2006-01-17

 

De vraies réformes électorales, sans hâte

De plus en plus, je crains que la représentation proportionnelle soit devenue la nouvelle panacée à tous les problèmes électoraux. Tous les tiers partis l'invoquent et certains la proposent comme remède à la participation en baisse aux grands rendez-vous électoraux.

J'ai déjà dit qu'il y aurait des moyens moins radicaux d'améliorer la représentativité des élus, ne serait-ce qu'en réduisant les écarts de taille entre les circonscriptions, en particulier parce que ces écarts avantagent systématiquement les circonscriptions rurales et les orientations idéologiques qu'elles représentent.

En ce qui concerne la participation, y compris celle des jeunes, il y aurait sans doute d'autres voies pour l'améliorer, que des mesures récentes permettent de pressentir.

Par exemple, on pourrait remettre en question le principe même d'une campagne électorale. Quand on y pense, c'est un processus qui date sinon de l'âge de pierre du moins de l'ère pré-industrielle. Le concept de base, c'est de faire se rencontrer les électeurs et les gens qui sollicitent leur appui pour les représenter. À l'époque pré-industrielle, avant les médias de masse et les moyens de communication modernes, il fallait permettre aux candidats de circuler pour rencontrer en personne leurs électeurs ou du moins pour se montrer en public. Mais est-ce bien nécessaire aujourd'hui?

Au risque de caricaturer, imaginons que la campagne électorale puisse être réduite à quelques jours, le temps pour les partis de nommer leurs candidats dans chaque circonscription. Dès que ce serait fait, les électeurs consulteraient la page internet qui présenterait le candidat, ses qualités et les positions de son parti. Le vote aurait lieu le lendemain. Après tout, dans un pays moderne, la politique bénéficie d'une couverture médiatique au jour le jour. Pourquoi faudrait-il cinq semaines aux électeurs pour se décider? Dans la mesure où ceci concentrerait toute l'attention du pays sur quelques journées cruciales, il pourrait se créer un effet d'entraînement qui favoriserait la participation.

Si ceci semble improbable, imaginons autre chose. Par exemple, s'il est possible de plaider pour une campagne de plusieurs semaines afin de laisser du temps aux partis et candidats pour s'organiser tout en faisant l'éducation des électeurs distraits, ou trop occupés pour s'intéresser à la politique en temps ordinaire, est-il vraiment nécessaire de tenir le vote le dernier jour de la campagne? Logistiquement, c'était sans doute plus facile autrefois, mais le Canada est maintenant un pays riche. Il permet le vote par anticipation et le vote par courrier.

Alors, pourquoi ne pas permettre le vote à tout moment durant la campagne, entre la fin de la période de nomination des candidats et la clôture de la campagne? La dernière journée resterait l'occasion d'un vote massif, mais il deviendrait possible de se présenter dans une poignée de bureaux de scrutin durant toute cette période. Il serait aussi possible de voter par la poste avant l'échéance (les bulletins de vote reçus après la fin de la campagne seraient comptabilisés en temps et lieu; ils ne changeraient sans doute pas les résultats de manière significative dans la plupart des cas).

La vie des uns et des autres est de plus en plus occupée. Permettre le vote à tout moment ferait justice d'au moins un prétexte invoqué par les jeunes et moins jeunes pour ne pas voter, celui du manque de temps le jour du scrutin. Cela ne résoudrait pas tous les problèmes, mais cela pourrait aussi donner plus d'intensité et d'intérêt à la campagne, puisque chaque rebondissement entraînerait la possibilité d'une sanction immédiate dans les urnes. Les électeurs détiendraient un pouvoir supplémentaire... En même temps, ce serait une réforme gradualiste, qui s'inscrirait dans le prolongement des institutions existantes sans bouleverser le mode même de représentation.

Bonne ou mauvaise idée? Qui sait? Mais je note que l'émission Désautels de Radio-Canada organise un débat aujourd'hui (à la radio de la Première Chaîne) sur un sujet que j'avais relevé il y a plus d'un mois, soit la sur-représentation de circonscriptions électorales québécoises (dont cinq montréalaises) parmi les circonscriptions les plus pauvres du Canada. Des circonscriptions urbaines, et donc électoralement défavorisées...

Je ne suis peut-être qu'un peu en avance sur mon temps...

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Comments:
Bonjour Jean-Louis
Que d’idées pour une campagne éclair. Est-ce pour limiter l’ennui que tu souhaites passer le
moins de temps possible à la supporter ? Il faut pourtant du temps pour construire une opinion. Le résultat d’un questionnement populaire trop vite ficelé serait aussi volage qu’un sondage, fluctuant au gré des événements et de l’actualité. Alors que le vote du peuple doit s’inscrire dans la durée, et doit être aussi réfléchi que possible. Et que se passerait-il si nous avions la possibilité de voter « quand on voudrait » ? Adieu le secret du scrutin, les plus motivés commenceraient à voter très tôt, et continueraient à faire campagne pour influencer les indécis, qui se porteraient peu à peu vers les candidats amassant les meilleurs scores (instinct grégaire). Pourquoi pas faire comme à la télé : on vote d’abord pour éliminer les maillons faibles, et pour le sprint final, on fait chanter les deux derniers. Pour mon candidat de droite, composez le 3672, pour celui de gauche composez le 3673, votre communication vous sera facturée 4 unités standard…

En fait, le meilleur apport des nouveaux outils de communication, observé depuis peu dans pas mal de pays, c’est la diminution des campagnes d’affichage, au profit des débats et échanges sur les blogs des hommes politiques. C’est un mouvement de fond, intéressant pour l’avenir, mais qui risque d’augmenter le fossé entre les politiques et ceux qui ne s’intéressent pas à la Toile.
Ceci dit, tu as raison de suggérer des idées sur le sujet, à force il peut en sortir l’Idée qui prendra vraiment forme, et en attendant, elles auront alimenté le débat !
Amicalement
 
Il faut du temps pour se faire une opinion du temps, dis-tu. Mais si on suit la politique (et si on vit au jour le jour dans la *polis*), on a eu tout le temps voulu de se faire une opinion. Durant une campagne, on voit parfois l'actualité gouverner les mouvements d'opinion (une gifle durant la dernière présidentielle française, le meurtre d'une jeune fille à Toronto en ce moment au Canada). La réflexion est-elle au rendez-vous?

Pour le vote en tout temps, je ne préconisais pas la fin du secret. Tous les votes ne seraient dépouillés ou du moins annoncés qu'après la fin de la campagne (c'est ainsi que le vote par anticipation fonctionne déjà au Canada).

Par contre, il est un peu trop tôt pour croire que la blogosphère a une influence sur la population en général. Selon un sondage de novembre 2005 cité dans _Scientific American_, il n'y a que 3% des 94 millions d'internautes étatsuniens qui lisent un blog quotidiennement...
 
Diable ! 3% de 94 millions ça fait déjà presque trois millions de lecteurs assidus sur les blogs, pour un mouvement qui était quasiment inexistant avant la première campagne de Bush. Qu'est-ce que ce sera dans deux générations.
En fait, le frein à toutes ces réflexions, c'est que l'électeur n'est pas unique. Combien de citoyens s'intéressent au jour le jour à la vie de leur pays ? Pour donner envie de voter, ce n'est pas l'emballage qu'il faut changer, mais plutôt l'attitude des hommes politiques.
Désolé pour la question du secret du scrutin, j'avais mal interpreté ton billet.
:)
 
Remarque, sur ces trois millions de lecteurs assidus, il y en a combien qui lisent des blogs politiques? L'envie de voter, je crois qu'elle est aussi suscitée par des politiciens et des politiques qui proposent des mesures véritablement capables de changer les choses. Or, ce n'est plus si fréquent...
 
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