2010-02-01

 

L'appréhension de l'avenir

Appréhendons-nous l'avenir? Que le même mot désigne la compréhension d'une situation et le fait de la craindre ou de la redouter en dit long sur la méfiance qu'inspire le savoir. Quand il est question de l'avenir, tout particulièrement, faut-il s'étonner qu'on le préfère inconnu, car encore malléable?

Cela fait un certain temps que le futur n'est plus ce qu'il était. On peut certes s'extasier sur cette superbe animation qui montre l'assemblage de la Station spatiale internationale, mais sa construction qui a débuté en 1998 (et se terminera en 2011, en principe) aura été plus longue que sa vie utile (qui doit s'achever en 2020). Et contrairement aux rêves de Tsiolkovsky et von Braun, cette station n'aura pas été un marche-pied vers les étoiles, ou tout bonnement vers une autre planète. Rien qu'une banlieue artificielle de la Terre...

Les prévisions d'hier sont-elles toutes infondées? Les plus optimistes, peut-être, mais les plus pessimistes ont parfois été confondantes de justesse. En 1901, le scientifique suédois Nils Ekholm (moins connu que son contemporain Svante Arrhenius qui a travaillé sur le même sujet) a déjà saisi le mécanisme fondamental à l'origine de l'effet de serre et il l'explique sans recourir aux vulgarisations simplificatrices qu'on entend encore parfois aujourd'hui :

« radiation from the earth into space does not go directly from the ground, but on the average from a layer of the atmosphere having a considerable height above sea-level. . . The greater is the absorbing power of the air for heat rays emitted from the ground, the higher will that layer be. But the higher the layer, the lower is its temperature relatively to the ground; and as the radiation from the layer into space is the less the lower its temperature is, it follows that the ground will be hotter the higher the radiating layer is. »

Mais si Ekholm en tirait la conclusion évidente, il voyait plutôt le réchauffement d'un bon œil :

« . . . the present burning of pit-coal is so great that in one year it gives back to the atmosphere about one one-thousandth of its present store of carbonic acid. If this continues for some thousand years it will undoubtedly cause a very obvious rise of the mean temperature of the earth. Also Man will no doubt be able to increase the supply of carbonic acid also by digging of deep fountains pouring out carbonic acid. Further, it might perhaps be possible for Man to diminish or regulate the consumption of carbonic acid by protecting the weathering layers of silicates from the influence of the air and by ruling the growth of plants according to his wants and purposes. Thus it seems possible that Man will be able efficaciously to regulate the future climate of the earth and consequently prevent the arrival of a new Ice Age. By such means also the deterioration of the climate of the northern and Arctic regions, depending on the decrease of the obliquity of the ecliptic, may be counteracted. It is too early to judge of how far Man might be capable of thus regulating the future climate. But already the view of such a possibility seems to me so grand that I cannot help thinking that it will afford to Mankind hitherto unforeseen means of evolution »

Après tout, quand on vit à deux doigts du cercle polaire...

Même si le réchauffement devait améliorer l'environnement de quelques pays nordiques, on a d'autres raisons de prédire des avenirs fort peu radieux à l'Europe de 2101. Dans cet article de Fred Pearce paru dans le Guardian (un extrait du livre Peoplequake, sur l'implosion démographique à venir), l'auteur envisage le dépeuplement de l'Europe. De fait, si les tendances se maintiennent, l'apocalypse démographique n'aura pas lieu et la population mondiale commencera à baisser d'ici la moitié du siècle. En Europe, ce sera la dégringolade, le piqué, la chute libre...

Mais si la population du monde est plus petite en 2101 (cinq milliards, par exemple) qu'en 2001, cela signifie mécaniquement que la pression exercée par l'humanité devrait se relâcher, et que les cibles de réduction des gaz à effet de serre seront plus faciles à atteindre. Après tout, si on veut réduire d'ici 2050 la consommation par rapport à 1990, ce n'est qu'un objectif ponctuel. Il s'agit en fait de stabiliser le volume des émissions de gaz carbonique. À plus long terme, revenir durant la seconde moitié du siècle aux chiffres de 1987-1989 pour ce qui est de la population mondiale va forcément aider !

J'ai déjà suggéré deux ou trois fois que nous sommes engagés dans une course, entre l'amélioration du sort de l'humanité (qui peut enrayer la bombe démographique, en particulier si les femmes obtiennent leur mot à dire) et la destruction de la biosphère. Si notre prodigieuse débauche énergétique nous achète une prospérité durable, la biosphère aura sa chance de s'en remettre, et l'humanité aura l'occasion d'adopter un mode de vie plus sain...

Le suspense sera insupportable, je le crains... ou plutôt, je l'appréhende.

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