2008-03-15

 

Le culte des réductions d'impôt

Existe-t-il une charge fiscale optimale sur les revenus? Aux extrêmes, il est clair que non. La confiscation de 100% des revenus de tous les contribuables permettrait peut-être de construire l'État-providence parfait, mais il faudrait aussi construire un État totalitaire parfait pour arriver à un tel résultat. Et l'absence d'imposition des revenus est certes possible, car plus d'un État a réussi à s'en passer, soit en taxant l'import-export soit en taxant la consommation soit en prélevant une part des revenus engendrés par l'exploitation de richesses naturelles (bois, charbon, pétrole). Néanmoins, on peut légitimement se poser des questions sur la nature démocratique d'un gouvernement qui ne dépend plus des deniers des contribuables.

Le débat sur les risques de l'État rentier est d'ailleurs animé, comme le démontrent les contributions de Herb (.PDF) ou Ross (.PDF) et, dans l'arène journalistique, de Friedman.

Sans remonter à l'Antiquité, quand le gouvernement démocratique d'Athènes avait financé son virage impérial grâce à l'argent des mines du Laurion, on notera que les États pétroliers sont rarement des modèles de démocratie (Alberta, Arabie saoudite, Brunéi, etc.). Inversement, ce sont les monarchies qui ont été obligées de faire appel aux revenus de leurs citoyens, directement ou indirectement, qui ont souvent dû lâcher du lest démocratique. La Magna Carta britannique a été accordée après que le roi Jean ait encouru l'ire de ses barons en essayant de prélever le premier impôt sur le revenu... Bref, le principe de « No taxation without representation » a pour pendant fréquent « No representation without taxation ». Si cette dernière maxime sert parfois à argumenter que les bénéficiaires d'exemptions fiscales n'ont pas le droit à la parole dans les débats publics, il est également possible d'en tirer la conclusion qu'une démocratie représentative ne doit pas chercher à exempter qui que ce soit d'une contribution quelconque aux revenus de l'État. D'ailleurs, les pays où la contribution personnelle est à peu près nulle incluent des pays livrés au féodalisme ou à l'anarchie, comme la Somalie...

Entre les deux extrêmes de l'imposition totale ou de l'imposition nulle, on peut débattre du meilleur taux. Aux États-Unis, la droite héberge les plus ardents partisans des réductions d'impôt comme panacée. Si l'économie va bien, il faut des réductions. Si l'économie va mal, il en faut aussi.

Prenons cet article de Jeffrey Bell paru dans le Weekly Standard, qui loue les réductions d'impôts de George W. Bush en ces termes :

« In the first half of 2001 he fought hard for a much larger tax-cut package than was expected of a president who had recently lost the popular vote, and got much of it—though at the price of an overly long "phasing in" of the rate reductions, the sort of delay that supply-siders believe postpones a good deal of the economic advance the tax cuts are designed to achieve. When the issue was reopened in 2003, following unexpected GOP gains in the 2002 congressional elections, Bush demanded and won immediate effective dates for the income tax reductions and passage of a reform provision that reduced the personal side of the double taxation of dividends by nearly two-thirds, from 39.6 percent under Bill Clinton to 15 percent today. The stock market went into a bull move, and the economy began to accelerate from the sluggish 2001-03 recovery. »

Il s'agissait donc de réductions majeures, auxquelles l'auteur impute la bonne santé des marchés boursiers et la reprise économique (très modérée aux États-Unis, en fait, du point de vue de l'emploi ou de la rémunération des salariés). Pourtant, moins de deux ans plus tard, l'économie s'abîme dans le gouffre des hypothèques véreuses, et il faudrait maintenant que ces réductions deviennent permanentes d'ici quelques années :

« From a supply-side perspective, it is no surprise that the dollar is weak and equity markets both volatile and bearish. The top tax rate on estates, under current law, is scheduled to go from zero to 55 percent on January 1, 2011. The personal tax rate on dividends, now 15 percent, is slated to shoot back up to 39.6 percent, capital gains from 15 percent back to 20 percent, the top rate on personal income from 35 percent today back up to 39.6 percent. »

Bref, l'auteur attribue la reprise relative de 2004 à 2006 à l'effet immédiat des réductions, mais la déprime de 2007-2008 à la perspective d'une augmentation... en 2011, alors que les réductions restent en place. Il faut donc conclure que des réductions permanentes élimineraient à tout jamais les risques de ralentissement économique... C'est un raisonnement digne d'un culte (vaudou disait George Bush père). Ou il est également possible de conclure que si l'impossibilité de croire à la permanence sur cinq ans d'une réduction fiscale la rend incapable de stimuler l'économie, aucune réduction ne remplira jamais ce but aux États-Unis puisque cet horizon se situe au-delà de tout mandat présidentiel unique, ce qui rend automatiquement toute réduction sujette à un changement de cap par un futur gouvernement...

On finit par se dire que Raël devrait recruter parmi les sectateurs des réductions d'impôt.

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