2007-02-26
Un pont vers ailleurs
J'évoquais l'autre jour l'évolution des récits à la gloire de l'imagination. Au temps d'Anne of Green Gables, les jeunes filles avaient le droit de rêver et d'imaginer, même quand elles étaient rarement en mesure de quitter la propriété de leur père ou de leur mari, comme les sœurs Brontë ou Emily Dickinson.
Puis vint le temps des rêves à demi réels — le Neverland de Peter Pan (encore une incarnation du Pan antique...) que l'on ne visite plus passé un certain âge. Narnia aussi, au tout début, n'est plus accessible pour ceux qui ont perdu la foi.
Mais quand tout le monde perd la foi, dans un monde désenchanté par la science, il faut que les mondes de l'imaginaire deviennent réels. Ce sont ces mondes de l'autre côté du mur que les personnages de la fiction visitent, en doutant de moins en moins de leur réalité, comme Fionavar chez Guy Gavriel Kay. Certes, il reste des auteurs comme Donaldson qui font de leurs univers magiques (« The Land » dans The Chronicles of Thomas Covenant) des métaphores plus ou moins ouvertes , mais la tendance lourde, depuis Gormenghast de Peake et la Terre du Milieu de Tolkien, favorise la création secondaire pleinement autonome.
Le roman pour jeunes Bridge to Terabithia (1977) de Katherine Paterson dérogeait donc à cette tendance dès sa parution. La contrée de Terabithia qu'on visite en traversant un ruisseau demeure un jeu pour les jeunes personnages. Quand j'ai vu le téléfilm en 1985, j'avais déjà trouvé moins intéressant ce choix narratif, conquis que j'étais par la fantasy contemporaine. Le dénouement tragique de l'histoire des deux amis, dans le téléfilm, m'avait semblé triste, je crois, mais il ne m'avait pas bouleversé.
Le nouveau film tiré du roman est une production de Walt Disney. Comme adulte, j'y ai vu une réalisation pleine de finesse. Le personnage du garçon, Jess, a beau être un peu rêveur, un peu artiste, un peu souffre-douleur, il n'est pas un héros exempt de défauts. On peut comprendre qu'il exaspère son père, et son amitié avec la jeune Leslie lui fait négliger sa petite sœur. C'est d'ailleurs la conclusion du film, où Jess partage le royaume imaginaire de Terabithia avec sa petite sœur, qui m'a surpris et touché, car je ne m'en souvenais pas et elle témoigne du changement opéré chez Jess par le deuil.
La gestion du deuil (par le film, si ce n'est par le livre, que je n'ai pas lu) est d'ailleurs empreinte d'une maturité que je n'avais pas retrouvée chez Dorsey. Dans un premier temps, j'ai été horrifié par la culpabilité dont le récit charge le jeune Jess. Puis, réflexion faite, j'ai trouvé que c'était parfaitement réaliste. Les deuils mettent souvent en lumière les petites compromissions du quotidien qui sont rarement tragiques, mais qui peuvent obséder et tourmenter lorsqu'elles coïncident avec un drame. Et Jess, justement, se fait dire par quelqu'un de plus sage que c'est une rationalité trompeuse que d'attribuer à un manquement passager l'entière responsabilité d'une mort. Mais ce n'est pas non plus une raison pour ne pas chercher à s'améliorer.
Mais si j'ai trouvé que le film était réussi, dans son genre bien particulier, il m'a semble également clair sur le moment qu'il est complètement décalé dans l'univers médiatique des Eragon et autres produits formatés. La salle était pratiquement vide quand je suis allé le voir... Cela dit, le film est au troisième rang du box-office, et ses revenus le classent au vingt-deuxième rang, juste derrière Apocalypto. Le film a donc trouvé son public et c'est ce que je lui souhaite.
Puis vint le temps des rêves à demi réels — le Neverland de Peter Pan (encore une incarnation du Pan antique...) que l'on ne visite plus passé un certain âge. Narnia aussi, au tout début, n'est plus accessible pour ceux qui ont perdu la foi.
Mais quand tout le monde perd la foi, dans un monde désenchanté par la science, il faut que les mondes de l'imaginaire deviennent réels. Ce sont ces mondes de l'autre côté du mur que les personnages de la fiction visitent, en doutant de moins en moins de leur réalité, comme Fionavar chez Guy Gavriel Kay. Certes, il reste des auteurs comme Donaldson qui font de leurs univers magiques (« The Land » dans The Chronicles of Thomas Covenant) des métaphores plus ou moins ouvertes , mais la tendance lourde, depuis Gormenghast de Peake et la Terre du Milieu de Tolkien, favorise la création secondaire pleinement autonome.
Le roman pour jeunes Bridge to Terabithia (1977) de Katherine Paterson dérogeait donc à cette tendance dès sa parution. La contrée de Terabithia qu'on visite en traversant un ruisseau demeure un jeu pour les jeunes personnages. Quand j'ai vu le téléfilm en 1985, j'avais déjà trouvé moins intéressant ce choix narratif, conquis que j'étais par la fantasy contemporaine. Le dénouement tragique de l'histoire des deux amis, dans le téléfilm, m'avait semblé triste, je crois, mais il ne m'avait pas bouleversé.
Le nouveau film tiré du roman est une production de Walt Disney. Comme adulte, j'y ai vu une réalisation pleine de finesse. Le personnage du garçon, Jess, a beau être un peu rêveur, un peu artiste, un peu souffre-douleur, il n'est pas un héros exempt de défauts. On peut comprendre qu'il exaspère son père, et son amitié avec la jeune Leslie lui fait négliger sa petite sœur. C'est d'ailleurs la conclusion du film, où Jess partage le royaume imaginaire de Terabithia avec sa petite sœur, qui m'a surpris et touché, car je ne m'en souvenais pas et elle témoigne du changement opéré chez Jess par le deuil.
La gestion du deuil (par le film, si ce n'est par le livre, que je n'ai pas lu) est d'ailleurs empreinte d'une maturité que je n'avais pas retrouvée chez Dorsey. Dans un premier temps, j'ai été horrifié par la culpabilité dont le récit charge le jeune Jess. Puis, réflexion faite, j'ai trouvé que c'était parfaitement réaliste. Les deuils mettent souvent en lumière les petites compromissions du quotidien qui sont rarement tragiques, mais qui peuvent obséder et tourmenter lorsqu'elles coïncident avec un drame. Et Jess, justement, se fait dire par quelqu'un de plus sage que c'est une rationalité trompeuse que d'attribuer à un manquement passager l'entière responsabilité d'une mort. Mais ce n'est pas non plus une raison pour ne pas chercher à s'améliorer.
Mais si j'ai trouvé que le film était réussi, dans son genre bien particulier, il m'a semble également clair sur le moment qu'il est complètement décalé dans l'univers médiatique des Eragon et autres produits formatés. La salle était pratiquement vide quand je suis allé le voir... Cela dit, le film est au troisième rang du box-office, et ses revenus le classent au vingt-deuxième rang, juste derrière Apocalypto. Le film a donc trouvé son public et c'est ce que je lui souhaite.
Libellés : Fantasy, Films, Théorie
Comments:
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Ce commentaire arrive un peu tard, mais j'ai découvert ce livre quand mon fils a eu à l'étudier l'an dernier pour son anglais.
C'est une littérature jeunesse sans facilité, émouvante. J'ai apprécié.
Mon fils de 10 ans, cependant, a vu le film en classe et il a eu de la peine.
C'est une littérature jeunesse sans facilité, émouvante. J'ai apprécié.
Mon fils de 10 ans, cependant, a vu le film en classe et il a eu de la peine.
Je crois n'avoir jamais lu le livre en tant que tel. Dommage que le film n'accroche pas ton fils, mais je me souviens qu'au même âge, il me fallait de l'action, et vite, pour que je m'intéresse à une histoire. Ce n'était sans doute pas ce genre de film. À moins que le livre bénéficie d'un hameçonnage différent?
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