2006-09-08

 

Un cas de conscience?

L'actualité me replonge dans un sujet que je croyais avoir bouclé...

Dans le Guardian d'aujourd'hui, un article décrit les tentatives de communiquer d'une équipe de médecins et d'une patiente réduite à un état végétatif par un accident de la circulation. Incapable de tirer de son corps le moindre mouvement volontaire, la patiente reçut des médecins l'ordre d'imaginer deux situations différentes qui entraîneraient une activité décelable par IRM dans deux parties différentes de son cerveau. Elle s'exécuta et les médecins conclurent qu'ils avaient réussi. Ils communiquaient avec un cerveau complètement isolé!

Passons sur le fait que le docteur allemand Niels Birbaumer est bien connu pour avoir réussi quelque chose de fort semblable, mais avec un équipement différent, y compris dans un cas d'isolement total. Passons aussi sur le fait que la science moderne se rapproche de plus en plus de la télépathie imaginée par la science-fiction.

Dans l'article du Guardian, le professeur Colin Blakemore salue la démonstration impressionnante d'un reste de fonctionnement cérébral, mais il avertit que ceci n'est pas nécessairement synonyme de la conscience ou de la volition. Nous savons aujourd'hui que le cerveau est capable de réaliser certaines performances cognitives inconsciemment. Blakemore semble suggérer, par conséquent, que le cerveau de cette patiente réagissait peut-être aux instructions de manière machinale. S'agit-il donc d'une forme de pensée en l'absence de conscience?

Ceci rappelle bien entendu le problème de la chambre chinoise soulevé par Searle. En l'absence d'un témoignage plus direct de la patiente, la simple exécution d'instructions est-elle plus concluante que la traduction du chinois par l'ouvrier enfermé dans l'atelier de Searle? Searle croyait démontrer l'impossibilité de l'intelligence artificielle obtenue par de simples manipulations d'objets formellement définis. Mais quand un cerveau humain réalise une performance du même ordre, il a droit au bénéfice du doute...

En tout cas, la nouvelle a fait la une de plusieurs quotidiens. Cette fascination pour le sort des victimes emprisonnées dans leur propre crâne révèle sûrement la peur sourde qu'inspire l'isolement total du syndrome « locked-in ». C'est l'équivalent moderne de la terreur associée à l'idée de l'enterrement prématuré au dix-neuvième siècle. Dans le temps, Edgar Allan Poe avait su jouer intelligemment sur la peur d'être enterré vivant dans sa nouvelle « The Premature Burial ». Plus récemment, le film Spoorloos, ou L'homme qui voulait savoir (1988) a montré que cette frayeur reste efficace.

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