2008-10-07

 

La part des riches, la suite...

L'éditorial du New York Times d'aujourd'hui prouverait, s'il le fallait encore, que certains dogmes néo-libéraux résistent à tout. Einstein disait de l'énergie nucléaire qu'elle avait tout changé sauf notre façon de penser. La crise financière actuelle, pareillement, a beaucoup changé, mais pas le sacro-saint dogme des réductions d'impôts.

L'éditorialiste du Times semonce Barack Obama qui a eu l'impudence de laisser entendre qu'en temps de crise, il ne renoncerait pas à taxer les revenus des plus riches : « Mr. Obama has said that he would raise taxes on the wealthy, starting next year, to help restore fairness to the tax code and to pay for his spending plans. With the economy tanking, however, it’s hard to imagine how he could prudently do that. He should acknowledge the likelihood of having to postpone a tax increase and explain how that change will affect his plans. Then, he can promise to raise those taxes as soon as the economy allows. » J'avais déjà fait remarquer que le culte des réductions d'impôts résiste à toute analyse rationnelle (on exige des réductions quand les temps sont durs pour stimuler l'économie et on en exige quand tout va bien pour stimuler l'économie encore plus...), mais je n'aurais pas cru que le délire avait gagné les hautes sphères du Times.

Aux États-Unis, l'imposition des riches est pourtant tombée très loin en-deçà des niveaux acceptés au temps du New Deal de Roosevelt. Le diagramme ci-dessous, extrait de cet article de Levy et Temin en 2007, illustre l'évolution de la part des riches jusqu'au temps présent, c'est-à-dire du taux d'imposition des revenus les plus élevés. Comme on le voit, ce taux d'imposition a dépassé les 90% pendant plusieurs décennies qui, curieusement, sont loin d'avoir été si mauvaises pour le pays réel... Il s'agissait évidemment d'un taux théorique, modulé en pratique par les exemptions, mais, sur la base des déclarations de revenus, les économistes Piketty et Saenz évaluent (.PDF) à 44,4% l'imposition du 99e percentile des familles en 1980 et à 30,4% en 2004, ce qui correspond bien aux niveaux officiels.Bref, sous Nixon puis Reagan, on a réduit l'imposition des plus riches. Une légère remontée sous Clinton a été partiellement annulée par Bush. Or, depuis la fin des années soixante, les gains de productivité ont été monopolisés par les plus riches ainsi que par les plus riches et plus éduqués. La croissance de l'économie a surtout profité (.PDF) aux riches, y compris aux maîtres du monde de Wall Street. Par conséquent, on voit mal pourquoi, en temps de crise, on se priverait d'augmenter l'imposition de ceux qui ont le plus profité des belles années.

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Comments:
Peut-être porquoi beaucoups des politciens sont riches, et ne pas de beaucoups voulent s'taxer?

Mais c'est seulement un petit idée . . .
 
C'est bien possible, mais peut-être pas directement.

Officiellement, les politiciens fédéraux gagnent en moyenne moins de 200 000 $ aux États-Unis. Par contre, en 1998, les revenus bruts (avant les taxes et les gains en capitaux) du 99e percentile aux États-Unis étaient de 267 000 $, selon cet article (.PDF) de Piketty et Saez. On peut supposer que l'écart est plus prononcé maintenant (les riches ayant continué à s'enrichir), mais que les revenus des politiciens et du 99e percentile restent relativement proches. (Tiens, selon ceci, le 99e percentile gagne maintenant 348 000 $ aux États-Unis, mais je ne sais pas si c'est le seuil ou la moyenne, et si on inclut ou non les gains en capitaux.)

Par contre, pour plusieurs raisons, les politiciens fédéraux fréquentent souvent les plus riches et on peut supposer qu'ils sont plus enclins à sympathiser avec les inquiétudes des gens riches qui sont (presque) dans leur catégorie de revenus. Et, donc, à leur venir en aide en réduisant les impôts.
 
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