2006-09-22
Quand la carte du moi glisse de la table
Un article paru dernièrement dans Nature illumine encore une fois les rapports entre le cerveau et des expériences qu'il serait tentant de tenir pour complètement subjectives. Comme l'explique un court résumé, la stimulation électrique d'une partie du cerveau fait naître chez la patiente la conviction qu'une autre personne se tient derrière elle, et imite ses mouvements. Il paraît que cette illusion afflige certains schizophrènes et il est fascinant de découvrir qu'elle peut être provoquée aussi facilement que Penfield autrefois déclenchait l'évocation de souvenirs dans des circonstances similaires.
Cette hallucination bien précise joue d'ailleurs un rôle dans la meilleure histoire de fantôme que je connaisse au grand écran, soit le film coréen Locataires (3 Iron au Canada ou Bin-Jip en Corée, ce qui signifierait « maison déserte » en coréen) de Kim Ki-Duk en 2004. La réalité est des plus floues dans ce film et le personnage principal finit par hanter un homme qui a toujours le sentiment qu'il y a quelqu'un derrière lui — parce qu'il y a bel et bien quelqu'un derrière lui qui a si bien appris à mimer ses gestes qu'il est impossible à voir... Quand j'ai vu le film, j'ignorais qu'il s'agissait d'un syndrome réel, mais le frisson est garanti.
Que se passe-t-il quand notre cerveau attribue à un autre illusoire notre propre comportement? Est-ce la carte des états de notre corps qui se détache du mur, comme une affiche mal collée, et qui est fixée un peu à côté de l'endroit voulu? Comme profane, j'ai l'impression que le cerveau localise dans l'espace notre corps et attribue à cette localisation toutes les impressions reçues de ce même corps. Mais si cette coquille de référence est légèrement déplacée dans l'espace, la cartographie de notre corps et de ses états remplit alors un creux situé en-dehors de nous.
Encore une fois, on ne peut que s'émerveiller de la coordination de toutes ces opérations que notre cerveau accomplit à notre insu, engendrant l'illusion d'une expérience parfaitement intégrée de la réalité, sans une faille, sans une couture apparente, sans la moindre solution de continuité. Pourtant, il suffit d'un petit courant électrique au mauvais endroit, en provenance de l'intérieur ou de l'extérieur, pour que l'accord se défasse et que l'on constate les composantes distinctes de notre perception du monde.
Décidément, il suffit de s'intéresser à un domaine comme la neurologie pour voir les observations intéressantes se succéder. Il y a de quoi faire mentir John Horgan qui revient dans le dernier Discover sur sa thèse de la fin de la science.
Dans le domaine pas si étranger des recherches sur la bonté et l'altruisme, une nouveauté vient d'ailleurs de sortir, The Altruism Equation de Lee Dugatkin. L'entraide est une fonction des liens de parenté, pour les darwiniens. Mais plus la bonté est inscrite dans nos gènes, plus on fera des pieds et des mains pour l'ignorer, comme je le disais il y a un moment, au besoin en optant pour la foi en Dieu... Si des recherches récentes n'ont pas trouvé un endroit du cerveau plus propice qu'un autre aux expériences mystiques ou religieuses (pas de « God spot » ou module divin), cette nouvelle expérience permettrait de renforcer à volonté la croyance à un ami imaginaire, voire à un ange gardien... ou démon tentateur?
Cette hallucination bien précise joue d'ailleurs un rôle dans la meilleure histoire de fantôme que je connaisse au grand écran, soit le film coréen Locataires (3 Iron au Canada ou Bin-Jip en Corée, ce qui signifierait « maison déserte » en coréen) de Kim Ki-Duk en 2004. La réalité est des plus floues dans ce film et le personnage principal finit par hanter un homme qui a toujours le sentiment qu'il y a quelqu'un derrière lui — parce qu'il y a bel et bien quelqu'un derrière lui qui a si bien appris à mimer ses gestes qu'il est impossible à voir... Quand j'ai vu le film, j'ignorais qu'il s'agissait d'un syndrome réel, mais le frisson est garanti.
Que se passe-t-il quand notre cerveau attribue à un autre illusoire notre propre comportement? Est-ce la carte des états de notre corps qui se détache du mur, comme une affiche mal collée, et qui est fixée un peu à côté de l'endroit voulu? Comme profane, j'ai l'impression que le cerveau localise dans l'espace notre corps et attribue à cette localisation toutes les impressions reçues de ce même corps. Mais si cette coquille de référence est légèrement déplacée dans l'espace, la cartographie de notre corps et de ses états remplit alors un creux situé en-dehors de nous.
Encore une fois, on ne peut que s'émerveiller de la coordination de toutes ces opérations que notre cerveau accomplit à notre insu, engendrant l'illusion d'une expérience parfaitement intégrée de la réalité, sans une faille, sans une couture apparente, sans la moindre solution de continuité. Pourtant, il suffit d'un petit courant électrique au mauvais endroit, en provenance de l'intérieur ou de l'extérieur, pour que l'accord se défasse et que l'on constate les composantes distinctes de notre perception du monde.
Décidément, il suffit de s'intéresser à un domaine comme la neurologie pour voir les observations intéressantes se succéder. Il y a de quoi faire mentir John Horgan qui revient dans le dernier Discover sur sa thèse de la fin de la science.
Dans le domaine pas si étranger des recherches sur la bonté et l'altruisme, une nouveauté vient d'ailleurs de sortir, The Altruism Equation de Lee Dugatkin. L'entraide est une fonction des liens de parenté, pour les darwiniens. Mais plus la bonté est inscrite dans nos gènes, plus on fera des pieds et des mains pour l'ignorer, comme je le disais il y a un moment, au besoin en optant pour la foi en Dieu... Si des recherches récentes n'ont pas trouvé un endroit du cerveau plus propice qu'un autre aux expériences mystiques ou religieuses (pas de « God spot » ou module divin), cette nouvelle expérience permettrait de renforcer à volonté la croyance à un ami imaginaire, voire à un ange gardien... ou démon tentateur?
Libellés : Cognition, Psychologie, Sciences