2007-01-29

 

Les valeurs de Sarko et Ségo

Cela faisait du bien ce soir de revenir à pied du centre-ville. Par une belle nuit d'hiver, les rues sont désertes, le ciel est dégagé, un quartier de lune brille entre les toits pointus du quartier étudiant et le marcheur dénombre en marchant les édifices en construction, les errants nocturnes et les commerces qui ont changé depuis la dernière fois.

Puis on arrive enfin dans son quartier habituel, les jambes engourdies par le froid, la peau du cou brûlée par la bise, des glaçons dans la barbe et de la buée de part et d'autre des lunettes. Et on se sent vivant parce qu'on n'est pas mort. Comme l'écrivait le poète Alden Nowlan dans « Canadian January Night »:

this is a country
where a man can die
simply from being
caught outside.

En quittant le bureau, j'étais allé visionner Arthur et les Minimoys au Quartier Latin. Le dernier film de Luc Besson... qui serait vraiment son dernier, selon certains.

Il s'agit bien entendu d'un film pour enfants, mais j'étais justement curieux de découvrir un film pour enfants qui n'était pas un produit de Disney ou Pixar, et qui n'était pas non plus une création de Hayao Miyazaki.

Ce qui frappe, outre l'animation, c'est le traditionnalisme de l'histoire. Royaume merveilleux à sauver d'un péril (dragon), trésor à récupérer (gardé par le même dragon) et princesse à épouser... Même le cadre temporel nous plonge dans le passé. Arthur, héros de l'histoire, vit sur une petite ferme du Connecticut vers le milieu du siècle dernier. Le retour de son grand-père, grand ingénieur qui a travaillé en Afrique, se fait attendre et la grand-mère est sur le point de perdre sa ferme au profit d'un développeur immobilier.

Cela faisait longtemps que je n'avais pas vu au cinéma un bwana blanc présenté aussi positivement (pour un peu, il faudrait que je remonte à Daktari). Bien entendu, les personnages africains sont des plus sympathiques, mais j'avoue ne pas avoir compris exactement comment le peuple des Minimoys, d'origine africaine (mais de peau claire), a abouti dans le jardin des grands-parents d'Arthur alors qu'il était associé à une tribu africaine.

Bref, nous sommes loin des créations de Miyazaki, par exemple, qui véhiculent des valeurs moins centrées sur le grand méchant, la jolie princesse et le trésor qui peut tout régler. En revanche, le film de Besson tombe à point. La France de Sarko et Ségo, grands partisans du retour aux valeurs républicaines, l'Angleterre de Tony Blair de plus en plus critique du multiculturalisme et même le Québec obnubilé par les accommodements raisonnables témoignent tous d'un désir de fidélité aux idées traditionnelles. On le voit sans doute aussi dans la popularité d'une fantasy classique à souhait, qui se replonge dans les délices à peine modernisés du conte de fées et du roman de cape et d'épée.

Je ne serais pas trop mécontent, à dire vrai, si c'était aussi annonciateur d'un retour de la science-fiction classique, à la fois positiviste et critique, aventureuse et rationnelle, mais j'ai l'impression que les deux s'excluent.

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