2011-11-29

 

Les concours d'écriture de l'hiver 2012

La saison des concours d'écriture est bien engagée. Pour les amateurs du récit de vie, il y a le Prix du récit de Radio-Canada, qui ouvre le 1er décembre. Textes recherchés : des récits de 1200 à 1500 mots sur un épisode de votre vécu. À gagner : un grand prix de 6 000 $ et quatre prix de 1 000 $. Date de tombée : le 1er février.

Pour les amateurs d'exotisme, il y a un concours lancé l'an dernier par l'Université de Naples « L'Orientale » (destinée à la formation des traducteurs). Pas de thème imposé : il s'agit d'écrire une nouvelle de moins de dix pages dans l'espoir de remporter un prix de 500 euros (ou son équivalent en lires, le cas échéant). Il existe une catégorie pour les écrivains français et une catégorie pour les écrivains francophones. Elle ne semble comporter aucuns frais d'inscription, même s'il faut accepter de poster cinq exemplaires de la nouvelle, ainsi qu'une version informatique sur cédérom. La date de tombée est le 20 janvier prochain.

Et pour les amateurs de science-fiction et de fantastique, il y a bien entendu le Prix Solaris 2012. Il s'agit bien entendu de livrer une nouvelle de sf ou de fantastique d'au plus 7 500 mots (sous la forme d'un manuscrit anonyme, trouvé ou non dans un secrétaire). Date de tombée : 16 mars 2012.

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2011-11-23

 

Le NPD et la Déclaration de Sherbrooke

Au Canada anglais (et même au sein du NPD), la Déclaration de Sherbrooke adoptée par le NPD en 2006 demeure controversée et passe pour pencher un peu trop en faveur des indépendantistes québécois. On lui reproche surtout de contredire la Loi sur la clarté (ou Clarity Act), entre autres sur la question de ce qui constituerait une majorité claire que le Parlement du Canada serait obligé de reconnaître. En fait, le débat engagé après le référendum, autant à la Cour suprême qu'à l'Assemblée nationale ou au Parlement, a surtout démontré que la reconnaissance d'une déclaration d'indépendance ou même d'une volonté exprimée de faire l'indépendance est avant tout politique. La question de la majorité est secondaire.

La Déclaration de Sherbrooke contraint-elle le NPD à reconnaître une déclaration d'indépendance unilatérale après l'obtention d'une majorité de 50%+1 des votes exprimés à l'issue d'un référendum ? Eh bien, relisons les passages cruciaux :
Ainsi, le NPD s’engage à respecter, dans ses interventions, la Loi québécoise sur la Consultation populaire. De plus, le NPD reconnaîtrait une décision majoritaire (50% + 1) des Québécoises et Québécois, advenant la tenue d’un référendum visant à modifier le statut politique du Québec. Le NPD reconnaît également que ce droit à l’autodétermination implique la capacité de l’Assemblée nationale de rédiger, et des citoyens du Québec de répondre librement, à une question référendaire. Il appartiendrait au gouvernement fédéral de déterminer son propre processus, dans l’esprit de l’Avis de la Cour suprême et du droit international, en réponse aux résultats du processus de consultation populaire interne au Québec.
En 1999, le NPD avait déjà adopté la résolution suivante :
Les participant-e-s au Forum ont réaffirmé de façon écrasante la politique du Nouveau Parti démocratique à l'effet que les gens du Québec aient le droit de décider, démocratiquement, de leur propre avenir. Même si le NPD s'est opposé à ce que la question soit référée à la Cour suprême, le groupe de discussion fait remarquer que la décision de la Cour consolide l'opinion de longue date du NPD voulant que l'avenir du Québec au sein du Canada est une question politique et non une question juridique (FSDC, p.26).
Le passage en cause ci-dessus parle d'une « décision majoritaire (50% + 1) des Québécoises et Québécois, advenant la tenue d’un référendum visant à modifier le statut politique du Québec », mais ne dit pas nommément que cette décision se confondrait avec le résultat du référendum. Il serait parfaitement possible d'interpréter ce passage comme exigeant un résultat favorable à l'indépendance qui aurait recueilli 50% + 1 du nombre total des électeurs.

En 1995, le Non l'avait emporté avec 50,58% des voix et 94% de participation pour 5 087 009 électeurs et électrices. Si on avait exigé un seuil correspondant à 50%+1 des électeurs et électrices, il aurait fallu une majorité de 53,46% des votes exprimés. Ceci se rapproche déjà du chiffre de 55% admis par des fédéralistes comme Jean Chrétien comme entraînant obligatoirement des conséquences.

Il serait également possible, quoique excessif, d'interpréter le même passage de la Déclaration de Sherbrooke comme exigeant un vote indépendantiste de 50%+1 de la population québécoise. Le 1er juillet 1995, la population québécoise était de 7 219 219 personnes, ce qui voudrait dire que si on avait voulu que la moitié de ce nombre vote pour le Oui, on aurait exigé un seuil de 75,87% des votants. Ce qui dépasse de loin tout ce que les fédéralistes les plus acharnées ont pu exiger.

Bref, la Déclaration de Sherbrooke n'est pas assez claire pour contraindre une ligne de conduite. En fin de compte, l'interprétation et l'application de la Déclaration de Sherbrooke seront, comme dans le cas général d'un éventuel référendum, de nature essentiellement politique.

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2011-11-18

 

Jules Verne en anglais, de novo

Aux États-Unis, la réputation de Jules Verne est toujours à refaire. Même s'il fait plus partie de la culture des États-Unis que 99% des autres auteurs français, c'est son imagination qu'on salue, et non sa prose. La faute à des traductions bâclées et des versions carrément piratées de ses livres, qui l'ont fait passer pour un tâcheron de la plume. Alors que s'il n'était pas Hugo, il n'en était pas moins un authentique écrivain, au style tout en substantifs...

Depuis cette année, la North American Jules Verne Society profite d'un legs pour faire publier de nouvelles traductions des ouvrages de Jules Verne, y compris certains des moins connus. Il s'agit de la collection Palik (du nom du donateur). Je crois que même les francophones feront des découvertes, car L'Oncle Robinson ou Le Comte de Chanteleine ne sont pas des romans excessivement connus, alors même que L'Oncle Robinson a donné naissance à L'Île mystérieuse au terme d'un recyclage radical des thèmes et des idées tandis que Le Comte de Chanteleine peut nous rappeler que Verne n'a pas exclusivement écrit les Voyages extraordinaires. Les couvertures de trois des quatre premiers livres reprennent l'allure générale des couvertures de l'éditeur Hetzel. Pour l'instant, je n'ai pas eu l'occasion de lire ces ouvrages, mais tous les complétistes, en particulier les anglophones soucieux de l'histoire de la science-fiction et de la littérature populaire au XIXe siècle, trouveront sans doute avantage à les avoir sur leurs étagères, si ce n'est que pour mieux replacer les romans plus connus de Verne dans leur contexte.

Enfin, on notera dans les titres à venir une traduction par Philippe Burgaud de l'adaptation pour le théâtre du Tour du monde en 80 jours, soit Around the World in 80 Days—The 1874 Play par Jules Verne et Adolphe D’Ennery. L'ouvrage inclura une introduction de Philippe Burgaud ainsi qu'en guise d'appendice, ma propre traduction d'un texte savant de Verne qui expliquait le dénouement du roman, « The Meridians and the Calendar ».

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2011-11-17

 

Et si Spengler avait eu raison ?

Qu'est-ce qu'un sou ? Dans la langue française courante, c'est un des derniers vestiges de l'impérialisme monétaire romain. Au fil des siècles, l'inflation a grugé la valeur des unités monétaires romains désignées en français par les termes livre (libra), sou (solidus) et denier (denarius), sans parler des dénominations moins durables (as et sesterce, par exemple). De sorte que le sou qui, au Canada, désigne aujourd'hui la pièce d'un cent valait au temps de Constantin 4,5 g d'or, ce qui, au cours actuel de l'or, correspondrait à une valeur de 256,91 $. C'était il y a presque exactement 1700 ans, ce qui donnerait un taux d'inflation annualisé de 0,6% depuis Constantin...

La durabilité de la monnaie unique romaine, malgré toutes les vicissitudes, peut nous faire considérer sous un autre jour la tentative allemande de réussir l'unification (partielle) de l'Europe non par la force, comme sous Wilhelm II (ce qui avait été salué par Spengler dans Le Déclin de l'Occident) ou Hitler, mais par la monnaie. L'Allemagne semble vouloir marcher dans le sens d'une Europe fédérale. Si on considère que le pouvoir politique de l'Empire romain a disparu depuis fort longtemps (en 1917-1918, du point de vue des successeurs revendiqués, ou en 1453, du point de vue des successeurs directs) alors que son pouvoir monétaire a perduré, ce n'est sans doute pas une mauvaise stratégie...

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2011-11-08

 

Vivre pour manger

Vivre pour manger ou manger pour vivre... Dans la mesure où le coût énergétique du cerveau hypertrophié des humains est très élevé, il faut bien se rendre compte que c'est une fausse alternative. Pour acquérir ce cerveau si gonflé que les femmes accouchent dans la douleur, les humains ont dû sacrifier une partie de leur système digestif, dont une bonne longueur des intestins présents chez les autres primates. Mais ceux-ci se nourrissent principalement de feuilles et d'écorces qui exigent une longue macération. Les humains, eux, privilégient les racines, les fruits, les graines et les noix qui se digèrent mieux et contribuent plus de calories. Et ils pratiquent la cuisson de la viande et des autres aliments de manière à faciliter l'absorption des nutriments.

De plus, comme l'évoquait un article dans le numéro de juillet-août dernier de Discover, les humains auraient concentré les protéines qui transportent le glucose dans leur cerveau et non dans leurs muscles, alors que les chimpanzés accusent une répartition contraire. C'est ce qui facilite aussi l'approvisionnement du cerveau humain en énergie. Inversement, si un chimpanzé est tellement plus fort qu'un être humain, ce serait non seulement pour des raisons mécaniques mais parce que son cerveau est tellement plus petit, en fait...

Ce qui signifie qu'il n'y a rien d'étonnant, en définitive, à ce que les humains passent beaucoup de temps à choisir leur nourriture et à la préparer. Un gorille peut se permettre d'enfourner des feuilles et de digérer, mais ce que l'humain gagne en capacité cérébrale, il doit dépenser en partie pour nourrir convenablement son cerveau en lui fournissant une ration appropriée d'aliments suffisamment riches pour lui servir de carburant. Par conséquent, nous mangeons pour vivre et nous vivons aussi pour manger. Chasse, cueillette, agriculture, élevage industriel... D'un millénaire à l'autre, l'appétit du cerveau ne change pas et nous consacrons beaucoup d'efforts à le satisfaire. Et si certaines sociétés (en France ou en Chine) ont poussé très loin la gastronomie, c'est qu'elles répondent en fait à un besoin aussi ancien que primitif.

Toutefois, de nos jours, ce n'est plus si difficile de nourrir ce cerveau affamé. La généralisation de l'embonpoint et de l'obésité en témoigne. Sur une longue période, l'évolution pourrait-elle réagir en allouant moins de glucose en cerveau et plus à la musculature? Ou en laissant le cerveau grandir encore plus?

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2011-11-04

 

Effacer la mémoire d'un pays pour mieux le refaire

Il y a plus de soixante ans, Eric Blair avait mis le doigt sur l'entreprise de réécriture de l'histoire (notamment dans les pays communistes de l'époque) qui passait par un effacement de la mémoire collective.

Au Canada, les Destructeurs de Harper (qui ne méritent vraiment pas le nom de Conservateurs dans ce cas particulier) sont en train de démontrer, une fois de plus, que la science-fiction n'est jamais vraiment étrangère à la réalité, même quand elle semble exagérer à outrance... L'entreprise orwellienne de démantèlement de la mémoire nationale avait commencé par affamer les musées canadiens (déjà plutôt faméliques suite aux coupes des gouvernements précédents) et par faire de la version longue du recensement une coûteuse plaisanterie. En 2010, j'avais pu constater que la Bibliothèque scientifique nationale du Conseil national de recherche avait sabré dans ses services au public sur place à Ottawa, malgré ce que prétend le site de l'Institut canadien de l'information scientifique et technique.

Désormais, ce sont les Bibliothèque et Archives du Canada qui touchent le fond. Là encore, quand j'y suis retourné il y a quelques mois, j'ai pu constater que l'accueil et la capacité de livraison des documents demandés étaient tombés bien bas.

Mais, pire encore, l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université doit maintenant se mobiliser pour sauver Bibliothèque et Archives Canada contre l'administration actuelle de l'institution.

Aussi récemment qu'en 2005, la direction de la Bibliothèque nationale du Canada annonçait que son objectif était clair : « créer une institution vraiment nationale qui permette aux Canadiens d’avoir accès à l’ensemble de leur patrimoine documentaire ».

Maintenant, tout a changé, selon la lettre (.PDF) de l'ACPPU au responsable de Bibliothèque et Archives Canada :
En 2009 et 2010, les libraires qui avaient fait valoir « l’importance de recueillir l’ensemble du contenu canadien, et non pas seulement des œuvres choisies » pour dresser « un tableau complet du Canada», s’étaient fait dire que « tel a peut-être été l’objectif assigné à une époque, mais qu’il est maintenant impossible de recueillir tous les ouvrages canadiens compte tenu du rythme auquel ils sont produits ».
Que ce soit exact ou non, l'exhaustivité n'a sans doute jamais été une possibilité réelle, mais cela n'empêcherait personne de la fixer comme objectif à une bibliothèque qui se veut nationale. Que la Bibliothèque nationale du pays baisse les bras est un très mauvais signe — à moins qu'on tienne à cultiver l'ignorance et l'oubli, bien entendu.

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2011-11-03

 

Le financement de l'anti-démocratie

L'élimination annoncée par Harper du financement public aux partis politiques sous la forme d'une allocation calculée en fonction du vote populaire lors de l'élection la plus récente s'inscrit dans un cadre plus large sur lequel il convient de s'attarder. Malgré ce qu'on peut entendre de la part des porte-parole habituels des Conservateurs, il ne s'agira en aucune sorte de la fin du financement des partis politiques fédéraux par l'argent des contribuables. Si ce financement représentait 27,4 millions de dollars en 2010, il s'ajoutait en fait à une vingtaine de millions de dollars contribuée sous la forme d'un rabais fiscal consenti par Revenu Canada aux contribuables qui ont fait don d'une somme quelconque à un parti politique. Il s'ajoutait aussi au remboursement par les contribuables d'une partie des dépenses électorales engagées par les partis, un montant qui a totalisé 25 millions de dollars après l'élection générale de 2008.Dans cette catégorie des remboursements après 2008 (illustrée par la figure ci-dessus), le Parti conservateur du Canada rafle presque la moitié de la mise (44%). Dans la catégorie des dons par les particuliers, il a recueilli en 2009 environ 17,7 millions de dollars tandis que le Parti libéral du Canada a recueilli presque 9,1 millions de dollars, le NPD environ 4,0 millions de dollars, le Bloc québécois environ 620 000 $ et le Parti vert environ 1,1 million de dollars. Très approximativement, les Conservateurs auraient raflé dans cette catégorie plus que la moitié des fonds (54%). Si on tient compte de la réduction fiscale associée à ces dons, ils auront reçu en fait quelque chose comme onze ou douze millions de dollars du public, en sus de l'allocation par vote exprimé, sur ce total de 17,7 millions.

Résumons. Jusqu'à maintenant, les contribuables finançaient de trois manières différentes les partis politiques au Canada. L'allocation en fonction du vote exprimé était une fonction objective du vote populaire exprimé dans les urnes. La contribution fiscale était une fonction des dons versés à tel ou tel parti. Et les remboursements électoraux étaient une fonction des dépenses engagées par les partis.

Donc, plus un parti reçoit d'argent sous forme de dons, plus il reçoit d'argent des contribuables. Par conséquent, ceteris paribus, il peut engager plus de dépenses électorales que les autres et il s'en fera rembourser une plus grande partie (en chiffres absolus) que les autres. Ainsi, deux des trois contributions publiques au financement sont déterminées par les dons des particuliers. La troisième, qui n'était déterminée que par les suffrages des électeurs, est précisément celle que les Conservateurs comptent abolir.

Or, qui peut donner de l'argent aux partis politiques ? Toutes choses étant égales par ailleurs, ceux qui peuvent se le permettre, ce sont les plus riches. Ainsi, la réforme électorale des Conservateurs donnera plus d'influence aux riches au détriment des moins riches — dont les impôts serviront néanmoins à financer les cadeaux fiscaux aux donateurs des Conservateurs et le remboursement des dépenses électorales des Conservateurs.

Le gouvernement par les riches et pour les riches, ce n'est plus la démocratie, mais la ploutocratie. On saura donc où on s'en va, dans le Canada de Harper.

Si un parti plus démocratique accède au pouvoir un jour au Canada, il rétablira, je l'espère, l'allocation publique en fonction du vote. Et il envisagera peut-être de faire de la déduction fiscale pour dons politiques une fonction du revenu de manière à ce que les plus riches assument une plus grande partie du coût réel de leurs dons.

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