efforts littéraires, en 1915, figure un feuilleton intitulé Les Aventures du Quebecquois Maxime Leblond (24 juillet au 30 octobre), « révélées par Louis Roland ». Le sous-titre, « L'homme aux mille transformations », nous met tout de suite sur la piste de l'inspiration du personnage dont le nom renvoie assez clairement à Maurice Leblanc. En effet, Maxime Leblond est un Québécois né en 1865 qui se présente en personne à Louis Roland pour lui faire part de quelques-unes de ses aventures, à la manière de Lupin se révélant à Leblanc. Le récit est contemporain, inscrivant les péripéties dans le contexte des événements de la Grande Guerre qui fait rage au même moment.
Maître d'une flottille de sous-marins perfectionnés et d'un réseau de postes de TSF, Leblond est moins un voleur qu'un redresseur de torts d'envergure internationale. Ses aventures dans le feuilleton commencent au Canada où il déjoue une tentative allemande d'assassiner le président des États-Unis avant de se transporter à l'étranger. Il s'infiltre en Allemagne pour se rapprocher du Kaiser et obtient de servir à bord du yacht personnel de Guillaume, ce qui lui permet d'apprendre que des sous-marins allemands s'apprêtent à torpiller le Lusitania. Leblond essaie en vain de changer le cours de l'histoire et il se contente d'éperonner avec son sous-marin un des submersibles allemands en guise de représailles. La réminiscence vernienne est patente, mais passagère.
Le reste du feuilleton s'occupe principalement de la vie personnelle de Leblond, qui a aimé une jolie Écossaise du nom de Cecily vingt ans plus tôt, croyant perdre aussi leur fille alors que celle-ci a été enlevée par un malfrat allemand du nom de Hermann. Celui-ci est aussi le père de Madelina, une redoutable espionne allemande avec qui Leblond s'est mesuré plusieurs fois. Leblond finit par découvrir que sa fille, Margaret, a été élevée en compagnie de Madelina, qui est la fille de Hermann. Une confession de Madelina, à l'article de la mort, permet à Leblond de retrouver sa fille et de lui faire épouser un beau parti.
Si l'inspiration principale du roman est assez évidemment la saga de 813, il est curieux que Roland ait quelque peu anticipé les événements que Leblanc imaginera dans le diptyque de La Comtesse de Cagliostro et La Cagliostro se venge après la guerre. Certes, ce n'est pas un fils qui est enlevé par Hermann, mais les parallèles restent quelque peu surprenants. Les aventures de Leblond en Allemagne pour faire la nique à l'empereur rappellent aussi le roman L'Éclat d'obus de Leblanc, qui paraît à partir de septembre 1915 et qui ne fera d'ailleurs intervenir Lupin que dans une édition d'après-guerre. Du côté canadien, le feuilleton de Louis Roland serait plutôt à rapprocher d'un petit roman populaire intitulé Les Aventures extraordinaires de deux Canayens (1918), publiées par un médecin d'origine québécoise installé à New York, Jules Jéhin de Prume. Les deux héros de l'histoire utiliseront un dirigeable perfectionné pour donner une leçon à ce fauteur de guerre qu'est le Kaiser.
Pour l'instant, Maxime Leblond est le premier avatar québécois connu d'Arsène Lupin. À ce que j'en sais, Louis Roland ne lui a pas donné d'autres aventures.
Dès ses débuts, Lupin tranche sur les détectives qui l'ont précédé, de l'Auguste Dupin d'Edgar Allan Poe au Sherlock Holmes d'Arthur Conan Doyle. Le nom du gentleman-cambrioleur inventé par Maurice Leblanc rime avec celui de l'enquêteur de Poe et Lupin se mesurera à Holmes sans trop tarder. Néanmoins, il se transforme rapidement en un justicier plus proche du prince Rodolphe des Mystères de Paris. Séduisant coureur de jupons, Lupin ne plaît pas toujours, mais il est prêt à tout pour plaire.
Un épigone jusqu'ici inconnu de Leblanc est un Français immigré au Canada, Louis Roland (1881-1972). Ce frère des Écoles chrétiennes sous le nom de Rolland-Germain se consacre un peu à la littérature à partir des années 1910 dans les pages du Samedi, une revue montréalaise destinée à un lectorat bourgeois, sans doute majoritairement féminin. Il en est d'ailleurs le rédacteur en chef de 1911 à 1944, sous le nom de Fernand de Verneuil.
Parmi ses premiers efforts littéraires, en 1915, figure un feuilleton intitulé Les Aventures du Quebecquois Maxime Leblond (24 juillet au 30 octobre), « révélées par Louis Roland ». Le sous-titre, « L'homme aux mille transformations », nous met tout de suite sur la piste de l'inspiration du personnage dont le nom renvoie assez clairement à Maurice Leblanc. En effet, Maxime Leblond est un Québécois né en 1865 qui se présente en personne à Louis Roland pour lui faire part de quelques-unes de ses aventures, à la manière de Lupin se révélant à Leblanc. Le récit est contemporain, inscrivant les péripéties dans le contexte des événements de la Grande Guerre qui fait rage au même moment.
Maître d'une flottille de sous-marins perfectionnés et d'un réseau de postes de TSF, Leblond est moins un voleur qu'un redresseur de torts d'envergure internationale. Ses aventures dans le feuilleton commencent au Canada où il déjoue une tentative allemande d'assassiner le président des États-Unis avant de se transporter à l'étranger. Il s'infiltre en Allemagne pour se rapprocher du Kaiser et obtient de servir à bord du yacht personnel de Guillaume, ce qui lui permet d'apprendre que des sous-marins allemands s'apprêtent à torpiller le Lusitania. Leblond essaie en vain de changer le cours de l'histoire et il se contente d'éperonner avec son sous-marin un des submersibles allemands en guise de représailles. La réminiscence vernienne est patente, mais passagère.
Le reste du feuilleton s'occupe principalement de la vie personnelle de Leblond, qui a aimé une jolie Écossaise du nom de Cecily vingt ans plus tôt, croyant perdre aussi leur fille alors que celle-ci a été enlevée par un malfrat allemand du nom de Hermann. Celui-ci est aussi le père de Madelina, une redoutable espionne allemande avec qui Leblond s'est mesuré plusieurs fois. Leblond finit par découvrir que sa fille, Margaret, a été élevée en compagnie de Madelina, qui est la fille de Hermann. Une confession de Madelina, à l'article de la mort, permet à Leblond de retrouver sa fille et de lui faire épouser un beau parti.
Si l'inspiration principale du roman est assez évidemment la saga de 813, il est curieux que Roland ait quelque peu anticipé les événements que Leblanc imaginera dans le diptyque de La Comtesse de Cagliostro et La Cagliostro se venge après la guerre. Certes, ce n'est pas un fils qui est enlevé par Hermann, mais les parallèles restent quelque peu surprenants. Les aventures de Leblond en Allemagne pour faire la nique à l'empereur rappellent aussi le roman L'Éclat d'obus de Leblanc, qui paraît à partir de septembre 1915 et qui ne fera d'ailleurs intervenir Lupin que dans une édition d'après-guerre. Du côté canadien, le feuilleton de Louis Roland serait plutôt à rapprocher d'un petit roman populaire intitulé Les Aventures extraordinaires de deux Canayens (1918), publiées par un médecin d'origine québécoise installé à New York, Jules Jéhin de Prume. Les deux héros de l'histoire utiliseront un dirigeable perfectionné pour donner une leçon à ce fauteur de guerre qu'est le Kaiser.
Pour l'instant, Maxime Leblond est le premier avatar québécois connu d'Arsène Lupin. À ce que j'en sais, Louis Roland ne lui a pas donné d'autres aventures.
Libellés : Canada, Science-fiction
2019-09-09
Pourquoi une classe de maître ?
Le mois prochain, je convie les intéressés à une classe de maître à la Maison de la littérature de Québec, « Inventer la science-fiction », le samedi 5 octobre et le dimanche 6 octobre, de 10 h à 17 h. (On peut s'inscrire sur place ou en ligne, à raison de 70 $ pour les deux séances.) En quoi cette activité se distinguera-t-elle des ateliers d'écriture que j'ai animés auparavant ?
Tolkien aurait dit que les histoires (qu'il racontait) avaient poussé comme d'une graine émergeant de feuilles mortes en décomposition. Quand il s'agit de science-fiction, la croissance d'une histoire exige certes un suivi attentif et une combinaison de mesures.
Le plus souvent, un récit de science-fiction s'inscrit dans un monde qui diverge peu ou prou de notre quotidien. Il est possible de se contenter de changements minimes de notre quotidien, tout comme on apporterait quelques altérations à un nouveau costume pour qu'il se conforme à nos besoins, mais il est également possible d'emprunter un univers fictif qui a déjà servi et qui coûtera un minimum d'efforts à l'écrivain qui le récupère d'une friperie. Parfois, l'auteur s'impose de créer un monde distinctif, l'équivalent d'un costume original.
Il est possible, comme lecteur, d'apprécier l'effort investi dans la création d'un univers inédit, mais l'originalité d'un cadre exige fréquemment un exercice de décodage plus ou moins pénible pour les lecteurs. Par conséquent, il faut que le monde ainsi créé soit en adéquation avec l'histoire imaginée et les personnages qui l'habitent. Sinon, à quoi bon se donner cette peine ?
La création de personnages, la gestion du point de vue et la construction de l'intrigue sont des éléments également nécessaires à la croissance d'une histoire. Quand il s'agit de science-fiction, encore une fois, le souci de la cohérence est à la fois un défi de tous les instants d'écriture (le personnage doit être en harmonie avec le monde auquel il appartient, qui n'est pas nécessairement celui qui sert de cadre au récit, d'ailleurs; le point de vue exprimé dans le texte doit correspondre aux caractéristiques de cet univers en plus de refléter la personnalité des acteurs en scène ; les possibilités de l'intrigue sont dictées par celles du monde fictif et de ses habitants) et un guide extrêmement utile pour éviter les dérapages et les invraisemblances. La triangulation à partir de cette triple contrainte peut stimuler l'imagination et entraîner des inventions nouvelles.
Si les mécanismes narratifs, la construction de monde, la mise en scène des personnages, l'articulation d'un point de vue et l'échafaudage d'une intrigue font partie des bases du métier, je désire aussi explorer l'idéation. La capacité d'engendrer des idées en se renouvelant au fil des ans et en évitant les redites est trop souvent traitée comme allant de soi. Mais d'où vient la graine qui va germer dans un terreau et faire une plante si on sait prendre soin de la jeune pousse ?
La graine a été apportée par le vent ou dérobée au champ du voisin... Elle est tombée d'un arbre ou elle a été plantée par un jardinier consciencieux. Les scénarios sont également multiples pour les idées à l'origine d'une histoire. Une idée est parfois dans l'air du temps, grâce à un événement ou une découverte récente. Mais il arrive aussi à une idée de prendre sa source dans un autre texte, où l'auteur la pigera pour lui imaginer un autre potentiel que celui que l'auteur de cet autre texte avait exploité. Une idée peut également arriver d'un autre domaine, formulée au détour d'un article par un scientifique ou un philosophe, esquissée par un ingénieur ou un architecte, matérialisée par un artiste ou un artisan sous une forme concrète... Enfin, il existe plusieurs façons pour un auteur de susciter des idées neuves à partir d'une matière brute. Ce sera en partie le sujet de cette classe de maître. Et j'y reviendrai.
Tolkien aurait dit que les histoires (qu'il racontait) avaient poussé comme d'une graine émergeant de feuilles mortes en décomposition. Quand il s'agit de science-fiction, la croissance d'une histoire exige certes un suivi attentif et une combinaison de mesures.
Le plus souvent, un récit de science-fiction s'inscrit dans un monde qui diverge peu ou prou de notre quotidien. Il est possible de se contenter de changements minimes de notre quotidien, tout comme on apporterait quelques altérations à un nouveau costume pour qu'il se conforme à nos besoins, mais il est également possible d'emprunter un univers fictif qui a déjà servi et qui coûtera un minimum d'efforts à l'écrivain qui le récupère d'une friperie. Parfois, l'auteur s'impose de créer un monde distinctif, l'équivalent d'un costume original.
Il est possible, comme lecteur, d'apprécier l'effort investi dans la création d'un univers inédit, mais l'originalité d'un cadre exige fréquemment un exercice de décodage plus ou moins pénible pour les lecteurs. Par conséquent, il faut que le monde ainsi créé soit en adéquation avec l'histoire imaginée et les personnages qui l'habitent. Sinon, à quoi bon se donner cette peine ?
La création de personnages, la gestion du point de vue et la construction de l'intrigue sont des éléments également nécessaires à la croissance d'une histoire. Quand il s'agit de science-fiction, encore une fois, le souci de la cohérence est à la fois un défi de tous les instants d'écriture (le personnage doit être en harmonie avec le monde auquel il appartient, qui n'est pas nécessairement celui qui sert de cadre au récit, d'ailleurs; le point de vue exprimé dans le texte doit correspondre aux caractéristiques de cet univers en plus de refléter la personnalité des acteurs en scène ; les possibilités de l'intrigue sont dictées par celles du monde fictif et de ses habitants) et un guide extrêmement utile pour éviter les dérapages et les invraisemblances. La triangulation à partir de cette triple contrainte peut stimuler l'imagination et entraîner des inventions nouvelles.
Si les mécanismes narratifs, la construction de monde, la mise en scène des personnages, l'articulation d'un point de vue et l'échafaudage d'une intrigue font partie des bases du métier, je désire aussi explorer l'idéation. La capacité d'engendrer des idées en se renouvelant au fil des ans et en évitant les redites est trop souvent traitée comme allant de soi. Mais d'où vient la graine qui va germer dans un terreau et faire une plante si on sait prendre soin de la jeune pousse ?
La graine a été apportée par le vent ou dérobée au champ du voisin... Elle est tombée d'un arbre ou elle a été plantée par un jardinier consciencieux. Les scénarios sont également multiples pour les idées à l'origine d'une histoire. Une idée est parfois dans l'air du temps, grâce à un événement ou une découverte récente. Mais il arrive aussi à une idée de prendre sa source dans un autre texte, où l'auteur la pigera pour lui imaginer un autre potentiel que celui que l'auteur de cet autre texte avait exploité. Une idée peut également arriver d'un autre domaine, formulée au détour d'un article par un scientifique ou un philosophe, esquissée par un ingénieur ou un architecte, matérialisée par un artiste ou un artisan sous une forme concrète... Enfin, il existe plusieurs façons pour un auteur de susciter des idées neuves à partir d'une matière brute. Ce sera en partie le sujet de cette classe de maître. Et j'y reviendrai.
Libellés : Écriture, Science-fiction