2007-03-20

 

Les avantages de l'élection de l'ADQ

Le mot d'ordre de Mario Dumont : l'autonomie.

Le mot d'ordre de Maurice Duplessis : l'autonomie.

Bref, les deux politiciens représentant des circonscriptions fluviales (Rivière-du-Loup et Trois-Rivières) n'ont pas que leurs initiales en commun. La comparaison n'est pas originale, mais l'ascension de l'ADQ commence à en inquiéter quelques-uns, la CSN sonnant le tocsin. Les valeurs de Zéroville ne risquent-elles pas de se retrouver au pouvoir?

Le programme (.PDF) de l'ADQ ne nous éclaire guère. Abolir le Conseil de la fédération, rouvrir le dialogue constitutionnel, adopter une constitution québécoise, inscrire dans celle-ci l'existence de l'« État autonome du Québec » et défendre les champs de compétences, cela ne se distingue guère de démarches nationalistes passées. Reste le dernier point : « Renforcer l'autonomie financière du Québec en donnant la priorité au rétablissement de l'équilibre fiscal entre les paliers de gouvernement, à la diminution de l'endettement du Québec, à la réduction de la dépendance à l'égard de la péréquation, et à l'instauration d'un seul rapport d'impôt pour les contribuables québécois. » Cela peut mener loin, mais dans quelle direction?

Les promesses plus concrètes (système de santé mixte, écoles spécialisées, plus d'enseignement de l'histoire, mieux enseigner le français et l'anglais, le bulletin chiffré, une commission d'enquête sur les conditions de vie des aînés, l'aide aux victimes d'actes criminels, limiter les libérations conditionnelles, assainir les rivières, miser sur l'agriculture, miser sur l'économie du savoir, alléger la réglementation, pas d'augmentations d'impôts) sont soit banales soit déjà connues. Les mesures natalistes (dont la prime de naissance d'un troisième enfant, le remboursement du traitement de l'infertilité et la gratuité scolaire pour les jeunes parents aux études) sont plus originales.

Et d'autres peuvent susciter la méfiance. Revoir le rôle du ministère de l'Environnement pour qu'il passe de l'interdiction à l'innovation rappelle l'effet de la déréglementation reaganienne sur la protection de l'environnement aux États-Unis : en exigeant une évaluation monétaire des effets de la réglementation et en exigeant un bénéfice net, l'Environmental Protection Agency avait été obligée de quantifier des biens intangibles. Depuis, les directives des présidents Clinton et Bush ont continué à réduire la liberté d'action de l'agence au nom du fardeau de la réglementation, bref, du droit de polluer sans se faire embêter (le Canada ne fait pas mieux). De même, le développement du transport en commun voulu par l'ADQ passe par une « modernisation du modèle de gestion » axée sur la « diminution des coûts ». Ceci ne laisse pas espérer un réinvestissement significatif! L'allègement de la réglementation refait surface dans le but d'augmenter l'emploi et la productivité, en avantageant particulièrement les PME.

Ce qui inquiète les syndicats, c'est l'engagement de l'ADQ à réduire « concrètement la taille et le nombre de structures bureaucratiques et éliminer tout organisme qui ne saurait justifier son existence sur la base d'un réel service à rendre à la population ».

Et ce qui peut inquiéter les citoyens soucieux du futur, c'est le réalisme à courte vue de ce genre d'exigence qui revient aussi dans l'application de toute marge de manœuvre « pour diminuer les impôts, rénover les infrastructures publiques et diminuer la dette publique ». Ainsi, malgré la référence à l'économie du savoir et au soutien accru de la culture, il ne faudrait pas compter sur l'ADQ pour aider les universités autrement qu'en augmentant les frais de scolarité. Quant aux chercheurs et créateurs culturels, ils auront un meilleur budget pour leurs faux frais, un point c'est tout.

Reste enfin la question des perdants et des gagnants si l'ADQ obtient le pouvoir. Que signifie la correction du régime fiscal québécois « en diminuant l'importance des taxes les plus nuisibles », dont les impôts sur le revenu et la taxe sur le capital? On peut discuter de la taxe sur le capital, mais l'impôt sur le revenu n'exige pas des riches autre chose que leur part de la richesse collective, à peu près. Les riches y gagneraient donc. Ceci ne veut pas dire que les pauvres y perdraient nécessairement, mais cela ne veut pas dire non plus qu'ils profiteraient du ruissellement vers le bas d'une prospérité accrue de la société, comme on l'espérait au temps de Reagan. En revanche, si la déréglementation adéquiste et le mépris du futur accouchaient d'un environnement dégradé et d'une vie collective brutalisée comme dans la Grande-Bretagne de Thatcher, ce ne seraient pas les riches qui en souffriraient le plus.

Mais si l'élection de l'ADQ permettait de dissocier une fois pour toutes l'équation nationalisme = progressisme, ou souverainisme = progrès, en montrant que le nationalisme peut aussi servir d'alibi à des politiques conservatrices, la pensée politique au Québec y gagnerait peut-être en liberté...

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