2008-08-12
Montréal brûle-t-il?
Je pourrais me croire revenu à Toronto...
Les lundi et mardi 4 et 5 mai 1992, les émeutes provoquées à Los Angeles par l'acquittement de policiers accusés d'avoir rossé un chauffard noir, Rodney King, avaient eu un prolongement à Toronto. La rue Yonge avait été saccagée et vandalisée, en partie par des jeunes sans emploi issus de minorités visibles, dans une région métropolitaine où des policiers (blancs) avaient tiré sur des jeunes (noirs) huit fois en quatre ans, tuant Wade Lawson en 1988... En avril 1992, les deux policiers impliqués dans la mort de Lawson avaient été acquittés. Deux autres victimes de ces tirs étaient mortes sans qu'un seul policier ait été condamné. Puis, dans la nuit du vendredi au samedi, un policier venait d'abattre un jeune Jamaïcain, Raymond Constantine Lawrence, prétextant avoir été menacé par un couteau.
Ces émeutes de mai 1992 (que j'ai déjà évoquées) devaient sans doute quelque chose au retour des gens dans la rue à la faveur du printemps et à la passivité des policiers, comme le 21 avril dernier à Montréal. Elles avaient en commun avec celles du 21 avril de se dérouler au centre-ville et non dans les quartiers d'origine des émeutiers, mais elles devaient beaucoup plus au contexte.
À Montréal comme en France après l'incident de Clichy-sous-Bois, l'hostilité va croissante depuis longtemps entre policiers et jeunes issus de minorités souffrant souvent de la pauvreté et de l'exclusion. Je n'ai qu'à citer ce que je disais en avril dernier : « c'est une dynamique mauvaise qui est enclenchée entre la police et des éléments de la jeunesse montréalaise. Comme toutes les dynamiques alimentées par des chocs en retour successifs, il est à chaque fois difficile d'assigner tous les torts d'un seul côté. Le délit de faciès est sans doute devenu une réalité dans certaines parties de l'île, mais le harcèlement policier passé ne justifie pas le vandalisme des biens collectifs — et celui-ci garantit une réaction musclée des policiers à la prochaine occasion. Réaction potentiellement mobilisatrice, évidemment... »
Bref, les émeutes de Montréal-Nord dans la nuit de dimanche à lundi étaient prévisibles et prévues. Quant aux remèdes...
Il faudrait sûrement moins de pétage de bretelles quant à l'ouverture du Québec aux autres... J'avais espéré en mars dernier que l'élection provinciale ébranlerait quelques certitudes, en particulier en ce qui concerne le racisme au Québec et la discrimination révélée par l'Enquête sur la diversité ethnique (.PDF) en 2003. Mais l'enterrement rapide du rapport Bouchard-Taylor trahit une société québécoise qui refuse majoritairement de se remettre en question et qui veut continuer à croire qu'être Canadien-français blanc et catholique, c'est être « Québécois » par définition. Tant que la majorité s'entêtera à le croire, elle sera en mesure de blâmer toutes les violences urbaines sur des marginaux qui ne méritent pas qu'on s'intéresse à eux.
Les lundi et mardi 4 et 5 mai 1992, les émeutes provoquées à Los Angeles par l'acquittement de policiers accusés d'avoir rossé un chauffard noir, Rodney King, avaient eu un prolongement à Toronto. La rue Yonge avait été saccagée et vandalisée, en partie par des jeunes sans emploi issus de minorités visibles, dans une région métropolitaine où des policiers (blancs) avaient tiré sur des jeunes (noirs) huit fois en quatre ans, tuant Wade Lawson en 1988... En avril 1992, les deux policiers impliqués dans la mort de Lawson avaient été acquittés. Deux autres victimes de ces tirs étaient mortes sans qu'un seul policier ait été condamné. Puis, dans la nuit du vendredi au samedi, un policier venait d'abattre un jeune Jamaïcain, Raymond Constantine Lawrence, prétextant avoir été menacé par un couteau.
Ces émeutes de mai 1992 (que j'ai déjà évoquées) devaient sans doute quelque chose au retour des gens dans la rue à la faveur du printemps et à la passivité des policiers, comme le 21 avril dernier à Montréal. Elles avaient en commun avec celles du 21 avril de se dérouler au centre-ville et non dans les quartiers d'origine des émeutiers, mais elles devaient beaucoup plus au contexte.
À Montréal comme en France après l'incident de Clichy-sous-Bois, l'hostilité va croissante depuis longtemps entre policiers et jeunes issus de minorités souffrant souvent de la pauvreté et de l'exclusion. Je n'ai qu'à citer ce que je disais en avril dernier : « c'est une dynamique mauvaise qui est enclenchée entre la police et des éléments de la jeunesse montréalaise. Comme toutes les dynamiques alimentées par des chocs en retour successifs, il est à chaque fois difficile d'assigner tous les torts d'un seul côté. Le délit de faciès est sans doute devenu une réalité dans certaines parties de l'île, mais le harcèlement policier passé ne justifie pas le vandalisme des biens collectifs — et celui-ci garantit une réaction musclée des policiers à la prochaine occasion. Réaction potentiellement mobilisatrice, évidemment... »
Bref, les émeutes de Montréal-Nord dans la nuit de dimanche à lundi étaient prévisibles et prévues. Quant aux remèdes...
Il faudrait sûrement moins de pétage de bretelles quant à l'ouverture du Québec aux autres... J'avais espéré en mars dernier que l'élection provinciale ébranlerait quelques certitudes, en particulier en ce qui concerne le racisme au Québec et la discrimination révélée par l'Enquête sur la diversité ethnique (.PDF) en 2003. Mais l'enterrement rapide du rapport Bouchard-Taylor trahit une société québécoise qui refuse majoritairement de se remettre en question et qui veut continuer à croire qu'être Canadien-français blanc et catholique, c'est être « Québécois » par définition. Tant que la majorité s'entêtera à le croire, elle sera en mesure de blâmer toutes les violences urbaines sur des marginaux qui ne méritent pas qu'on s'intéresse à eux.
Libellés : Montréal, Politique, Québec, Société
Comments:
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Je suis désoleé, but to say this in French is far beyond my meager abilities. And I did want to say something.
See, this post reminded me (I can read much better than I can write, esp with a dictionary to hand) of a report about homeless First Peoples folks in Montreal and the weird emphasis on how they come from the outside, from up north where there aren't enough jobs or places to live; that emphasis on how they didn't go back "where they belong" as if they couldn't be residents of Montreal, people for whom Montreal had become home, was striking. I think you see similar emphases in a variety of news stories from the States, too . . .
The parallels between treatment of First Peoples and other folks of color in the US and Canada and even France are striking, because well, our power structures are related, colonist, capitalist, etc. etc.
I so don't buy that similar identity politics in the US is dead; Obama doesn't signal the death of race as a divider, and language comes into it too, with Spanish, and many Americans' denial of the degree to which US culture can't be viewed as some monolithic Anglo-Saxon thing; they feel threatened by the Latin Americaness of our culture (insofar as there can be said to be an all-encompassing American culture in this age of niches) as they suddenly become aware of it. I was shocked when a guy I know said something (loudly and in public, no less) that Americans had to get "back to our northern european roots." I was so shocked the only retort I could fashion was "What about the Italians?" before I just stood up and walked out in utter brain system failure.
I get a sense that perceptions of the US in some other countries also cause folks' generic image of Americans to be of huge white blond guys...for good reason, unfortunately.
Encore, désoleé pour recourir à l'anglais.
See, this post reminded me (I can read much better than I can write, esp with a dictionary to hand) of a report about homeless First Peoples folks in Montreal and the weird emphasis on how they come from the outside, from up north where there aren't enough jobs or places to live; that emphasis on how they didn't go back "where they belong" as if they couldn't be residents of Montreal, people for whom Montreal had become home, was striking. I think you see similar emphases in a variety of news stories from the States, too . . .
The parallels between treatment of First Peoples and other folks of color in the US and Canada and even France are striking, because well, our power structures are related, colonist, capitalist, etc. etc.
I so don't buy that similar identity politics in the US is dead; Obama doesn't signal the death of race as a divider, and language comes into it too, with Spanish, and many Americans' denial of the degree to which US culture can't be viewed as some monolithic Anglo-Saxon thing; they feel threatened by the Latin Americaness of our culture (insofar as there can be said to be an all-encompassing American culture in this age of niches) as they suddenly become aware of it. I was shocked when a guy I know said something (loudly and in public, no less) that Americans had to get "back to our northern european roots." I was so shocked the only retort I could fashion was "What about the Italians?" before I just stood up and walked out in utter brain system failure.
I get a sense that perceptions of the US in some other countries also cause folks' generic image of Americans to be of huge white blond guys...for good reason, unfortunately.
Encore, désoleé pour recourir à l'anglais.
Je vais répondre en français...
En ce qui concerne les autochtones à Montréal, la question n'est pas seulement posée par la majorité. Les autochtones eux-mêmes conservent parfois (souvent?) un attachement à leur communauté d'origine, voire une forme de nostalgie, y compris les femmes, parce qu'ils n'ont pas nécessairement désiré partir. Inversement, il est vrai que de nombreux Québécois entretiennent des préjugés tenaces au sujet de la « vie dorée » des autochtones dans leurs réserves subventionnées et exemptes d'impôts. Ils vont donc trouver que les autochtones n'ont qu'à y retourner. Il faut noter qu'ils ne connaissent souvent que les réserves situées près des grands centres, où la vie n'est pas si dure, et non les réserves les plus éloignées, qui souffrent le plus de l'entassement et de l'isolement.
Quant à Obama, il faudra que je lui consacre un billet un de ces jours... Mais la culture politique des États-Unis semble relativement complexe (ou complexée) sur ce sujet. On a dit que certains électeurs « blancs » des primaires ont voté d'autant plus facilement pour lui qu'il était un « Africain-Américain » d'origine immigrante et non un Noir étatsunien descendant d'esclave. Pour eux, au moins, ce ne serait pas (uniquement) une question de race. Au Canada, ce serait l'équivalent d'un politicien d'origine française (de France) qui jouirait d'un plus grand appui au Canada anglophone qu'un politicien québécois francophone. En fait, même si notre gouverneure-générale avait la citoyenneté française (par son mari) au moment de sa nomination et même si le chef de l'opposition officielle aurait encore la citoyenneté française (par sa mère), le Canada anglophone le leur a plutôt reproché. En partie, c'était sans doute la francophobie habituelle dans certains milieux. Mais il y a une question légitime en ce qui concerne la double allégeance (après tout, Schwarzenegger ne sera jamais président des États-Unis parce qu'il n'est pas né aux États-Unis).
La question de l'identification de Michaëlle Jean (comme noire et comme Haïtienne, mais jamais comme mulâtresse) serait d'ailleurs intéressante, mais une autre fois...
Mais avec Obama, j'ai quand même l'impression que les États-Unis pourraient commencer à se rapprocher d'un pays comme le Brésil sur le plan des rapports entre les citoyens et leurs héritages...
En ce qui concerne les autochtones à Montréal, la question n'est pas seulement posée par la majorité. Les autochtones eux-mêmes conservent parfois (souvent?) un attachement à leur communauté d'origine, voire une forme de nostalgie, y compris les femmes, parce qu'ils n'ont pas nécessairement désiré partir. Inversement, il est vrai que de nombreux Québécois entretiennent des préjugés tenaces au sujet de la « vie dorée » des autochtones dans leurs réserves subventionnées et exemptes d'impôts. Ils vont donc trouver que les autochtones n'ont qu'à y retourner. Il faut noter qu'ils ne connaissent souvent que les réserves situées près des grands centres, où la vie n'est pas si dure, et non les réserves les plus éloignées, qui souffrent le plus de l'entassement et de l'isolement.
Quant à Obama, il faudra que je lui consacre un billet un de ces jours... Mais la culture politique des États-Unis semble relativement complexe (ou complexée) sur ce sujet. On a dit que certains électeurs « blancs » des primaires ont voté d'autant plus facilement pour lui qu'il était un « Africain-Américain » d'origine immigrante et non un Noir étatsunien descendant d'esclave. Pour eux, au moins, ce ne serait pas (uniquement) une question de race. Au Canada, ce serait l'équivalent d'un politicien d'origine française (de France) qui jouirait d'un plus grand appui au Canada anglophone qu'un politicien québécois francophone. En fait, même si notre gouverneure-générale avait la citoyenneté française (par son mari) au moment de sa nomination et même si le chef de l'opposition officielle aurait encore la citoyenneté française (par sa mère), le Canada anglophone le leur a plutôt reproché. En partie, c'était sans doute la francophobie habituelle dans certains milieux. Mais il y a une question légitime en ce qui concerne la double allégeance (après tout, Schwarzenegger ne sera jamais président des États-Unis parce qu'il n'est pas né aux États-Unis).
La question de l'identification de Michaëlle Jean (comme noire et comme Haïtienne, mais jamais comme mulâtresse) serait d'ailleurs intéressante, mais une autre fois...
Mais avec Obama, j'ai quand même l'impression que les États-Unis pourraient commencer à se rapprocher d'un pays comme le Brésil sur le plan des rapports entre les citoyens et leurs héritages...
Merci pour répondre en français, j'aime le leçon et nouveau vocabulaire, et j'ai le aide d'un dictionnaire et le internet.
Ce est petit, je sais, mais j'ai sué écrire. ( :
1) Merci pour perspicacité additionel au dilemme des "autochtones" (et mot nouveau!)
2) J'attends avec intérêt se billet (plus mots nouveau!) au Obama. Bon point au le complexite du race, quoi est familier à moi. Je veux espérer . .. quoi à le temps même je vois les compromises. Je sais, je suis une impatiente "lefty"
3) Je lis le livre "Dispersed Relations: Americans and Canadians in Upper North America", de Reginald C. Stuart (un canadien anglophone, je pense) et il dit choses sembables au la signification du race au Canada y les deux communautés de langue et culture . . .
4) Le Brazil . . . je ne sais. Le culture d'une goutte est antique a ce place . . .
Pour finir, sans doute, je sais je ne peux pas parler trés utile au sujet . . . seule lament injustice et tentative à analyse (j'ai beaucoups livres au sujet, mais toujours sens stupide . . . )
Le choix de Hillary vs Obama est trés Pepsi vs Coke (pour moi), comme beaucoup de les politiques American (IMHO) . . . un petit distraction, je pense.
Mais j'espére. . .
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Ce est petit, je sais, mais j'ai sué écrire. ( :
1) Merci pour perspicacité additionel au dilemme des "autochtones" (et mot nouveau!)
2) J'attends avec intérêt se billet (plus mots nouveau!) au Obama. Bon point au le complexite du race, quoi est familier à moi. Je veux espérer . .. quoi à le temps même je vois les compromises. Je sais, je suis une impatiente "lefty"
3) Je lis le livre "Dispersed Relations: Americans and Canadians in Upper North America", de Reginald C. Stuart (un canadien anglophone, je pense) et il dit choses sembables au la signification du race au Canada y les deux communautés de langue et culture . . .
4) Le Brazil . . . je ne sais. Le culture d'une goutte est antique a ce place . . .
Pour finir, sans doute, je sais je ne peux pas parler trés utile au sujet . . . seule lament injustice et tentative à analyse (j'ai beaucoups livres au sujet, mais toujours sens stupide . . . )
Le choix de Hillary vs Obama est trés Pepsi vs Coke (pour moi), comme beaucoup de les politiques American (IMHO) . . . un petit distraction, je pense.
Mais j'espére. . .
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