2019-09-20
Les changements climatiques, le mur de Trump et le Brexit
Au lieu de faire grève pour le climat, je vais signer un billet de blogue. Je m'intéresse au sujet des changements climatiques depuis si longtemps que j'utilise encore « Effet de serre » comme libellé de mes billets correspondants... J'assume mon âge et je marcherai la semaine prochaine à Québec, mais je crains que le futur que l'on veut éviter ne soit plus si lointain.
Même si le mur de Trump à la frontière sud des États-Unis tient du bluff et du prétexte électoraliste, faut-il croire pour autant que tous les électeurs de Trump n'étaient motivés que par la xénophobie et le racisme ? La France a exporté avec un certain succès la théorie du grand remplacement remise au goût du jour par Renaud Camus et l'idée a trouvé des adhérents aux États-Unis. Même si elle profite d'une répugnance viscérale à l'arrivée de personnes d'autres origines chez certains blancs, elle bénéficie aussi d'autres discours. Depuis le temps que les climatologues lancent des avertissements au sujet des réfugiés climatiques, faut-il s'étonner que même les indécis ou les climato-sceptiques qui ne croient pas à la contribution humaine au réchauffement aient intégré que les changements climatiques chasseraient des milliers de personnes de chez eux ? Voire des millions ?
En Amérique centrale, la croissance démographique fait partie du problème. Entre 1988 et 2018, la population des États-Unis a augmenté de 33%, celle du Canada de 37%, celle du Mexique de 54% et celle de l'Amérique centrale de 71%. Ou pour le dire autrement, la population du Canada était de 27 millions de personnes en 1988 et celle de l'Amérique centrale de 28 millions, soit presque la même. L'an dernier, la population du Canada atteignait 37 millions de personnes, mais celle de l'Amérique centrale était passée à 48 millions de personnes.
Comme les changements climatiques compliquent l'agriculture de subsistance et l'agriculture commerciale (du café, par exemple), la Banque mondiale évalue que le nombre de migrants climatiques en provenance de l'Amérique centrale pourrait atteindre les 2 à 4 millions de personnes d'ici 2050. Il s'agirait d'un chiffre en soi majeur : ce serait dans le pire des scénarios l'équivalent des réfugiés et migrants qui ont quitté le Vénézuela ces dernières années. Et ce ne serait qu'une part des réfugiés climatiques originaires d'autres régions des Amériques ou du monde.
Tandis que les experts se demandent s'il faudrait traiter les réfugiés climatiques comme des réfugiés politiques et si les mesures humanitaires habituelles, qui présupposent un retour éventuel dans le pays d'origine quand une crise s'apaise, seraient adaptées aux migrations climatiques, les électeurs de Trump se sont opposés à une immigration massive appréhendée... même si, dans les faits, le nombre de personnes interceptées à la frontière des États-Unis baisse depuis le début du siècle. Mais ce sont de moins en moins des travailleurs illégaux qui essaient d'entrer aux États-Unis et de plus en plus des familles qui sollicitent l'asile.
La réaction des États-Unis incorpore-t-elle une inquiétude latente au sujet des migrants climatiques de demain ? Ce n'est pas entièrement clair, mais le vote pro-Trump annonce la couleur pour après-demain. Si on ne réfléchit pas aujourd'hui à la gestion de la migration climatique, la majorité votera pour qu'on ferme la porte et construise des murs.
Ce qui est plus clair, c'est que le vote pour le Brexit au Royaume-Uni a profité amplement d'une campagne de peur orchestrée par les partisans de la sortie de l'Union européenne qui attisait la crainte de l'arrivée de réfugiés syriens. Comme dans le cas de l'Amérique centrale, le réchauffement planétaire n'est qu'un facteur parmi plusieurs autres qui peuvent expliquer l'éclatement de la guerre civile et le départ de millions de réfugiés. (La croissance démographique syrienne n'est qu'approximativement connue, mais on croit que la population syrienne était passée de 12 millions vers 1990 à 22 millions vers 2012, ce qui représenterait une augmentation de 83%.) Pour l'instant, il faut qu'un pays soit fragilisé par la croissance démographique et par des dissensions internes pour que les changements climatiques déclenchent un exode. Dans les années à venir, les événements climatiques extrêmes pourraient l'emporter sur les autres facteurs.
Du coup, la réaction anglaise n'est pas sans rappeler le fantasme présent chez certains milliardaires d'un départ de la Terre pour Mars afin d'échapper à l'effondrement. Ne trouvait-on pas dans les discours britanniques l'idée que le Brexit permettrait à la Grande-Bretagne de larguer les amarres et de voguer vers le grand large ? Quand Johnson soutenait que « Britain thinks it is time to talk about the future. It is time to float this ship down the slipway and on to open seas and get it moving. », c'était bien entendu une métaphore, mais une métaphore révélatrice. Pour échapper aux réfugiés et aux effets du réchauffement climatique, la population britannique aimerait pouvoir se détacher de l'Europe et s'éloigner des sources de migrants climatiques.
Elle ne le pourra pas, bien entendu, mais elle peut compter sur la Manche comme fossé, à défaut d'un mur. En outre, de la même façon que le Canada peut interposer les États-Unis entre lui et les pays du sud, les Brexiteers du Royaume-Uni comptent au fond sur l'Europe continentale pour absorber les flux migratoires. À long terme, ce ne sera qu'un pis-aller et même les pays du nord les plus à l'abri devront réagir. En attendant, les conséquences du réchauffement climatique commencent à nous pendre au nez et il serait temps que l'aveuglement cesse.
Même si le mur de Trump à la frontière sud des États-Unis tient du bluff et du prétexte électoraliste, faut-il croire pour autant que tous les électeurs de Trump n'étaient motivés que par la xénophobie et le racisme ? La France a exporté avec un certain succès la théorie du grand remplacement remise au goût du jour par Renaud Camus et l'idée a trouvé des adhérents aux États-Unis. Même si elle profite d'une répugnance viscérale à l'arrivée de personnes d'autres origines chez certains blancs, elle bénéficie aussi d'autres discours. Depuis le temps que les climatologues lancent des avertissements au sujet des réfugiés climatiques, faut-il s'étonner que même les indécis ou les climato-sceptiques qui ne croient pas à la contribution humaine au réchauffement aient intégré que les changements climatiques chasseraient des milliers de personnes de chez eux ? Voire des millions ?
En Amérique centrale, la croissance démographique fait partie du problème. Entre 1988 et 2018, la population des États-Unis a augmenté de 33%, celle du Canada de 37%, celle du Mexique de 54% et celle de l'Amérique centrale de 71%. Ou pour le dire autrement, la population du Canada était de 27 millions de personnes en 1988 et celle de l'Amérique centrale de 28 millions, soit presque la même. L'an dernier, la population du Canada atteignait 37 millions de personnes, mais celle de l'Amérique centrale était passée à 48 millions de personnes.
Comme les changements climatiques compliquent l'agriculture de subsistance et l'agriculture commerciale (du café, par exemple), la Banque mondiale évalue que le nombre de migrants climatiques en provenance de l'Amérique centrale pourrait atteindre les 2 à 4 millions de personnes d'ici 2050. Il s'agirait d'un chiffre en soi majeur : ce serait dans le pire des scénarios l'équivalent des réfugiés et migrants qui ont quitté le Vénézuela ces dernières années. Et ce ne serait qu'une part des réfugiés climatiques originaires d'autres régions des Amériques ou du monde.
Tandis que les experts se demandent s'il faudrait traiter les réfugiés climatiques comme des réfugiés politiques et si les mesures humanitaires habituelles, qui présupposent un retour éventuel dans le pays d'origine quand une crise s'apaise, seraient adaptées aux migrations climatiques, les électeurs de Trump se sont opposés à une immigration massive appréhendée... même si, dans les faits, le nombre de personnes interceptées à la frontière des États-Unis baisse depuis le début du siècle. Mais ce sont de moins en moins des travailleurs illégaux qui essaient d'entrer aux États-Unis et de plus en plus des familles qui sollicitent l'asile.
La réaction des États-Unis incorpore-t-elle une inquiétude latente au sujet des migrants climatiques de demain ? Ce n'est pas entièrement clair, mais le vote pro-Trump annonce la couleur pour après-demain. Si on ne réfléchit pas aujourd'hui à la gestion de la migration climatique, la majorité votera pour qu'on ferme la porte et construise des murs.
Ce qui est plus clair, c'est que le vote pour le Brexit au Royaume-Uni a profité amplement d'une campagne de peur orchestrée par les partisans de la sortie de l'Union européenne qui attisait la crainte de l'arrivée de réfugiés syriens. Comme dans le cas de l'Amérique centrale, le réchauffement planétaire n'est qu'un facteur parmi plusieurs autres qui peuvent expliquer l'éclatement de la guerre civile et le départ de millions de réfugiés. (La croissance démographique syrienne n'est qu'approximativement connue, mais on croit que la population syrienne était passée de 12 millions vers 1990 à 22 millions vers 2012, ce qui représenterait une augmentation de 83%.) Pour l'instant, il faut qu'un pays soit fragilisé par la croissance démographique et par des dissensions internes pour que les changements climatiques déclenchent un exode. Dans les années à venir, les événements climatiques extrêmes pourraient l'emporter sur les autres facteurs.
Du coup, la réaction anglaise n'est pas sans rappeler le fantasme présent chez certains milliardaires d'un départ de la Terre pour Mars afin d'échapper à l'effondrement. Ne trouvait-on pas dans les discours britanniques l'idée que le Brexit permettrait à la Grande-Bretagne de larguer les amarres et de voguer vers le grand large ? Quand Johnson soutenait que « Britain thinks it is time to talk about the future. It is time to float this ship down the slipway and on to open seas and get it moving. », c'était bien entendu une métaphore, mais une métaphore révélatrice. Pour échapper aux réfugiés et aux effets du réchauffement climatique, la population britannique aimerait pouvoir se détacher de l'Europe et s'éloigner des sources de migrants climatiques.
Elle ne le pourra pas, bien entendu, mais elle peut compter sur la Manche comme fossé, à défaut d'un mur. En outre, de la même façon que le Canada peut interposer les États-Unis entre lui et les pays du sud, les Brexiteers du Royaume-Uni comptent au fond sur l'Europe continentale pour absorber les flux migratoires. À long terme, ce ne sera qu'un pis-aller et même les pays du nord les plus à l'abri devront réagir. En attendant, les conséquences du réchauffement climatique commencent à nous pendre au nez et il serait temps que l'aveuglement cesse.
Libellés : Effet de serre, Futurisme